La prise en charge de la BPCO en milieu hospitalier

Les exacerbations sévères, l’échec du traitement, la difficulté du diagnostic sont les motifs fréquents d’hospitalisation de la BPCO. La prise en charge de la BPCO en milieu hospitalier est rationnelle, elle dépend de la situation clinique et de son historique.

L. Baough, N. Zidouni, M. Gharnaout, Service de Pneumo-Phtisiologie Matiben CHU Issaad Hassani, Béni-Messous, Alger

 

 Date de soumission : 20 février 2021

Résumé : Les exacerbations sévères, l’échec du traitement, la difficulté du diagnostic sont les motifs fréquents d’hospitalisation de la BPCO. La prise en charge de la BPCO en milieu hospitalier est rationnelle, elle dépend de la situation clinique et de son historique. La présence de critères de gravité guide la priorité des modalités de prise en charge du patient BPCO. Les patients présentant une exacerbation de BPCO avec insuffisance respiratoire aiguë doivent bénéficier précocement de la ventilation non invasive (VNI). Celle-ci permet de diminuer la morbi-mortalité et d’améliorer les symptômes. La sévérité de la maladie ne constitue pas une contre-indication à une réhabilitation respiratoire (RR) mais nécessite d’adapter l’évaluation et le contenu du programme. La discussion multidisciplinaire en milieu hospitalier est nécessaire dans l’évaluation de la pathologie associée à la BPCO.

Mots clés : BPCO très sévère, exacerbations, critères de gravités, insuffisance respiratoire aiguë, prise en charge multidisciplinaire.

Abstract: Severe exacerbations, treatment failure, difficulty in diagnosis are the frequent reasons for hospitalization of COPD. The management of COPD in a hospital is rational, it depends on the clinical situation and its history. The presence of severity criteria guides the priority of the management methods for the COPD patient. Patients with exacerbated COPD with acute respiratory failure should benefit from non-invasive ventilation (NIV) early on. This reduces morbidity and mortality and improves symptoms. The severity of the disease is not a contraindication to respiratory rehabilitation (RR) but requires adapting the evaluation and the content of the program. Multidisciplinary discussion in the hospital setting is necessary in the assessment of the pathology associated with COPD.

Keywords: very severe COPD, exacerbations, criteria of severity, acute respiratory failure, multidisciplinary management.

La stratégie de prise en charge de la BPCO en milieu hospitalier est globale et multidisciplinaire, caractérisée par des investigations et une thérapeutique qui est guidée par le tableau clinique du patient et le degré de sévérité de la BPCO.

 

Quels sont les critères d’hospitalisation de la BPCO ?

Parmi les causes d’hospitalisation sous citées, les exacerbations sévères constituent le motif le plus fréquent.

  • Exacerbations fréquentes ou épisode récent d’évolution défavorable
  • Exacerbation chez un sujet âge avec ou sans comorbidités
  • Incertitude diagnostique, absence de réponse au traitement initial
  • Signes cliniques ou gazométriques de gravité immédiate
  • Nécessité et indication d’une oxygénothérapie au stade IV de la BPCO

 

L’ATS/ERS et la SPLF (1,2) ont élaboré des échelles de gravité de la BPCO afin de guider la prise en charge thérapeutique (tableau 1).

Tableau 1. Échelle de gravité de l’exacerbation de la BPCO

 

 

Les exacerbations motifs d’hospitalisation

Une augmentation du volume, une modification de coloration des expectorations associées à une fièvre chez un sujet âgé atteint de BPCO sévère est le tableau le plus courant de motif d’hospitalisation

Ce tableau peut s’associer à d’autres critères de gravité (Tableau 2). La recherche de ces critères de gravité est une priorité dans l’attitude du pneumologue avant de décider la conduite thérapeutique.

 

Tableau 2. Signes de gravité immédiate d’une exacerbation d’une BPCO (3)

HOS2

Rechercher le facteur déclenchant de l’exacerbation guide l’attitude thérapeutique

Il existe différents facteurs déclenchant des exacerbations aiguës de BPCO (EABPCO), principalement les infections, virales et bactériennes, mais sont également incriminés la pollution, l’arrêt des traitements de fond ou un terrain génétique spécifique. Toutes ces étiologies peuvent aussi se combiner pour déclencher une EABPCO (4). Néanmoins dans 1/3 des cas, la cause des exacerbations reste inexpliquée.

 

Les virus (tels que les rhinovirus et le virus influenzae) sont responsables des EA BPCO dans près de la moitié des cas (5).

Les bactéries pyogènes telles que Hinfluenzae, Streptococcus pneumoniaeMoraxella catarrhalis et P aeruginosa peuvent coloniser les voies aériennes inférieures des patients atteints de BPCO à l’état stable. Retrouver ces bactéries lors d’une EABPCO rend donc plus difficile leur imputabilité dans la genèse de l’exacerbation (6). La purulence, ou la majoration de la purulence de l’expectoration lors d’une EA BPCO semble être le meilleur marqueur d’une origine bactérienne de cette exacerbation.

La présence d’une ou de comorbidités associée(s) à la BPCO guide le pneumologue dans la demande de la poursuite des examens paracliniques.

Les comorbidités associées à la BPCO (Tableau 3), sont fréquentes et souvent multiples et doivent être recherchées systématiquement, particulièrement les maladies cardiovasculaires (7), (insuffisance coronarienne, infarctus du myocarde), sont souvent retrouvées dans la BPCO.

Tableau 3. Les comorbidités à rechercher lors de l’hospitalisation d’un malade BPCO

Cancer du poumon ;

Pathologies cardiovasculaires (la consultation d’un cardiologue est recommandée dans l’année qui suit le diagnostic) ;

Syndrome d’apnée du sommeil ;

Dénutrition, fonte musculaire ;

Ostéoporose ;

Dépression et/ou anxiété ;

Co addictions (alcool, cannabis) ;

Diabète ;

Anémie ;

Reflux gastro-œsophagien.

 

Quels sont les examens paracliniques à réaliser devant une exacerbation sévère (8)?

Selon l’état du patient, des examens complémentaires communs à toute exacerbation seront demandés :

  • Radiographie du thorax
  • NFS avec un équilibre leucocytaire
  • Gazométrie
  • ECG
  • Ionogramme
  • Glycémie, urée et créatinémie

Selon le contexte clinique et biologique ces explorations pourront être complétées par le dosage d’une peptide natriurétique (BNP ou Pro BNP), troponines, DDimères, angioscanner thoracique et/ou un écho-Doppler veineux des membres inférieurs si complication cardiaque.

D’autres examens complémentaires seront pratiqués en dehors de toute exacerbation et selon l’orientation clinique, dans le cadre de la recherche d’une complication, d’un diagnostic difficile, d’une association avec une autre pathologie respiratoire (pneumopathie interstitielle, SAOS, cancer bronchique). Les examens suivant seront réalisés :

  • Une TDM thoracique
  • Une endoscopie bronchique selon les symptômes et le contexte clinique ou radiologique.
  • Une pléthysmographie à la recherche d’une distension, de lésions emphysémateuses, d’un syndrome restrictif et si nécessaire dans le cadre de l’évaluation précédant la mise en place d’une réhabilitation respiratoire (RR)
  • Diffusion de la DLCO
  • Un enregistrement polysomnographique si suspicion d’un syndrome d’apnée du sommeil associé
  • Test de marche de 6 minutes si dyspnée stade 3 ou 4 de l’échelle MMRC,
  • Dosage de l’α 1 antitrypsine si forme d’emphysème évocatrice d’un déficit
  • Épreuve d’exercice maximal cardiorespiratoire notamment avant indication d’une RR

Le traitement médicamenteux en milieu hospitalier

L’utilisation des bronchodilatateurs dans la BPCO sévère hospitalisée

Les bêta mimétiques à brève durée d’action sont recommandés par voie nébulisée (9). En l’ absence de réponse rapide, un anticholinergique est associé. Les méthylxanthines n’ont pas d’indication.

La survenue d’une tachycardie ou d’une hypokaliémie est exceptionnelle avec les aérosols de bêta-2-mimétiques. Les anticholinergiques sont à utiliser avec prudence en cas de glaucome ou d’obstacle prostatique.

Aucune recommandation précise n’existe. Ainsi, on pourrait proposer :

  • Bêta-2-mimétiques : 2 fois 5 mg de salbutamol en nébulisation sous air, à 20 min d’intervalle ;
  • Au décours, une nébulisation associant salbutamol et ipratropium (0,50 mg), en cas d’amélioration insuffisante ;
  • Salbutamol toutes les 30 min si les symptômes persistent.

Après amélioration, les nébulisations de béta-2-mimétiques seront espacés toutes les 4 h.

La place des corticoïdes dans les exacerbations sévères de la BPCO

Les corticoïdes systémiques tels que la prednisolone, la prednisone et la cortisone, sont couramment utilisés dans le traitement des patients. 

Les recommandations actuelles (10) préconisent de traiter ces patients avec des corticoïdes systémiques pendant 7 à 14 jours.

La posologie orale est de 30-40 mg de prednisolone par jour pendant 7-14 jours, à défaut 40 mg de méthylprednisolone seront administrés en IV.


 

Quel antibiotique choisir ?

Le critère de choix de l’antibiothérapie est probabiliste, elle doit être active sur les principaux germes suspectés et doit tenir compte des résistances locales. Le choix des molécules proposées dépend de la gravité de l’exacerbation ou de la BPCO sous-jacente.

Leur emploi est d’autant plus justifié que l’exacerbation est sévère et la suspicion d’infection bactérienne est forte, l’antibiothérapie doit être proposée en cas de franche purulence de l’expectoration. La procalcitonine pourrait s’avérer utile pour aider le clinicien à décider d’une antibiothérapie.

Les antibiotiques utilisés (béta-lactamines, macrolides, pristinamycine, télithromycine, C3G et fluoroquinolones) sont d’efficacité équivalente.

En présence de critères de gravité, l’antibiothérapie de première intention sera amoxicilline-acide clavulanique (3 g/jour) ou une C3G injectable (céfotaxime 3 g/j, ceftriaxone 2 g/j), une fluoroquinolone antipneumococcique. En l’absence de critères de gravité un traitement par amoxicilline, télithromycine, pristinamycine ou macrolide est recommandé (11). Cette antibiothérapie ne s’adresse qu’à la surinfection bronchique et doit être limitée à 5 jours, maximum de 10 jours en cas d’exacerbation sévère. En cas de pneumonie, on se référera aux recommandations spécifiques.

Les médications non pharmacologiques

La nécessité d’une oxygénothérapie impose le recours à l’hospitalisation

C’est la pierre angulaire du traitement hospitalier des EAC. L’objectif est d’obtenir une SaO2 > à 90% et une PaO2> à 8kPa (60mmHg). Le risque de l’oxygénothérapie est représenté par l’apparition ou une aggravation insidieuse d’une hypercapnie.

Pour cela un contrôle du débit d’oxygénothérapie (conscience, FR, SpO2, gaz du sang), doit être réalisé 30 minutes après le début de l’oxygénothérapie pour s’assurer d’une oxygénation optimale et de l’absence d’une hypercapnie ou d’une acidose respiratoire.

L’oxygénothérapie évite les complications liées à une hypoxémie sévère, optimise la délivrance en oxygène des tissus périphériques et diminue la dyspnée.

 

L’indication de la ventilation non invasive (VNI) est préconisée dans la décompensation respiratoire de la BPCO

Chez la BPCO en décompensation respiratoire, la VNI est indiquée en dehors d’un épisode associé à une décompensation hypercapnique.

L’’intérêt de la VNI est bien établi, sur de multiples critères en cas d’exacerbation avec insuffisance respiratoire aiguë. Elle doit être instaurée précocement, avant que ne surviennent une acidose sévère ou une défaillance multiviscérale.

La VNI exige une surveillance clinique et paraclinique, particulièrement au début de sa mise en œuvre : fréquence respiratoire, tension artérielle, fréquence cardiaque, oxymétrie de pouls, gazométrie, ECG.

La gravité initiale du tableau clinique pourra cependant imposer d’emblée l’intubation endo-trachéale immédiate : arrêt cardiaque ou bradycardie extrême, apnée ou bradypnée < 8/min, coma, une mauvaise tolérance par un patient agité non coopérant ainsi que les contre-indications classiques de la VNI (vomissements, hémorragie digestive haute, traumatisme crânio-facial grave, obstruction de voies aériennes supérieures, pneumothorax non drainé, état de choc, arythmie sévère).

La ventilation non invasive (VNI) en pression positive, en cas d’exacerbations aiguës, améliore les gaz du sang et le pH, réduit la mortalité hospitalière, diminue la fréquence du recours à la ventilation mécanique invasive et à l’intubation trachéale, diminue le temps de séjour à l’hôpital et la morbi-mortalité (12).

Le patient à sa sortie nécessite-t-il une oxygénothérapie de longue durée ?

Une évaluation initiale de la BPCO très sévère va permettre d’identifier la nécessité de l’indication de L’oxygénothérapie de longue durée (OLD)

Cette évaluation faite en dehors de l’exacerbation permet de définir si le patient est répondeur :

  • Diminution d’au moins 1 point sur l’échelle visuelle analogique de dyspnée
  • Augmentation du périmètre de marche au TM6 de 10%
  • Augmentation du temps d’endurance

L’indication de l’OLD :

Patients en hypoxémie sévère, avec une PaO2 < 55 mm Hg ou une PaO2 entre 56 et 59 mm Hg, associée à des signes cliniques d’hypoxie tissulaire, signes cliniques de cœur pulmonaire chronique (CPC) et/ou diagnostic avéré d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), (pression artérielle pulmonaire moyenne > 25 mm Hg mesurée lors d’un cathétérisme droit),

  • Désaturations artérielles en O2 nocturnes sans relation avec un syndrome d’apnée du sommeil (SaO2 < 90% plus de 30% du temps d’enregistrement),
  • Polyglobulie (Ht > 55%) ;
  • Bénéfique si la durée est > 15 heures/jour ;

Fig 2. : L’oxygénothérapie de longue durée diminue le taux de mortalité.

 


 

Autres traitements

La kinésithérapie respiratoire incluant la stimulation de la toux et l’expiration forcée a un intérêt pour désencombrer l’arbre bronchique. Cependant, sa fréquence et sa durée ne sont pas standardisées. La percussion thoracique et le drainage postural parfois controversés semblent être bénéfiques chez les patients produisant plus de 25 ml/j d’expectorations ou ceux présentant des atélectasies.

Correction des troubles électrolytiques et de la dénutrition. La prévention des maladies thromboemboliques est justifiée notamment chez les patients immobilisés, déshydratés.

 

La prise en charge de la maladie doit être globale et multidisciplinaire

Quel que soit le stade de la BPCO l’avis de spécialistes en coordination avec le pneumologue est sollicité dans les situations suivantes :

  • Dans l’évaluation approfondie des comorbidités le spécialiste peut être sollicité (cardiologue, endocrinologue, psychiatre, ou autre spécialiste).
  • Dans l’évaluation des expositions professionnelle (pneumologue en lien avec le médecin du travail)
  • Dans l’indication de la RR et/ou maintien d’une activité physique adaptée (pneumologue, cardiologue, kinésithérapeute, psychologue, diététicien).
  • Dans la persistance, rechute du tabagisme (le pneumologue, psychologue, diététicien.)
  • Dans la prise en charge d’une BPCO très sévère (stade IV) associée à une insuffisance respiratoire sous OLD et ou VNI, une coordination est nécessaire entre le médecin généraliste le pneumologue et le prestataire.

Au terme de l’hospitalisation du patient, pourra-t-il bénéficier d’une réhabilitation ?

La réhabilitation respiratoire (RR) est un programme de prise en charge multidisciplinaire de la BPCO qui contient un réentraînement à l’effort dont l’efficacité a été démontrée dans l’amélioration de la qualité de vie, de la dyspnée, de la tolérance à l’effort, et plus récemment de la survie.

Parmi les outils essentiels à utiliser en plus de l’avis des autres spécialistes pour décider de l’indication d’une RR : L’index BODE (Tableau 4), système gradué multidimensionnel évaluant les expressions respiratoires et systémiques, respecterait davantage la physiopathologie et la clinique de la BPCO. Ce score est utilisé aussi pour évaluer l’efficacité d’une réhabilitation respiratoire.

Tableau 4. Score de BODE

 

0

1

2

3

 

IMC(kg/m2)

<21

>21

   

0

VEMS (% de la valeur théorique)

>65

50-64

36-49

<35

D

MMRC (0-4)

0-1

2

3

4

E

Distance parcourue lors du test de marche de 6-minutes (m)

>350

250-349

150-249

<149

 

La sévérité de la maladie ne constitue pas une contre-indication à une RR mais nécessite d’adapter l’évaluation et le contenu du programme

Un bilan fonctionnel respiratoire et cardiologique sera fait en dehors de toute exacerbation chez le patient à la recherche de contre-indication à l’entrainement à l’exercice.

 


 

Quelles sont les contre-indications de la RR ?

Il est recommandé de rechercher systématiquement les contre-indications de l’entraînement à l’exercice avant de débuter une RR :

  • Contre-indications cardiovasculaires à l’exercice.
  • Instabilité de l’état respiratoire (acidose respiratoire non compensée)
  • Affection interférant avec le processus de RR (maladie neuromusculaire évolutive, maladie psychiatrique)

 Il est recommandé de rechercher des contre-indications relatives :

  • Affection intercurrente évolutive (pathologies locomotrices par exemple)
  • Manque persistant de motivation et d’observance du patient.
  • Avant le programme de RR chez un patient atteint de BPCO, il est recommandé d’évaluer les déficiences, l’incapacité fonctionnelle et le désavantage psychosocial du patient.

Conclusion

La BPCO peut évoluer dans les cas extrêmes vers une détresse respiratoire aiguë et une mort par asphyxie. Mais la BPCO expose également à plus de risque d’infection bronchique, à des exacerbations dont certaines nécessiteront une hospitalisation.

Ces exacerbations sont fréquentes et responsables d’une charge considérable pour la collectivité.

Aucune thérapeutique ne peut ralentir le déclin du VEMS en dehors de l’arrêt du tabagisme.

  • Les bronchodilatateurs améliorent l’incapacité,
  • Les corticoïdes inhalés n’enrayent pas la chute du VEMS,
  • Les corticoïdes systémiques doivent être évités au long cours.
  • La réhabilitation respiratoire permet de réduire les symptômes et d’améliorer la qualité de vie en augmentant la tolérance à l’effort.
  • Les exacerbations de la maladie sont fréquentes et responsables d’une charge considérable pour la collectivité.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.


 

Références

 

  • Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD). Global strategy for the diagnosis, management, and prevention of chronic obstructive pulmonary disease. GOLD, 2020.
  • B Delclaux Exacerbations de BPCO : signes de gravité et facteurs pronostiques, RMR, Vol 34, N° 4 : 353–358, 2017
  • Guideline-chronic obstructive pulmonary disease. 2006. Pothirat C et al. Int J Chron Obstruct Pulm Dis 2015 ; 10 : 1291–1298
  • Wedzicha J.A., Seemungal T.A. COPD exacerbations: defining their cause and prevention. Lancet. 2007;370:786–796.
  • Greenberg SB, Allen M, Wilson Respiratory viral infections in adults with and without chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 2000.
  • Molyneaux P.L., Mallia P., Cox M.J. Outgrowth of the bacterial airway microbiome after rhinovirus exacerbation of chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med. 2013;188:1224–1231.
  • McAllister D.A., Maclay J.D., Mills N.L. Diagnosis of myocardial infarction Following hospitalization for exacerbation of COPD Eur Respir J 2012 ; 39 : 1097-1103
  • Jébrak. Quelles sont les investigations nécessaires lors d’une exacerbation de BPCO chez un patient hospitalisé ? RMR vol : 34, N°4 : 375-381,l 2017
  • McCrory DC, Brown CD. Anti-cholinergic bronchodilators versus beta2-sympathomimetic agents for acute exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2002 ; 4 : CD003900
  • Niewoehner DE, Erbland ML, Deupree RH, Collins D, Gross NJ, Light RW, Effect of systemic glucocorticoids on exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease. N Engl J Med1999;340:1941—7
  • Stolz D, et al. Antibiotic treatment of exacerbations of COPD: a randomized, controlled trial comparing procalcitonin-guidance with standard therapy. Chest 2007 ;
  • Jose Luis Lopez-Campos, Lights and shadows of non-invasive mechanical ventilation for chronic obstructive pulmonary disease (COPD) exacerbations. Annals of thoracic Medicine. 2015 Apr-Jun; 10(2): 87–93

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Le pneumologue et la BPCO

La broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) est un problème de santé mondial, national et local.

 

 L. Belaid 1, F. Atoui 2 ; Pr R. Benali 2

(1) Pneumo-phtisiologie, Service du SCTMR, Annaba.

(2) Pneumo-phtisiologie, Faculté de Médecine de Annaba.

 

Date soumission : 18  Mars 2021

 

Résumé

La broncho pneumopathie Chronique Obstructive (BPCO) est une maladie évitable et traitable avec effets extra pulmonaires  contribuant à la sévérité de la maladie chez certains patients.

L’expression pulmonaire est caractérisée par une limitation non complètement réversible du flux aérien.

La limitation du flux aérien est habituellement progressive et elle est associée à une réponse inflammatoire pulmonaire anormale à des particules ou des gaz nocifs.

Si  dans les pays industrialisés, la BPCO  est reconnue comme «  problème de santé publique » ; dans les pays en transition épidémiologique,  c’est une pathologie émergente, méconnue, sans prise en charge standardisée.

Des recommandations internationales ont  été élaborées pour une standardisation de cette prise en charge. Elles n’ont de cesse d’évoluer au fil des acquis de la science et de la compréhension des différents déterminants de la maladie.

Aussi une mise en exergue des différents volets interventionnels du praticien en général et du médecin pneumologue en particulier et l’adaptation des attitudes et pratiques de ces derniers aux plus récents acquis de la littérature devient nécessité.

Mots clés : BPCO, flux aérien, recommandations, pneumologue.

