R. Merghit1, A. Trichine1, M. Aït Athmane2, A.Lakehal3
1 Service de Cardiologie, Hôpital Militaire Ali Mendjli, Constantine,
2 Service de Cardiologie, CHU Ibn Sina de Annaba,
3 Service d’Épidémiologie, CHU Dr Abdesselam Benbadis de Constantine.
Abstract: Introduction: lower limb peripheral artery disease (PAD) remains undervalued because of its asymptomatic character and insidious evolution. Aim of our study: is to evaluate the characteristics of lower limb PAD in patients with established coronary artery disease (CAD). Patient and methods: Our study is descriptive, cross-sectional, monocentric carried out in the unit of cardiovascular exploration of the University Hospital of Constantine. The enrolled patients had at least a significant stenosis ≥ 50% on a main epicardial coronary artery, for each patient, an oriented history and cardiovascular clinical examination preceded the measurement of the ABI (Ankle-brachial index). Lower limb PAD was defined as an ABI less than 0.90 on one of the four distal arteries of the lower limbs. Whenever the ABI was in favor of PAD, an arterial lower limbs echo Doppler was performed. Results: 300 patients with established CAD, a mean age of 61 years with male predominance, were included. The frequency of the association lower limbs PAD and coronary artery disease was evaluated at 34.7% using ABI. It was asymptomatic in 18.67% of cases. Infra-popliteal axis involvement was the most common of the lower limb arterial axis followed by femoro-popliteal and then aorto-iliac. Conclusion: Symptomatic or not, more than one patient out of three with established CAD has a lower limb PAD. The dissemination of the use of pocket Doppler device in order to calculate the ABI in patient with CAD will certainly increase the percentage of multivascular patients. this will lead to a modification of the therapeutic strategy which will be more aggressive.
Keywords: ABI, coronary artery disease, frequency, lower limbs, arterial echo Doppler.
Résumé : Introduction. L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) reste encore sous-évaluée, car longtemps asymptomatique et d’évolution sournoise. Objectifs : analyser les caractéristiques de l’AOMI chez les patients coronariens. Patients et méthodes : Notre étude est descriptive, transversale, monocentrique réalisée dans l’unité ’explorations cardiovasculaires de l’hôpital universitaire de Constantine. Les sujets inclus avaient aux moins une lésion coronaire significative ≥ 50% sur une artère coronaire principale. Pour chaque patient, une anamnèse orientée et un examen clinique cardiovasculaire ont précédé la mesure de l’indice de pression systolique (IPS). L’AOMI était définie par un IPS inférieur à 0,90 sur une des quatre artères distales des membres inférieurs. À chaque fois que l’IPS était en faveur d’une AOMI, un écho doppler artériel des membres inférieurs (EDAMI) a été réalisé. Résultats : Trois cents patients coronariens, âgés en moyenne de 61 ans, à prédominance masculine, ont été inclus. La fréquence de l’association AOMI et coronaropathie était de 34,7% en utilisant l’IPS, asymptomatique dans 18,67% des cas. L’atteinte de l’axe infra-poplité est la plus fréquente des atteintes des axes des membres inférieurs, suivie par l’atteinte fémoro-poplitée puis aorto-iliaque. Conclusion : L’association AOMI coronaropathie est très fréquente (plus d’un malade sur trois), que l’AOMI soit symptomatique ou non. Grace à une technique simple (doppler de poche) et un temps d’examen court, le dépistage de l’AOMI devient pratique chez les patients à risque Ceci va surement modifier le niveau de risque du patient en augmentant le pourcentage de malades polyvasculaires, ce qui va aboutir à une modification de la stratégie thérapeutique qui sera plus agressive.
Mots clés : IPS, AOMI, coronaropathie, fréquence, écho doppler artériel des membres inferieurs.
Introduction
L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs reste souvent ignorée, sous-diagnostiquée, et sous- traitée [1,2]. Elle représente un puissant prédicteur d’événements cardiovasculaires, de mortalité, et un marqueur de sévérité de la maladie athérothrombotique, même lorsqu’elle est asymptomatique [3-5].
La mesure de l’indice de pression systolique (IPS), ou le rapport cheville/bras, constitue une méthode simple, peu onéreuse, qui permet d’appréhender de façon rapide l’état de la perfusion distale des membres inférieurs. Sa diminution témoigne ainsi d’une altération de l’état artériel du patient. De ce fait, l’IPS est un excellent marqueur d’AOMI, bien avant l’apparition d’un retentissement fonctionnel, et aussi un marqueur de risque cardiovasculaire [1,2].
