Hyperplasie congénitale des surrénales chez l’enfant. Diagnostic et prise en charge

L’hyperplasie congénitale des surrénales (HCS) regroupe des maladies autosomiques récessives dues à une carence d’une ou plusieurs enzymes nécessaires à la synthèse par la glande surrénale du cortisol, de l’aldostérone, et des stéroïdes sexuels.

F. Bouferoua, K.N. Benhalla, Service de Pédiatrie A, CHU Issaad Hassani, Béni Messous, Alger.

Date de soumission : 26 février 2021

Résumé : L’hyperplasie congénitale des surrénales (HCS) regroupe des maladies autosomiques récessives dues à une carence d’une ou plusieurs enzymes nécessaires à la synthèse par la glande surrénale du cortisol, de l’aldostérone, et des stéroïdes sexuels. Dans la plupart des cas, cette déficience enzymatique conduit à une accumulation des précurseurs en amont et à l’épuisement des produits en aval. Elle est caractérisée par une insuffisance surrénalienne et divers degrés d’hyper-androgénie (ou hypo-androgénie), selon le type et la sévérité de la maladie. Les filles présentent à la naissance des organes génitaux ambigus. Les formes d’HCS avec perte de sel conduisent à des symptômes de déshydratation au cours des premières semaines de vie, pouvant être fatals. L’HCS non classique n’est généralement pas diagnostiquée avant l’adolescence. D’autres formes rares peuvent se présenter avec une hypertension artérielle, des malformations crâniofaciales et une ambiguïté sexuelle chez les deux sexes. Le diagnostic des déficits enzymatiques responsables de l’hyperplasie congénitale des surrénales (HCS) repose sur le dosage précis des différents stéroïdes. Un traitement hormonal de substitution à vie est nécessaire pour traiter l’insuffisance surrénalienne et diminuer les taux élevés d’androgènes.

Mots clés : HCS, déficit en 21 OH, syndrome de perte de sel, insuffisance surrénale aigüe, 17 OHP, hydrocortisone, fludrocortisone, dépistage néonatal.

Abstract: Congenital adrenal hyperplasia (CAH) is a group of autosomal recessive diseases caused by a deficiency of one or more enzymes necessary for the adrenal gland to synthesize cortisol, aldosterone, and sex steroids. In most cases, this enzyme deficiency leads to an accumulation of upstream precursors and depletion of downstream products, and is characterized by adrenal insufficiency and varying degrees of hyperandrogenism (or hypoandrogenism), depending on the type and severity of the disease. Girls have ambiguous genitalia at birth. The salt loss forms of CAH lead to symptoms of dehydration in the first weeks of life, which can be fatal. Unconventional CAH is usually not diagnosed until adolescence. Other rare forms can present with high blood pressure, craniofacial malformations and sexual ambiguity in both sexes. The diagnosis of enzyme deficiencies responsible for CAH is based on the precise dosage of different steroids. Lifelong hormone replacement therapy is needed to treat adrenal insufficiency and lower high androgen levels.

Key words: CAH, 21 OH deficiency, salt loss syndrome, adrenal insuffiency acute, 17OHP, hydrocortisone, fludrocortisones, new-born screening

Introduction

L’hyperplasie congénitale des surrénales est une maladie génétique à transmission autosomique récessive, qui est due à une anomalie dans la voie de biosynthèse du cortisol, soit un déficit d’une des enzymes de la stéroïdogénèse, ayant pour conséquence un excès d’androgènes.

Physiologie – Physiopathologie

Les stéroïdes surrénaliens sont synthétisés à partir du cholestérol et 80% environ de celui-ci proviennent des lipoprotéines circulantes. Cette synthèse se fait par la succession de réactions enzymatiques (figure 1).

Dans la zone fasciculée sont synthétisés les glucocorticoïdes dont le métabolite actif est le cortisol. L’aldostérone est synthétisée dans la zone glomérulée et les androgènes surrénaliens sont synthétisés dans la zone réticulée (déhydroépiandrostènedione ou DHEA, sulfate de DHEA, ∆ 4-androstènedione).

Le cortisol a un effet sur le métabolisme glucidique, lipidique et protidique, un effet sur le métabolisme phosphocalcique, et une action anti inflammatoire. Sa synthèse se fait sous l’action de la corticotropin releasing hormone (CRH) et l’adrenocorticotophic hormone (ACTH) (hormones hypothalamo-hypophysaires).

La carence en cortisol est à l’origine de la levée du rétrocontrôle négatif hypothalamo-hypophysaire, augmentant la sécrétion de CRH et d’ACTH. Cette élévation est responsable de l’hyperplasie du cortex surrénalien et de l’augmentation de la sécrétion des précurseurs du cortisol en amont du bloc enzymatique.

L’aldostérone favorise la réabsorption du Na+ et l’élimination du K+ H+. Sa synthèse est régulée par le système rénine-angiotensine. Un déficit en aldostérone est donc responsable d’une perte d’eau et de sel dans les urines et donc d’une déshydratation avec hyponatrémie et hyperkaliémie avec un risque de choc hypovolémique.

Dans le bloc en 21-OH et 11-ß-OH, il y a un excès de sécrétion de la synthèse d’androgènes par une déviation du métabolisme des substrats d’amonts. Cet excès est responsable d’une virilisation des fœtus de sexe féminin (46 XX) alors que les fœtus de sexe masculin naissent sans anomalie des organes génitaux externes.

Les blocs enzymatiques à révélation précoce entrainent, quelle que soit l’enzyme déficiente, un défaut de synthèse du cortisol, qui pourrait être à l’origine d’hypoglycémies sévères surtout chez le nouveau-né.

Figure 1 : Synthèse de stéroïdes surrénaliens

 

 

Clinique

Déficit en 21-hydroxylase

Son incidence est de 1/15.000 naissances en France. Elle varie selon les régions géographiques et l’appartenance ethnique.

Le gène de la 21-hydroxylase se situe sur le bras court du chromosome 6 (ch6p21.3) dans la région de classe 3 du système majeur d’histocompatibilité HLA. Dans 75% des cas, le déficit est dû à une mutation du gène CYP 21 B. Les patients porteurs de mutations entrainant une activité résiduelle nulle de l’enzyme ont une forme classique avec perte de sel, et ceux porteurs d’une mutation entrainant un déficit incomplet avec une activité résiduelle de 2%, ont une forme sans perte de sel.

L’enzyme 21-hydroxylase permet la transformation de la 17-hydroxyprogestérone (17 OHP) en 11-déoxycortisol sur la voie de synthèse du cortisol et de la progestérone en désoxycorticostérone (DOC) sur la voie de synthèse de l’aldostérone.