THE PNEUMOLOGIST AND COPD

Abstract

Chronic Obstructive Pulmonary Disease (COPD) is a preventable and treatable disease with extra-pulmonary effects contributing to the severity of the disease in some patients. Lung expression is characterized by not completely reversible limitation of airflow. Airflow limitation is usually gradual and is associated with an abnormal pulmonary inflammatory response to noxious particles or gases. While in industrialized countries, COPD is recognized as a “public health problem”; in countries in epidemiological transition, it is an emerging pathology, little known, without standardized care. International recommendations have been drawn up to standardize this care. They are constantly evolving with the advances in science and the understanding of the various determinants of the disease. It is therefore necessary to highlight the various interventional aspects of the practitioner in general and the pulmonologist in particular, and the adaptation of the attitudes and practices of the latter to the most recent findings in the literature.

Keywords: COPD, air flow, recommendations, pulmonologist.

 

Introduction

La broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) est un problème de santé mondial, national et local.

Peu connue du grand public, c’est une pathologie grave, handicapante, évolutive et longtemps asymptomatique. Cette maladie pourrait devenir selon l’OMS, la troisième cause de mortalité d’ici 2030.

Sur le plan physiopathologique, la BPCO est caractérisée par une obstruction permanente des bronches (le VEMS/CVF post bronchodilatateur < 70%), irréversible sous l’effet de bronchodilatateur.

Sur le plan étiologique, l’exposition tabagique est de loin le premier facteur de risque. Incriminé dans plus de 80 % des cas de BPCO, le tabac n’est néanmoins pas seul responsable.

L’exposition professionnelle, la pollution et des infections répétées pendant l’enfance pourraient impacter la maladie.

Deux tiers des patients ne se savent pas atteints de BPCO ou ne sont diagnostiqués que lorsque la maladie est déjà très avancée. Son retentissement tant physique et psychique que social est responsable d’une altération de la qualité de vie des patients pouvant conduire à une insuffisance respiratoire chronique.

Sur le plan épidémiologique, malgré les différences méthodologiques, tous les pneumo-phtisiologues s’accordent pour une prévalence autour de 8% , soit près de cinq millions de personnes. Sa prévalence ne cesse de croître chaque année, tout comme les coûts humains et financiers qui lui sont liés. Sa prise en charge apparait donc comme un véritable enjeu de santé publique qui doit mobiliser l’ensemble du système de santé.

La BPCO est une maladie respiratoire à manifestation générale. Il en ressort que la démarche systémique est l’outil idoine pour une pathologie si hétérogène, nécessitant l’intervention de multiples acteurs médicaux.

Sur le plan pratique, une définition opérationnelle et décisionnelle est nécessaire pour permettre aux praticiens de première ligne de suspecter la maladie. Si ces derniers partaient du postulat : « Derrière la fumée de cigarette se terre la BPCO » et « Tout patient de 40 ans ou plus, fumeur à 20 cigarettes/jour pendant plus de 10 ans est suspect de BPCO et son état nécessite une évaluation spirométrique ».

L’analyse de la courbe spirométrique et des données portera autant sur les débits proximaux que distaux, le VEMS étant un indicateur diagnostique et le DEMM un indicateur épidémiologique.

A l’issue du diagnostic spirométrique, le patient identifié BPCO doit être orienté vers un pneumologue pour la mise en place d’un plan de prise en charge.

Le médecin de proximité deviendra le médecin en charge de renouveler les ordonnances, appliquer les mesures non médicamenteuses ( vaccination, sevrage tabagique et éducation du patient).

L’approche managériale de la prise en charge chez le pneumologue se décline en différentes étapes en fonction des diverses situations rencontrées.

Au cours de la BPCO à l’état stable, le pneumologue agira sur plusieurs volets :

  • Diagnostic
  • Annonce du diagnostic
  • Évaluation de la sévérité
  • Initiation du traitement médicamenteux
  • Prise en charge des exacerbations
  • Initiation aux différents programmes, notamment de réhabilitation respiratoire et de sevrage tabagique
  • Collaboration avec le médecin généraliste

Étape du diagnostic de la BPCO

Il est important de détecter la BPCO précocement. Elle peut aussi bien être de découverte fortuite qu’à l’occasion de symptômes respiratoires chroniques, à type de toux, expectoration, dyspnée, de tableau de bronchite chronique ou d’emphysème pulmonaire voire à l’occasion d’exacerbation des symptômes.

Les symptômes de la BPCO s’installent progressivement :

  • Dyspnée d’effort d’aggravation progressive
  • Toux chronique, intermittente ou même sèche
  • Expectoration chronique

Le diagnostic de BPCO 

  • Se pose donc devant la présence d’un des tableaux cliniques précédents et/ou l’exposition à un facteur de risque de BPCO.
  • Repose sur la mise en évidence d’un déficit ventilatoire obstructif persistant (peu ou pas réversible) à la spirométrie
  • Impose une évaluation de la sévérité de la BPCO.

L’acronyme « BPCO » est méconnu dans la population générale. Aussi, lors de l’énonciation du diagnostic de BPCO au patient, il faut rechercher dans l’entretien initial des expressions, des mots, des significations que le patient avance pour justifier son état.

L’entretien se fera autour de trois points :

  • Déculpabiliser le malade d’un mal qu’il s’est auto-infligé
  • Proposer au malade une aide en insistant l’importance du travail sur soi.
  • Identifier les points pour entamer une motivation.

A l’issue de cet entretien, le médecin sera à même de proposer et arrêter avec le patient le plan de prise en charge et les échéances de suivi.

L’évaluation de la sévérité de la BPCO à l’état stable 

Elle repose sur une diversité de moyens :

  • Symptômes : questionnaires mMRC1, CAT2
  • Degré de sévérité du DVO : spirométrie VEMS post-BD
  • Exacerbation >2 ; hospitalisation antérieure
  • Comorbidités : maladies cardio-vasculaires, dépression et anxiété, dysfonctionnement musculaire squelettique, syndrome métabolique, cancer du poumon,

Ces comorbidités peuvent influencer la mortalité et les hospitalisations et doivent être recherchées et correctement traitées.

 

Prise en charge thérapeutique de la BPCO à l’état stable 

A court-terme, la prise en charge de la BPCO a pour objectif de réduire les symptômes de BPCO, (soulager le patient – symptômes -, améliorer sa tolérance à l’exercice et son état de santé).

A long-terme, elle vise la réduction du risque d’exacerbation (ralentir la progression de la maladie, prévenir et traiter les exacerbations, réduire la mortalité par BPCO)

Les moyens thérapeutiques utilisés dans le cadre de la BPCO sont aussi bien des traitements pharmacologiques que non pharmacologiques. Tous à visée palliative agissant essentiellement sur les symptômes.

Les traitements non pharmacologique reposeront sur :

  • La lutte contre les facteurs de risque avec en tête de file, le sevrage tabagique, mesure impérative, la seule capable de ralentir le déclin de la fonction respiratoire.
  • L’éducation thérapeutique avec apprentissage de la technique d’utilisation des dispositifs d’inhalation administrés et promotion de l’activité physique adaptée (voir article de F. Atoui dans le présent numéro).

Les traitements pharmacologiques (bronchodilatateurs +++, anti-inflammatoires stéroïdiens) seront administrés par voie inhalée imposant le choix partagé (patient-praticien), du dispositif prescrit en tenant compte non seulement des ressources socio-économiques du patient, mais surtout de son habileté à utiliser un dispositif plutôt qu’un autre.

La prévention des exacerbations conduira par ailleurs à la prescription de vaccinations antigrippale et anti-pneumococcique.

Stratégie thérapeutique dans la BPCO 

Pour traiter, il faut classer. Aussi, un changement de paradigme s’est imposé en matière de catégorisation avec passage d’une classification fixée sur un seul paramètre (VEMS) à un outil composite de catégorisation.

 

En pratique

  • Faire le diagnostic spirométrie : identifier le TVO irréversible et classer
  • Implanter les critères de surveillance
  • Catégoriser le patient
  • Faire une radiographie du thorax : recherche de la distension
  • Faire un examen cytobactériologique des crachats et une formule de numération sanguine : recherche d’éosinophiles ou de neutrophiles
  • Identification du phénotype
  • Initier une thérapie
  • Superviser la technique de l’inhalateur et
  • Vérifier l’adhérence.

Au stade de début, que nous désignerons par stade 0 , le médicament qui sera prescrit est LAMA.

Au cours de l’évolution, on peut voir deux cas de figures avec deux formes cliniques :

  • Première forme clinique
  • Sur le volet ventilatoire : apparition de signes en faveur de l’emphysème, augmentation de la capacité inspiratoire (CI) signe d’hyperinflation.
  • Sur le plan biologique : un taux d’éosinophiles < 100 /éléments/µl

 

2. Deuxième forme clinique

Apparition de signes caractéristiques de l’asthme, avec wheezing, allergies.

Sur le plan biologique : un taux d’éosinophiles >100 éléments/µl.

La prescription thérapeutique doit être ajustée à la présentation clinique.

La forme avec emphysème sera mise sous LAMA+LABA .

De même que la forme « débutante » où le médicament initié fut LAMA, mais la persistance, voire l’apparition de symptômes impose de rajouter un second bronchodilatateur ça sera LAMA+LABA.

La forme avec caractéristiques d’asthme sera mise sous LABA+CSI.

Rester vigilant quant aux effets secondaires des corticoïdes, si les effets secondaires se présentent et sont importants, arrêter les corticoïdes et envisager une thérapie alternative.

Dans le cas de figure où le patient avec emphysème n’est pas suivi ou non contrôlé, il faut envisager le traitement triple : LAMA+LABA+CSI

Les patients avec exacerbations fréquentes seront mis sous LABA+LAMA+CSI, voire rajouter un Inhibiteur de la phospho-diestérase-4 (PDE4) : Roflumilast si le VEMS est inférieur à 50% avec bronchite chronique et hospitalisation pour exacerbation durant l’année.

Faute de Roflumilast, le patient pourra être mis sous macrolide (Azithromycine), à fort pouvoir anti-inflammatoire et anti bactérien sur la colonisation bactérienne intracellulaires, surtout chez les ex-fumeurs.

L’indicateur pour une telle prescription est la présence de polynucléaires neutrophiles dans l’expectoration et la NFS.

Dans le cas de figure où le patient avec caractéristique d’asthme présente de fréquentes exacerbations voire des exacerbations sévères, il faut envisager le traitement triple LAMA+LABA+CSI et rester vigilant quant aux effets secondaires des corticoïdes.

ATTENTION

Si un nébuliseur est choisi pour administrer un bronchodilatateur, la nébulisation bronchodilatatrice à air est préférable à la nébulisation à oxygène dans les exacerbations aiguës de la BPCO afin d’éviter le risque potentiel d’augmentation de la PaCO2 associée à l’administration de bronchodilatateurs à oxygène (Bardsley et al.2018).

” Sans la grande variabilité parmi les individus, la médecine pourrait aussi bien être une science, et non un art “. William Osler

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 

Références

 

  • Bartolome R. Celli, M.D., FCCP Professor of Medicine Harvard Medical School. “State of the Art: COPD in 2020”,
  • Course of Lung Function : Lange P et al., NEJM 2015;372:
  • GOLD 2020 report
  • F. ATOUI, “programme d’éducation thérapeutique en BPCO”, Thèse DESM/Doc Polycopié/2017, soutenue publiquement à la faculté de médecine d’Annaba

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Prise en charge de la bronchopneumopathie chronique obstructive en milieu libéral

La BPCO est un problème et un enjeu majeur de santé publique. Elle est en passe de devenir la 3ème cause de mortalité globale dans le monde.

.

 

M. Bellamdani, Pneumologue, Pratique Libérale, Alger

 

Date soumission : 9 mai 2021

 

Résumé

La Bronchopneumopathie chronique obstructive est une maladie

  • fréquente de cause connue, évitable pouvant être mortelle  souvent sous diagnostiquée  car méconnue du grand public et symptômes banaux  ou identifiée tardivement
  • prise en charge en médecine de ville ou secteur libéral   presque totalement  sauf lors d’exacerbations nécessitant une hospitalisation  et aussi prise en charge totalement pour le traitement pharmacologique pour les assurés sociaux .

En plus de la prise en charge du patient BPCO qui est aisée dans la majorité des cas, les professionnels de santé  doivent participer au dépistage ,  à l’éducation thérapeutique des patients  et à la lutte anti tabac  et   établir un parcours de soins entre la médecine de ville , les  autres  spécialistes (cardiologues , rééducateurs  , médecins du travail ,psychologues ) et les structures hospitalières en cas d’aggravation .

Sans un plan national d’urgence BPCO , cette pathologie , déjà  problème majeur de santé publique et lourd fardeau socio économique  va voir une augmentation de la morbi-mortalité et  du handicap respiratoire  .

La prise en charge par la sécurité sociale  doit être élargie aux explorations  et au traitement non médicamenteux

Mots clés : BPCO, secteur libéral , parcours de soins , remboursements traitement non pharmacologique, dépistage, sécurité sociale.

 

Abstract

 Chronic Obstructive Pulmonary Disease is a disease

– frequent of known cause, avoidable, which can be fatal often underdiagnosed because unknown to the general public and common symptoms or identified late

 – almost completely covered in city medicine or in the liberal sector except during exacerbations requiring hospitalization and also fully covered for pharmacological treatment for the insured persons.

In addition to the management of the COPD patient, which is easy in the majority of cases, health professionals must participate in screening, therapeutic patient education and tobacco control and establish a course of care between medicine city, other specialists (cardiologists, rehabilitators, occupational physicians, psychologists) and hospital structures in the event of aggravation.

Without a national COPD emergency plan, this pathology, already a major public health problem and a heavy socio-economic burden, will see an increase in morbidity and mortality and respiratory disability. Social security coverage must be extended to include explorations and non-drug treatment

Keywords: COPD, liberal sector, care cours , reimbursements for non-pharmacological treatment, screening, social security

 

La BPCO est un problème et un enjeu majeur de santé publique. Elle est en passe de devenir la 3ème cause de mortalité globale dans le monde.

Le secteur médical libéral ou “privé” ou “médecine de ville”, fait ou doit faire partie intégrante du système de soins national, au même titre que le secteur public ou parapublic.

Le médecin de ville qu’il soit pneumologue ou médecin généraliste joue un rôle primordial dans le diagnostic précoce de la BPCO et sa prise en charge. D’ailleurs la BPCO et l’asthme constituent la majorité de la patientèle en pneumologie libérale en Algérie.

 

Définitions

Selon le rapport de la Global Initiative on Obstructive Lung Disease (GOLD), la broncho-pneumopathie chronique obstructive est une maladie fréquente qui peut être prévenue et guérie, caractérisée par des symptômes respiratoires persistants, dyspnée, toux avec ou sans expectoration, et une limitation des débits aériens, secondaire à des anomalies des voies aériennes et/ou des alvéoles résultant d’une exposition importante à des particules ou des gaz nocifs. Cette limitation des débits aériens est la résultante d’une atteinte des voies aériennes et de destruction du parenchyme (emphysème) dont la participation relative au cours de la BPCO varie d’un sujet à l’autre.

La BPCO a une définition fonctionnelle respiratoire : elle se caractérise par un trouble ventilatoire obstructif (TVO) proximal partiellement ou non réversible sous bronchodilatateurs et d’aggravation progressive à l’exploration fonctionnelle respiratoire par la spirométrie.

La bronchite chronique a une définition clinique : toux productive au moins 3 mois/an sur au moins 2 années consécutives. Elle peut être simple (sans obstruction bronchique) ou obstructive. Seule la forme obstructive fait partie de la BPCO. Ainsi la BPCO a une définition spirométrique caractérisée par un rapport VEMS/CVF post bronchodilatateur < 70%.

La spirométrie est requise pour poser le diagnostic de la BPCO. Il s’agit d’un examen qui peut être effectué dans un laboratoire d’explorations fonctionnelles respiratoires en milieu hospitalier mais surtout chez pratiquement tous les pneumologues libéraux et même certains médecins généralistes initiés.

 

Ampleur de la pathologie

Malgré sa fréquence et la précocité des symptômes respiratoires, la BPCO est méconnue du grand public. Les symptômes sont banalisés par les patients et les médecins généralistes.

Elle est sous diagnostiquée à tous les stades de la maladie et souvent les patients ne se présentent en consultation qu’après que leur fonction respiratoire soit bien altérée. Ce retard au diagnostic est lié au fait que les patients attribuent les symptômes au vieillissement ou au tabagisme ou par peur de leur médecin traitant (sevrage tabagique ignoré ou culpabilisation), mais aussi par méconnaissance ou sous-estimation des signes de la BPCO et/ou des difficultés à réaliser une exploration fonctionnelle respiratoire, ou par la prédominance d’autres pathologies associées telles que cardiopathie ou diabète instable, ou cancers.

En conséquence, il existe un sous-diagnostic et un retard au diagnostic de cette maladie. Il est difficile d’évaluer avec précision la proportion de BPCO non diagnostiquée. Certaines études estiment qu’entre 60 et 86% des BPCO ne sont pas diagnostiquées.

Actuellement la BPCO est considérée comme une maladie générale « systémique », avec des signes extra-respiratoires, qui fait intervenir d’autres professionnels de santé, autre que le médecin généraliste ou pneumologue : rééducateurs, nutritionnistes ou diététicien, cardiologues, médecins du travail, psychologues cliniciens.

Parcours de soins

En principe la prise en charge de cette pathologie est facile en milieu libéral, car ce secteur est plus accessible même chez un spécialiste (pas besoin de lettre du médecin préalable en Algérie) ; surtout depuis la généralisation de la carte tiers payant et la prise en charge totale ou presque totale du traitement des maladies chroniques par la sécurité sociale.

La BPCO est principalement prise en charge en médecine de ville en dehors des épisodes d’exacerbation sévère nécessitant une hospitalisation du patient. Les points critiques du parcours BPCO se situent essentiellement hors de l’hôpital : dépistage, sevrage tabagique, prévention et prise en charge des complications respiratoires. Le rôle des médecins libéraux est primordial pour améliorer le parcours des patients à risque ou atteints de BPCO.

Un schéma de la Haute Autorité de Santé (HAS France), montre le parcours de soins du patient fumeur ou exposé chez son médecin traitant ; chez le pneumologue et les explorations ; le recours à l’hospitalisation en cas de complications graves jusqu’à l’évolution terminale au stade d’insuffisance respiratoire grave nécessitant une oxygénothérapie à domicile et ou une ventilation.

En dehors des épisodes d’hospitalisations, la prise en charge est faite à titre ambulatoire et en médecine libérale.

 

Le premier à évoquer ou qui doit penser à cette maladie « BPCO » est le médecin généraliste et

  • De faire le bilan initial minimal ;
  • Éliminer les autres diagnostics ;
  • Demander l’avis du pneumologue ou lui confier le patient pour la prise en charge.

En plus de la spirométrie, certains examens pourront être demandés pour faire une évaluation exhaustive de la maladie en fonction du stade de la maladie

  • Bilan radiologique, téléthorax, voire tomodensitométrie thoracique, pour évaluer et rechercher un éventuel emphysème ou lésions associées, et éliminer une pathologie tumorale chez des patients âgés et fumeurs,
  • Pléthysmographie : recherche d’une distension, par la mesure du Volume Résiduel (VR), d’un syndrome restrictif associé et si nécessaire dans le cadre de l’évaluation précédant la mise en place d’une réhabilitation respiratoire ;
  • Test de diffusion au CO
  • Test de marche de 6 minutes, si dyspnée stade 3 ou 4 de l’échelle MMRC,
  • Oxymétrie diurne instantanée et nocturne ;
  • Gazométrie artérielle pour évaluer l’hypoxie PO2 et la capnie PCO2
  • Dosage de l’α-1 antitrypsine si forme d’emphysème évocatrice d’un déficit ;
  • Endoscopie bronchique selon les symptômes et le contexte clinique ou radiologique ;
  • Enregistrement polygraphique ou polysomnographique, si suspicion d’un syndrome d’apnée du sommeil associé à la BPCO (overlap syndrom)

En plus du traitement pharmacologique selon le grade et le stade (GOLD) il faut prescrire :

  • La réhabilitation respiratoire si nécessaire, ou l’orientation vers une structure de réhabilitation respiratoire sans omettre l’éducation thérapeutique du patient
  • Un traitement par nébulisation ;
  • L’oxygénothérapie et la ventilation non invasive.

Tous ces examens complémentaires, explorations, traitement, sont réalisés de plus en plus dans le secteur libéral par des pneumologues, rééducateurs ou prestataires de soins à domicile (surtout dans les grandes villes) de façon récente, par rapport à un passé pas si lointain, la spirométrie n’était accessible qu’en milieu hospitalier.



Suggestions

  • Afin d’améliorer le dépistage, il est nécessaire de faire appel aux sociétés savantes et à l’industrie pharmaceutique de participer à la formation médicale continue des médecins généralistes motivés et des pneumologues et à des mises à jour régulières, en plus de leur formation universitaire de base.
  • Lutte contre le tabagisme et la pollution par des campagnes de sensibilisation
  • Éviter de multiplier les questionnaires, scores, classifications inadaptées ou complexes renouvelées trop fréquemment dont la conséquence est la démobilisation du médecin libéral.
  • En cas de recueil des données pour évaluation de la pathologie, les données seront ininterprétables
  • Si le traitement médical est pris en charge par la sécurité sociale, les pouvoirs publics doivent en faire de même pour les consultations, les explorations et le traitement non pharmacologique oxygénothérapie, ventilation non invasive, rééducation respiratoire.

 


Conclusion

La BPCO est un lourd fardeau socio-économique dont l’incidence va augmenter avec la persistance du tabagisme et le vieillissement de notre population.

Un plan national d’urgence BPCO doit être programmé par le ministère de la santé afin de dépister les BPCO au stade de début, de réduire la morbi-mortalité, et donc réduire le handicap et les couts socio-économiques.

 

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 

 

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Prévalence et facteurs de risque de la BPCO chez la femme

La broncho pneumopathie chronique obstructive (BPCO) est actuellement reconnue comme un problème majeur de santé publique. Elle  a longtemps été considérée comme la pathologie de l’homme fumeur, mais le nombre de femmes atteintes de BPCO est en constante augmentation et sa prévalence varie considérablement d’un pays à l’autre.