Population et méthodes
Population : Notre étude est observationnelle, descriptive, analytique et monocentrique menée sur un échantillon de 300 malades coronariens avérés, consécutive, entre mars 2016 et juin 2017 au niveau des trois services de cardiologie, des centres hospitalo-universitaires (CHU) de la ville de Constantine, ayant au moins une lésion ≥ 50% sur une artère coronaire principale, quel que soit leur âge et leur sexe, en excluant ceux ayant refusé de participer à l’étude, et les patients en ischémie aiguë des membres inférieurs. Le consentement éclairé et l’engagement du patient pour ce projet sont requis, en respectant l’anonymat.
Méthodes : Les patients inclus ont bénéficié d’un recueil des mesures anthropométriques (poids, taille, calcule du BMI), un recueil d’information (facteurs de risque cardiovasculaire FRCV), un examen clinique complet, un bilan biologique incluant le bilan lipidique complet (HDLc, cholestérol total, triglycérides, LDLc), une glycémie à jeun. U
ne mesure de l’index de pression systolique à la cheville (IPSch) en décubitus dorsal, les membres inférieurs et supérieurs dévêtus, chez un patient détendu depuis plus de 10 minutes, par un doppler de poche, de marque EDAN Sonotrax Vascular Lite, muni d’une sonde de 8 MHz mis en marche en 2013, avec un tensiomètre à sphygmomètre de marque RIESTER ont été utilisés. Le brassard est positionné autour de la cheville, avec son bord inférieur en position sus-malléolaire, manchette enroulée sur elle-même, de largeur entre 1,2-1,5 fois le diamètre du segment de membre, les tuyaux sortant vers le haut, la sonde Doppler inclinée, de manière à respecter au mieux un angle de 45 à 60° avec l’axe présumé de l’artère examinée.
Après l’obtention d’un signal Doppler stable, le brassard est gonflé de 20 mm Hg au-delà de la pression de disparition du signal, puis dégonflé lentement de 2 mm Hg par seconde jusqu’à réapparition d’un signal audible. La valeur retenue équivaut à la pression artérielle systolique de cheville. Les artères enregistrées sont classiquement, pour chaque membre inférieur, l’artère tibiale postérieure dans la gouttière rétro- malléolaire, l’artère pédieuse au niveau du coup de pied [6].
La manœuvre est réalisée à deux reprises sur chaque membre ; à chaque bras, le signal Doppler est capté au niveau huméral ou radial, avec le brassard positionné comme lors d’une mesure de la PA habituelle. Nous avons choisi la méthode la plus sensible pour calculer L’IPS ; c’est à dire le rapport entre le plus bas niveau de pression systolique (ATP, ADP) sur la pression systolique brachiale la plus élevée des deux bras. L’IPS été calculé pour chacune des artères de chaque membre [7]. L’index le plus bas des deux membres inférieurs est celui qui est considéré, posant le diagnostic d’AOMI s’il est inférieur ou égal 0,9 en présence ou en absence de symptomatologie. Si IPSch est limite entre 0,91 et 0,99 ; une épreuve hémodynamique de marche sur tapis roulant (épreuve de Skinner Strandness) avec prise des pressions distales au repos et après effort a été indiquée à la recherche d’une AOMI infra clinique, dont le diagnostic est retenu chaque fois que la pression distale chute d’au moins 20% dès la première minute après l’arrêt de l’effort. Dans le cas où l’IPSch est strictement supérieur à 1,3 ; un complément d’exploration hémodynamique par la mesure de l’index de pression systolique au gros orteil (IPSo) pour chaque membre à l’aide d’un photopléthysmographe ; l’IPSo représente le rapport entre la pression systolique du gros orteil et la pression systolique brachiale la plus élevée, un IPSo ≤ 0,7 est en faveur d’une AOMI.
A chaque fois que l’IPS était en faveur d’une AOMI, un écho doppler artériel des membres inférieurs (EDAMI) a été réalisé par un échographe vividE9 General Electric mis en marche en janvier 2014, en utilisant une sonde à balayage linéaire 12L, destinée à l’exploration vasculaire périphérique. Elle permet d’obtenir un dépistage ciblé et d’avoir un descriptif lésionnel précis.