Le syndrome de perte de sel est la conséquence d’un déficit complet de l’enzyme (activité résiduelle nulle), la surrénale ne peut pas synthétiser le cortisol et l’aldostérone.

On distingue la forme classique avec ou sans perte de sel et la forme non classique à révélation tardive.

Dans la forme classique, nous avons :

La forme virilisante pure qui se révèle à la naissance par une virilisation des organes génitaux externes de la petite fille, qui est côtée selon le stade de Prader de 1 à 5 (figure 2), allant de l’hypertrophie clitoridienne jusqu’à l’aspect masculin des organes génitaux externes mais sans palpation des gonades avec des organes génitaux internes (utérus et ovaires) normaux.

Figure 2 : classification de Prader.

hypp

En absence de dépistage, le diagnostic chez le garçon est difficile car les organes génitaux sont normaux, il est souvent posé vers l’âge de 2 à 4 ans devant l’apparition de signes cliniques de pseudo puberté, à savoir une augmentation de la taille de la verge sans augmentation du volume des testicules ainsi qu’une accélération de la vitesse de croissance et de la maturation osseuse.

La forme avec perte de sel qui se manifeste entre le 8ème et le 15ème jour de vie par l’apparition de troubles digestifs, une mauvaise prise pondérale, des vomissements puis déshydratation qui peut être sévère pouvant se compliquer d’un état de choc. Le tableau clinique peut se compliquer d’hypoglycémie en rapport avec le déficit en glucocorticoïdes.

Le diagnostic de l’hyperplasie congénitale des surrénales est facilement posé chez le nouveau-né de sexe féminin devant la présence d’une ambiguïté sexuelle, mais reste difficile lorsqu’il s’agit d’un garçon ou une fille au stade 5 de Prader ; il doit être évoqué devant les épisodes de déshydratation répétés, les signes cliniques déjà suscités, ou perturbation de l’ionogramme afin de pouvoir réaliser une prise en charge précoce et améliorer le pronostic vital.

La forme non classique est de révélation tardive, elle peut se manifester soit à la période pubertaire dans un tableau d’hyper-androgénie avec hirsutisme, acné, trouble du cycle ou stérilité, soit plus précocement dans un tableau de pseudo puberté précoce.

 

Examens complémentaires

En présence de syndrome de perte de sel, l’ionogramme objective une hyponatrémie avec natriurèse conservée et une hyperkaliémie à kaliurèse basse.

Les autres androgènes, ∆4-androsténédione (∆4) et sulfate de déhydroépiandrosténédione (SDHEA) sont élevés, la testostérone est élevée, elle trouve tout son intérêt, en particulier chez la fille.

Le dosage du cortisol chez le nouveau-né n’a pas d’intérêt car il est physiologiquement bas. Dans le syndrome de perte de sel, le taux d’aldostérone est très bas avec une réninémie élevée. L’échographie pelvienne montre la présence de structures féminines, un utérus et des ovaires

La génitographie n’est pas utile pour le diagnostic, mais surtout pour la prise en charge chirurgicale, elle permet d’opacifier la cavité müllerienne postérieure lorsqu’elle existe, et montrer le niveau de son implantation sur la face postérieure de l’urètre, ce qui permet de préciser la technique chirurgicale.

Déficit en 11-β-hydroxylase (11-βOH)

Il réalise 5 à 8% des hyperplasies congénitales des surrénales, son incidence est de 1/200.000 dans la population générale. Le déficit de cette enzyme est responsable d’un défaut de synthèse du cortisol et d’aldostérone. La mutation la plus fréquente est le R448H se situant sur l’exon 8, et la transmission est autosomique récessive.

 

Clinique

Le tableau clinique à la période néonatale est identique à celui de la 21-OH, avec en plus, le développement d’une hypertension artérielle dans 2/3 des cas les premières années de vie, cette dernière est due à l’accumulation du DOC. Le syndrome de perte de sel est beaucoup plus rare.

 

Biologie

Le diagnostic est fondé sur l’élévation du composé S et de la DOC, qui malheureusement ne sont pas de pratique courante par manque de disponibilité dans notre pays, le plus souvent on se base sur le dosage de la 17 OHP qui est modérément élevée, avec élévation de la testostérone et de la ∆4, et contrairement au déficit en 21-OH, la réninémie est basse.

Bloc en 3-β-hydroxystéroïde déshydrogénase

Le déficit en 3-β-hydroxystéroïde déshydrogénase (3-βHSD) est responsable d’environ 1 à 10% des hyperplasies congénitales des surrénales. Son déficit est responsable d’un déficit en cortisol, aldostérone et androgènes surrénaliens. Le gène est situé sur le chromosome 1 en p13.1, et une trentaine de mutations ont été décrites.

Clinique

Les anomalies des organes génitaux externes du fœtus de sexe masculin, sont de degré variable, elles sont dues à un défaut de synthèse des androgènes, il peut s’agir d’un hypospadias périnéo-scrotal ou périnéal, un micropénis, gonades ectopiques ou scrotum bifide, avec dans tous les cas des organes génitaux internes normaux. Le syndrome de perte de sel se voit dans la moitié des cas.

Les filles ne présentent pas d’anomalies des organes génitaux, et le diagnostic ne peut être porté les premiers mois de la vie en l’absence de perte de sel ; mais de discrets signes de virilisation peuvent se voir et s’accentuer dans l’enfance et l’adolescence pouvant être à l’origine d’une prémature pubarche, acné, accélération de la vitesse de croissance et de la maturation osseuse.

 

Biologie

17 OHP/17OH prégnénolone et 17 OHP/cortisol élevés. Dans les formes avec perte de sel, la réninémie est élevée.

 

Autres déficits

Les autres déficits sont beaucoup plus rares, nous ne ferons que les citer : bloc en 17-α-hydroxylase, 450 oxydoréductase et le Star.

Assignation du sexe

Elle doit être la plus rapide possible, mais après consensus pluridisciplinaire qui doit tenir compte de l’âge de diagnostic, des possibilités chirurgicales en fonction de la sévérité de l’androgénéisation (Prader 5), et le souhait des parents qui est souvent influencé par leur vécu socioculturel ; le gros problème se pose pour les enfants nés avec un morphotype masculin, un bourgeon génital complètement masculin, la palpation des gonades n’étant pas faite à la naissance et l’enfant est déclaré d’emblée garçon, et ce n’est que quelques mois ou années plus tard que les parents consultent pour absence de gonades, le plus souvent devant cette situation, même si le caryotype réalisé déclare le sexe féminin, les parents gardent l’enfant dans le sexe déclaré à la naissance, c’est-à-dire garçon, d’où la nécessité d’un examen systématique des organes génitaux externes à la naissance, expliquer la pathologie aux parents ainsi que les possibilités thérapeutiques et le devenir à long terme en cas de choix erroné du sexe.