 

Nadia Hammache 1, Salim Nafti 2,

(1), Faculté de Médecine, Université Mouloud Mammeri, Tizi Ouzou,

(2) Faculté de Médecine, Université Alger 1

 

Date de soumission : 14  Décembre 2020

 

Résumé  La broncho pneumopathie chronique obstructive (BPCO) est actuellement reconnue comme un problème majeur de santé publique. Elle  a longtemps été considérée comme la pathologie de l’homme fumeur, mais le nombre de femmes atteintes de BPCO est en constante augmentation et sa prévalence varie considérablement d’un pays à l’autre. Cette étude a pour objectif d’estimer la prévalence de la BPCO chez les femmes âgées de 40 ans et plus à Tizi-Ouzou selon des critères spirométriques. L’estimation de la prévalence de la BPCO avant bronchodilatateurs (BD) est de 2,2% selon le critère GOLD et de 1,2% selon le LIN-GLI 2012. Après bronchodilatateurs, elle est de 1,5% (IC à 95% [1,48-1,51]) avec les deux critères diagnostiques. Dans l’analyse des facteurs de risque, il y avait une relation significative avec l’âge, le tabagisme passif et l’asthme-BPCO overlap. La BPCO chez les femmes de Tizi-Ouzou est sous-diagnostiquée. Elle est causée par des pathologies avec évolution et histoire naturelle modifiables.

Mots clés : Prévalence, BPCO, Femme, facteurs de risque

Abstract: Chronic obstructive pulmonary disease (COPD) is currently recognized as a major

number of women with COPD is constantly increasing and its prevalence varies considerably between nations. This study aimed to estimate the prevalence of COPD among women aged 40 and over in Tizi-Ouzou according to spirometry criteria. The estimate of the prevalence of COPD before bronchodilators (BD) recovered to 2.2% according to the GOLD criterion and 1.2% according to the 2012 LIN-GLI. After BD it was 1.5% (IC à 95% [1,48-1,51]) with both diagnostic criteria. In the analysis of risk factors, there was a significant relationship with age, passive smoking and asthma-COPD overlap. The COPD among women in Tizi-Ouzou is under-diagnosed.  It is caused by pathologies with evolution and natural history modifiable.

Key words : Prévalence, COPD, Woman, Risk factors

 

Introduction

La Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive (BPCO) est actuellement reconnue comme un problème majeur de santé publique, en termes de morbidité et de mortalité [1]. Elle a longtemps été considérée comme une pathologie de l’homme, mais le nombre de femmes atteintes de BPCO augmente constamment et sa prévalence varie considérablement d’un pays à l’autre. Une telle variation peut provenir de nombreux aspects, y compris la conception de l’étude, la définition et les critères de diagnostic de la BPCO, l’âge, le sexe et les facteurs de risque locaux [2].

Notre objectif principal était d’estimer la prévalence de la BPCO chez les femmes de la wilaya de Tizi-Ouzou, avant et après bronchodilatateurs (BD) selon les critères GOLD (rapport VEMS/CVF<0,7) et la limite inférieure de la normale (LIN) calculée par les équations de références les plus récentes publiées par le Global Lung Initiative en 2012 (GLI 2012) [4] et qui incluent des données spirométriques d’une population algérienne [5].

 

Matériels et méthodes

Il s’agit d’une étude transversale, descriptive de type analytique à la recherche de la prévalence et des facteurs de risque de la BPCO chez les femmes de 40 ans et plus, résidant dans la wilaya de Tizi-Ouzou.

L’échantillon requis pour cette étude a été calculé sur la base de la prévalence de la BPCO chez la femme retrouvée par Khelafi à Alger [3]. L’office national des statistiques (ONS) a réparti l’échantillon requis selon le niveau d’urbanisation sur 11 communes. La base de sondage était le ménage et l’unité statistique, la femme.

Critères d’inclusion : Sont incluses toutes les femmes de cette tranche d’âge présentes à leur domicile le jour de l’enquête, ayant accepté de participer, de répondre au questionnaire et ayant accepté de faire la spirométrie.

Critères de non inclusion : Toute femme trouvée au domicile mais n’y résidant pas au moment de l’étude et toute femme présentant une maladie contre-indiquant la spirométrie.

Critères d’exclusion : Toute femme ayant accepté de participer et dont la courbe débit volume est ininterprétable ou impossible à faire.

Nous avons utilisé un questionnaire inspiré de celui de l’ATS-DLD 1978 dans sa version française d’octobre 1984. L’enquête a duré trois mois, du 30/11/2018 au 28/02/2019.

Traitement et analyse des données : La prévalence a été estimée à l’aide des deux principales méthodes de calcul :

  • Critère GOLD ; VEMS/CVF<0,7 avec test de réversibilité
  • La LIN (5ème centile) en utilisant les équations de références les plus récentes du GLI 2012 (VEMS/CVF<LIN)

Les facteurs de risque ont été étudiés en univarié puis en multivarié dans un modèle de régression logistique. La variable dépendante est la BPCO (ou le TVO fixé) et les variables prises en considération étaient l’âge, le tabagisme, le niveau d’éducation, l’exposition à la biomasse, l’asthme, les antécédents de tuberculose pulmonaire, l’altitude et l’IMC.

Dans chaque estimation, l’intervalle de confiance (IC) est de 95%. Le seuil de significativité statistique a été fixé à p<0,05.

 

Résultats 

L’estimation de la prévalence de la BPCO

  • Avant le test de bronchodilatation, elle était de 2,2% selon le critère GOLD et de 1,2% selon la LIN GLI 2012.
  • Après test de bronchodilatation, elle était de 1,5% selon les deux critères.

 

Prévalences des TVO et BPCO avant et après Test de réversibilité

 

 

Prévalence de la BPCO selon les facteurs de risque 

En étude univarié, la BPCO avait une relation statistiquement significative avec l’asthme (p=10-3).

Dans une analyse de régression logistique multivariée, la BPCO est significativement associée à l’âge (p=10-3) et à l’asthme (p=10-3). Tableau : Prévalences de la BPCO spécifiques en fonction des facteurs de risque

Facteurs de Risque

Effectif total

Prévalence BPCO

OR [95%]

p-value

 ≥70ans

Âge

 <70ans

 40-49

 50-59

 60-69

 70-79

 ≥80

34

289

130

97

97

23

11

2,9%

1,4%

3,1%

4,3%

2,16 [0,23-19,89]

0,43

 Actif

Tabac

 Passif

4

164

0

3,1%

3,9 [0,4-35,7]

0,37

Chauffage Biomasse (1)

Cuisson Biomasse (2)

Biomasse 1ou 2

Non

Biomasse 1et 2

Non

261

190

261

62

189

134

1,5%

1,6%

1,5%

1,6%

1,6%

1,5%

0,9 [0,1-8,6]

1,1 [0,2-6,4]

0,9 [0,4-8,6]

1,1 [0,2-6,5]

1

1

1

1

Oui

Asthme

 Non

23

300

17,4%

0,3%

62,95 [6,70-591,79]

10-3

 Oui

Tuberculose

 Non

2

321

50%

1,2%

79,2 [4,2-1502,1]

0,03

 Bas

Niveau Instruction

 Haut

251

72

1,2%

2,8%

0,42 [0,07-2,60]

0,31

 Basse < 600m

Altitude

 Haute > 600m

208

115

2,4%

0

6,24 [0,34-113,9]

0,14

IMC :

 Normal

Insuffisance Pondérale

 Surpoids

 Obésité

47

2

109

160

0

0

2

3

19 [0,31-117,0]

2,16 [0,10-46,04

2,07 [0,11-40,81]]

0,11

0,68

0,71

Discussion 

Le point fort de l’étude est l’utilisation de la spirométrie avec test de réversibilité pour estimer la prévalence de la BPCO chez la femme en population générale.Les taux de prévalence selon le ratio fixe sont plus élevés que ceux selon la LIN avant BD. Ce rapport surestime le taux de prévalence BPCO (25% de sur-diagnostic dans notre étude), alors qu’il était le même après BD soit 1,5% (IC 95% [1,48-1,51]).Notre prévalence est parmi les plus faibles. La raison pourrait s’expliquer en partie par la faible prévalence du tabagisme actif chez les femmes de notre étude, qui est de 1,2% comparativement aux taux très élevés dans les pays où la consommation de tabac chez les femmes est très importante [6].Par ailleurs, BOLD a reconsidéré en 2019 les taux de prévalence de la BPCO constatés sur les différents sites en raison d’une surestimation de la prévalence avec le ratio fixe et a recommandé d’utiliser la LIN qui corrige ce taux [7]. De plus, le test de réversibilité aux BD a considérablement réduit la prévalence globale de la BPCO ; selon l’étude PLATINO, cette prévalence passe de 20% à 14% après BD [8].Nous n’avons pas trouvé de relation significative entre l’exposition au tabagisme, qu’elle soit active ou passive, et la BPCO. Cela pourrait s’expliquer en partie par le faible nombre de femmes qui fument et la difficulté de quantifier précisément le tabagisme passif, mais aussi par le fait que l’étude ait été réalisée en population générale.Il existe une relation statistiquement significative avec entre l’âge et l’asthme (p=10-3) avec la BPCO. La prévalence du chevauchement de l’asthme et de la BPCO (ACO) est de 1,2% alors qu’elle est de 17,4% chez les femmes asthmatiques. Ces femmes au phénotype ACO sont relativement jeunes, de moins de 50 ans, obèses, exposées au tabagisme passif et à la biomasse, et leur asthme est insuffisamment traité. Une revue de la littérature publiée en 2018 rapporte que la prévalence de l’ACO varie entre 0,9% et 11,1% dans la population générale et entre 11,1% et 61,0% chez les patients asthmatiques [9]. Une autre étude qui a suivi pendant longtemps 4.051 femmes souffrant d’asthme en Ontario, montre que plus de 40% des femmes souffrant d’asthme développent une BPCO dans le cadre de l’ACO ; cela pourrait s’expliquer par un traitement de l’asthme inadéquat et une mauvaise observance du traitement [10,11].

Par contre, aucune relation significative n’a été retrouvée chez les femmes exposées à la biomasse, que ce soit en mode cuisson ou en mode chauffage (1,32 ; IC à 95% [0,73-2,38]). Notre résultat est cohérent avec une analyse BOLD publiée en 2018, selon laquelle la présence d’un TVO n’était pas associée à l’utilisation «déclarée» de la biomasse pour la cuisson ou le chauffage [12]. Les raisons pourraient s’expliquer par un habitat mieux ventilé et l’existence d’un lieu pour cuisiner, séparé de l’espace de vie de notre population.

Cette étude fournit plusieurs informations sur les indicateurs épidémiologiques qui permettront de caractériser les groupes de femmes les plus à risque de BPCO donc à cibler principalement dans le cadre d’une prévention.

 

Conclusion

La prévalence de la BPCO chez les femmes de Tizi-Ouzou est parmi les plus basses rapportées dans la littérature. Elle est causée par des pathologies à évolution et histoire naturelle modifiables. Par conséquent, la diminution de cette prévalence nécessite une meilleure prise en charge des maladies respiratoires à l’origine de la BPCO, notamment l’asthme avec son phénotype ACO. Cependant, d’autres études longitudinales sont nécessaires pour déterminer la définition précise de la BPCO ainsi que ses déterminants étiologiques.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 


 

Références

  • World Health Organization. Chronic respiratory Diseases Burden of COPD. undefined
  • S. Bakke, E. Rönmark, T. Eagan, F. Pistelli, I. Annesi-Maesano, M. Maly, M. Meren, P. Vermeireý, J. Vestbo, G. Viegi, J. Zielinskiand, B. Lundbäck. Recommendations for epidemiological studies on COPD. ERJ1Décembre, 2011vol.38no.6de1261à1277.
  • Khelafi, A. Aissanou, S. Tarsift, F. Skander. Épidémiologie de la broncho-pneumopathie chronique obstructive dans la wilaya d‘Alger. Revue des Maladies Respiratoires 2011;28;1:32-40.
  • Quanjer PH, Stanojevic S, Cole TJ, Baur X, Hall GL, Culver BH, et al. Multi-ethnic reference values for spirometry for the 3-95-yr age range: the global lung function 2012 equations. The European respiratory journal. 2012;40(6):1324-43.
  • Bougrida, H. Bensaad, M. Kheireddinne Bourahli. Bougmiza, H. Mehdioui. Équations de références spirométriques des Algériens âgés de19 à 73ans. Rev Mal Respir 2008;25:577-90.
  • Jeffrey Drope and Neil W. Tobacco Atlas 2018 6ème édition American Cancer Society.
  • Ho T, Cusack RP, Chaudhary N, et al. Under-and over-diagnosis of COPD: a global perspective. Breathe 2019;15:24–35.
  • Menezes A.M., Perez-Padilla R., Jardim J.R., Muino A., Lopez M.V., Valdivia G., et al. Chronic obstructive pulmonary disease in five latin American cities (the PLATINO study): a prevalence study Lancet 2005;366: 1875-1881
  • Uchida A, et al. Epidemiology of asthma-chronic obstructive pulmonary disease overlap (ACO), Allergology International (2018), undefined
  • Teresa To and al. Asthma and Chronic Obstructive Pulmonary Disease Overlap in Women. Incidence and Risk Factors. Annals ATS,Vol.15,No.11/ Nov01, 2018. undefined WomenWithAsthmaMayDevelopCOPD-Medscape-Aug22, 2018
  • Global Initiative for Asthma (GINA). Diagnosis of Diseases of Chronic Airflow Limitation: Asthma, COPD and Asthma-COPD Overlap Syndrome (ACOS). 2015. Available: undefined
  • Amaral A. F. S., Patel J, Kato B, S, Obaseki D. O, Lawin H, Tan W.C, Wouters E.F.M. (2018). Airflow Obstruction and Use of Solid Fuels for Cooking or Heating. BOLD (Burden of Obstructive Lung Disease) Results. American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, 197(5), 595–610. doi:10.1164/rccm.201701-0205oc

 

 

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Prévalence de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) À El Hadjar (Annaba) : résultats de l’enquête BOLD

La BPCO, maladie respiratoire chronique dont le principal facteur de risque est environnemental, constitue une cause importante de morbidité et de mortalité dans le monde (1) et particulièrement dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI)

 

H.H. Cherkaski, R. Benali, Faculté de Médecine – Université Badji Mokhtar Annaba

Date de soumission : 16 Février 2021

 

RESUMÉ

INTRODUCTION : La broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) constitue une préoccupation de santé, particulièrement dans les pays en développement.

OBJECTIF : L’objectif de notre travail est de déterminer la prévalence de la maladie à Elhadjar et de décrire ses facteurs de risque.

METHODE : Une enquête transversale est menée sur un échantillon représentatif de la population âgée de quarante ans et plus, utilisant le protocole Burden Obstructive Lung Disease (BOLD). Le diagnostic et le degré d’obstruction bronchique sont basés sur les critères du Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD). Les taux de prévalence sont estimés selon les poids de sondage.

RESULTATS : La prévalence de la BPCO à Elhadjar est 8.8%, soit 11.9% et 5.7% respectivement chez les hommes et les femmes. Elle augmente significativement avec l’âge (22.5% chez les 70 ans et plus). Seulement 6.8% des patients dépistés sont déjà connus.

Outre l’âge de plus de soixante ans, les facteurs indépendamment associés à l’obstruction bronchique chronique symptomatique sont l’exposition à la biomasse et aux poussières professionnelles, l’insuffisance pondérale, l’asthme, la tuberculose ancienne, les antécédents familiaux de maladies respiratoires chroniques.

CONCLUSION : Les données recueillies constituent un vrai besoin de santé et contribuent à l’élaboration d’un plan d’action local adapté dont les axes centraux sont la prévention et le diagnostic précoce de la BPCO.

Mots clés : BPCO, prévalence, enquête BOLD, facteurs de risque, plan d’action

 

ABSTRACT

INTRODUCTION: Chronic obstructive pulmonary disease (COPD) is a health concern, particularly in developing countries.

OBJECTIVE: The aim of our study was to determine the prevalence of the disease in El Hadjar and to describe its risk factors.

METHODS: A cross-sectional survey was conducted on a representative sample of the population aged forty and over, using the protocol of Burden of Obstructive Lung Disease (BOLD). The diagnosis and the degree of airway obstruction are based on the criteria of the Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD). Prevalence rates are estimated using the survey weights.

RESULTS: The prevalence of COPD in El Hadjar is 8.8%, or 11.9% and 5.7% respectively in men and women. It significantly increases with age (22.5% in 70 years). Only 6.8% of screened patients are already known.

Besides age of sixty years, the factors independently associated with symptomatic chronic airway obstruction are exposure to biomass and occupational dust, the state of thinness, asthma, old tuberculosis, family history of chronic respiratory diseases.

CONCLUSION: The data collected is a true need for health and contribute to the development of a suitable local action plan whose central axes are prevention and early diagnosis of COPD.

Key words: COPD, prevalence, BOLD survey, health action plan

 

  • Introduction

La BPCO, maladie respiratoire chronique dont le principal facteur de risque est environnemental, constitue une cause importante de morbidité et de mortalité dans le monde (1) et particulièrement dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI) (2,3).

En effet, elle est source de handicap médico-social et de demande en soins de santé. C’est aussi une maladie potentiellement mortelle qui occupe, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le troisième rang des causes de décès annuels (4).

De plus, les coûts financiers qu’elle suscite, notamment dans ses formes évoluées, sont considérables particulièrement dans les PRFI (5).

La mesure de l’ampleur du problème de santé posé par une maladie chronique constitue un des principes fondamentaux de santé publique. C’est ainsi que toute stratégie de prise en charge à l’échelle collective repose sur un préalable indispensable à savoir le calcul du taux de prévalence de la maladie.

Les données de prévalence de la BPCO dans le monde connaissent une grande variabilité en partie en raison des différences méthodologiques des études et des critères diagnostiques utilisés.

Dans l’optique de rationnaliser la méthode d’estimation de la prévalence, un groupe d’experts a élaboré en 2005 un protocole standardisé, valide et faisable, basé sur des critères diagnostiques objectifs de la BPCO. Ainsi, une enquête populationnelle internationale a pu être menée à travers le monde : « Burden Obtructive Lung Disease Inititative » (BOLD) à laquelle participe le service de pneumo-phtisiologie de la Faculté de Annaba (6).

Dans le monde, la prévalence est estimée entre 4 et 15% (7-10) et plusieurs facteurs laissent envisager une augmentation sans cesse croissante : allongement de l’espérance de vie, pyramide des âges, de la consommation de tabac fumé, pollution (11,12).

Peu de données épidémiologiques fiables sont disponibles en Algérie où les enquêtes de prévalence de la BPCO ont utilisé des méthodologies diverses rendant difficile toute comparaison ou extrapolation (13-15).

Qu’en est-il de la BPCO dans notre région, caractérisée par un axe routier développé, une industrialisation importante, un tissu social diversifié (urbain, semi-urbain, rural) ?

Aussi, nous nous sommes proposé de réaliser une étude dont le but est de déterminer la prévalence et les principaux déterminants de la BPCO dans la commune d’El-Hadjar. La perspective étant de mettre en place un plan d’action sanitaire local efficient.

  • Objectifs

Les objectifs de la présente étude sont doubles :

  • Estimer la prévalence de la BPCO dans la population de la commune d’El-Hadjar (Annaba) selon le protocole de l’enquête internationale BOLD,
  • Identifier ses facteurs de risque.
  • Population et méthode

Le protocole de l’enquête BOLD a été adapté aux conditions socio-culturelles locales notamment pour la visite des ménages et le contenu des questionnaires (6).

  • Type d’enquête

Il s’agit d’une enquête auprès des ménages, réalisée sur un échantillon randomisé de la population de la commune d’El-Hadjar.

  • Lieu et période

La commune d’El-Hadjar, distante de 12 Km du chef-lieu de wilaya avec 37.364 habitants (16) et une superficie de 63 km², est un véritable pôle industriel. Y sont implantés un complexe sidérurgique, un complexe d’engrais phosphatés et une zone d’activité industrielle.

L’étude s’est déroulée du 01 Mars au 30 Juin 2012, soit sur une durée de quatre mois.

  • Échantillonnage de la population

Nous avons opté pour un échantillonnage aléatoire en grappes à trois degrés.

  • Recrutement des participants
  • Critères d’inclusion

Au niveau de chaque ménage randomisé, tous les individus âgés de 40 ans et plus ont été invités à participer à l’étude.

  • Critères de non inclusion 

L’individu sélectionné ne pouvait prendre part à l’étude lorsqu’il :

  • Refusait d’y participer,
  • Présentait une contre-indication médicale à la spirométrie : chirurgie récente, cardiopathie aiguë, problème ophtalmologique (décollement rétinien par exemple), dernier trimestre de grossesse, tuberculose évolutive sous traitement,
  • N’était pas en mesure de réaliser des manœuvres spirométriques correctes.
  • Critères de jugement
    • Diagnostic de BPCO

Pour le diagnostic de BPCO, nous avons utilisé la définition spirométrique du GOLD (17).

Ainsi, tout participant présentant à la spirométrie un rapport un Déficit Ventilatoire Obstructif (DVO) non ou peu réversible (ou persistant) après bronchodilatation aux Bêta2-mimétiques inhalés à courte durée d’action était considéré comme porteur de BPCO.  Le DVO étant défini par un rapport VEMS/CVF < 0,7.

  • Sévérité du DVO

Selon le GOLD, le degré de sévérité du DVO était évalué par la valeur du VEMS post-bronchodilatation par rapport à sa valeur théorique (17). Quatre stades ont été individualisés (Tableau 1).

 


Tableau 1 :Classification de la sévérité du Déficit ventilatoire obstructif selon le GOLD(17)

STADE

VEMS1 / CVF2

post-bronchodilatation

VEMS post-bronchodilatation

% VP3

Stade 1 

≤ 0.70

VEMS ≥ 80

Stade 2 

50 ≤ VEMS < 80

Stade 3

30 ≤ VEMS < 50

Stade 4

< 30

 1. Volume Expiratoire maximal en une Seconde ; 2. Capacité Vitale Forcée ; 3. En pourcentage de la valeur théorique (ou prédite).