Cette exploration concerne l’ensemble de l’arbre artériel. Dans chaque territoire, l’exploration est réalisée chez un patient au repos, en décubitus et systématisée suivant un protocole spécifique pour chaque territoire. Pour chaque étage (aorto-iliaque, fémoral, poplité, infra-poplité), nous avons relevé la présence ou non d’une lésion hémodynamique≥ 50% en se basant sur les critères vélocimétriques (mesure de la vélocité systolique (PVS) et du rapport des vélocités en doppler pulsé, au site de la sténose et en amont ; à l’étage iliaque, pour une sténose ≥ 50%, un PSV > 200-250 cm/s, et un ratio PSV > 2-2,5 [8] ; à l’étage sous-inguinal, un ratio supérieur à 2,5 à 3 est généralement admis pour différencier les sténoses de plus de 50% [8].
Analyse statistique : Les données des patients ainsi que l’ensemble des examens ont été réalisés par le même cardiologue (investigateur principal), par la suite enregistrés initialement sur une fiche de données établie à cet effet, transférés plus tard dans une base de données (fichier EXCEL 2013) conçue dans le même but. L’analyse statistique est effectuée à l’aide du logiciel SPSS 22. Les résultats sont présentés avec des intervalles de confiances à 95%, sous forme de moyenne, médiane, écart-type, et les valeurs minimums et maximums, pour les variables quantitatives. Sous forme de pourcentages avec leur écart-type pour les variables qualitatives. La fréquence observée est calculée par le nombre de coronariens présentant une AOMI, sur le nombre total de la population recrutée, évaluée avec un intervalle de confiance de 95%. Les tests de comparaison utilisés sont :
- Le test du Chi-deux de Pearson et le test exact de Fisher pour les comparaisons de pourcentages
- Les tests de Student ou de Mann-Whitney pour les comparaisons de
- Le seuil de significativité statistique est considéré atteint quand le risque d’erreur est inférieur à 5% (p<0,05).
Résultats
Nous avons inclus 300 malades coronariens (Tableau 1). L’âge moyen de cette population était de 61,3 ± 11,3 ans avec des extrêmes d’âge allant de 23 à 85 ans, et une médiane de 62 ans, à prédominance masculine significative (78,3%), cette population était relativement mince (BMI moyen 27,92 ± 4,66 kg/m2 ; Tour de taille moyen 95,55 ± 11,20 cm). La majorité de nos coronariens cumulent plus de trois FRCV (72,7%). Les FRCV prédominants étaient l’âge (69%), suivi par l’HTA (58,7%), la dyslipidémie (58,3%) et le diabète (47,3%). Les FRCV les moins observés étaient le tabagisme actif (32,3%), l’obésité (29,3%), et la coronaropathie familiale (26,4%). Le diabète s’associe respectivement à l’HTA et la dyslipidémie dans 36% et 47,3% des cas ; la triple association est observée dans 37,7%.
Pour un effectif de 300 malades et sur la base de quatre IPS pour chacun d’entre eux, nous avons totalisé 1200 IPS dont l’’IPS moyen était de 1,07 ± 0,26 du côté droit et de 1,08 ± 0,24 du côté gauche. Le profil IPS selon le TASCII et l’AHA [9] était normal chez 44,7%, IPSch ≤ 0,9 évoquant une AOMI chez 17,3%, un IPSch douteux chez 17%, un IPSch > 1,3 évoquant une incompressibilité artérielle chez 21%.
Après mesure de l’IPSch d’effort dans les situations où l’IPSch est douteux (0,9<IPS<1), et mesure de l’index de pression systolique au gros orteil dans les situations où l’IPSch est >1,3. Le profil IPS définitif de notre population est résumé dans le tableau 1.
Au total, l’IPS était pathologique chez 129 coronariens, représentants une fréquence de 43% de la population globale. La fréquence de l’association AOMI et coronaropathie, diagnostiquée à l’aide de l’index de pression systolique (IPS) est de 34,7% ± 5,3 ; IC à 95% (29,3% – 40%). Cette population est composée donc de 104 malades dont 48 avec AOMI symptomatique et 56 avec AOMI asymptomatique. La fréquence de l’AOMI symptomatique était de 16%, et la fréquence de la claudication intermittente des membres inférieurs selon le questionnaire d’Édimbourg de 11,67%. L’apport de l’examen clinique était pauvre retrouvant une diminution ou abolition des pouls (11%) et une auscultation pathologique dans 7,34%.