Traitement

Déficit en 21-OH et 11-β-OH

Traitement médical : Le traitement doit être entrepris immédiatement après avoir posé le diagnostic.

Si le tableau clinique est celui d’un syndrome de perte de sel, l’urgence est à la réhydratation intraveineuse, l’apport de sel et l’apport intraveineux en glucocorticoïdes, et ce, selon un protocole bien codifié ; le relai per os est entrepris dès que l’état clinique s’améliore ainsi que la normalisation de l’ionogramme.

En l’absence de signes aigus d’insuffisance surrénale, le traitement est entrepris par voie orale à base d’hydrocortisone à une dose d’attaque de 50 mg/m2/j chez le nouveau-né pendant 10 à 15 jours puis on passe à une dose d’entretien de 20 à 25 mg/m2/j chez le nouveau-né et de 10 à 15 mg/m2/j pour l’enfant plus grand (la dose d’attaque chez le nourrisson est de 20-25 mg/m2/j).

Le traitement minéralocorticoïde à base de Fludrocortisone est associé à la dose de 50 à 100 µg/j, lorsque ce dernier est disponible ; le plus souvent dans notre pays, on se contente de la supplémentation en sel à raison de 1 à 2 g/j, et qui doit être maintenue les deux premières années ; au-delà, la supplémentation en sel se fera dans l’alimentation.

Le médecin informera les parents des différentes situations de stress pouvant engendrer une décompensation et la conduite à tenir devant chaque situation, le patient sera muni d’une carte où sera mentionné le diagnostic d’insuffisant surrénalien, le nom du médecin à contacter et la conduite à réaliser en urgence.

Traitement chirurgical : Le but du traitement chirurgical est d’obtenir un aspect féminin des organes génitaux externes, avec des voies urinaires normales sans obstruction ni infections à répétition et une vie sexuelle normale.

La chirurgie doit se faire dans un centre spécialisé ayant l’expérience de la pathologie, avec une équipe chirurgicale compétente.

L’acte chirurgical consiste en une vaginoplastie associée à une clitoridoplastie ; le plus grand défi est la préservation du pédicule vasculo-nerveux du gland, permettant ainsi une vie sexuelle normale.

Il faut savoir que c’est une chirurgie lourde qui n’est pas dénuée de complications à type d’atrophie du clitoris, sténose vaginale, troubles mictionnels avec incontinence urinaire, infection, fistules urétrovaginales ayant pour conséquence une anomalie du flux menstruel et un retentissement sur la vie sexuelle. L’indication chirurgicale ne se pose pas pour le Prader 1 et 2.

L’âge auquel doit être faite la chirurgie, fait actuellement l’objet de controverses, les équipes qui préconisent un acte chirurgical dans l’enfance, le conseillent vers l’âge de 6 mois, ayant pour arguments que la peau phallique est un bon matériel de reconstruction vaginale en période néonatale, du fait que les tissus sont imprégnés en œstrogènes placentaires ; et sur le plan psychosocial, ça permet de construire précocement une identité de l’enfant et son insertion psychosociale en fonction du sexe choisi. Les équipes qui préconisent un acte chirurgical tardif, soit à la période pubertaire, ont pour argument de diminuer le risque de sténose vaginale et le recours aux dilatations.

Déficit en 3-βHSD

L’hydrocortisone (HC) est associée à la fludrocortisone (FC) en cas de syndrome de perte de sel. Le traitement chirurgical consiste en la génitoplastie masculinisante qui dérive de la chirurgie de l’hypospadias et consiste à désenfouir et découder la verge et une uréthroplastie. Des complications peuvent se voir à type de fistules ou sténose de l’urètre.

Évolution

Le suivi à la consultation est très rapproché à la période néonatale puis se fait trois à quatre fois par an. La surveillance se base sur la croissance staturo-pondérale et l’état d’hydratation. Le bilan biologique comportera l’ionogramme sanguin, 17 OHP, ∆4 et testostérone. Le bilan radiologique comportera l’âge osseux.

L’objectif du traitement est de maintenir un équilibre hormonal satisfaisant à des doses minimales efficaces d’hydrocortisone et de fludrocortisone afin d’éviter leur retentissement sur la croissance staturo-pondérale (HC) et sur la tension artérielle (FC).

La croissance de ces patients n’est pas optimale, et ceci est dû à l’excès d’androgènes surrénaliens d’une part et le traitement par les glucocorticoïdes d’autre part, entrainant une fusion précoce du cartilage de conjugaison avec comme conséquence une taille finale inférieure à la taille cible.

Les recommandations actuelles selon le consensus international des hyperplasies congénitales des surrénales est de ne pas dépasser la dose de 10 à 15 mg/m2/j.

La puberté survient en général dans un délai normal, le gros problème durant cette période est l’installation de l’obésité et le défaut de compliance ayant pour conséquence un déséquilibre hormonal avec l’installation des signes d’hyper-androgénie.

Diagnostic anténatal et prise en charge

Il a pour but de dépister les enfants atteints d’une forme classique, et ceci concerne les familles où existe un cas index. La détermination du sexe du fœtus de sexe féminin (SRY-) est réalisée à la 6ème SA, il consiste à traiter les mamans porteuses d’un fœtus atteint, au plus tard vers la 9ème SA, par la dexaméthasone, qui a pour rôle de freiner l’hyper-androgénie et donner naissance à un nouveau-né de sexe féminin de morphotype normal, sans signes de virilisation.

Pour ce faire, cela nécessitera l’information des parents de la maladie et des possibilités thérapeutiques, l’étude préalable du gène CYP21 chez les différents membres de la famille, le diagnostic précoce de la grossesse (avant la 6ème SA) et la collaboration du pédiatre, gynécologue et généticien.

Cette prise en charge est possible pour le déficit en 21- OH et 11-β-OH. Cette conduite a tendance à être abandonnée, selon les données des dernières publications qui ont montré l’effet néfaste des corticoïdes sur la mère.

Dépistage néonatal

Il est systématique dans plusieurs pays. Il est surtout utile dans les formes sans ambiguïté sexuelle, car c’est la seule façon de faire un diagnostic précoce, et dans le Prader 5 en l’absence de syndrome de perte de sel. Il est peu couteux, se fait au 3ème jour à l’aide d’une goutte de sang prélevée au talon du nouveau-né, pour dosage de la 17-OHP.