 

  • Facteurs de risque de BPCO

Nous avons relevé par questionnaires les principaux facteurs de risque auxquels le participant était exposé : Tabagisme actif et passif, expositions domestique et professionnelle aux toxiques inhalés, niveau d’instruction, antécédents d’asthme ou de tuberculose pulmonaire.

  • Questionnaires

Les questionnaires, au nombre de quatre, étaient inspirés des questionnaires validés et standardisés BOLD (6), traduits et adaptés à notre contexte socio-culturel. Ils étaient administrés en arabe dialectal par un enquêteur.

  • Questionnaire de spirométrie : contre-indication éventuelle, prise de médicaments, données anthropométriques et cliniques, qualité des manœuvres spirométriques, éventuels effets indésirables.
  • Questionnaire principal : données sociodémographiques, symptômes respiratoires, exposition aux facteurs de risque, antécédents respiratoires et comorbidités.
  • Questionnaire professionnel : profession actuelle et antécédents professionnels, exposition professionnelle, impact des problèmes respiratoires éventuels.
  • Questionnaire d’exposition aux biocombustibles solides domestiques.
  • Mesures spirométriques

Nous avons utilisé un spiromètre portable électronique type EasyOne ndd, quotidiennement étalonné. Les mesures étaient effectuées selon les standards de l’ATS/ERS (18). Pour que nos résultats soient comparables à ceux des autres études internationales, nous avons utilisé les valeurs de référence de la troisième enquête du National Health and Nutrition Examination, NHANES III (19). Le contrôle de qualité des mesures spirométriques était assuré par le Centre de Coordination BOLD à Londres selon les critères d’acceptabilité et de reproductibilité de l’ATS/ERS (18).

  • Formation des enquêteurs

Des sessions de formation des enquêteurs (techniciens) d’une durée de cinq jours ont été assurées par l’enquêteur principal, avec le concours d’un épidémiologiste et d’un fonctionnaliste respiratoire. La collecte standardisée des données des questionnaires et surtout la réalisation des mesures spirométriques constituaient l’objectif principal de cette formation.

  • Considérations éthiques

Notre protocole a été soumis au Comité d’Éthique de la Faculté de Médecine d’Annaba qui a accordé son approbation écrite. Nous avons assuré la confidentialité des données et des mesures. Enfin, chaque participant devait accorder son consentement éclairé.

  • Déroulement de l’enquête proprement-dite

Le recueil des données du participant s’est effectué selon les étapes suivantes :

  • Réponse au questionnaire de spirométrie et mesures anthropométriques
  • Si pas de contre-indication, mesures spirométriques pré-bronchodilatation
  • Administration de Salbutamol inhalé
  • Réponse au questionnaire principal
  • Mesures spirométriques post-bronchodilatation
  • Réponse au questionnaire biomasse
  • Réponse au questionnaire professionnel, si le participant avait ou avait eu un emploi

La durée moyenne de la collecte de données était de 50 à 90 minutes par participant. Elle dépendait en grande partie de son âge et de son niveau d’instruction.

  • Analyse des résultats

Les fiches de recueil des données ont été saisies sur le logiciel EPI-INFO 6.04d. La phase d’analyse a été effectuée avec le logiciel Stata 9.2 selon la procédure “svy” qui permet de prendre en compte les échantillonnages complexes. Les données de prévalence ont été pondérées selon l’âge et le sexe.

Les analyses multivariées pour déterminer les facteurs de risque potentiels associés au diagnostic de BPCO chez les participants à l’étude, ont été effectuées à l’aide de modèles de régression logistique.

 

  • Résultats

Huit cent quatre-vingt dix individus, soit 448 femmes et 442 hommes, ayant répondu aux quatre questionnaires et réalisé des mesures spirométriques considérées comme exploitables, ont constitué l’échantillon représentatif de la population d’El-Hadjar.

 

  • Description de la population étudiée (Tableau 1)

L’âge moyen était de 54,0 (11) ans et ne différait pas significativement entre les deux sexes. Le participant le plus âgé avait 87 ans.


Tableau 1 : Caractéristiques sociodémographiques de la population

 

Total

n=890

Hommes

n=442

Femmes

n=448

p

Age (ans)1

–        40-49

–        50-59

–        60-69

–        70+

42.0 (1.5)

31.4 (1.6)

15.6 (1.1)

10.9 (1.5)

41.4 (2.4)

32.2 (2.4)

15.5 (1.5)

10.9 (2.6)

42.6 (2.5)

30.7 (2.2)

15.8 (1.7)

10.9 (2.6)

Scolarité1

Années d’études2

 – Primaire

 – Moyen

 – Secondaire

 – Form. prof.

 – Université

 – Aucune

8.1 (5.3)

23.3 (1.5)

23.8 (1.4)

12.2 (1.1)

13.3 (1.2)

7.1 (0.8)

20.3 (1.6)

9.2 (5.3)

21.1 (2.0)

26.7 (2.1)

9.6 (1.4)

20.0 (1.9)

10.3 (1.4)

12.3 (1.7)

7.0 (5.0)

25.5 (2.2)

21.0 (1.9)

14.9 (1.7)

6.6 (1.1)

3.9 (0.9)

28.2 (2.6)

<10-4

Profession1

–        Oui

–        Non

65.6 (1.7)

34.4 (1.7)

99.5 (0.4)

0.5 (0.4)

31.8 (2.3)

68.2 (2.6)

<10-4*

Nombre de personnes sous le même toit2

5.2 (0.07)

5.3 (0.1)

5.2 (0.1)

0.87

Nombre de pièces2

3.1 (0.03)

3.1 (0.04)

3.1 (0.04)

0.69

Confort domestique1

– Électricité

– Eau courante

– Réfrigérateur

– Télévision

100

96.1 (0.6)

98.8 (0.4)

99.6 (0.2)

100

95.9 (0.9)

98.9 (0.5)

99.5 (0.3)

100

96.4 (0.8)

98.8 (0.5)

99.6 (0.3)

1

0.70

0.77

0.90

1. Estimation pondérée, en% et (erreur-type) 2. Moyenne et (écart-type)

  • Prévalence du tabagisme

La prévalence estimée des fumeurs et ex-fumeurs chez la population d’El-Hadjar de 40 ans et plus étaient respectivement de 16,7% et 21,9% (Tableau 2). Ainsi, 38,6% étaient ou avaient été tabagiques. En termes de quantité cumulée de tabac fumé ; 44,1% fumaient ou avaient fumé plus de 19 paquets-année (PA). Par ailleurs, presque tous les tabagiques étaient des hommes (76,8% vs 0,6%) et fumaient exclusivement des cigarettes à raison de 26,9 PA en moyenne.


Tableau 2 : Statut tabagique selon l’âge1

 

Total

40-49

50-59

60-69

70+

p

Fumeurs

16.7 (1.3)

17.6 (2.0)

17.1 (2.4)

16.7 (2.7)

12.6 (4.1)

0.35

Ex-fumeurs

21.9 (1.4)

19.1 (2.0)

22.9 (2.7)

21.6 (3.0)

30.0 (6.2)

1

Non-fumeurs

61.4 (1.7)

63.3 (2.4)

60.1 (3.0)

61.7 (3.7)

57.3 (7.3)

0.17

1. Estimation pondérée, en% et (erreur-type)

 


 

 

  • Prévalence de la BPCO
  • Selon l’âge et le sexe (Tableau 3)

La prévalence de la BPCO selon les critères diagnostiques du GOLD était de 8.8% pour les stades 1 et plus. Elle était significativement plus élevée chez les hommes que chez les femmes avec respectivement avec respectivement 11,9% vs 5,7% et avait tendance à augmenter avec l’âge notamment chez les hommes.


 

Tableau 3 : Prévalence de la BPCO selon l’âge et le sexe

 

Total

40-49

50-59

60-69

70+

p*

Hommes

11.9 (1.6)

4.6 (1.5)

6.6 (2.3)

28.4 (4.6)

31.7 (7.9)

<10-4

Femmes

5.7 (1.3)

3.9 (1.3)

6.4 (2.0)

4.0 (2.3)

13.5 (8.9)

0,266

Total

8.8 (1.0)

4.2 (1.0)

6.5 (1.5)

16.1 (2.7)

22.5 (6.1)

<10-4

Estimation pondérée, en% et (erreur-type) *p for trend

 

  • Selon le statut tabagique

Chez les fumeurs et ex-fumeurs, la prévalence de la BPCO selon les critères GOLD était respectivement de 16,9% et 10,8%. Elle était de 5,9% chez les non tabagiques, soit 6,4% chez les hommes et 5,7% chez les femmes.

Autrement dit 59,0% des individus ayant les critères spirométriques de BPCO étaient ou avaient été tabagiques ; soit 32,2% de fumeurs et 26,8% d’ex-fumeurs.

La prévalence de la BPCO stade 1+ chez les non-fumeurs était de 5,9%, pratiquement identiques dans les deux sexes (Tableau 4).

 


Tableau 4 : Prévalence de la BPCO selon le statut tabagique et le sexe

 

Total

Non-fumeurs

Fumeurs

Ex-fumeurs

p

Hommes

11.9 (1.6)

6.4 (2.4)

17.1 (3.1)

10.8 (2.3)

0,011

Femmes

5.7 (1.3)

5.7 (1.4)

Total

8.8 (1.0)

5.9 (1.2)

16.9 (3.0)

10.8 (2.3)

<10-4

Estimation pondérée, en% et (erreur-type)

 

La prévalence de la BPCO augmentait avec le nombre cumulé de PA fumé (Tableau 5).

 


Tableau 5. Prévalence de la BPCO stade 1 et plus selon le sexe et le nombre de PA

 Sexe

PA

p*

0-9

10-19

20+**

Hommes

6.1 (3.5)

6.7 (2.8)

18.8 (2.8)

<10-4

Femmes

Total

6.1 (3.4)

6.6 (2.7)

18.7 (2.8)

<10-4

PA : Nombre de paquets-année – Pas de cas observés. * p for trend ; ** 20 PA et plus

 

 

  • Stades de sévérité de l’obstruction bronchique persistante

La prévalence du stade 2 GOLD était la plus élevée avec un taux de 4,8%. Le faible effectif du stade 4 GOLD a justifié son regroupement avec le stade 3. La prévalence de ce stade de sévérité 3 et plus est restée toutefois basse, de l’ordre de 1,5%, (Tableau 6).

Pour chaque stade de sévérité, il n’a pas été constaté de différence selon l’âge.


 

 

 

Tableau 6: Prévalence de la BPCO selon le stade de sévérité GOLD par âge

 

Total

40-49

50-59

60-69

70+

p

Stade 1

2.5 (0.1)

0.8 (0.5)

2.3 (0.9)

3.6 (1.3)

7.9 (4.1)

0,11*

Stade 2

4.8 (0.8)

2.7 (0.8)

3.0 (1.1)

9.6 (2.2)

11.7 (4.6)

0,13*

Stade 3+

1.5 (0.4)

0.8 (0.5)

1.1 (0.7)

2.9 (1.2)

2.9 (2.0)

0,12*

* Test de Fisher exact

 

  • Antécédents de maladie respiratoire chronique


La notion de maladie respiratoire chronique connue était nettement plus fréquente chez les individus ayant présenté les critères spirométriques de BPCO stade 1+. Parmi eux ; 25,5% étaient étiquetés asthmatiques, alors que seuls 6,8% étaient déjà connu porteur de BPCO avant l’enquête (Tableau 7).

 


Tableau 7 : Fréquence des antécédents de maladies respiratoires chroniques chez les patients BPCO stade 1+ GOLD

 

Total

Non BPCO

BPCO stade 1+

p

Asthme

8.0 (0.9)

6.3 (0.8)

25.5 (5.7)

<10-3

Emphysème

0.2 (0.1)

0.1 (0.1)

2.0 (1.4)

0,02**

BC*

1.1 (0.4)

0.2 (0.2)

10.8 (3.6)

<10-3

BPCO

0.9 (0.3)

0.3 (0.2)

6.8 (3.0)

<10-3

* Bronchite chronique ** Test de Fischer exact

 

  • Symptômes respiratoires chroniques (Tableau 8)

Chez les individus étiquetés BPCO, la prévalence des symptômes respiratoires chroniques et des symptômes évocateurs de BC augmentait avec le stade de sévérité GOLD.

Ainsi, 43,8% des individus BPCO étaient tout à fait asymptomatiques, ils étaient 76,8% (9.7) au stade 1 et 40,2% (8.3) au stade 2 ; alors que la totalité des patients au stade 3 et plus étaient symptomatiques.

Parmi les symptômes les plus fréquemment signalés, quel que soit le stade de sévérité DVO, deux d’entre eux prédominaient : la dyspnée d’effort et les sifflements thoraciques expiratoires.

D’une manière générale, un tiers des individus dépistés porteurs d’une obstruction bronchique non réversible, avait bénéficié de test spirométrique auparavant (32,8%).

 

Tableau 8 : Fréquence des symptômes respiratoires chroniques chez les patients BPCO selon le stade de sévérité GOLD

 

BPCO

Selon la classification GOLD

p value

Stade 1

Stade 2

St. 3+

Toux chronique

12.3 (3.8)

5.6 (5.4)

13.7 (5.4)

19.1 (10.3)

<10-3

Expectoration

12.7 (3.9)

5.6 (5.4)

14.5 (5.6)

19.1 (10.3)

<10-3

Toux + Expectoration Chroniques, BC

15.8 (4.3)

5.6 (5.4)

17.3 (6.1)

26.8 (12.5)

<10-3

Sifflements

43.4 (6.0)

13.7 (7.6)

46.1 (8.1)

85.1 (8.3)

<10-3

Dyspnée

38.1 (5.8)

9.6 (6.8)

36.2 (7.7)

93.8 (6.7)

<10-3

Asymptomatiques respiratoires

43.8 (6.3)

76.8 (9.7)

40.2 (8.3)

 

Spirométrie Ant.

32.8 (6.0)

4.0 (4.0)

37.9 (8.3)

65.4 (12.5)

<10-3


  • Comorbidités (Tableau 9).

L’hypertension artérielle constituait la première comorbidité chez les patients BPCO avec 34,4%, loin devant le diabète type II.

La proportion de la tuberculose pulmonaire était de 9.1% parmi les individus BPCO stade 1+ et de 12.7% des stades 2+. Tous les cas avaient été déclarés guéris avant notre enquête.

Tableau 9. Fréquence des comorbidités chez les patients BPCO stade 1+ et stade 2+ GOLD

 

 

GOLD 1+

n=79

GOLD 2+

n=58

p

Cardiopathie

7.3 (2.6)

6.6 (2.9)

0,85

HTA1

34.4 (6.0)

35.4 (6.7)

0,80

Diabète

14.0 (5.0)

12.3 (4.6)

0,75

AVC2

0.8 (0.8)

1.1 (1.1)

 

Antécédents de tuberculose3

9.1 (3.4)

12.7 (4.7)

0,74

 

 

  • Facteurs de risque (Tableau 10)


Les analyses de régression logistique multivariable ont montré qu’un âge de 60 ans et plus, une IMC inférieure à 18 kg/m2, des antécédents d’asthme ou de tuberculose pulmonaire étaient significativement associés au diagnostic de BPCO stade 2+ GOLD.


Tableau 10 : Analyse de régression brute et ajustée des facteurs de risque (variables catégorielles) de BPCO stade 2+ GOLD

Variables

OR ajusté

IC 95%

p-value

Sexe

Hommes

Femmes

2.53

1.0 Réf.

0.77-8.25

0.124

Age, années

40-49

50-59

60-69

70+

1.0 Réf.

1.29

6.28

6.74

0.49-3.42

2.38-16.60

1.92-23.62

0.604

<10-4

0.003

Niveau d’instruction

– Secondaire et plus

– Aucun et primaire

1.0 Réf.

1.26

0.61-2.59

0.529

Statut tabagique (2)

– Non-fumeurs

– Fum. et ex-Fum.

1.0 Réf.

1.91

0.52-7.02

0.327

Nombre de PA

– Non-fumeurs

– 0-9

– 10-20

– 20+

1.0 Réf.

0.32

1.37

0.05-1.88

0.49-3.85

0.205

0.549

IMC, Kg/m2

–        <18

–        18-24.9

–        25-29.9

–        ≥30

6.58

1.0 Réf.

0.98

0.60

1.88-23.00

0.47-2.02

0.23-1.54

0.003

0.953

0.286

Exposition professionnelle,

–        Oui

–        Non

0.86

1.0 Réf.

0.37-1.99

0.726

Exposition régulière à la Biomasse (cuisine et/ou chauffage)

–        Oui

–        Non

0.83

1.0 Réf.

0.37-1.85

0.653

Notion d’asthme

– oui

– non

20.19

1.0 Réf.

8.27-49.24

<10-4

Antécédents de tuberculose

– oui

– non

5.04

1.0 Réf.

1.47-17.28

0.001

Antécédents familiaux de maladie respiratoire chronique

–        Oui

–        Non

3.23

1.0 Réf.

1.21-8.58

0.019

 

  • Discussion
  • Prévalence

Le taux de prévalence de la BPCO chez la population d’El-Hadjar (Annaba) âgés de 40 ans et plus (≥40 ans) est de 8,8% pour le stade 1 et plus (1+) et de 6,3% pour le stade 2 et plus (2+) de la classification GOLD 2006.

Les hommes sont plus fréquemment touchés avec un sex-ratio à 2,4, ainsi que les personnes âgées de 60 ans et plus (≥60 ans).

Nous pouvons considérer la BPCO comme une affection prévalente à El-Hadjar. Les résultats illustrent l’ampleur de la charge que cette pathologie posera dans un avenir proche au vu du vieillissement de la population. En effet, l’augmentation de l’espérance de vie expose les personnes les plus âgées aux maladies chroniques dont la BPCO (20).

De plus, la multiplication des facteurs environnementaux, générés par l’urbanisation accélérée et incontrôlée et l’implantation des industries de transformation dans la région d’Annaba et particulièrement à la commune d’El-Hadjar, a probablement favorisé le développement de maladies non spécifiques des voies aériennes (21).

En Algérie, seule une enquête de prévalence basée sur des critères spirométriques a été publiée en 2011. Elle a été réalisée auprès des ménages de la wilaya d’Alger sur la base d’un questionnaire et des tests fonctionnels respiratoires. Elle porte sur un échantillon de 1.800 individus de 21 ans et plus. Le diagnostic de BPCO, utilisant la valeur seuil de 0.70 du rapport VEMS/CVF mesuré en post-bronchodilatation, est posé en milieu hospitalier. La prévalence de la BPCO chez les 40 ans et plus est de l’ordre de 9,2% (14). Cette enquête, qui présente des différences méthodologiques avec notre travail, a permis toutefois de rapporter un chiffre de prévalence pour la wilaya d’Alger.

Au Maghreb, deux enquêtes transversales BOLD ont été menées à Sousse (Tunisie) (23) et à Fès (Maroc) (24). Les taux de prévalence enregistrés dans ces deux villes, ainsi que leurs tendances selon le sexe et l’âge, sont assez proches de ceux d’El-Hadjar avec :

  • 7,8% et 12,6% respectivement à Sousse et Fès (vs 8,8% El-Hadjar) pour le stade 1+;
  • 4,2% et 7,9% respectivement à Sousse et Fès (vs 6,3% El-Hadjar) pour le stade 2+.

Ces résultats pourraient être expliqués non seulement par la méthodologie et des critères de contrôle de qualité des mesures spirométriques standardisés au niveau des trois sites, mais aussi par les similitudes socio-culturelles et environnementales des populations étudiées.

Sur le plan mondial, il existe une grande variabilité de la prévalence de la maladie, quel que soit la situation géographique et le statut économique des pays (25-27), allant à titre d’exemple de 0,2% au Japon à 37% aux États-Unis selon une méta-analyse des données épidémiologiques publiées (28).

De plus, l’étude PLATINO, dont la méthodologie est pratiquement similaire à celle de la présente enquête, rapporte des estimations variant de 7,8% à 19,7% dans cinq pays d’Amérique Latine (29).

Dans une autre étude publiée en 2015, les auteurs rassemblent les données de quatre études internationales (BOLD, PATINO, EPI-SCAN, PREPOCOL) au niveau de 44 sites (27 pays) chez une population de 30.874 adultes ≥ 40 ans. La prévalence globale de la BPCO définie par le rapport VEMS/CVF < LIN en post-bronchodilatation est de 9,7%, variant de 3,6% (Barranquilla, Colombie) à 19,0% (Le Cap, Afrique du Sud) (30). Cette hétérogénéité des résultats est due en partie aux différentes méthodologies utilisées.

Toutefois, l’étude BOLD (7) démontre qu’en dépit d’une conduite méthodologique standardisée et une définition spirométrique de la BPCO standardisée, les taux de prévalence de la BPCO dans 12 pays demeurent très variables. D’autres études internationales confirment cette disparité géographique des taux de prévalence de la BPCO (29,31). Les facteurs environnementaux, le niveau du tabagisme des populations locales, la prédisposition génétique, la situation épidémiologique (cas de l’Afrique du Sud où tuberculose et pneumoconioses sont prévalentes) seraient autant de facteurs de risque différents (7,8,10) (Tableau 56).

 

  • Age 

A El-Hadjar, la prévalence de la BPCO augmente avec l’âge, dans les deux sexes, passant de 4,2% pour les 40-49 ans à 22,5% pour les 70 ans et plus.

De nombreuses enquêtes épidémiologiques ont retrouvés des résultats identiques (7,32,33). Selon les données épidémiologiques prédictives, l’augmentation de la prévalence de la BPCO dans le monde serait bien plus le fait du vieillissement de la population (allongement de l’espérance de vie) que de l’augmentation de la prévalence du tabagisme (33).

Cette transition démographique s’accompagne d’une transition épidémiologique et incite les professionnels et les décideurs politiques chargés de la santé à un changement dans le mode de pensée afin d’identifier les besoins et de s’adapter aux nouvelles exigences de santé publique (21).