Tableau 1 : Caractéristiques de notre population globale
VARIABLES |
Population globale (n%)300 patients |
Coronariens sans AOMI associée (n%)196 patients |
coronariens avec AOMI associée (n%)104 patients |
P |
Âge moyen |
61,3 ± 11,3 |
58,14±11,3 |
67,24±8,4 |
P<0,001 |
Sexe ratio H/F |
3,6 |
3,1 |
4,2 |
P= 0,012 |
Nombre moyen de FRCV |
4,09±1,04 |
3,95±10 |
4,5±2 |
P<0,001 |
HTA |
176(58,7%) |
98(50%) |
78(75%) |
P<0,0001 |
Dyslipidémie |
175(58,3%) |
101(51,5%) |
74(71,2%) |
P<0,0001 |
Diabète |
142(47,3%) |
81(41,3%) |
68 (65,4%) |
P<0001 |
Tabagisme actif |
97(32,3%) |
49(25%) |
48(46,2)% |
P<0,001 |
Obésité |
88(29,3%) |
78(39.8%) |
10(9.6%) |
P<0,0001 |
Coronaropathie familiale |
79(26,4%) |
51(26,0%) |
28(26,9%) |
P=0,5 |
Claudication intermittente |
35(11,67%) |
5(2,6%) |
30(28,84%) |
P<0,0001 |
Douleur de repos |
10(3,34%) |
02(1,02%) |
8(7,70%) |
P<0,0001 |
Trouble trophique |
3(1%) |
01(0,5%) |
3(2,9%) |
P<0,0001 |
Anomalies de la palpation des pouls |
33(11%) |
08(4,1%) |
25(24%) |
<0,0001 |
Anomalie de l’auscultation artérielle |
22(7,33%) |
04(2,04%) |
18(17,3%) |
<0,0001 |
IPS moyen |
A droite : 1,07 ± 0,26A gauche : 1,08 ± 0,24 |
A droite : 1,12± 0,1A gauche :1,13 ± 0,31 |
A droite : 8,07 ± 0,16A gauche : 8,01 ± 0,20 |
<0,0001 |
AOMI isolée(IPSch ≤ 0,9) |
52 (17,33%) |
– |
– |
– |
AOMI associée à une media calcose(IPSch > 1,3 et IPSo ≤ 0,7) |
38 (12,7%) |
– |
– |
– |
AOMI infra clinique(0,9<IPSch < 1 au repos et IPS < 0,9 après effort) |
14 (4,67%) |
– |
– |
– |
Absence d’AOMI(0,9 ≤ IPSch ≤ 1,3 et épreuve de strandness normale) |
171 (57%) |
– |
– |
– |
Mediacalcose isolée(IPSch > 1,3 et IPSo > 0,7) |
25 (8,33%) |
– |
– |
– |
La répartition de l’ensemble des lésions hémodynamiques sur les différents axes artériels des membres inférieurs a montré que L’atteinte de l’axe infra-poplité est la plus fréquente des atteintes des axes des membres inférieurs. Les lésions hémodynamiques de l’étage aorto-iliaque ont concerné 20 malades (19,23%). Les lésions hémodynamiques de l’étage fémoro-poplité ont concerné 72 malades (69,23%), et les lésions hémodynamiques de l’étage infra-geniculaire ont concerné 82 malades (78,84%).
Cinquante-trois patients (51%) ayant une AOMI ne présentaient de lésions qu’à un seul des trois niveaux considérés initialement dont l’étage aorto-iliaque 13 malades (12,5%) l’étage fémoro-poplité 15 malades (14,42%) et l’étage infra-geniculaire 25 malades (24,03%).
L’analyse des facteurs de risque influençant la topographie des lésions athéromateuses hémodynamiques (Tableau 2) a montré que les facteurs significativement associés à l’atteinte de l’étage iliaque étaient un âge moyen plus bas que celui des autres malades présentant une atteinte de l’étage fémoro-poplité ou infra-geniculaire (64,14±8 versus 68,33±8,82 ; p value<0,05), le sexe masculin prédomine dans cette localisation (95,5% des malades présentant une localisation iliaque étaient de sexe masculin contre 84,52% de malades, ne présentant pas d’atteinte à cet étage avec une différence significative p value <0,05). Le tabac, actif ou ancien, était fortement corrélé à cette atteinte (94,0% versus 70,23% p value <0,05). Cependant, d’autres facteurs influencent l’atteinte de l’étage infra-poplité : L’âge moyen de ces malades était plus élevé par rapport à l’âge moyen des malades ne présentant pas d’atteinte athéromateuse à cet étage (68,46±8,35 versus 64,41±8,68 ; p value < 0,05).