Devenir à l’âge adulte

L’effet néfaste de l’hydrocortisone a été décrit avec des conséquences sur le métabolisme, l’installation de l’obésité, ainsi que sur la minéralisation osseuse. Il a été également décrit des anomalies dans la sexualité, et la fertilité.

Conclusion

La constatation d’une ambiguïté sexuelle à la naissance doit faire déclarer l’enfant de sexe indéterminé. Le choix du sexe définitif nécessite un ensemble d’explorations pour décider de l’orientation finale et donc de la génitoplastie à réaliser, celle-ci doit être assez précoce pour permettre à l’enfant d’avoir une identité sexuelle et pour que la famille puisse mieux vivre le problème qui reste toujours difficile nécessitant un soutien psychologique.

L’examen des organes génitaux externes doit être systématique et minutieux chez le nouveau-né, le nourrisson et l’enfant.

Devant toute déshydratation répétée avec hyponatrémie et hyperkaliémie chez un garçon, penser au diagnostic d’hyperplasie congénitale des surrénales.

Le premier diagnostic à évoquer devant une anomalie de la différenciation sexuelle (DSD) avec des gonades non palpables est l’hyperplasie congénitale des surrénales par bloc en 21-OH.

Devant une cryptorchidie bilatérale, il faut faire un caryotype, il peut s’agir soit d’un 46 XX, stade 5 de Prader d’un bloc en 21-OH ou 11-βOH, soit d’un DSD 46 XY.

La prise en charge est multidisciplinaire nécessitant la collaboration du pédiatre, du chirurgien et du psychologue.

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Bibliographie

  • Speiser PW, White PC.- Congenital adrenal hyperplasia. N Engl J Med 2003; 349:376-88
  • Consensus statement on 21-hydroxylase deficiency from the Lawson Wilkins Pediatric Endocrine Society and the European Society for Paediatric Endocrinology. J Clin Endocrinol Metab 2002; 87:4048-53.
  • Hyperplasie congénitale des surrénales par déficit en 21-hydroxylase. HAS 2011
  • Hughes IA, Houk C, Ahmed SF, Lee PA. Consensus statement on management of intersex disorders. Arch Dis Child 2006; 91:554-63.
  • Bachelot A, Plu-Bureau G, Thibaud E, Laborde K, Pinto G, Samara D, et al. Long-term outcome of patients with congenital adrenal hyperplasia due to 21-hydroxylase deficiency. Horm Res 2007; 67:268-76.
  • Martine Cools and Birgit Kohler. Disorders of Sex Development. In : Mehul T. Dattani, Charles GD. Brooks, eds Brook’s Clinical Pediatric Endocrinology. London, UK, John Wiley; 2020: 105-31

  Télécharger le PDF de cet article

Retard de croissance intra utérin

Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est défini par un poids et/ou une taille < P10. Le diagnostic est basé sur la mesure précise du poids, de la taille et le périmètre crânien à la naissance. C’est la 3ème cause de mortalité périnatale,

F. Bouferoua, K.N. Benhalla, Service de Pédiatrie A, CHU Issaad Hassani, Béni Messous, Alger.

Date de soumission : 26 février 2021

Résumé. Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est défini par un poids et/ou une taille < P10. Le diagnostic est basé sur la mesure précise du poids, de la taille et le périmètre crânien à la naissance. C’est la 3ème cause de mortalité périnatale, et à l’origine de complications à long terme, dominées par les atteintes neuro-développementales et le syndrome métabolique à l’âge adulte. Une surveillance clinique précoce de la croissance est recommandée pour les enfants qui n’ont pas rattrapé et qui gardent un retard de croissance afin de proposer le plutôt possible un traitement par hormone de croissance qui permet d’améliorer le pronostic statural.

Mots clés : Retard de croissance intra-utérin, croissance, âge gestationnel, PAG (petits pour l’âge gestationnel), petite taille, hormone de croissance.

Abstract: Intrauterine growth retardation (IUGR) is defined by weight and/or height <P10. The diagnosis is based on the precise measurement of weight, height and head circumference at birth. It is the 3rd leading cause of perinatal mortality, and the source of long-term complications, dominated by neurodevelopmental damage and metabolic syndrome in adulthood. Early clinical monitoring of growth is recommended for children who have not caught up and are still stunted in order to offer growth hormone treatment as soon as possible, which improves the prognosis for height.

Key words: Intrauterine growth retardation, growth, gestation, SGA, short stature, hormone growth.

Introduction

La croissance intra-utérine est un reflet fidèle de l’état de santé du fœtus. Elle dépend de facteurs génétiques, de l’état nutritionnel de la mère, des facteurs circulatoires conditionnant la croissance, ainsi que des facteurs hormonaux.

Une anomalie de l’un de ces facteurs pourrait être à l’origine d’une évolution anormale de la croissance du fœtus avec, pour conséquence, soit une naissance prématurée, cette dernière pouvant être simple ou compliquée d’une restriction fœtale, soit d’un nouveau-né, né à terme mais hypotrophique.

Les nouveau-nés atteints de retard de croissance intra-utérin (RCIU), appelés aussi, petits pour l’âge gestationnel (PAG), représentent un des problèmes majeurs de santé pour l’obstétricien et le pédiatre.

Dans le tiers-monde, 24% des nouveau-nés, tout âge gestationnel (AG) confondu, naissent avec un RCIU, soit trente millions des naissances, et cela est dû à la fréquence de la sous-nutrition maternelle d’origine socio-économique.

Les chiffres retrouvés à plus grande échelle sur le plan mondial sont des chiffres qui regroupent les RCIU à terme et les prématurés, ces derniers représentent selon les données de l’enquête périnatale française de 2010 ; 8,9%. Dans les pays développés, elle est estimée à 10%. Dans les pays en voie de développement, la fréquence du RCIU reste peu connue. Selon les données de l’OMS, les chiffres les plus élevés ont été rapportés en Asie, 30 à 40% en Inde, 10 à 20% en Afrique de l’ouest, et 5 à 15% en Afrique du Nord. En Amérique centrale, la fréquence était de 10-18% et en Amérique du Sud à 9-12%.

Le RCIU est la troisième cause de mortalité néonatale après la prématurité et les malformations, il est également considéré comme la première cause de comorbidité en période périnatale, en rapport soit avec l’asphyxie néonatale, ou les complications métaboliques.

Grâce aux progrès médicaux dans les pays industrialisés, la prise en charge et le devenir des enfants nés avec un PPN (petit poids de naissance), ont été considérablement améliorés. À l’inverse, la situation est complètement différente dans les pays en voie de développement (PED) où le PPN demeure un véritable problème de santé publique du fait de ses conséquences sur la morbidité et la mortalité néonatale, largement rapportées dans de nombreuses études à travers le monde.