 

  • Sexe 

Notre étude montre que la BPCO est deux fois plus prévalente chez les hommes que chez les femmes (11,9% vs 5,7%). Cette prédominance masculine est probablement le fait du tabagisme exclusivement masculin et d’une consommation importante.

Des constatations similaires sont relevées aussi bien dans les études multicentriques internationales (7,34) qu’au niveau local (Alger) (14) et régional (Sousse, Fès) (23,24).

En revanche, il est noté à El-Hadjar une prévalence de la BPCO chez la femme nettement plus élevée qu’à Alger et Sousse (El-Hadjar 5,7% vs Alger 2,5%, Sousse 1,9%) malgré la quasi-absence de tabagisme féminin (proportion de femmes tabagiques : El-Hadjar 0,4% vs Alger 5,8%, Sousse 5,2%).

Cette observation laisse supposer l’existence dans notre région d’autres facteurs exposants notamment environnementaux. En effet, jusqu’aux années 1970, la région d’El-Hadjar était totalement rurale et agricole. La plupart des femmes aujourd’hui âgées de 40 ans et plus ont été exposées dans leur jeunesse à la fumée de la biomasse utilisée pour la cuisson et/ou le chauffage.

Le fait qu’à exposition égale au tabagisme et autres aérocontaminants, les femmes seraient plus susceptibles de développer une BPCO que les hommes est toujours controversé (35).

  • Sévérité du DVO persistant

La prévalence du stade GOLD 1 à El-Hadjar est plus faible que celle retrouvée dans les douze sites de l’étude BOLD (7). Ceci est probablement dû au fait que notre population soit relativement plus jeune avec une moyenne d’âge à 54 ans. En effet, le seuil fixe du rapport VEMS/CVF, utilisé dans notre étude comme critère diagnostique de BPCO, diminue physiologiquement avec l’âge. Il pourrait en résulter une surestimation du diagnostic chez les personnes d’âge avancé (36,37). Dans une perspective de santé publique, la charge sociale et économique de la BPCO est modeste au stade 1 et augmente progressivement avec la sévérité de la maladie (38).

Les stades GOLD 2 et 3+ sont plus fréquents que dans l’enquête menée à Alger (El-Hadjar 4,8% et 1,5% vs 2,7% et 0,5% Alger) (14), qui a utilisé les mêmes équations de références européennes (39). Par ailleurs, dans l’étude tunisienne, où la spirométrie a été réalisée dans les mêmes conditions qu’à El-Hadjar et soumise au même contrôle de qualité rigoureux, la prévalence du stade 2 est identique à celle de notre enquête (El-Hadjar 4,8% vs Sousse 4,2%) et légèrement différents pour le stade 3+ (El-Hadjar 1,5% vs Sousse 0%) (23).

  • Sous-diagnostic

Notre travail met en exergue le sous-diagnostic dont souffre la BPCO à El-Hadjar. En effet, seuls 6,8% des cas dépistés étaient déjà connus et 32,8% avaient bénéficié d’une spirométrie auparavant (Tableaux 7 et 8). Nous évoquons ci-dessous les raisons qui nous semblent l’expliquer :

  • Une expression clinique pauvre : seuls 56,1% des patients au stade 1+ GOLD ont au moins un symptôme pendant au moins trois mois par an en dehors de toute atteinte virale saisonnière, alors que 100% des stades 3+ GOLD sont symptomatiques. Aussi, compte tenu de la prévalence relativement faible et de la valeur prédictive négligeable des symptômes, l’approche diagnostique la plus efficiente serait de rechercher un DVO persistant chez les personnes considérées comme « à risque ».
  • Une sous-utilisation de la spirométrie : La prescription de cet examen ne parait pas fréquente même pour les patients symptomatiques respiratoires (100% des stades 3+ sont symptomatiques et parmi eux 93,8% souffrent d’une dyspnée d’effort). De nombreuses études à travers le monde mettent en évidence le recours insuffisant à la spirométrie dans le diagnostic des maladies respiratoires chroniques dont la BPCO (30,40). Ceci est d’autant plus vrai que les principales recommandations admettent que l’examen spirométrique reste un élément diagnostique indispensable.
  • Un sous-diagnostic : Nos résultats confirment ceux de la quasi-totalité des études concernant le sous-diagnostic de la BPCO (14,23,24,41). Les raisons en sont variées et souvent liées. Les plus communes semblent être: la pauvreté et la banalisation des signes cliniques, la méconnaissance de la maladie, la sous-prescription de la spirométrie en pratique courante.

Deux points d’ordre méritent d’être soulevés quant au diagnostic de la BPCO :

  • La définition du DVO 

Celui-ci est mis en évidence lorsque le rapport VEMS/CVF, mesuré en post-bronchodilatation, est diminué. La problématique réside dans la définition de cette « diminution ». Il n’y a pas à ce jour d’unanimité sur le seuil limite d’anormalité à considérer : seuil fixe de 0,70 (GOLD) (4), limite inférieure de la normale (ATS/ERS) (42) ou Z-score (ERS/GLI) (43).

Nous pouvons dire qu’actuellement deux types de définitions caractérisent le DVO:

  • Une définition opérationnelle, représentée par un rapport VEMS/CVF < 0,70 ; dont le but principal est le dépistage et la détection précoce du syndrome fonctionnel obstructif. Cette définition, même si elle manque de fiabilité chez les personnes âgées, a le mérite d’être simple, facilement applicable par les professionnels de santé, et indépendante des valeurs de références.
  • Une définition physiologique, représentée par un rapport VEMS/CVF < LIN, plus fiable sur le plan épidémiologique car elle réduit le risque d’erreur diagnostique chez certains groupes de la population (personnes âgées). Toutefois, dans les pays à revenu bas ou intermédiaire, la disponibilité plus qu’insuffisante des spiromètres électroniques dotés d’un logiciel adéquat, leur coût relativement élevé et le manque de personnel qualifié constituent un véritable obstacle à leur utilisation large.

Par ailleurs, nous avons appliqué le protocole BOLD (rapport < 0,7) pour avoir des résultats comparables à ceux des autres sites participants. Toutefois, nous adhérons en partie aux arguments des partisans de la LIN, notamment en ce qui concerne la précision du diagnostic.

Il nous semble que l’approche pratique de privilégier et d’implanter les tests spirométriques et la formation des personnels de santé constituent des priorités plus importantes que les subtilités épidémiologiques (44).

  • Le diagnostic de BPCO

Lors de l’élaboration et de l’implantation du protocole BOLD en 2005, le diagnostic et le degré de sévérité de la BPCO, selon le GOLD, était exclusivement basés sur des critères spirométriques avec respectivement le rapport VEMS/CVF et le VEMS mesurés en post-bronchodilatation. L’approche diagnostique des principales bronchopathies chroniques (BPCO, asthme) était alors très bien individualisée.

Depuis 2011 (45), le GOLD associe de plus en plus, dans ses recommandations, des éléments cliniques (dyspnée, fréquence d’exacerbation), au critère fonctionnel rendant le diagnostic et surtout l’évaluation de la BPCO plus « humanisé ». Le DVO persistant pris seul définit maintenant le concept d’obstruction bronchique chronique (Chronic Airflow Obstruction pour les anglo-saxons) dont l’approche est intégrative.

 

  • Facteurs de risque identifiés
  • Antécédents d’asthme bronchique

20,3% des participants avec DVO persistant rapportent la notion d’asthme connu. Ces deux pathologies peuvent partager le même tableau clinique et le même profil fonctionnel respiratoire. Les patients pourraient alors être étiquetés asthmatiques d’autant plus que, comme mentionné plus haut, le recours à la spirométrie n’est pas tout à fait intégré dans la pratique courante (30,40).

D’un autre côté, étant largement inconnue du public et méconnue d’une grande partie des professionnels de santé, la dénomination « asthme » est parfois attribuée à tort à la BPCO, car elle désigne une maladie plus connue et plus redoutée dans l’esprit collectif. Ainsi, toute dyspnée, intermittente ou permanente, est assimilée à de l’asthme surtout si elle s’accompagne de sifflements. Cet état de fait pourrait expliquer le taux d’individus rapportant, à tort ou à raison, le diagnostic d’asthme dans notre enquête.

Toutefois, il a été montré dans de nombreuses études menées à travers le monde, que l’asthme constituait un facteur de risque significatif de BPCO (47,48).

Aussi, en l’absence de plus d’informations cliniques, thérapeutiques et évolutives nous ne sommes pas en mesure d’interpréter avec précision nos résultats.

  • IMC bas

Dans notre étude, la proportion des personnes avec obstruction bronchique chronique est d’autant plus élevée que l’IMC est plus bas. De nombreuses études transversales, dont les études BOLD et PLATINO, rapportent également cette tendance, avec une prévalence de la BPCO plus élevée dans le groupe classé en état d’insuffisance pondérale (49). Il constitue d’ailleurs un facteur prédictif de mortalité (50).

  • Antécédents de tuberculose pulmonaire

L’analyse des Odds Ratio ajustés de la population d’El-Hadjar montre une association statistiquement significative entre les antécédents de tuberculose pulmonaire et l’obstruction chronique des voies aériennes (BPCO) au stade 2+ GOLD (OR=5,04, IC 1,47-17,28, p=0.001), indépendamment des autres facteurs de risque.

Nos résultats rejoignent ceux de nombreuses études précédentes réalisées en milieu hospitalier ou en population générale (51), dont les études PLATINO (52) et PREPOCOL (53). Dans l’étude PLATINO il est également souligné que la notion de tuberculose pulmonaire antérieure est associée aux stades spirométriques obstructifs les plus sévères (29).

Si les séquelles anatomiques de la tuberculose pulmonaire, ainsi que leurs conséquences fonctionnelles respiratoires restrictives, sont bien connues, il n’en est pas de même pour les mécanismes menant à l’obstruction des petites et moyennes bronches.

  • Antécédents familiaux de maladie respiratoire chronique

Comme pour la tuberculose, la notion d’antécédents de maladie respiratoire chronique dans la famille proche (BPCO, bronchite chronique, emphysème) est indépendamment corrélée au DVO persistant stade 2+ GOLD (OR= 3,23 ; IC 1,21-8,58 ; p=0.019). Là aussi, le lien de causalité ne peut être établi de façon formelle en raison du faible effectif enregistré.

Ces résultats sont toutefois relativement proches de l’étude multicentrique américaine « COPD Gene » réalisée sur une population adultes de quarante ans et plus comptant 821 patients BPCO et 776 cas-contrôle fumeurs. Il est démontré que les antécédents familiaux de BPCO sont un facteur de risque d’obstruction bronchique chronique caractéristique (OR=1,73 ; IC 1,36-2,20 ; p<0.0001) sans rapport avec le tabagisme familial ou personnel. Ils auraient également un impact sur la sévérité de la maladie (54).

L’implication de facteurs génétiques dans la genèse et la sévérité de la BPCO est de plus en plus plausible comme en témoignent les conclusions de nombreuses études génomiques de cohortes (55, 56).

  • Perspectives

Le présent travail a permis de conforter notre idée que cette maladie est un problème local à court et probablement à long terme.

Chez la population âgée de 40 ans et plus d’El-Hadjar soit 10.940 individus, la prévalence des fumeurs et ex-fumeurs à raison de 10 PA et plus est de 31.1% soit 3.402 personnes. Si l’on considère que 20% d’entre eux feront une BPCO post-tabagique, le nombre prédit de malades porteurs de cette maladie dans les années à venir à El-Hadjar sera de 680. Ce calcul simplifié laisse présager de la charge médico-sociale de la maladie dans notre région.

Aussi, il y a nécessité d’élaborer et de mettre en place un plan d’action de santé pertinent pour faire face au problème que pose la BPCO en termes de prévention et de prise en charge.

Ce plan d’action doit être centré sur le patient, focalisé sur ses besoins et animé par le médecin généraliste. Ses objectifs généraux se résument en quatre points :

  • Recueillir les données sanitaires de la BPCO : indicateurs d’activité et de gestion de la maladie ;
  • Assurer un diagnostic précoce de la maladie pour une l’efficience de notre action : mise en place d’un parcours de soins (médecin généraliste, pneumologue, consultation anti-tabac, laboratoire de spirométrie) ;
  • Améliorer la qualité de vie des patients en évitant ou en réduisant les incapacités fonctionnelles : programme d’éducation thérapeutique, initiation de plan de formation ;
  • Instaurer une évaluation périodique des actions menées.

Les principaux intervenants de ce plan de santé seraient :

  • Les décideurs chargés de la santé pour la mise à disposition des moyens matériels et humains et la participation à l’implantation d’un réseau de santé adapté;
  • le médecin généraliste, véritable cheville ouvrière, pour le sevrage tabagique (conseil minimal), le diagnostic précoce de la BPCO chez les groupes à risque, le traitement approprié, le suivi régulier et les principes de base de l’éducation thérapeutique.

Il constitue ainsi le point d’attache, toujours disponible, nécessaire à tout malade chronique.

Toutefois, ces attentes ne resteront qu’un vœu pieux sans une formation adaptée, opérationnelle, utile et réaliste, ainsi que la participation effective des partenaires de santé (faculté de médecine, assurance maladie).

  • Conclusion

La prévalence de la BPCO chez les résidents d’El-Hadjar (Annaba) âgés de quarante ans et plus est de l’ordre de 8,8% tous stades confondus et de 6,3% pour le stade 2 et plus.

La maladie reste sous-diagnostiquée même chez les patients aux stades avancés de sévérité, pourtant symptomatiques et potentiellement demandeurs de soins. Par ailleurs, l’obstruction bronchique chronique chez les non-fumeurs, étiquetés BPCO, pourrait contribuer au retard diagnostique et laisse supposer l’implication possible de facteurs de risque autre que le tabac dans la genèse de la maladie.

Notre étude montre qu’à El-Hadjar, outre les personnes de plus de 60 ans et les tabagiques à plus de 20 PA, les individus avec des antécédents d’asthme ou de tuberculose pulmonaires constituent aussi un groupe à risque de développer une obstruction irréversible des voies aériennes.

Nous restons convaincus que les meilleurs moyens de lutte contre cette maladie restent les mesures préventives, notamment la lutte anti-tabac et le sevrage tabagique à tous les niveaux d’intervention.

Afin de réduire la morbi-mortalité et les dépenses de santé liées à cette grave maladie émergente, il nous parait urgent de mettre en place un plan d’action sanitaire local.

La mesure de la prévalence de la BPCO est un prérequis à l’évaluation de la charge médico-sociale et financière de la maladie, tant au niveau local que national et dont la finalité serait la conception et l’implantation d’un programme de santé spécifique.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 

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Introduction

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), peu connue du grand public, est une pathologie grave, handicapante, évolutive et longtemps asymptomatique. Elle est caractérisée par une obstruction permanente des bronches. Cette maladie pourrait devenir selon l’OMS, la troisième cause de mortalité d’ici 2030.

 

Prof. R. Benali, Faculté de Médecine – Université Badji Mokhtar Annaba

 

 

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), peu connue du grand public, est une pathologie grave, handicapante, évolutive et longtemps asymptomatique. Elle est caractérisée par une obstruction permanente des bronches. Cette maladie pourrait devenir selon l’OMS, la troisième cause de mortalité d’ici 2030.

 

Définition 

La BPCO est définie comme une maladie respiratoire chronique, lentement progressive, caractérisée par une diminution non complètement réversible des débits aériens. Cette définition scientifique est validée et reconnue par l’ensemble des sociétés savantes. Elle est définie par le consensus GOLD (Global initiative for chronic Obstructive Lung Disease), rédigé conjointement par l’OMS et le National Institute of Health nord-américain. Elle est approuvée par les sociétés savantes.

 

GOLD 2020 

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie/syndrome hétérogène qui se caractérise par des symptômes respiratoires persistants et une limitation du débit d’air, due à des anomalies des voies respiratoires et/ou alvéolaires généralement causées par une exposition importante à des particules ou des gaz nocifs et influencée par des facteurs de l’hôte, y compris des anomalies anormales. développement pulmonaire. Des comorbidités importantes peuvent avoir un impact sur la morbidité et la mortalité.

Il peut y avoir une pathologie pulmonaire importante (par exemple, l’emphysème) en l’absence de limitation du débit d’air qui nécessite une évaluation plus approfondie.

On pourra énoncer que la BPCO est une maladie chronique, évitable et traitable, systémique à expression respiratoire.

Elle se caractérise :

Sur le plan physiopathologique : un déficit ventilatoire obstructif persistant mis en évidence par le rapport VEMS/CVF lors d’une spirométrie, mesuré en post-bronchodilatation, inférieur à 70%.

 

Sur le plan physiopathogénie : La BPCO est « une déprogrammation » au niveau du processus de réparation. Physiologiquement, lorsqu’une partie de l’organisme est soumise à une agression (chimique, physique ou autres), il y a une inflammation, afflux cellulaire, réparation puis cicatrice.

Dans le cas des maladies inflammatoires chroniques, dont la BPCO, où les agressions sont continues, répétées, intenses parfois, la phase de réparation se fait mal ou ne se fait pas. Aussi, le processus inflammatoire se pérennise, et apparition de facteurs de développement de fibres de collagènes avec apparition d’une fibrose.

 

Sur le plan étiologique : La BPCO résulte de l’interaction entre une prédisposition génétique et l’exposition à des facteurs environnementaux défavorables.

Incriminé dans plus de 80 % des cas de BPCO, le tabac n’est néanmoins pas seul responsable. L’inhalation de produits toxiques, sans omettre tous les aérocontaminants (organique, inorganique, gazeux), et une prédisposition génétique.

Sur le plan évolutif : une évolution rythmée par la survenue d’exacerbations.

 

Sur le plan thérapeutique : un traitement palliatif fait de médicaments symptomatiques.

 

Sur le plan état de santé : Deux tiers des patients ne se savent pas atteints de BPCO ou sont diagnostiqués lorsque la maladie est déjà très avancée. Son retentissement tant physique et psychique que social, est responsable d’une altération de la qualité de vie des patients pouvant conduire à une insuffisance respiratoire chronique.


 

Sur le plan épidémiologie

Dans le monde, la BPCO est une pathologie en augmentation constante depuis 20 ans, elle touche 4% à 10% des adultes.

 

Tableau : Les faits de la BPCO dans le monde : OMS 2016

 

Morbidité

251 millions souffraient de BPCO dans le monde

Mortalité

3millions de décès en 2015

Projection

3ème cause de mortalité en 2030

Coût

En progression

Indicateur

Socio-économique

« Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) : principaux faits », WHO. [En ligne]. Disponible sur: undefined

 

Trois grandes études épidémiologiques internationales

3 grandes études mondiales de la BPCO

  • ETUDE « Continuing to confront COPD»
  • ETUDE « Breath»
  • ETUDE « BOLD»

La comparaison entre les deux études “Continuing to Confront COPD” réalisées à 13 ans d’intervalle, souligne l’impact de l’augmentation du tabagisme féminin et du vieillissement de la population sur la prévalence.

La prévalence de la BPCO a été estimée par l’enquête BREATHE à Alger, le taux, chez les investigués dont l’âge est plus de 40 ans, est de 3,7%. Une autre étude sur Alger, par questionnaire et spirométrie, a retrouvé une prévalence de 4,9%.

À Annaba, une étude selon la méthodologie [burden obstructive lung diseases] (BOLD) a retrouvé une prévalence de 8,8% dans la daïra d’El Hadjar.

La prévalence de la BPCO est très variable, probablement en raison de différences dans les méthodes d’établissement de la prévalence de la maladie. Ces estimations, même avec des méthodologies identiques, montrent une grande variabilité. La mortalité par BPCO représente 1,3% de la mortalité hospitalière

 

Le phénotype

Le phénotype classique du patient BPCO, “un homme de plus de 45 ans, ayant fumé toute sa vie”, tend à évoluer.

En effet, les études épidémiologiques montrent aujourd’hui une augmentation du nombre de femmes atteintes de BPCO. Chez les femmes, les BPCO sont souvent plus précoces avec un pronostic plus péjoratif.

Les personnes aux conditions socio-économiques défavorables sont plus à risque de développer une BPCO.

 


Comorbidome

L’hypoxémie et l’inflammation systémique sont responsables de nombreuses comorbidités. Elles sont présentes chez plus de 60 % des patients. Elles ont un impact majeur sur les symptômes, la qualité de vie et la morbi-mortalité.

Comorbidités cardiovasculaires

L’inflammation systémique serait responsable d’un effet pro-coagulant. Une hypertension pulmonaire, une coronaropathie et une insuffisance cardiaque sont souvent associées. Elles impactent sur la survie du patient, notamment en cas d’exacerbations.

Anémie et pathologies métaboliques

L’anémie aurait plusieurs étiologies comme l’inflammation systémique, la dénutrition (carence martiale et vitaminique) et l’insuffisance cardiaque. Elle impacte surtout sur la dyspnée. Elle est présente chez 15 à 30 % des patients.

La BPCO est aussi un facteur de risque de développement d’un diabète de type 2, même à des stades précoces. En effet, certaines cytokines pro-inflammatoires seraient responsables d’une insulinorésistance. La prévalence est de l’ordre de 12 %.

Troubles neuropsychiatriques

Les troubles du sommeil sont fréquents chez les patients BPCO. Ils sont parfois liés à un syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS).

Les troubles anxiodépressifs sont également fréquents chez ces patients. L’effet anxiogène de la dyspnée est très présent et la perte d’autonomie influence le bien-être psychique des patients. Enfin, des troubles de la concentration et de la mémorisation peuvent être retrouvés en cas d’hypoxémie et de SAOS.

 

Cancer broncho-pulmonaire

Parmi les patients atteints de cancer bronchique, 40 à 70 % d’entre eux ont une BPCO. Cela s’expliquerait par la présence de facteurs de risque communs comme le tabac, des liens génétiques entre les deux maladies et par une inflammation chronique favorisante.

Troubles osseux et musculaires

La BPCO augmente le risque d’ostéoporose et de fracture osseuse. Ces troubles osseux s’expliquent par une résorption osseuse accrue par les cytokines pro-inflammatoires, le manque d’activité physique et une carence en vitamine D.