Le sexe féminin (14,6% versus 9,1% ; p value <0,05), le diabète, significativement associé à la localisation distale (70,7% versus 45,5% ; p value <0,05), l’HTA (85,3% de malades ayant une localisation infra-poplitée étaient hypertendus, contre 36,36% ; p value <0,05), la dyslipidémie (76,8% versus 50,0% ; p value <0,05). L’insuffisance rénale sévère (4,9% versus 3,5% ; p value <0,05).
Tableau 2 : Distribution des FRCV en fonction de la présence de l’AOMI à chaque étage
*P< 0,05 |
Aorto iliaque |
Fémoro poplitée |
Infra poplitée |
Population AOMI (N=104) |
Oui (n=20) |
Non (n=84) |
Oui (n=72) |
Non (n=32) |
Oui (n=82) |
Non (n=22) |
Âge Moyen |
64,14±80* |
68,33±8,82 |
64,46±8,70 |
69,00±7,23* |
68,46±8,35* |
64,41±8,68 |
67,24±8,4 |
Sexe Masculin |
19(95,0%)* |
71(84,52%) |
63(87,5%) |
27(84,4%) |
70(85,4%) |
20(90,9%) |
90(86,5%) |
Sexe Féminin |
1(0,5%) |
13(15,47%) |
9(12,5%) |
5(15,6%) |
12(14,6%)* |
2(9,1%) |
14(13,5%) |
Tabac |
19(94,0%)* |
59(70,23%) |
54(75,0%) |
24(75,0%) |
59(72,0%) |
19(86,4%)* |
78(75,0%) |
Tabac actif |
13(63,8%)* |
35(41,67%) |
34(63,0%) |
14(58,3%) |
35(59,3%) |
13(68,4%) |
48(61,5%) |
Diabète |
11(54,0%) |
57(67,85%) |
49(68,1%) |
19(59,4%) |
58(70,7%)* |
10(45,5%) |
68(65,4%) |
HTA |
12(60,0%) |
66(78,57%) |
52(72,2%) |
26(81,3%) |
70(85,3%) * |
8(36,36%) |
78(75,0%) |
Dyslipidémie |
14(70,0%) |
60(71,42%) |
49(68,1%) |
25(78,1%) |
63(76,8%)* |
11(50,0%) |
74(71,2%) |
IR sévère |
0(0,0%) |
5(5,95%) |
3(4,2%) |
2(6,3%) |
4(4,9%)* |
1(3,5%) |
5(4,8%) |
Discussion
L’IPS représente la méthode d’exploration la plus simple et la plus répandue, pour le diagnostic de l’AOMI, en complément immédiat de l’examen clinique, qui a radicalement transformé la vision de l’AOMI basée sur l’évaluation de la claudication intermittente. La relative simplicité de ce test, son moindre coût et sa haute sensibilité semblent intéressants pour la détection de l’AOMI dans des populations pauci- ou asymptomatiques. Durant notre étude, a été considéré comme artéritique, tout patient symptomatique ou asymptomatique, avec l’un des critères suivants :
- Un IPSch ≤ 0,9 au repos
- Un IPSch ≤ 0,9 après sensibilisation à l’effort (test de Skinner Strandness positif)
- Un IPSo≤0,7 chez un malade ayant un IPSch > 1,3.