Définition

Définition du petit poids de naissance

L’OMS définit le petit poids de naissance par un poids inférieur à 2.500 g et le considère comme un indicateur clé de la santé du nouveau-né.

Ce seuil a été remis en cause en suite de la constatation de différences significatives, dues à l’effet de plusieurs facteurs, qui diffèrent d’une population à l’autre, sur la durée de la grossesse et du poids de naissance, rendant ainsi, le seuil du PN à retenir pour la définition du PPN, très variable. Parmi ces facteurs, nous avons l’ethnie, le sexe, le niveau socio-économique, l’accès au soin, l’état nutritionnel, et bien d’autres facteurs encore. Vient s’ajouter à cela, le facteur génétique en rapport avec la taille maternelle, expliquant ainsi les différences que nous observons sur les profils de croissance d’enfants dans les différentes populations, ce qui justifie l’utilisation de standards distincts selon la population.

Définition du RCIU

La définition du RCIU est variable d’un pays à un autre, et cela est fonction du seuil déterminé pour la courbe de référence de la population, à partir duquel le diagnostic de RCIU est retenu.

Le retard de croissance intra-utérin ou hypotrophie fœtale est défini au plan épidémiologique, par une croissance fœtale altérée, conduisant à un poids de naissance, à une taille ou à un périmètre crânien (PC) inférieur au 10ème, ou bien au 5ème percentile, ou bien au 3ème percentile, ou bien inférieur à -2 SDS selon l’âge gestationnel et le sexe des courbes de référence d’une population.

Mais souvent, le seuil utilisé est le 10ème percentile, définissant ainsi :

  • L’hypotrophie comme une biométrie < 10ème percentile
  • L’hypotrophie sévère comme une biométrie < 3ème

Nouveau-né petit pour l’âge gestationnel

Un terme beaucoup plus clair est actuellement utilisé pour désigner le RCIU, c’est le nouveau-né, né petit pour l’âge gestationnel ou PAG.

Cette classification est très importante, car elle a eu pour effet la réduction du nombre de nouveau-nés nécessitant véritablement des soins dans une unité d’hospitalisation de néonatologie, et ainsi, de réduire le coût de la prise en charge, d’une part, et la surcharge du travail dans ces mêmes unités, d’autre part.

En effet, cette nouvelle définition est le résultat de plusieurs travaux sur la croissance des nouveau-nés durant la période fœtale, qui ont montré que ce ne sont pas tous les nouveau-nés qui naissent avec un poids < 10ème percentile qui ont subi une restriction de la croissance fœtale, c’est le cas des PAG qui naissent petits, parce qu’ils présentent une petite taille constitutionnelle déterminée génétiquement, et qui est le plus souvent en relation avec une petite taille maternelle.

Physiologie de la croissance fœtale

Le développement débute dès la fécondation. Chez le fœtus, la croissance pondérale est lente jusqu’à la 23ème SA, puis elle s’accélère avant d’atteindre un pic survenant vers la 34ème SA. Par contre, la vitesse de la croissance staturale est maximale vers la 20ème SA, suivie d’un ralentissement progressif jusqu’au terme.

La régulation de la croissance fœtale est multifactorielle, caractérisée par le rôle majeur de l’apport nutritionnel maternel, mais aussi par l’action paracrine et autocrine des facteurs de croissance fœtaux et placentaires : l’insuline, l’hormone lacto-placentaire, les IGF (1 et 2), qui ne sont pas sous la dépendance de la GH hypophysaire, en effet cette dernière est indétectable chez le fœtus. Ainsi que le rôle de l’empreinte parentale.

Croissance postnatale

La croissance postnatale durant les deux premières années est une continuité de la croissance intra-utérine, et va donc être sous l’influence de facteurs nutritionnels majoritairement, sachant qu’il est universellement reconnu que la corpulence à la naissance est un indice important de la santé fœtale et néonatale.

L’influence génétique apparait entre 12 et 24 mois, où l’enfant va suivre son centile génétique, et rejoindre la taille parentale en période pré-pubertaire, et tout cela est réalisé sous le contrôle du système endocrinien, impliquant l’hormone de croissance et les facteurs de croissance associés tel que l’IGF1.

Facteurs de risque du petit poids pour l’âge gestationnel

Les facteurs de risque sont nombreux, parmi lesquels nous avons l’âge maternel, l’origine ethnique, la parité, grossesse multiple, le statut social et facteurs nutritionnels, la prise de toxique et le tabagisme, les maladies chroniques et les antécédents de RCIU.

Étiologies

De multiples causes sont à l’origine du RCIU, elles peuvent être fœtales en rapport avec une malformation, ou une anomalie chromosomique, d’origine infectieuse, grossesse multiple. Les causes placentaires représentent près de 80 à 90%, elles sont liées à une insuffisance d’apport de nutriments et d’oxygène au fœtus à travers le placenta, et la reconnaissance du RCIU d’origine placentaire est essentielle, car elle va expliquer les anomalies biométriques observées et va également permettre d’individualiser le fœtus RCIU qui nécessitera une surveillance et une prise en charge urgente et adéquate. Il peut s’agir d’une anomalie d’implantation du placenta ou placenta prævia, une hypo-vascularisation ou ischémie, une anomalie du cordon ou un choriangiome unique ou multiple.

Les causes maternelles sont en rapport avec l’âge maternel et primiparité, le niveau socio-économique défavorisé et malnutrition maternelle chronique, les causes toxiques, les maladies chroniques, la toxémie gravidique et les causes utérines. Le RCIU est idiopathique dans 30% des cas, il est le plus souvent modéré et dysharmonieux.

Aspects cliniques

Plusieurs publications ont développé les concepts de retard de croissance proportionné ou symétrique, et non proportionné ou asymétrique, même si l’importance d’une telle distinction fait encore l’objet de discussions.

RCIU harmonieux ou symétrique

Sa fréquence est de 30%, et se caractérise par une atteinte proportionnelle du poids, de la taille et du PC. La proportionnalité à la naissance peut permettre de recueillir des informations sur le moment de l’installation du retard de croissance, ainsi que sur l’état nutritionnel du nouveau-né.

RCIU dysharmonieux ou asymétrique

Sa fréquence est de 70%, il se caractérise par une atteinte préférentielle de la croissance pondérale avec conservation, au moins relative de la croissance staturale et surtout de celle du PC.