Problématique de la BPCO

  • Problèmes sémantiques: aucune appellation commune en « parler algérien ». « mal nommer la chose c’est ajouter malheur au monde »
  • Problèmes de formation médicale: changement de mode de pensée : de l’approche cartésienne à une approche systémique, changement de paradigmes : de la démarche probabiliste à la démarche décisionnel ; changement de dénomination : la dénomination « la BPCO » n’est apparue que dans les premières années de l’an 2000 ; affection méconnue par les générations en exercice : n’ont pas subi de formation spécifique dans ce domaine. La BPCO est l’exemple de la médecine “4P” du XXIème siècle : une médecine personnalisée, préventive prédictive et participative.
  • Problèmes de respect de guidelines: non-respect voire méconnaissances des guidelines par les praticiens.
  • Problèmes thérapeutiques: l’absence de médicaments spécifiques contribue à la confusion avec les autres broncho-pneumopathies non spécifiques et l’asthme.
  • Problèmes inhérent à la spirométrie : un sous-diagnostic important.

La mise d’un plan national de dépistage et traitement des patients BPCO est nécessité.

  • La clarification des concepts méthodologiques (VEMS est un indicateur diagnostique, le DEMM est un indicateur épidémiologique) ; concept patient (objet dans les années 50, allié dans les années 2000 voire personne dans le programme d’éducation patient) ; concept approche patient (approche observationnelle des années 50 à l’approche globale dans les années 2000 avec responsabilisation des patients dans la gestion de la maladie et le partage des connaissances).
  • Définir le nouveau rôle des professionnels de santé: réapprendre à écouter, à parler, à aider, à suivre un patient sur une longue durée.
  • Le développement de moyens de prévention tels que le dépistage précoce ou l’orientation médicale vers un spécialiste sont des enjeux majeurs de la prise en charge de la BPCO.
  • Agir en amont de la maladie afin d’en limiter les conséquences humaines et économiques.
  • Le dépistage et le diagnostic sont assez simples, mais rarement mis en pratique.
  • La nécessité d’une spirométrie reste un obstacle.

Cela conduit à l’une des problématiques de la maladie : un sous-diagnostic important. Le sous-diagnostic est notamment important chez les patientes fumeuses. Le patient consulte le plus souvent lorsque la dyspnée devient handicapante donc à un stade déjà bien avancé. Les symptômes restent banalisés par le patient et attribués au tabagisme. Le malade adapte son mode de vie au déclin de sa fonction respiratoire.

Pour répondre à la problématique sus énoncée, l’ensemble des professionnels de santé est invité à participer à ces actions de dépistage et d’orientation médicale.

 

 

Références

 


  • Feriel Atoui, Thèse de DESM : Programme d’éducation thérapeutique pour les patients souffrant de BPCO, Faculté de médecine Annaba 2017
  • Hamid Hacene Cherkaski, Thèse de DESM : Prévalence de la BPCO dans la commune d’El-Hadjar, Annaba, Faculté de médecine Annaba 2016
  • Khaled Deghdegh, Thèse de DESM : la BPCO : facteurs prédictifs de ré-hospitalisations pour exacerbations (étude FPR-BPCO), Faculté de médecine Annaba 2016
  • Randa Yakoubi, Thèse de DESM : construction d’un module de formation sur la BPCO pour une population médicale soignante. Faculté de médecine Annaba 2019
  • Roche, R. Ajjouri, A. Compagnon, T. V. D. Molen, et H. Mullerova, « Données françaises dans l’enquête internationale Continuing to confront COPD (C2C) », Rev. Mal. Respir., vol. 34, no 3, p. 180‑187, mars 2017
  • Fuhman et M-C. Delmas « Épidémiologie descriptive de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) », 24 Aout 2009
  • Brinchault et al., « Les comorbidités dans la BPCO », Rev. Pneumol. Clin., vol. 71, no 6, p. 342‑349, déc. 2015.
  • Couillard, D. Veale, et J.-F. Muir, “Les comorbidités dans la BPCO : un nouvel enjeu en pratique clinique”, Rev. Pneumol. Clin., vol. 67, no 3, p. 143‑153, juin 2011.
  • -R. Burgel, « Rôle des comorbidités dans l’évolution de la BPCO », Rev. Mal. Respir., vol. 25, no 9, p. 11‑15, nov. 2008.
  • Escamilla, « La BPCO au-delà de l’appareil respiratoire », Presse Médicale, vol. 43, no 12, p. 1381‑1386, déc. 2014.

 

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Étude descriptive de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs chez le coronarien algérien

L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs reste souvent ignorée, sous-diagnostiquée, et sous- traitée

 

R. Merghit1, A. Trichine1, M. Aït Athmane2, A.Lakehal3

1 Service de Cardiologie, Hôpital Militaire Ali Mendjli, Constantine,

2 Service de Cardiologie, CHU Ibn Sina de Annaba,

3 Service d’Épidémiologie, CHU Dr Abdesselam Benbadis de Constantine.

 

Abstract: Introduction: lower limb peripheral artery disease (PAD) remains undervalued because of its asymptomatic character and insidious evolution. Aim of our study: is to evaluate the characteristics of lower limb PAD in patients with established coronary artery disease (CAD). Patient and methods: Our study is descriptive, cross-sectional, monocentric carried out in the unit of cardiovascular exploration of the University Hospital of Constantine. The enrolled patients had at least a significant stenosis ≥ 50% on a main epicardial coronary artery, for each patient, an oriented history and cardiovascular clinical examination preceded the measurement of the ABI (Ankle-brachial index). Lower limb PAD was defined as an ABI less than 0.90 on one of the four distal arteries of the lower limbs. Whenever the ABI was in favor of PAD, an arterial lower limbs echo Doppler was performed. Results: 300 patients with established CAD, a mean age of 61 years with male predominance, were included. The frequency of the association lower limbs PAD and coronary artery disease was evaluated at 34.7% using ABI. It was asymptomatic in 18.67% of cases. Infra-popliteal axis involvement was the most common of the lower limb arterial axis followed by femoro-popliteal and then aorto-iliac. Conclusion: Symptomatic or not, more than one patient out of three with established CAD has a lower limb PAD. The dissemination of the use of pocket Doppler device in order to calculate the ABI in patient with CAD will certainly increase the percentage of multivascular patients. this will lead to a modification of the therapeutic strategy which will be more aggressive.

Keywords: ABI, coronary artery disease, frequency, lower limbs, arterial echo Doppler.

Résumé : Introduction. L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) reste encore sous-évaluée, car longtemps asymptomatique et d’évolution sournoise. Objectifs : analyser les caractéristiques de l’AOMI chez les patients coronariens. Patients et méthodes : Notre étude est descriptive, transversale, monocentrique réalisée dans l’unité ’explorations cardiovasculaires de l’hôpital universitaire de Constantine. Les sujets inclus avaient aux moins une lésion coronaire significative ≥ 50% sur une artère coronaire principale. Pour chaque patient, une anamnèse orientée et un examen clinique cardiovasculaire ont précédé la mesure de l’indice de pression systolique (IPS). L’AOMI était définie par un IPS inférieur à 0,90 sur une des quatre artères distales des membres inférieurs. À chaque fois que l’IPS était en faveur d’une AOMI, un écho doppler artériel des membres inférieurs (EDAMI) a été réalisé. Résultats : Trois cents patients coronariens, âgés en moyenne de 61 ans, à prédominance masculine, ont été inclus. La fréquence de l’association AOMI et coronaropathie était de 34,7% en utilisant l’IPS, asymptomatique dans 18,67% des cas. L’atteinte de l’axe infra-poplité est la plus fréquente des atteintes des axes des membres inférieurs, suivie par l’atteinte fémoro-poplitée puis aorto-iliaque. Conclusion : L’association AOMI coronaropathie est très fréquente (plus d’un malade sur trois), que l’AOMI soit symptomatique ou non. Grace à une technique simple (doppler de poche) et un temps d’examen court, le dépistage de l’AOMI devient pratique chez les patients à risque Ceci va surement modifier le niveau de risque du patient en augmentant le pourcentage de malades polyvasculaires, ce qui va aboutir à une modification de la stratégie thérapeutique qui sera plus agressive.

Mots clés : IPS, AOMI, coronaropathie, fréquence, écho doppler artériel des membres inferieurs.

 

Introduction

L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs reste souvent ignorée, sous-diagnostiquée, et sous- traitée [1,2]. Elle représente un puissant prédicteur d’événements cardiovasculaires, de mortalité, et un marqueur de sévérité de la maladie athérothrombotique, même lorsqu’elle est asymptomatique [3-5].

La mesure de l’indice de pression systolique (IPS), ou le rapport cheville/bras, constitue une méthode simple, peu onéreuse, qui permet d’appréhender de façon rapide l’état de la perfusion distale des membres inférieurs. Sa diminution témoigne ainsi d’une altération de l’état artériel du patient. De ce fait, l’IPS est un excellent marqueur d’AOMI, bien avant l’apparition d’un retentissement fonctionnel, et aussi un marqueur de risque cardiovasculaire [1,2].

Population et méthodes

Population : Notre étude est observationnelle, descriptive, analytique et monocentrique menée sur un échantillon de 300 malades coronariens avérés, consécutive, entre mars 2016 et juin 2017 au niveau des trois services de cardiologie, des centres hospitalo-universitaires (CHU) de la ville de Constantine, ayant au moins une lésion ≥ 50% sur une artère coronaire principale, quel que soit leur âge et leur sexe, en excluant ceux ayant refusé de participer à l’étude, et les patients en ischémie aiguë des membres inférieurs. Le consentement éclairé et l’engagement du patient pour ce projet sont requis, en respectant l’anonymat.

 

Méthodes : Les patients inclus ont bénéficié d’un recueil des mesures anthropométriques (poids, taille, calcule du BMI), un recueil d’information (facteurs de risque cardiovasculaire FRCV), un examen clinique complet, un bilan biologique incluant le bilan lipidique complet (HDLc, cholestérol total, triglycérides, LDLc), une glycémie à jeun. U

ne mesure de l’index de pression systolique à la cheville (IPSch) en décubitus dorsal, les membres inférieurs et supérieurs dévêtus, chez un patient détendu depuis plus de 10 minutes, par un doppler de poche, de marque EDAN Sonotrax Vascular Lite, muni d’une sonde de 8 MHz mis en marche en 2013, avec un tensiomètre à sphygmomètre de marque RIESTER ont été utilisés. Le brassard est positionné autour de la cheville, avec son bord inférieur en position sus-malléolaire, manchette enroulée sur elle-même, de largeur entre 1,2-1,5 fois le diamètre du segment de membre, les tuyaux sortant vers le haut, la sonde Doppler inclinée, de manière à respecter au mieux un angle de 45 à 60° avec l’axe présumé de l’artère examinée.

Après l’obtention d’un signal Doppler stable, le brassard est gonflé de 20 mm Hg au-delà de la pression de disparition du signal, puis dégonflé lentement de 2 mm Hg par seconde jusqu’à réapparition d’un signal audible. La valeur retenue équivaut à la pression artérielle systolique de cheville. Les artères enregistrées sont classiquement, pour chaque membre inférieur, l’artère tibiale postérieure dans la gouttière rétro- malléolaire, l’artère pédieuse au niveau du coup de pied [6].

La manœuvre est réalisée à deux reprises sur chaque membre ; à chaque bras, le signal Doppler est capté au niveau huméral ou radial, avec le brassard positionné comme lors d’une mesure de la PA habituelle. Nous avons choisi la méthode la plus sensible pour calculer L’IPS ; c’est à dire le rapport entre le plus bas niveau de pression systolique (ATP, ADP) sur la pression systolique brachiale la plus élevée des deux bras. L’IPS été calculé pour chacune des artères de chaque membre [7]. L’index le plus bas des deux membres inférieurs est celui qui est considéré, posant le diagnostic d’AOMI s’il est inférieur ou égal 0,9 en présence ou en absence de symptomatologie. Si IPSch est limite entre 0,91 et 0,99 ; une épreuve hémodynamique de marche sur tapis roulant (épreuve de Skinner Strandness) avec prise des pressions distales au repos et après effort a été indiquée à la recherche d’une AOMI infra clinique, dont le diagnostic est retenu chaque fois que la pression distale chute d’au moins 20% dès la première minute après l’arrêt de l’effort. Dans le cas où l’IPSch est strictement supérieur à 1,3 ; un complément d’exploration hémodynamique par la mesure de l’index de pression systolique au gros orteil (IPSo) pour chaque membre à l’aide d’un photopléthysmographe ; l’IPSo représente le rapport entre la pression systolique du gros orteil et la pression systolique brachiale la plus élevée, un IPSo ≤ 0,7 est en faveur d’une AOMI.

A chaque fois que l’IPS était en faveur d’une AOMI, un écho doppler artériel des membres inférieurs (EDAMI) a été réalisé par un échographe vividE9 General Electric mis en marche en janvier 2014, en utilisant une sonde à balayage linéaire 12L, destinée à l’exploration vasculaire périphérique. Elle permet d’obtenir un dépistage ciblé et d’avoir un descriptif lésionnel précis.

Cette exploration concerne l’ensemble de l’arbre artériel. Dans chaque territoire, l’exploration est réalisée chez un patient au repos, en décubitus et systématisée suivant un protocole spécifique pour chaque territoire. Pour chaque étage (aorto-iliaque, fémoral, poplité, infra-poplité), nous avons relevé la présence ou non d’une lésion hémodynamique≥ 50% en se basant sur les critères vélocimétriques (mesure de la vélocité systolique (PVS) et du rapport des vélocités en doppler pulsé, au site de la sténose et en amont ; à l’étage iliaque, pour une sténose ≥ 50%, un PSV > 200-250 cm/s, et un ratio PSV > 2-2,5 [8] ; à l’étage sous-inguinal, un ratio supérieur à 2,5 à 3 est généralement admis pour différencier les sténoses de plus de 50% [8].

 

Analyse statistique : Les données des patients ainsi que l’ensemble des examens ont été réalisés par le même cardiologue (investigateur principal), par la suite enregistrés initialement sur une fiche de données établie à cet effet, transférés plus tard dans une base de données (fichier EXCEL 2013) conçue dans le même but. L’analyse statistique est effectuée à l’aide du logiciel SPSS 22. Les résultats sont présentés avec des intervalles de confiances à 95%, sous forme de moyenne, médiane, écart-type, et les valeurs minimums et maximums, pour les variables quantitatives. Sous forme de pourcentages avec leur écart-type pour les variables qualitatives. La fréquence observée est calculée par le nombre de coronariens présentant une AOMI, sur le nombre total de la population recrutée, évaluée avec un intervalle de confiance de 95%. Les tests de comparaison utilisés sont :

  • Le test du Chi-deux de Pearson et le test exact de Fisher pour les comparaisons de pourcentages
  • Les tests de Student ou de Mann-Whitney pour les comparaisons de
  • Le seuil de significativité statistique est considéré atteint quand le risque d’erreur est inférieur à 5% (p<0,05).

Résultats

Nous avons inclus 300 malades coronariens (Tableau 1). L’âge moyen de cette population était de 61,3 ± 11,3 ans avec des extrêmes d’âge allant de 23 à 85 ans, et une médiane de 62 ans, à prédominance masculine significative (78,3%), cette population était relativement mince (BMI moyen 27,92 ± 4,66 kg/m2 ; Tour de taille moyen 95,55 ± 11,20 cm). La majorité de nos coronariens cumulent plus de trois FRCV (72,7%). Les FRCV prédominants étaient l’âge (69%), suivi par l’HTA (58,7%), la dyslipidémie (58,3%) et le diabète (47,3%). Les FRCV les moins observés étaient le tabagisme actif (32,3%), l’obésité (29,3%), et la coronaropathie familiale (26,4%). Le diabète s’associe respectivement à l’HTA et la dyslipidémie dans 36% et 47,3% des cas ; la triple association est observée dans 37,7%.

Pour un effectif de 300 malades et sur la base de quatre IPS pour chacun d’entre eux, nous avons totalisé 1200 IPS dont l’’IPS moyen était de 1,07 ± 0,26 du côté droit et de 1,08 ± 0,24 du côté gauche. Le profil IPS selon le TASCII et l’AHA [9] était normal chez 44,7%, IPSch ≤ 0,9 évoquant une AOMI chez 17,3%, un IPSch douteux chez 17%, un IPSch > 1,3 évoquant une incompressibilité artérielle chez 21%.

Après mesure de l’IPSch d’effort dans les situations où l’IPSch est douteux (0,9<IPS<1), et mesure de l’index de pression systolique au gros orteil dans les situations où l’IPSch est >1,3. Le profil IPS définitif de notre population est résumé dans le tableau 1.

Au total, l’IPS était pathologique chez 129 coronariens, représentants une fréquence de 43% de la population globale. La fréquence de l’association AOMI et coronaropathie, diagnostiquée à l’aide de l’index de pression systolique (IPS) est de 34,7% ± 5,3 ; IC à 95% (29,3% – 40%). Cette population est composée donc de 104 malades dont 48 avec AOMI symptomatique et 56 avec AOMI asymptomatique. La fréquence de l’AOMI symptomatique était de 16%, et la fréquence de la claudication intermittente des membres inférieurs selon le questionnaire d’Édimbourg de 11,67%. L’apport de l’examen clinique était pauvre retrouvant une diminution ou abolition des pouls (11%) et une auscultation pathologique dans 7,34%.

Tableau 1 : Caractéristiques de notre population globale

VARIABLES

Population globale (n%)

300 patients

Coronariens sans AOMI associée (n%)

196 patients

coronariens avec AOMI associée (n%)

104 patients

P

Âge moyen

61,3 ± 11,3

58,14±11,3

67,24±8,4

P<0,001

Sexe ratio H/F

3,6

3,1

4,2

P= 0,012

Nombre moyen de FRCV

4,09±1,04

3,95±10

4,5±2

P<0,001

HTA

176(58,7%)

98(50%)

78(75%)

P<0,0001

Dyslipidémie

175(58,3%)

101(51,5%)

74(71,2%)

P<0,0001

Diabète

142(47,3%)

81(41,3%)

68 (65,4%)

P<0001

Tabagisme actif

97(32,3%)

49(25%)

48(46,2)%

P<0,001

Obésité

88(29,3%)

78(39.8%)

10(9.6%)

P<0,0001

Coronaropathie familiale

79(26,4%)

51(26,0%)

28(26,9%)

P=0,5

Claudication intermittente

35(11,67%)

5(2,6%)

30(28,84%)

P<0,0001

Douleur de repos

10(3,34%)

02(1,02%)

8(7,70%)

P<0,0001

Trouble trophique

3(1%)

01(0,5%)

3(2,9%)

P<0,0001

Anomalies de la palpation des pouls

33(11%)

08(4,1%)

25(24%)

<0,0001

Anomalie de l’auscultation artérielle

22(7,33%)

04(2,04%)

18(17,3%)

<0,0001

IPS moyen

A droite   : 1,07 ± 0,26

A gauche : 1,08 ± 0,24

A droite : 1,12± 0,1

A gauche :1,13 ± 0,31

A droite   : 8,07 ± 0,16

A gauche : 8,01 ± 0,20

<0,0001

AOMI isolée

(IPSch ≤ 0,9)

52 (17,33%)

AOMI associée à une media calcose

(IPSch > 1,3 et IPSo ≤ 0,7)

38 (12,7%)

AOMI infra clinique

(0,9<IPSch < 1 au repos et IPS < 0,9 après effort)

14 (4,67%)

Absence d’AOMI

(0,9 ≤ IPSch ≤ 1,3 et épreuve de strandness normale)

171 (57%)

Mediacalcose isolée

(IPSch > 1,3 et IPSo > 0,7)

25 (8,33%)

 

La répartition de l’ensemble des lésions hémodynamiques sur les différents axes artériels des membres inférieurs a montré que L’atteinte de l’axe infra-poplité est la plus fréquente des atteintes des axes des membres inférieurs. Les lésions hémodynamiques de l’étage aorto-iliaque ont concerné 20 malades (19,23%). Les lésions hémodynamiques de l’étage fémoro-poplité ont concerné 72 malades (69,23%), et les lésions hémodynamiques de l’étage infra-geniculaire ont concerné 82 malades (78,84%).

Cinquante-trois patients (51%) ayant une AOMI ne présentaient de lésions qu’à un seul des trois niveaux considérés initialement dont l’étage aorto-iliaque 13 malades (12,5%) l’étage fémoro-poplité 15 malades (14,42%) et l’étage infra-geniculaire 25 malades (24,03%).

L’analyse des facteurs de risque influençant la topographie des lésions athéromateuses hémodynamiques (Tableau 2) a montré que les facteurs significativement associés à l’atteinte de l’étage iliaque étaient un âge moyen plus bas que celui des autres malades présentant une atteinte de l’étage fémoro-poplité ou infra-geniculaire (64,14±8 versus 68,33±8,82 ; p value<0,05), le sexe masculin prédomine dans cette localisation (95,5% des malades présentant une localisation iliaque étaient de sexe masculin contre 84,52% de malades, ne présentant pas d’atteinte à cet étage avec une différence significative p value <0,05). Le tabac, actif ou ancien, était fortement corrélé à cette atteinte (94,0% versus 70,23% p value <0,05). Cependant, d’autres facteurs influencent l’atteinte de l’étage infra-poplité : L’âge moyen de ces malades était plus élevé par rapport à l’âge moyen des malades ne présentant pas d’atteinte athéromateuse à cet étage (68,46±8,35 versus 64,41±8,68 ; p value < 0,05).

Le sexe féminin (14,6% versus 9,1% ; p value <0,05), le diabète, significativement associé à la localisation distale (70,7% versus 45,5% ; p value <0,05), l’HTA (85,3% de malades ayant une localisation infra-poplitée étaient hypertendus, contre 36,36% ; p value <0,05), la dyslipidémie (76,8% versus 50,0% ; p value <0,05). L’insuffisance rénale sévère (4,9% versus 3,5% ; p value <0,05).