En se basant sur ces conditions, la fréquence de l’association coronaropathie et AOMI était de 34,7% ± 5,3 ; IC à 95% (29,3% – 40%). Dans la littérature, cette fréquence est très supérieure à celle de la population générale (6 à 39% versus 0,8 à 6,9%) [10], atteignant 25 à 40% chez les malades coronariens [11]. Notre fréquence est nettement supérieure à celle des études ayant introduit l’IPS comme moyen diagnostique, mais définissant une AOMI seulement par un IPSch de repos strictement inférieure à 0,9 (IPSch de repos <0,9), sans complément de mesure par les tests physiologiques qui sont la mesure de l’IPSo en cas de mediacalcose et la recherche d’une AOMI infraclinique dans les cas limites (IPSch de repos entre 0,91-0,99), des études telles que l’étude internationale CAPRIE en 1996 [12], incluant près de 20.000 patients ; 15,2% des patients ayant une pathologie coronarienne étaient artéritiques et le registre Monica-Toulouse en 1998 [13], mené sur 4.368 malades et qui a consisté à évaluer la prévalence de l’AOMI et sa valeur pronostique chez des patients hospitalisés, pour un épisode coronarien aigu en France retrouvait 18,8%. Des résultats similaires ont été signalés dans l’étude PARTNERS en USA 1999 [5], la fréquence était de 15% sur un échantillon de 10.000 coronariens. En revanche, la plus faible fréquence était observée pour Al-Thani en 2011 [14], dans le registre « the Gulf Register » incluant 6 pays du Moyen-Orient, avait retrouvé une prévalence de 2,6% chez les 6.705 patients hospitalisés dans 46 centres de cardiologie pour un syndrome coronarien aigu, sur la base d’un IPS inférieur à 0,80. Le seuil bas de l’IPS pris comme définition de l’AOMI par l’auteur, et des taux très élevés de diabète dans cette population avoisinant 70%, expliquerait cette faible prévalence.
Notre fréquence de 34,7% se rapprochait de celle retrouvée dans la plupart des études ayant utilisé l’arsenal diagnostique complet de l’AOMI (un IPSch inférieur ou égal à 0,9 ; en recherchant une AOMI associée à une mediacalcose, par écho-doppler vasculaire ou mesure de l’IPSo et une AOMI infra clinique par mesure de L’IPS d’effort) comme : Le registre PAMISCA en 2007 [15], étude espagnole ayant pour but d’étudier la prévalence de l’AOMI chez 1.410 patients âgés de plus de 40 ans, hospitalisés pour un syndrome coronarien aigu, l’IPS a permis de diagnostiquer l’AOMI dans 39,8% des cas, dont 26,7% étaient une AOMI asymptomatique. L’étude Ipsilon en 2009 [16], réalisée sur 1.340 coronariens Français, la prévalence globale de l’AOMI a été de 26,6%, asymptomatique dans plus de la moitié des cas. Khellaf en 2013 [17], dans une étude algérienne sur la prévalence de l’AOMI chez le coronarien, révélait une prévalence de 29,7. Pour Rada en 2016 [18], dans son étude marocaine sur 370 sujets à haut risque cardiovasculaire ayant participé à l’enquête sur la prévalence de l’AOMI chez les coronariens, la fréquence de l’association était de 28,3%, chez les coronariens ; 44,5% chez les patients ayant une atteinte cérébrovasculaire, et 25,2% chez les patients ayant seulement des FRCV.
Dans notre série, l’AOMI était symptomatique dans seulement 16% des cas, dont 11,6% présentaient une claudication intermittente des membres inférieurs selon le tableau 3. Nos résultats se rapprochent de ceux rapportés dans la littérature comme : Lacroix et al [19], Khellaf et al. [17], l’étude IPSILON [16], Belhadj [20], Alzamora et al. [21], Kessal et al. [22], Boccalon et al. [23], et Zekri et al. [24].
Tableau 3 : Fréquence de la claudication intermittente (CI) dans la population des coronariens
Étude/1er auteur |
Fréquence de la CI dans la population globale |
Lacroix et al [19] 2002 (France) |
11% |
Khellaf et al [17] 2013 (Algérie) |
10,11% |
Étude epsilon [16] 2009 (France) |
21.3% |
Alzamora et al [21] 2010 (étude Perart/Artper Espagne) |
10,81% |
Kessal et al [22] 2012 (Algérie) |
10,32% |
Notre étude 2017 (Algérie) |
11,6% |
Dans notre étude, une anomalie de l’examen clinique n’a été notée que dans 18,3% (11% une palpation pathologique et 7,3% une auscultation pathologique). Cette constatation s’aligne avec les données de la littérature confirmant le faible apport de l’examen clinique dans le diagnostic de l’AOMI, comme Belhadj et al. [20] (faible sensibilité de l’examen clinique par rapport à l’IPS, sensibilité 52,5%, spécificité de 86%), Kessal et al. [22] (faible apport de la palpation dans l’AOMI, pathologique dans seulement 2,09%), et l’étude IPSILON [16] (examen physique anormal dans 28,1%).