Cette différence tient, d’une part, au facteur causal, d’autre part, à la période de gestation à partir de laquelle s’est installée la pathologie responsable de l’anomalie de la croissance fœtale. On considère que les RCIU harmonieux reflètent une installation précoce du retard de croissance, leur pronostic est plus sévère. Les RCIU asymétriques, seraient eux, d’installation plus tardive et concerneraient principalement le dernier tiers de la gestation. C’est le type le plus fréquent, il constitue les 2/3 des RCIU.

Les étiologies de ces RCIU sont très variables, et parfois mal identifiées. Il est classiquement enseigné qu’un RCIU asymétrique serait de constitution tardive, et d’origine vasculaire maternelle, alors qu’un RCIU symétrique serait précoce, plus sévère, et souvent en rapport avec une infection materno-fœtale, une prise de toxique, ou une anomalie fœtale constitutionnelle (génétique, métabolique ou malformative).

Diagnostic du RCIU

Le diagnostic à la naissance est théoriquement simple lorsque la datation de grossesse est connue avec précision, basé sur la confrontation de l’AG du nouveau-né (fondée sur une échographie précoce) avec son poids et ses mensurations sur une courbe de population de référence ; mais souvent la situation est tout autre. Il existe une incertitude sur le terme lorsque l’AG est estimé sur la DDR, ce qui est le cas le plus fréquent dans les pays en voie de développement, parfois même, cette DDR n’est pas connue, ce qui nous amène à nous référer pour l’appréciation de l’AG à l’examen clinique, en utilisant des critères morphologiques et neurologiques de maturation (score de Ballard ou de Dubowitz), avec une précision de plus ou moins quinze jours. Comme il existe d’autres indicateurs complémentaires tels que l’index pondéral.

Courbes de croissance

La fréquence du RCIU est liée en amont au choix de la courbe de la population de référence : ancienneté de la courbe et facteurs méthodologiques (datation clinique ou échographique de la grossesse, gestion des aberrations dans l’AG et le poids, et lissage des courbes).

L’utilisation de courbes regroupant filles et garçons conduit à méconnaître un RCIU chez des garçons et à en diagnostiquer à tort chez des filles en bonne santé.

L’absence de prise en compte des facteurs constitutionnels va omettre de distinguer le petit poids constitutionnel du pathologique, d’où l’intérêt de disposer de données anthropométriques de référence provenant d’une population appropriée. A défaut d’en avoir, il serait plus intéressant de privilégier les courbes fœtales ajustées individuelles, qui prennent en compte les critères anthropométriques influençant le poids de naissance, tout en éliminant les biais liés aux caractéristiques des populations observées dans les courbes de population.

Chaque nouveau-né devient sa propre référence, le poids de l’enfant est comparé à son poids optimal théorique obtenu en fonction de son potentiel individuel de croissance. Ce modèle de courbe a permis de distinguer au sein de la population hypotrophique définie par un poids < 10ème percentile, les nouveau-nés de petit poids constitutionnel, des nouveau-nés ayant subi une restriction fœtale et donc pathologique.

Les courbes de population qui pourraient se rapprocher le plus de notre population sont celles d’AUDIPOG du fait que la population maghrébine représente 20% du recrutement. Le programme français AUDIPOG est disponible gratuitement sur internet que ce soit pour la population de référence selon le sexe ou les courbes personnalisées.

Comme il existe également des courbes universelles réalisées par l’OMS « Intergrowth 21st » qui peuvent également s’adapter à notre population du fait que le recrutement s’est fait sur différentes populations à travers le monde.

Diagnostic étiologique

L’étiologie du RCIU est importante pour la prise en charge fœtale et maternelle. Un élément important pour l’orientation étiologique est le moment de survenue du RCIU. En effet, une apparition précoce oriente d’avantage le diagnostic vers une anomalie chromosomique, un syndrome malformatif ou une infection intra-utérine sévère. Lorsque l’apparition est tardive, elle oriente vers une pathologie vasculaire.

Il est important de mener un interrogatoire maternel complet comprenant la recherche d’une intoxication alcoolique ou un tabagisme, ainsi que différents examens à la recherche d’une pathologie vasculaire, infectieuse, nutritionnelle ou d’une anomalie morphologique.

Devenir du RCIU

Dans l’immédiat, le risque de mortalité est augmenté dans les pays en voie de développement. La littérature rapporte 52 à 80% de décès durant la période néonatale, prématurés et RCIU confondus.

Les comorbidités sont nombreuses pouvant être en rapport avec une anoxo-ischémie périnatale, hypothermie, complications métaboliques, respiratoires, digestives, hématologiques ou neurologiques.

A moyen terme, les enfants nés PAG ont un risque accru d’altérations du développement neurologique, des fonctions cognitives et des performances scolaires.

La surveillance de la croissance postnatale est un élément important dans le suivi des enfants qui sont nés avec un RCIU.

La majorité de ces enfants font un rattrapage spontané de leur croissance staturo-pondérale, et le plus souvent rattrapent d’abord sur le PC, le poids et enfin la taille.

Dans les années 1990, les études réalisées sur l’évaluation de la croissance postnatale avaient montré que 30 à 35% des enfants ne rattrapaient pas leur taille, mais les progrès réalisés en néonatologie avec l’amélioration de la prise en charge nutritionnelle, ont permis d’améliorer la croissance post-natale dite de rattrapage spontané de ces enfants lors des deux premières années de vie.

Ainsi, le pourcentage d’enfants présentant un retard statural à l’âge de deux ans, est passé au cours des 20 dernières années de 35 à 10%, sachant que cette fréquence varie d’un pays à l’autre de 8 à 13% dans le monde développé, elle était de 10% dans notre étude, soit sept fois plus élevé que dans la population générale, rendant ainsi nécessaire l’évaluation de la croissance à deux ans.

Les enfants nés RCIU présentent le plus souvent des modifications de la composition corporelle qui commencent après la naissance et se poursuivent durant toute la période post-natale, cela intéresse surtout le tissu adipeux qui est en excès au niveau de l’abdomen, avec un déficit relatif de la masse maigre. Il a également été décrit une diminution de la minéralisation osseuse.

A long terme la plupart des études réalisées, concernant l’âge de survenue de la puberté chez les enfants nés avec un RCIU montrent que celle-ci survient à un âge normal avec un pic de croissance pubertaire normal. Par contre, la survenue de « puberté avancée » (définie par un début de puberté entre 8 et 10 ans), est beaucoup plus fréquente chez l’enfant né RCIU que dans la population générale.

Ces enfants ont également la particularité de présenter de façon beaucoup plus fréquente, des signes d’hyperandrogénie, « prémature pubarche », ou « prémature adrénarche ».