Tableau 2 : Distribution des FRCV en fonction de la présence de l’AOMI à chaque étage

 

*P< 0,05

Aorto iliaque

Fémoro poplitée

Infra poplitée

Population AOMI (N=104)

Oui (n=20)

Non (n=84)

Oui (n=72)

Non (n=32)

Oui (n=82)

Non (n=22)

Âge Moyen

64,14±80*

68,33±8,82

64,46±8,70

69,00±7,23*

68,46±8,35*

64,41±8,68

67,24±8,4

Sexe Masculin

19(95,0%)*

71(84,52%)

63(87,5%)

27(84,4%)

70(85,4%)

20(90,9%)

90(86,5%)

Sexe Féminin

1(0,5%)

13(15,47%)

9(12,5%)

5(15,6%)

12(14,6%)*

2(9,1%)

14(13,5%)

Tabac

19(94,0%)*

59(70,23%)

54(75,0%)

24(75,0%)

59(72,0%)

19(86,4%)*

78(75,0%)

Tabac actif

13(63,8%)*

35(41,67%)

34(63,0%)

14(58,3%)

35(59,3%)

13(68,4%)

48(61,5%)

Diabète

11(54,0%)

57(67,85%)

49(68,1%)

19(59,4%)

58(70,7%)*

10(45,5%)

68(65,4%)

HTA

12(60,0%)

66(78,57%)

52(72,2%)

26(81,3%)

70(85,3%) *

8(36,36%)

78(75,0%)

Dyslipidémie

14(70,0%)

60(71,42%)

49(68,1%)

25(78,1%)

63(76,8%)*

11(50,0%)

74(71,2%)

IR sévère

0(0,0%)

5(5,95%)

3(4,2%)

2(6,3%)

4(4,9%)*

1(3,5%)

5(4,8%)

 

Discussion

L’IPS représente la méthode d’exploration la plus simple et la plus répandue, pour le diagnostic de l’AOMI, en complément immédiat de l’examen clinique, qui a radicalement transformé la vision de l’AOMI basée sur l’évaluation de la claudication intermittente. La relative simplicité de ce test, son moindre coût et sa haute sensibilité semblent intéressants pour la détection de l’AOMI dans des populations pauci- ou asymptomatiques. Durant notre étude, a été considéré comme artéritique, tout patient symptomatique ou asymptomatique, avec l’un des critères suivants :

  • Un IPSch ≤ 0,9 au repos
  • Un IPSch ≤ 0,9 après sensibilisation à l’effort (test de Skinner Strandness positif)
  • Un IPSo≤0,7 chez un malade ayant un IPSch > 1,3.

En se basant sur ces conditions, la fréquence de l’association coronaropathie et AOMI était de 34,7% ± 5,3 ; IC à 95% (29,3% – 40%). Dans la littérature, cette fréquence est très supérieure à celle de la population générale (6 à 39% versus 0,8 à 6,9%) [10], atteignant 25 à 40% chez les malades coronariens [11]. Notre fréquence est nettement supérieure à celle des études ayant introduit l’IPS comme moyen diagnostique, mais définissant une AOMI seulement par un IPSch de repos strictement inférieure à 0,9 (IPSch de repos <0,9), sans complément de mesure par les tests physiologiques qui sont la mesure de l’IPSo en cas de mediacalcose et la recherche d’une AOMI infraclinique dans les cas limites (IPSch de repos entre 0,91-0,99), des études telles que l’étude internationale CAPRIE en 1996 [12], incluant près de 20.000 patients ; 15,2% des patients ayant une pathologie coronarienne étaient artéritiques et le registre Monica-Toulouse en 1998 [13], mené sur 4.368 malades et qui a consisté à évaluer la prévalence de l’AOMI et sa valeur pronostique chez des patients hospitalisés, pour un épisode coronarien aigu en France retrouvait 18,8%. Des résultats similaires ont été signalés dans l’étude PARTNERS en USA 1999 [5], la fréquence était de 15% sur un échantillon de 10.000 coronariens. En revanche, la plus faible fréquence était observée pour Al-Thani en 2011 [14], dans le registre « the Gulf Register » incluant 6 pays du Moyen-Orient, avait retrouvé une prévalence de 2,6% chez les 6.705 patients hospitalisés dans 46 centres de cardiologie pour un syndrome coronarien aigu, sur la base d’un IPS inférieur à 0,80. Le seuil bas de l’IPS pris comme définition de l’AOMI par l’auteur, et des taux très élevés de diabète dans cette population avoisinant 70%, expliquerait cette faible prévalence.

Notre fréquence de 34,7% se rapprochait de celle retrouvée dans la plupart des études ayant utilisé l’arsenal diagnostique complet de l’AOMI (un IPSch inférieur ou égal à 0,9 ; en recherchant une AOMI associée à une mediacalcose, par écho-doppler vasculaire ou mesure de l’IPSo et une AOMI infra clinique par mesure de L’IPS d’effort) comme : Le registre PAMISCA en 2007 [15], étude espagnole ayant pour but d’étudier la prévalence de l’AOMI chez 1.410 patients âgés de plus de 40 ans, hospitalisés pour un syndrome coronarien aigu, l’IPS a permis de diagnostiquer l’AOMI dans 39,8% des cas, dont 26,7% étaient une AOMI asymptomatique. L’étude Ipsilon en 2009 [16], réalisée sur 1.340 coronariens Français, la prévalence globale de l’AOMI a été de 26,6%, asymptomatique dans plus de la moitié des cas. Khellaf en 2013 [17], dans une étude algérienne sur la prévalence de l’AOMI chez le coronarien, révélait une prévalence de 29,7. Pour Rada en 2016 [18], dans son étude marocaine sur 370 sujets à haut risque cardiovasculaire ayant participé à l’enquête sur la prévalence de l’AOMI chez les coronariens, la fréquence de l’association était de 28,3%, chez les coronariens ; 44,5% chez les patients ayant une atteinte cérébrovasculaire, et 25,2% chez les patients ayant seulement des FRCV.

Dans notre série, l’AOMI était symptomatique dans seulement 16% des cas, dont 11,6% présentaient une claudication intermittente des membres inférieurs selon le tableau 3. Nos résultats se rapprochent de ceux rapportés dans la littérature comme : Lacroix et al [19], Khellaf et al. [17], l’étude IPSILON [16], Belhadj [20], Alzamora et al. [21], Kessal et al. [22], Boccalon et al. [23], et Zekri et al. [24].

Tableau 3 : Fréquence de la claudication intermittente (CI) dans la population des coronariens

Étude/1er auteur

Fréquence de la CI dans la population globale

Lacroix et al [19] 2002 (France)

11%

Khellaf et al [17] 2013 (Algérie)

10,11%

Étude epsilon [16] 2009 (France)

21.3%

Alzamora et al [21] 2010 (étude Perart/Artper Espagne)

10,81%

Kessal et al [22] 2012 (Algérie)

10,32%

Notre étude 2017 (Algérie)

11,6%

 

Dans notre étude, une anomalie de l’examen clinique n’a été notée que dans 18,3% (11% une palpation pathologique et 7,3% une auscultation pathologique). Cette constatation s’aligne avec les données de la littérature confirmant le faible apport de l’examen clinique dans le diagnostic de l’AOMI, comme Belhadj et al. [20] (faible sensibilité de l’examen clinique par rapport à l’IPS, sensibilité 52,5%, spécificité de 86%), Kessal et al. [22] (faible apport de la palpation dans l’AOMI, pathologique dans seulement 2,09%), et l’étude IPSILON [16] (examen physique anormal dans 28,1%).

Cette fréquence élevée de l’AOMI asymptomatique dans notre série (18,67%) s’expliquerait par le fait qu’elle soit souvent sous-estimée chez les coronariens. Les patients sont souvent asymptomatiques, car la coronaropathie limite souvent leurs activités physiques. Par conséquent, une approche systématique avec mesure d’IPS pourrait conduire à une meilleure identification de l’AOMI chez cette catégorie de patients.

Nous retrouvons qu’il existe une atteinte distale plus fréquente que proximale chez notre population, Ceci a été démontré dans d’autres études récentes comme le travail de Deneuville et al. en 2008 [25], comprenant 754 patients, axé sur la description de l’AOMI du sujet Antillais (France) par analyse d’une base de recrutement chirurgical, qui a montré que les lésions hémodynamiques affectaient l’étage infra-poplité dans 86% des cas, l’axe fémoro-poplité dans 51%, mais dans 7% des cas seulement l’étage aorto-iliaque ; le registre COPART en 2013 [26], 60,2% des patients du CHU de Toulouse et 73,5% des patients des CHU de Bordeaux et Limoges ont une atteinte infra-poplitée, et en 2014, Lavinia Belaye [27], dans un travail visant à identifier la localisation prédominante de l’AOMI, et les FRCV influençant sa topographie, retrouvait la prédominance de l’AOMI distale sur les 268 patients inclus, 84,70% patients avaient une localisation infra-poplitée, et respectivement une localisation poplitée 55,22%, fémorale 69,02% et aorto iliaque 42,91%.

Il ressort aussi de notre étude que le tabac est fortement associé à l’atteinte aorto-iliaque, les patients sont souvent de sexe masculin et plus jeunes que les autres porteurs de localisations fémorales/poplitées ou infra-géniculées. Inversement, les patients présentant des lésions plus distales, sont souvent de sexe féminin, diabétiques, hypertendus et l’insuffisance rénale est fréquente.

Nos données transversales concernant l’association entre les facteurs de risque et la localisation de l’AOMI sont conformes avec plusieurs rapports comme celui de Lord et al. [28] en 1965, de Strandness et al. [29] en 1988, Tunis et al. [30] en 1993, et Vogt et al. [31]. Aboyans et al. en 2006 [32], dans une étude longitudinale révèlent que les FRCV traditionnels contribuent différemment à la progression de l’AOMI, selon que celle-ci ait touché les petits ou les gros vaisseaux. Le tabac, la dyslipidémie, et l’inflammation étaient incriminés dans la progression de l’AOMI des gros vaisseaux, en revanche, le diabète était le seul facteur incriminé dans la progression de l’AOMI des petits vaisseaux. Pour Aboyans et al., en 2009 [33], dans une série de 681 patients ayants une AOMI, les facteurs associés à l’atteinte aorto-iliaque étaient le tabac (P<0,0001), et le sexe masculin (P<0,001). Les facteurs associés à la localisation distale étaient le diabète (P<0,0001), et à un degré moindre l’HTA et l’insuffisance rénale sévère. Lavinia en 2014 [34], dans un travail visant à identifier la localisation prédominante de l’AOMI et les FRCV influençant la topographie en France, retrouvait plus de patients tabagiques ayant une atteinte avec retentissement en aorto-iliaque (p<0,05) et fémoral (P<0,05) que des patients non tabagiques, et plus de patients diabétiques ayant une atteinte infra-poplitée avec retentissement (P<0,05) que chez les non-diabétiques.

 

Conclusion

De par son caractère diffus et ubiquitaire, la maladie athérothrombotique impose une prise en charge globale du patient car longtemps, les manifestations cliniques de l’athérothrombose (infarctus, accident vasculaire cérébral etc.), ont été traitées de façon isolée et cloisonnée, mais aujourd’hui, la vision moderne décrit une maladie systémique, qui peut potentiellement toucher plusieurs artères à la fois, ce qui justifie un bilan d’extension minimum sur les trois territoires majeurs : coronaire, cérébrovasculaire et périphérique ; ceci grâce aux progrès des méthodes d’investigations, notamment non invasives, incitant à une recherche quasi systématique de la maladie athéromateuse et au traitement préventif des lésions silencieuses.

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Agressivité et violence : la dimension sociologique

Les différents courants de pensée sociologique sur la violence et l’agressivité des humains, sont variés et contradictoires dans leur approche théorique et leur analyse de la violence et de l’agressivité.

 

S. Benakila, EHS de Psychiatrie Drid Hocine, Alger

 

Résumé : Les différents courants de pensée sociologique sur la violence et l’agressivité des humains, sont variés et contradictoires dans leur approche théorique et leur analyse de la violence et de l’agressivité. Pour les fonctionnalistes : la diminution de la capacité d’ajustement ou d’adaptation d’un groupe à son environnement, appelle à une nécessite de dédifférenciation qui passera obligatoirement par des conflits et des guerres. Pour les systémiciens, la violence est liée au changement nécessaire à un système pour sa survie face aux modifications de son extérieur.

Aussi pour la pensée marxiste, la transformation sociale passe par un affrontement des classes antagonistes et donc par une violence. Quand la violence se conjugue au pluriel, elle donne naissance aux agressions de masse, qui peuvent s’expliquer par la thèse de l’homicidologie. Quand en plus, elle a lieu dans un espace publique, elle produit émeutes et vandalisme.

Mots clés : Violence, agressivité, agression, émeute.

 

Abstract: The different currents of sociological thought on the violence and aggressiveness of humans are varied and contradictory in their theoretical approach and their analysis of violence and aggression. For functionalists: the reduction in the ability of a group to adjust or adapt to its environment calls for a need for de-differentiation which will inevitably involve conflicts and wars. For systemicists, violence is linked to the change necessary for a system to survive in the face of changes in its exterior. Also, for Marxist thought, social transformation involves a confrontation of the antagonistic classes and therefore through violence. When violence is combined in the plural, it gives rise to mass attacks, which can be explained by the thesis of homicidology. When in addition, it takes place in a public space, it produces riots and vandalism.

Key words: Violence, aggressiveness, aggression, crime, riot


 

Introduction 

Il est difficile de réaliser une synthèse des différents courants de pensée sociologique, tant ils sont variés et contradictoires dans leur approche théorique et leur analyse de la violence et de l’agressivité.

Michaud aborde trois théories générales de la violence et de la société :

  • Les approches fonctionnalistes : soulignent le rôle des conflits et des guerres dans le renouvellement social,
  • Le point de vue systémique : sous l’influence des modifications de l’extérieur, le système va soit changer d’état ou soit se détruire, laissant place à un autre système,
  • La conception marxiste : la lutte des classes est le moteur du développement historique,
  • En faveur d’une intervention du milieu social dans la genèse des comportements violents, Karli a cité deux cas : dans le premier une déstructuration sociale et une disparition de facteurs traditionnels (ou phénomène d’acculturation). Dans le deuxième cas, une société peu hiérarchisée sans institutions d’autorité voit dans la violence le seul instrument de « contrôle social ».
  • Les phénomènes d’agression de masse

Les violences ou les agressions de masse se voient quand l’agressivité de l’homme se conjugue au pluriel, celui d’une société toute entière, ou le groupe uni par un territoire, une culture ou une religion soit auteur ou victime d’agressions atroces parfois exterminatrices.

La violence de masse s’explique par la guerre, qui mobilise tous les moyens et toutes les catégories de la population. La guerre a atteint une forme extrême dans le cas du génocide.

a.       La thèse de l’homicidologie 

C’est seulement depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, soutient Grossman, que les pays occidentaux ont découvert des moyens de conditionner psychologiquement leurs soldats à tuer, lors de combats rapprochés. Avant cela, seule une fraction infime des meilleurs soldats (ou des plus psychotiques) était capable de surmonter leur résistance innée à tuer.

L’un des arguments centraux de Grossman est que le comportement des humains diffère peu de celui des autres animaux. Il en veut pour preuve l’affirmation selon laquelle les animaux d’une espèce donnée ne tuent pas leurs congénères. Il soutient imperturbablement que l’inclination pour le meurtre est un trait nécessairement inculqué par la société.

Ce sont les 2% de la population supposément nés sans cette résistance au meurtre (les « loups » sociopathes) qui commettent la plupart des homicides, tant à la guerre que dans la société civile optimiste.

b.      Le génocide et le crime contre l’humanité 

a. Le génocide est un acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel: 

  • Meurtre de membres du groupe; 
  • Atteinte corporelle grave ou mentale de membres du groupe;
  • Soumission intentionnelle sur les conditions de vie de groupe devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
  • Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
  • Transfert de force d’enfants du groupe à un autre groupe.

En 1948, les Nations Unies ont déclaré que le génocide était un crime international. Un traité international signé par quelque 120 pays, en 1998, a créé la Cour Pénale Internationale (CPI), qui a compétence pour juger les crimes de génocide.

En 1993, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a créé le Tribunal Pénal International (TPI) à La Haye l’ex-Yougoslavie, dans les Pays-Bas. C’était le premier tribunal international depuis Nuremberg et le premier à avoir un mandat pour poursuivre le crime de génocide.

b. Les crimes contre l’humanité ont reçu leur définition formelle dans la Charte, ou le statut, de Nuremberg, lors du procès des criminels de guerre nazis.

Quant aux crimes de masse, ils consistent en une destruction pure et simple de civils en grand nombre, souvent accompagnée d’atrocités qui, à première vue, semblent ne « servir » à rien. En guise d’explication, on se contente souvent d’invoquer la « folie meurtrière des hommes » pour la soumission et l’éradication d’un groupe. Différemment, au génocide et au crime contre l’humanité, ils surviendraient en dehors de périodes de guerre. Donc, concernerait les civils, seulement. On en cite :

  • Le meurtre,
  • L’extermination,
  • La réduction en esclavage,
  • La déportation ou transfert forcé de population,
  • L’emprisonnement,
  • La torture,
  • Le viol,
  • La persécution d’un groupe,
  • La disparition forcée de personnes,
  • Le crime d’apartheid.
  • Les émeutes et le vandalisme

L’émeute reste un moyen d’expression plus ou moins violent, pour certaines catégories de population qui sont dépourvues d’autres moyens.

Le terme « émeutes » a souvent été retenu pour qualifier des événements multiformes et violents. Cette désignation sert à décrire des violences collectives qui se déroulent dans les espaces publics et se traduisent par des attaques contre des habitants appartenant à un groupe ethnique et/ou contre les forces de police ainsi que par des destructions assorties de pillages.

Il est possible de distinguer deux types d’émeutes, les émeutes de type « raciales » ou « ethniques », lorsque ces dernières opposent des communautés ethniques, linguistiques ou religieuses entre elles, et les émeutes sociales et politiques lorsque des affrontements se cristallisent autour de différences ou de revendications sociales ou d’une remise en cause de l’autorité publique, étatique.

Ce phénomène est bien souvent la conséquence de plusieurs facteurs combinés tels que la pauvreté, le chômage, un urbanisme inadapté et insalubre, une discrimination et marginalisation sociale, la détérioration des relations entre les forces de police et les habitants.

Les émeutes urbaines se sont inscrites dans l’histoire et le présent des grandes villes. Elles sont décrites comme événements extraordinaires et comme marginales, mais ne sont pas propres à notre époque. Comme le souligne Didier Lapeyronnie, nous pouvons établir des parallèles avec certaines formes de révoltes datant du 18e siècle.

Quant au vandalisme, c’est un comportement attribué, à l’origine, par les romains aux Vandales à l’égard de la culture : la destruction de ce qui est beau et vénérable. Le terme inclus, également, des dommages criminels tels des graffitis et dégradation dirigé vers une propriété appartenant à autrui.

Le terme Vandalisme a été inventé en 1794, pour décrire la destruction d’œuvres d’art après la révolution française. Le terme a été rapidement adopté dans toute l’Europe.

Les recherches criminologiques sur le vandalisme ont montré qu’il servirait à plusieurs fins pour ceux qui s’y engagent et provient d’une variété de motifs.

Rajoutant à cela, une autre agression de groupe, de plus en plus répandue, actuellement, et qui est en rapport avec les activités sportives spécifiques : le Hooliganisme qui est « la production de comportements agressifs produits par un individu dans le contexte d’un spectacle sportif » ou comme « les comportements d’agression physique et de vandalisme, produits par les spectateurs d’une manifestation sportive spécifique, le match de football, et se déroulant dans une zone géographique spécifique, le stade de football et ses alentours urbains ».

Il recouvre en effet deux grands types de violence :

  • Une violence que l’on peut qualifier de spontanée, qui est liée au déroulement du jeu et suscitée par les émotions du moment,
  • Une violence davantage préméditée, qui est le fait d’individus que ne rebute pas le recours planifié à des comportements agressifs.

Les supporters responsables de divers troubles à l’ordre public, sont appelés ‘’hooligans’’, ‘’siders’’, ‘’ultras’’ ou même parfois ‘’hooltras’’.

  • Délinquance et criminalité

Dans l’usage courant, la délinquance est associée aux personnes mineures et la criminalité, quant à elle, aux adultes.

La délinquance définit tout acte criminel commis par un jeune, habituellement de moins de 18 ans. Toutefois, les nombreuses sciences, comme la sociologie, la psychologie et la criminologie, qui se tournent vers cette réalité s’intéressent chacune à un aspect précis de ce phénomène.

Les différentes causes de la délinquance et de la criminalité sont d’ordres sociaux, individuels et biologiques.

La littérature sur la délinquance et la criminalité pointe l’agressivité physique au cours de l’enfance comme un prédicateur crucial des conduites antisociales, en particulier violentes, ultérieures. On peut citer pour illustration l’étude de Scarpa et Reine (1997), qui a montré une agressivité anormale qui peut être supposée à partir de l’observation d’une hypo-réactivité physiologique, et ce dès la petite enfance.

D’autres auteurs se sont intéressés aux trait physionomiques, aux traits caractériels ou mêmes aux conditions d’évolution de ces sujets. De là, plusieurs théories se partagent le débat, comme l’école allemande et la bio-criminogènese, l’école lyonnaise et la sociogenèse.

La théorie du criminel né de Lombroso :

Le XIXème siècle a connu l’accroissement des théories, fidèles à la théorie de la dégénérescence de Morel, sur le caractère héréditaire de la folie et de la criminalité.

Il y eut d’abord, la phrénologie qui postulait que les assassins pouvaient se reconnaître à leur conformation crânienne la “bosse du crime” placée derrière l’oreille.

Lombroso (1835- 1909) avec sa théorie de l’atavisme criminel, a avancé que les crimes commis, dans nos sociétés modernes, étaient imputables à des criminels commettant des forfaits par nécessité biologique. Il présente certains traits anatomiques et sociaux qui le rapprochent du sauvage.

En 1857, Lepelletier de la Sarthe décrit huit types pénitentiaires reconnaissables à leurs méfaits, à leur psychisme et, pour certains, à leur physionomie. Chaque type est marqué par la dominance d’un vice.

Morel lui, définit les dégénérescences comme des déviations maladives héréditairement transmissibles. L’idée à laquelle Lacassagne s’opposa.