Cette fréquence élevée de l’AOMI asymptomatique dans notre série (18,67%) s’expliquerait par le fait qu’elle soit souvent sous-estimée chez les coronariens. Les patients sont souvent asymptomatiques, car la coronaropathie limite souvent leurs activités physiques. Par conséquent, une approche systématique avec mesure d’IPS pourrait conduire à une meilleure identification de l’AOMI chez cette catégorie de patients.
Nous retrouvons qu’il existe une atteinte distale plus fréquente que proximale chez notre population, Ceci a été démontré dans d’autres études récentes comme le travail de Deneuville et al. en 2008 [25], comprenant 754 patients, axé sur la description de l’AOMI du sujet Antillais (France) par analyse d’une base de recrutement chirurgical, qui a montré que les lésions hémodynamiques affectaient l’étage infra-poplité dans 86% des cas, l’axe fémoro-poplité dans 51%, mais dans 7% des cas seulement l’étage aorto-iliaque ; le registre COPART en 2013 [26], 60,2% des patients du CHU de Toulouse et 73,5% des patients des CHU de Bordeaux et Limoges ont une atteinte infra-poplitée, et en 2014, Lavinia Belaye [27], dans un travail visant à identifier la localisation prédominante de l’AOMI, et les FRCV influençant sa topographie, retrouvait la prédominance de l’AOMI distale sur les 268 patients inclus, 84,70% patients avaient une localisation infra-poplitée, et respectivement une localisation poplitée 55,22%, fémorale 69,02% et aorto iliaque 42,91%.
Il ressort aussi de notre étude que le tabac est fortement associé à l’atteinte aorto-iliaque, les patients sont souvent de sexe masculin et plus jeunes que les autres porteurs de localisations fémorales/poplitées ou infra-géniculées. Inversement, les patients présentant des lésions plus distales, sont souvent de sexe féminin, diabétiques, hypertendus et l’insuffisance rénale est fréquente.
Nos données transversales concernant l’association entre les facteurs de risque et la localisation de l’AOMI sont conformes avec plusieurs rapports comme celui de Lord et al. [28] en 1965, de Strandness et al. [29] en 1988, Tunis et al. [30] en 1993, et Vogt et al. [31]. Aboyans et al. en 2006 [32], dans une étude longitudinale révèlent que les FRCV traditionnels contribuent différemment à la progression de l’AOMI, selon que celle-ci ait touché les petits ou les gros vaisseaux. Le tabac, la dyslipidémie, et l’inflammation étaient incriminés dans la progression de l’AOMI des gros vaisseaux, en revanche, le diabète était le seul facteur incriminé dans la progression de l’AOMI des petits vaisseaux. Pour Aboyans et al., en 2009 [33], dans une série de 681 patients ayants une AOMI, les facteurs associés à l’atteinte aorto-iliaque étaient le tabac (P<0,0001), et le sexe masculin (P<0,001). Les facteurs associés à la localisation distale étaient le diabète (P<0,0001), et à un degré moindre l’HTA et l’insuffisance rénale sévère. Lavinia en 2014 [34], dans un travail visant à identifier la localisation prédominante de l’AOMI et les FRCV influençant la topographie en France, retrouvait plus de patients tabagiques ayant une atteinte avec retentissement en aorto-iliaque (p<0,05) et fémoral (P<0,05) que des patients non tabagiques, et plus de patients diabétiques ayant une atteinte infra-poplitée avec retentissement (P<0,05) que chez les non-diabétiques.
Conclusion
De par son caractère diffus et ubiquitaire, la maladie athérothrombotique impose une prise en charge globale du patient car longtemps, les manifestations cliniques de l’athérothrombose (infarctus, accident vasculaire cérébral etc.), ont été traitées de façon isolée et cloisonnée, mais aujourd’hui, la vision moderne décrit une maladie systémique, qui peut potentiellement toucher plusieurs artères à la fois, ce qui justifie un bilan d’extension minimum sur les trois territoires majeurs : coronaire, cérébrovasculaire et périphérique ; ceci grâce aux progrès des méthodes d’investigations, notamment non invasives, incitant à une recherche quasi systématique de la maladie athéromateuse et au traitement préventif des lésions silencieuses.
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