Les études ont également montré le risque de survenue du syndrome métabolique, qui est expliqué par l’existence d’une programmation fœtale de certaines maladies de l’adulte, liée à la malnutrition maternelle en cours de grossesse, restriction de l’apport énergétique global ainsi que la restriction de l’apport protéique.

D’autres études plus récentes incriminent la croissance postnatale de rattrapage trop rapide dans les deux premières années dans la survenue de ces maladies à l’âge adulte, ainsi que le développement de l’obésité.

Traitement par hormone de croissance

Les essais thérapeutiques dans les années 1970, et toutes les études réalisées à ce jour ont montré l’efficacité de la GH avec un gain statural définitif satisfaisant, sachant que cette dernière est d’autant plus efficace que le traitement a été commencé précocement.

L’objectif du traitement par GH est d’induire une accélération de la vitesse de croissance staturale pour permettre une vitesse de croissance de rattrapage afin de normaliser la taille le plus rapidement possible et d’améliorer la taille définitive.

Les enfants nés avec un RCIU forment un groupe hétérogène, les autres causes ou traitements pouvant expliquer le retard de croissance devront être éliminés avant de proposer le traitement par GH.

Le pronostic statural à l’adolescence est fonction du gain statural en âge pré pubère. Les études réalisées à la recherche d’effets néfastes du traitement, sont restées négatives jusqu’à ce jour, rendant son utilisation de plus en plus répandue, et sa prescription est encore plus encouragée devant les résultats d’étude sur ses bienfaits sur le gain pondéral dans le RCIU.

Les doses de GH utilisées varient de 0,033 à 0,067 mg/kg/jour. Cependant, un effet dose a été clairement démontré durant les premières années de traitement, avec une accélération de la vitesse de croissance significativement plus forte chez les sujets traités avec des doses plus importantes que celles utilisées dans l’insuffisance somatotrope, et sans effets secondaires indésirables. Le consensus européen de 2007 recommande l’utilisation d’une forte dose de GH lors de l’induction du traitement les premières années si le retard de croissance est sévère (< – 3 SDS) jusqu’à ce que l’enfant rejoigne la courbe, puis passer à une dose plus faible dite de maintenance afin d’assurer une vitesse de croissance régulière jusqu’en début de la puberté.

Les facteurs prédictifs d’une bonne réponse au traitement sont liés à la précocité du traitement, la dose utilisée et la taille cible parentale.

Indications

Selon le consensus européen de 2007 :

  • Taille et/ou poids de naissance < P10 ou – 2 SDS
  • Il n’y a pas de consensus sur la limite de taille pour débuter le traitement (< -2,5 SDS ou < -2 SDS) bien que la majorité soit en faveur d’une limite < -2 SDS, dans le cas où le traitement est débuté après 4 ans, ce qui est le plus souvent le cas
  • Age chronologique: ≥ 4 ans
  • Absence de vitesse de croissance (VC) de rattrapage

En Algérie, nous avons l’AMM pour le traitement du RCIU par la GH à partir de l’âge de 4 ans, mais malheureusement nous n’avons toujours pas le remboursement jusqu’au jour où nous avons élaboré ce manuscrit, ce qui rend très difficile son utilisation sachant que c’est un traitement très coûteux.

Surveillance

La GH induit également de façon habituelle un certain degré d’insulino-résistance. Ce dernier paramètre doit être particulièrement surveillé en regard de l’augmentation spontanée du risque d’insulino-résistance chez les sujets nés avec un petit poids de naissance.

  • Avant traitement : mesure de la glycémie, insulinémie, lipides, IGF1, tension artérielle
  • Pendant le traitement : taille, poids, glycémie, insulinémie, IGF1, tension artérielle

Aucun effet métabolique indésirable à long terme lié au traitement par la GH n’a été observé chez ces sujets. Néanmoins, la poursuite de la surveillance à plus long terme reste nécessaire.

Conduite pratique

Tout enfant né RCIU âgé de plus de 3 ans qui présente une taille ≤ – 2,5 SDS doit être adressé à une consultation d’endocrinologie pédiatrique ; et ce, après avoir recherché les autres causes ou traitements pouvant être à l’origine du retard de croissance.

Le traitement doit être commencé dès l’âge de 4 ans avec une surveillance régulière de la croissance et des effets secondaires. Le gain statural est de + 0,5 SDS la 1ère année, dans le cas contraire, le diagnostic doit être reconsidéré. L’arrêt du traitement se fait lorsque la VC < 2 cm / an.

Conclusion

Le diagnostic de RCIU doit être basé sur la mesure précise du poids, de la taille et le périmètre crânien à la naissance. Une surveillance clinique précoce de la croissance est recommandée pour les enfants qui n’ont pas rattrapé et qui gardent un retard de croissance, afin de proposer le plutôt possible un traitement par hormone de croissance avec une surveillance à long terme.

L’enfant né RCIU peut avoir également des anomalies cognitives, justifiant une évaluation sur le plan neurologique de façon systématique. Les complications métaboliques sont reconnues, mais il n’est pas recommandé de faire des explorations systématiques.

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

  • Saleem T, Sajjad N, Sanna F, Nida H1, Syed R A and Maqbool Q.- Intra-uterine growth retardation – small events, big consequences. Italian J Pediatr 2011; 37:1-4
  • Blondel B, et coll.- La santé périnatale en France Métropolitaine de 1995 à 2010. Résultats des Enquêtes Nationales Périnatales. HAL 2012; 41 (2): 151-66
  • France-Périnat, Réseau National d’Information sur la Naissance La Santé Périnatale en 2004-2005.Évaluation des pratiques médicales. AUDIPOG 2007.
  • Ego A. – Le retard de croissance intra-utérin. Définitions : petit poids pour l’âge gestationnel et retard de croissance intra-utérin. J Gynecol. Obstet. Biol. Reprod. 2013; 42: 872-94
  • Mamelle N, Cochet V, Claris O. – Definition of fetal growth restriction according to constitutional growth potential. Biol Neonate 2001; 80: 277–85
  • Leger J and al. – Prediction Factors in the Determination of Final Height in Subjects Born Small for Gestational Age. Res 1998; 43:808–12
  • Saenger P. – US experience in evaluation and diagnosis of GH therapy of intra-uterine growth retardation/Small-for-Gestational-Age Children. Res 2002; 58(3): 27-29
  • Chatelain P, and al. – Growth Hormone Therapy for Short Children Born Small for Gestational Age. Res 2007; 68: 300-9
  • Clayton PE and al. Consensus statement: Management of the child born small for gestational age through to adulthood: A consensus statement of the international societies of pediatric endocrinology and the growth hormone research society. J Clin Endocrinol Metab 2007; 92:804-10

  Télécharger le PDF de cet article

Hypothyroïdie de l’enfant

L’hypothyroïdie est une maladie liée à une sécrétion insuffisante d’hormone thyroïdienne par la glande thyroïde. C’est l’une des causes évitables du retard mental. Elle peut être permanente ou transitoire, congénitale ou acquise. L’étiologie la plus fréquente de l’hypothyroïdie congénitale permanente est la dysgénésie thyroïdienne,.