Par la suite d’autres théories se développèrent dans cet axe criminologique : les marxistes, l’école de l’interpsychologie de Tarde, l’école de l’imitation et l’école sociologique de Durkheim.

Conclusion 

Le déterminisme sociologique des comportements violents ne fait aucun doute. La multiplicité des facteurs intriqués dans cette relation de causalité rend cependant toute étude précise impossible et peut tout au plus offrir quelques éléments de réflexion.

Références

  • Argrag F, Citarella M, Le feu de l’émeute et le vent de guerre : Synthèse bibliographique, Éd : Espaces et sociétés 2009.
  • Bouchard JP., Violences, homicides et délires de persécution. Ann Med Psychol. 2005;163:820-826.
  • Fernandez F, Suicides et conduites auto-agressives en prison. Anthropologie médicale appliquée au developpment et à la santé. Le bulletin amades : Dossier n°14 – 2009
  • Fischer GN, Psychologie des violences sociales. Éd Dunod 2003.
  • Fontaine R, Psychologie de l’agression. Dunod 2003.
  • Fourton J, Agressivité utile ou dangereuse. Éd universitaire, Paris 1972.
  • Golse B, Furtos J, Laval P, Danger, dangerosité et peur : récuser le pouvoir prédictif, éd : Rhizome 2006.
  • Kaision JM, Camus D, Cossy Y, Violence en psychiatrie : Une recherche prospective au Département Universitaire de Psychiatrie Adulte (DUPA) interrogée à la lumière du modèle cindynique. L’Écrit 2004
  • Lanteri-Laura G. Réflexions épistémologiques sur la notion de violence dans la psychiatrie moderne, Neuro-psy, volume 12 – N° 1 – janvier 1997.
  • Lavoine PL, Prédire la dangerosité, VST, N°63, 1999, p.25-27
  • Michaud Y, La violence. coll. : que sais-je ? éd PUF 5° édition 1999

 

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Réflexions : Une conséquence du conflit environnement/homme : la BPCO

Style de vie occidentalisé, pollution, urbanisation, déforestation, accroissement de la population, vieillissement populationnel accéléré, stagnation de l’espérance de vie patent en Occident, maintiennent la morbidité des maladies respiratoires et par conséquent son poids social.

 

R. BENALI, Faculté de Médecine, Université Badji Mokhtar, Annaba.

 

Style de vie occidentalisé, pollution, urbanisation, déforestation, accroissement de la population, vieillissement populationnel accéléré, stagnation de l’espérance de vie patent en Occident, maintiennent la morbidité des maladies respiratoires et par conséquent son poids social.

La BPCO en est le sommet de l’iceberg d’un groupe d’affections regroupées sous le vocable : “chronic obstructive airways“, dont l’élément commun en est un déficit ventilatoire obstructif qui peut être réversible [cas de l’asthme] ; variable [cas DBB[1]] ; irréversible [cas de la BPCO].

La BPCO, modèle par excellence de l’expression d’un conflit entre l’homme et l’environnement.

La BPCO est la réponse cumulée à des poumons sensibles à la charge totale des particules inhalées et de gaz sur une vie.

La BPCO est un corollaire de la « peste bleue », couleur bleue liée à la fumée de la cigarette. La BPCO a été dénommée “L’inconnue meurtrière” en 2003 par J.F. Cordier, alors président de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF). Les patients sont inconscients de leur état, ils n’arrivent pas à dénommer leur maladie.

Par son problème de prévalence, son problème de mortalité, son problème de coût, l’impact psycho-social, la BPCO est un fardeau de santé.

Par son approche scientifique : l’interaction gène environnement, par le mode de pensée induit : approche systémique, la BPCO nécessite une approche originale.

Par son installation insidieuse, par l’hétérogénéité de ses morphotypes, par son polygénisme dans son expression génétique, la BPCO peut être considérée comme une exemplarité pédagogique de la médecine 4p en pathologie respiratoire :

Médecine prédictive : La BPCO est le résultat de l’accumulation de dommages moléculaires et cellulaires dès la conception.

Les périodes critiques de la vie, lorsque les poumons sont les plus vulnérables aux dommages, doivent être mises en relief.

L’identification des expositions, biologiques et psychosociales, agissant tout au long de la vie peuvent influer sur la fonction pulmonaire.

La gestation, période vulnérable fait que le tabagisme maternel influe sur le développement des poumons in Utéro. Au cours de la vie post-natale, les dégâts sont causés par des particules inhalées et des gaz.

Physiologiquement, le développement pulmonaire se poursuit après la naissance et la maturité pulmonaire n’est atteinte qu’à la puberté.

Les sports mobilisateurs d’une masse musculaire variée tels que la natation, le tennis, … aideront à rendre plus tonique les muscles respiratoires en vue d’une meilleure ampliation.

Les apprentissages de la respiration normale doivent être soutenus chez l’enfant, ils permettront l’ouverture et la mobilisation des alvéoles collabées.

Aussi, la BPCO ne doit pas être simplement considérée comme une maladie de la sixième décennie de la vie et plus, mais plutôt comme une maladie qui peut avoir ses origines dès la gestation.

“On doit connaître ce qui est bénéfique pour s’y fier, et ce qui est nuisible afin de l’éviter. Comme on doit s’intéresser à ce corps car il n’y a rien de plus proche de nos âmes. On doit préserver sa santé, puisque nos âmes dépendent de lui et la santé de l’âme ne peut être guérie que par celle du corps ». Al-RÁzÐ, Isagoge

Médecine de précision

La prise ne charge de la BPCO doit impérativement se baser sur des outils et supports, validés. L’approche décisionnelle prédomine dans les situations aiguës telles que les exacerbations de BPCO. Les exacerbations sont hétérogènes, l’état critique du patient en est la cible.

Il y a désormais nécessité d’une définition valide, spécifique, discriminative, se basant sur des faits objectifs mesurables, vérifiables et permettant une catégorisation du cas.

       
 

Examen clinique d’un patient en exacerbation BPCO :

1.  Observation : Le patient fait une inspiration brève suivie d’une longue expiration à lèvres pincées, les joues enflent à chaque période inspiratoire, gros cou, exophtalmie (due à un œdème rétro-orbitaire) donnant le « faciès de batracien »

2.  L’insuffisant respiratoire est dyspnéique couché. L’insuffisant cardiaque est dyspnéique assis

·      Le passage d’une position couchée à une position assise est un signe de gravité.

3.  On palpe les muscles du cou, sternocléidomastoïdien : dureté en tronc de cônes signant une fatigabilité musculaire

4.  On mesure la fréquence respiratoire, main à plat sur le thorax.

5.  La pression artérielle pincée signe une hyperpression intra-thoracique

6.  Le PH urinaire doit être vérifié à l’aide d’une bandelette è le passage d’un ph alcalin a un ph acide est un signe de gravité.

7.  Un saturomètre périphérique doit être posé.

8.  L’élocution du patient est vérifiée : il n’arrive pas à parler, parle en mots ; parle en phrases.

 

 

Quels Outils pour préciser le diagnostic ?

Confirmation de EABPCO :

Dyspnée : échelle visuelle analogique ≥ 5

Neutrophiles ≥70%

C réactive protéine ≥ 3mg/l

 

Quels examens para cliniques ? pour quelle utilité ? Éliminer ce qui n’est pas exacerbation

·      Pneumonie Rx thorax

·      Pneumothorax Rx thorax

·      Embolie pulmonaire D-Dimères

·      Insuffisance cardiaque Pro BNP ( brain natriuretic peptide concentration)

·      Infarctus myocarde ECG, Troponine

·      Arythmie ECG, Troponine

Outils pour préciser la thérapie

Viral : Dosage sérique

Bactérie : Couleur des crachats, cultures,

Concentration de l’interleukine1β dans l’expectoration

Éosinophilies : niveau éosinophilie dans le sang

 

 

 

Médecine personnalisée (soins ajustés), consiste à adapter les traitements en fonction des caractéristiques des patients et de leurs maladies. Il s’agit d’anticiper, grâce à un test diagnostique sur les patients, ceux pour qui le traitement serait le plus bénéfique et ceux pour qui il ne le serait pas.

La broncho-pneumopathie obstructive (BPCO) est une maladie respiratoire impactant fortement la qualité de vie des patients. Son caractère chronique influence sa prise en charge au quotidien et à long terme (exacerbations, rémissions, etc.).

La médecine personnalisée – tant au niveau des thérapeutiques, que de la prise en charge – est donc plus que jamais un des enjeux majeurs de demain.

Personnaliser la prise en charge pharmacologique, c’est identifier les phénotypes pour la prescription de corticoïdes (présence d’éosinophiles),

Personnaliser l’activité physique adaptée (cf. Thèse F. Atoui).

Personnaliser l’éducation : pertinence sociolinguistique, plan d’action validé (cf. Thèse F. Atoui).

 

Médecine participative 

Le patient porteur de BPCO a une perte de l’estime, une culpabilisation vis à vis d’un mal qu’il s’est auto infligé. Il est porteur d’une maladie chronique qui exige des outils de surveillance (le souffle et l’oxygène se mesurent), et une coordination de la prise des médicaments inhalés.

Le soin n’est pas seulement de nature technique exclusive, c’est un composite intégrant aux techniques, les humanités appliquées, l’éthique (notion de bienfaisance et de non-malfaisance), l’équité, la spiritualité du patient , la préservation de l’autonomie du patient, pour une approche soignante globale.

Chaque soignant est porteur de ce que nous appelons :

  • Les repères : la technicité et,
  • Les valeurs : les humanités difficiles à définir (aide à vivre et à se situer en société, avoir des préférences, avoir des rapports avec autrui, tenir compte des besoins de l’autre). Elles sous-tendent la dignité, le respect, la liberté.

Le qualificatif “bon soignant” , est attribué à un soignant qui est organisé, efficace, gestionnaire de son temps et respectueux de la feuille de route. Ces qualités sont recherchées par les managers de santé. Le qualificatif “bon soignant”, est attribué à un soignant qui appréhende le patient par l’écoute, cerne ses besoins, pratique une écoute attentive, établit une relation empathique avec le patient, réfléchit aux finalités des soins qu’il a à exécuter, agit avec ses humanités et ses valeurs.

Le parcours du patient en soins respiratoires doit avoir : une visibilité, une lisibilité, un partage et une continuité. La relation patient- soignant n’est plus hiérarchique, elle ne doit pas infantiliser le patient, c’est une relation sachant-sachant.

Un soignant n’est rentable aux patients chroniques qu’au sein d’une équipe. En 1975, C. Boelen avait organisé à Constantine, un séminaire OMS : l’équipe de santé. L’équipe de santé assurera la continuité des soins, la qualité des soins, la formation permanente des membres et développera le sens de l’écoute, de la cohésion, du partage, de l’échange, la gestion des stress, de la coordination, en développant une communication inter et extra membres.

Références :

1.      Ben-Shlomo Y, Kuh D. A life course approach to chronic disease epidemiology: conceptual models, empirical challenges and interdisciplinary perspectives. Int J Epidemiol 2002;31:285–293.]

2.      [World Health Organization. Report on the global tobacco epidemic, 2011: MPOWER. Geneva: WHO; 2011.]

3.      AmbrosinoN, Bertella E : life style interventions in prevention and comprehensive management of COPD Breathe 2018;14:186-194

4.      Catherine Vernay Psychologue clinicienne centre hospitalier Annecy Genenevois. L’empathie, un élément clé dans la relation de soins

5.      Daniel Maroudy, Des principes et des valeurs pour prendre soin. c/o Soins, Elsevier Masson SAS 65, rue Camille des moulins 92442 Issy-les-Moulineaux France

6.      C. Boelen expert OMS Seminaire OMS : l’équipe de santé ;1975 Constantine. Algérie

7.      F. Atoui, Thèse de DESM : Programme d’éducation thérapeutique pour les patients souffrant de BPCO, Faculté de médecine Annaba 2017

8.      Haute Autorité Santé , PACTE, s’engager pour réduire les incidents associés aux soins 21fev. 2018 Janvier 2018 : rapport final de l’expérimentation.

 

[1] DDB =Dilatation des Bronches

 

 

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Réflexions : Le poumon

La pandémie du SARS-Cov-2, la Covid-19, a mis en exergue, à juste titre, la place de l’organe : « poumon ».

 

R. BENALI, Faculté de Médecine, Université Badji Mokhtar, Annaba.

 

La pandémie du SARS-Cov-2, la Covid-19, a mis en exergue, à juste titre, la place de l’organe : « poumon ».

Les yeux des patients rivés sur le saturomètre d’oxygène, leur vie s’égrainant selon les hausses et les baisses de la saturation d’oxygène, panique dans la famille à la recherche de respirateur pour aider, apporter de l’oxygène à ce soufflet, cet organe qualifié dans le langage populaire de « Mou ».

La représentation sociale des difficultés respiratoires est un « halètement ». Or, rien n’est plus troublant pour un être humain que de voir un homme haleter, se noyer dans l’air ambiant.

Au XVIème siècle, Molière dans la pièce « le malade imaginaire » a fait du poumon, la source de tous les maux pour l’homme.

Ce dialogue de l’acte III, scène 10 en est révélateur :

Toinette :            ” Ce sont tous des ignorants. C’est du poumon que vous êtes malade”.

Argan :                 ” Du poumon ? “

Toinette:             ” Oui. Que sentez-vous ? “

Argan :                 ” Je sens de temps en temps des douleurs de tête “.

Toinette:             ” Justement, le poumon “.

Argan :                 ” Il me semble parfois que j’ai un voile devant les yeux “.

Toinette:             ” Le poumon “.

Argan :                 ” J’ai quelquefois des maux de cœur “.

Toinette:             ” Le poumon “.

…/…

…/…

Toinette:             ” Le poumon, le poumon, vous dis-je ! “

Le poumon, cette interface entre le monde extérieur (l’environnement) et le monde intérieur, est le réceptacle de tous les aérocontaminants. Les systèmes de défense spécifiques et non spécifiques y sont neutralisés et débordés.

Une conjonction de facteurs naturels, manufacturés, humains, tels que les faiseurs d’opinion, ont joué un rôle de façon consciente ou non à la détérioration de cet organe.

Pour ne citer que Molière, vis-à-vis du tabac, dans la pièce de Dom Juan: « Il n’est rien d’égal au tabac : c’est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n’est pas digne de vivre ».

Le poumon a été malmené dès la création du monde par les feux de forêt, les irruptions volcaniques, où fumées et particules s’associent pour agresser les poumons.

Au vingtième siècle, la première guerre mondiale, avec les gaz moutarde et le tabac manufacturé, a instauré une agression pérenne des poumons.

La consommation tabagique, l’industrialisation intensive, l’exploitation violente de la nature (déboisement, mines souterraines et à l’air libre, torches de gaz), la motorisation des moyens de transport avec une énergie fossile sont autant de facteurs qui ont engendré une pollution atmosphérique. L’air en est devenu irrespirable et nos poumons le réceptacle des ces nuisances.

Dans nos villes, dans nos villages, dans nos hameaux, dans nos immeubles aux appartements à parois minces, ce ne sont plus les chants des coqs qui annoncent le réveil matinal mais le concert des tousseurs.

La toux, réflexe naturel des poumons, annonce une détérioration d’une situation où nous sommes immergés de façon inconsciente.

Il y a une vingtaine d’années, on avait commencé à parler de l’âge pulmonaire et certains cliniciens ont proposé de le substituer à la citation : « j’ai l’âge de mes artères ».

Les poumons reflètent mieux l’âge d’un individu ; les poumons commencent à subir des agressions in utéro, tel qu’en atteste la participation non négligeable de la prédisposition in utéro dans la genèse de la BPCO.

Dans les années 80, la Société Algérienne de Pneumo-phtisiologie a élaboré un slogan adapté à notre situation socio-économico-sanitaire : « Respirer mieux pour vivre longtemps ».

Face à la dégradation de notre environnement, le changement climatique aidant, ajouté à une société agressive, stressante, trépidante, il y a nécessité de réapprendre à respirer.

Le stress consubstantiel à nos sociétés “modernes”, engendre une respiration insuffisamment ventilante. Nous expirons trop vite, trop peu, trop mal.

Nous sommes au contraire très nombreux à hyper-ventiler en permanence. Nous respirons trop vite, trop fort, trop mal.

Beaucoup d’entre nous ont la mauvaise habitude d’inspirer par la bouche.

L’évolution des espèces a façonné l’être humain pour qu’il inspire par le nez ; les narines faisant office de filtres mécaniques (notamment pour les microbes !), et l’inspiration nasale jouant un rôle de filtre chimique en stimulant la synthèse du monoxyde d’azote (NO), un composé extrêmement important pour notre corps. Ce gaz est en effet un vasodilatateur pour les vaisseaux sanguins, un régulateur du système nerveux parasympathique (celui qui calme le stress), et un acteur non négligeable du système immunitaire.

Il en résulte un déséquilibre constant entre le dioxygène et le dioxyde de carbone. Plus vite on expulse le CO2, moins on absorbe l’O2.

Il y a un siècle, un individu moyen respirait 4,9 litres par minute.

Nous en sommes aujourd’hui à 12 litres par minute !

Cette croissance vertigineuse de la consommation fait que nos cellules sont de moins en moins oxygénées.

Nous avons une ventilation superficielle, nous hyper-ventilons parce que nous sommes stressés ; un cercle vicieux s’installe, nous aggravons le stress parce que nous hyper-ventilons.

Nous devons respirer mieux en inspirant plus calmement et en expirant plus profondément, jusqu’à vider complètement ses poumons par des exercices d’apnée.

Ce terrain respiratoire dégradé représente une urgence sanitaire : « Réapprendre à respirer correctement ! ».

Revoir complètement sa façon de respirer, tant à l’inspiration qu’à l’expiration. Réapprendre, la respiration et ses vertus puissamment thérapeutiques. Le souffle a, en effet, un incroyable pouvoir : « entamer une transformation personnelle de ses habitudes. »

La clé du souffle ouvre l’accès à un mieux-être global.

Linda Stone, chercheuse américaine, employée dans l’entreprise APPLE, rencontrait des problèmes respiratoires qu’elle a rapidement imputés à son travail sur écran ; le traitement de ses e-mails s’accompagnait invariablement d’un changement de sa respiration.

Elle en a identifié un mal, “l’apnée de l’e-mail”, et s’est mise à étudier le sujet, constatant que 80% des personnes retiennent leur souffle lorsqu’ils sont en train de répondre à leurs e-mails. Cette cassure de la fluidité respiratoire entraîne une sensation de stress qui est la réaction normale du corps à l’apnée.

Des chercheurs des universités de Taïwan et de San Francisco ont mené une étude conjointe qui a montré que lorsqu’ils écrivaient des messages sur le téléphone, les adolescents présentaient un rythme respiratoire modifié : soit leur souffle devenait plus court, soit ils le retenaient complètement. Leur tension musculaire en était modifiée, leurs épaules se crispaient, leur nuque se raidissait et leur tête se mouvait vers l’avant. En somme, nos adolescents, en rédigeant leurs messages, activent leur système nerveux sympathique et connaissent un état de tension dans leur corps, voire une réponse de vigilance accrue connue comme “fight or flight”, combattre ou s’enfuir.

Sur le long terme, cette altération du bien-être a une incidence sur la concentration, la mémoire, les facultés d’apprentissage et renforce également les tendances dépressives et l’anxiété.

Le rythme respiratoire normal s’appelle l’eupnée. Des rythmes anormaux, il y en a pléthore : l’apnée, la rétention du souffle, la dyspnée – une sensation subjective d’être court en air, l’hyperventilation – une respiration au rythme trop rapide, l’hyperpnée – une respiration très profonde, l’orthopnée – qui ne permet pas de respirer allongé, la respiration Kussmaul – profonde et rapide, la respiration de Biot – rapide avec une phase d’apnée…

Tous ces rythmes respiratoires, dits anormaux, créent des réactions chimiques et mécaniques dans le corps et peuvent donc engendrer des maux.

Références

 

  • I-Mei Lin et Erik Peper, “Psychophysiological patterns during cell phone text messaging: A preliminary study”, Applied Psychophysiology & Biofeedback, vol. XXXIV, Février 2009, p. 53-57.
  • Sherriff, A. Maitra, A. R. Ness, Calum Mattocks, Christopher “Association of duration of television viewing in early childhood with the subsequent development of asthma”, Riddoch, J. J. Reilly, J. Y. Paton et A. J. Henderson, Thorax, vol. LXIV, no 4, 2009, p. 321-325.
  • “Ferme ta bouche et sauve ta vie”.
  • Belisa Vranich, Breathe, St. Martin’s Griffin, 2016.
  • Fang Lin, Sriranjani Parthasarathy, Susan J. Taylor, Deborah Pucci, Ronald W. Hendrix et Mohsen Makhsous, “Effect of different sitting postures on lung capacity, expiratory flow, and lumbar lordosis”, Archives of Physical Medicine and Rehabilitation, vol. LXXXVII, no 4, Avril 2006, p. 504-509.
  • Jean Marsac, “Variabilité de la fréquence cardiaque : un marqueur de risque cardio métabolique en santé publique”, Bulletin de l’Académie nationale de médecine, vol. CXCVII, no 1, 2013, p. 175-186.
  • Jean-Philippe Gouin, Sonia S. Deschênes et Michel J. Dugas, “Respiratory sinus arrhythmia during worry forecasts stress-related increases in psychological distress”, Stress, vol. XVII, no 5, Septembre 2014, p. 416-422.
  • Jean-Philippe Gouin, Kerstin Wenzel, Soufiane Boucetta, Jordan O’Byrne, Ali Salimi et Thien Thanh Dang-Vu, “High-frequency heart rate variability during worry predicts stress-related increases in sleep disturbances”, Sleep Medicine, vol. XVI, no 5,mai 2015, p. 659-664.
  • Stéphanie Brillant : L’incroyable pouvoir du souffle . Prenez les commandes Domaine du possible. Acte sud Collection créée par Cyril Dion en 2011.©Actes Sud, 2021.ISBN 978-2-330-14359-6 www.actes-sud.fr.

 

 

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