F. Bouferoua, K.N. Benhalla, Service de Pédiatrie A, CHU Issaad Hassani, Béni Messous, Alger.

Date de soumission : 26 février 2021

Résumé : L’hypothyroïdie est une maladie liée à une sécrétion insuffisante d’hormone thyroïdienne par la glande thyroïde. C’est l’une des causes évitables du retard mental. Elle peut être permanente ou transitoire, congénitale ou acquise. L’étiologie la plus fréquente de l’hypothyroïdie congénitale permanente est la dysgénésie thyroïdienne, de cause génétique le plus souvent. La sévérité est variable, le diagnostic est posé sur la TSH, la FT3 et la FT4, celui-ci peut être fait dès la naissance par le dépistage néonatal. Le diagnostic étiologique se fait par l’échographie, la scintigraphie et le dosage de la thyroglobuline circulante. Le traitement commencé dans les deux premières semaines de vie, à dose adaptée, permet à l’enfant d’avoir un potentiel intellectuel normal.

Mots clés : Hypothyroïdie congénitale, retard mental, cause génétique, permanente, transitoire, TSH, FT4, scintigraphie, lévothyroxine.

 

Abstract: Hypothyroidism is a disease associated with insufficient secretion of thyroid hormone by the thyroid gland. It is and is one of the preventable causes of mental retardation. It can be permanent or transient, congenital or acquired. The most common aetiology of permanent congenital hypothyroidism is genetic thyroid dysgenesis most often. The severity is variable, the diagnosis is made on TSH and FT4, this can be made from birth by neonatal screening. The aetiological diagnosis is made by ultrasound, scintigraphy and the dosage of circulating thyroglobulin. Treatment started in the first two weeks of life, at the correct dose, allows the child to have normal intellectual potential.

Key words: Congenital hypothyroidism, mental retardation, genetic cause, permanent hypothyroidism, transient hypothyroidism, TSH, FT4, scintigraphy, levothyroxine.

Introduction

L’hypothyroïdie de l’enfant est une endocrinopathie qui est due à une insuffisance de sécrétion des hormones thyroïdiennes. C’est une pathologie grave, vu ses conséquences désastreuses sur l’avenir intellectuel, ce qui justifie un dépistage précoce et un traitement précoce.

Sa prévalence est de 1 sur 3.500 nouveau-nés, constituant l’anomalie endocrinienne la plus fréquente chez l’enfant. Le sexe ratio est de 3 filles pour 1 garçon.

Rappel physiologique

Le mécanisme de la biosynthèse des hormones thyroïdiennes se fait en plusieurs étapes, captation des iodures provenant de la circulation juvénile ou le cycle intra-thyroïdien, oxydation des iodures en iode ionique, l’organification qui permet la fixation de l’iode sur la thyrosine permettant de constituer les monoiodothyrosines (MIT) et diodothyrosines (DIT) ; le couplage permet l’association d’une DIT et une MIT qui sera à l’origine de la T3, et l’association de 2 DIT sera à l’origine d’une T4. La désiodation permet la libération de l’iode des DIT et MIT en excès pour rejoindre la circulation générale.

Les hormones thyroïdiennes libérées dans la circulation générale, sont fixées par des protéines de transport, thyroxin binding globulin (TBG), l’albumine et la thyroxin binding pre-albumin (TBPA). La régulation se fait grâce à l’axe hypothalamo-hypophysaire. La TRH régule le niveau de TSH, qui à son tour régule celle de T3 et T4, ces dernières régulent le niveau de TRH par rétro-contrôle. Ce mécanisme est fonctionnel chez le fœtus dès le 4ème mois de gestation, indépendamment de celui de la mère. D’autres facteurs interviennent sur cet axe : catécholamines, somatostatine et glucocorticoïdes.

Rôle physiologique des hormones thyroïdiennes (HT)

Les HT ont un effet métabolique, elles entrainent un accroissement de la calorigénèse, stimulent la synthèse des protéines, ont une action lipolytique, et une action hyperglycémiante. Elles jouent un rôle important dans le remodelage osseux par une double action, elles stimulent la résorption osseuse en augmentant l’activité des ostéoclastes, et la formation d’os nouveau en augmentant l’activité des ostéoblastes, avec action de résorption prédominante. Son rôle sur la croissance staturale fœtale semble limite vu que le nouveau-né hypothyroïdien a une croissance staturale normale à la naissance.

Les HT jouent un rôle important dans le développement postnatal du système nerveux central, par contre leur rôle chez le fœtus semble moins important comme en témoigne l’examen neurologique et le périmètre crânien qui sont normaux à la naissance. Elles interviennent dans le développement des axones et des ramifications dendritiques.

Elles ont également un effet ß-adrénergique, interviennent dans la régulation du transit et dans la synthèse de l’érythropoïétine.

Son rôle dans la maturation osseuse se fait par l’intermédiaire de l’hormone de croissance et l’IGF1 en potentialisant leurs effets sur le cartilage de conjugaison.

Pathogénie

De nombreux travaux orientent vers une origine génétique ; plusieurs gènes ont été identifiés, mutation du gène TTF-1, TTF-2, PAX8, et le récepteur de la TSH.

Manifestations cliniques

Les manifestations cliniques de l’hypothyroïdie ne devraient plus exister depuis l’instauration du dépistage néonatal qui est le seul garant d’un bon pronostic mental, sachant qu’à la naissance, seulement 1 à 4% des cas sont diagnostiqués cliniquement.

Le dépistage systématique est justifié par la fréquence de l’affection et par la nécessité d’un traitement précoce afin d’éviter les séquelles cérébrales. Il consiste à effectuer le dosage radio-immunologique de TSH ou de T4 ou les deux à la fois sur tache de sang séchée sur papier buvard, recueilli par une goûte de sang prélevé au talon du nouveau-né ; le prélèvement est réalisé au 3ème jour de vie. La mise en évidence d’une hypothyroïdie par cette méthode doit faire confirmer le diagnostic obligatoirement par un prélèvement veineux.

Formes à révélation précoce : Myxœdème congénital

Le myxœdème congénital se manifeste par un gros poids de naissance, post-maturité, un faciès frippé,

une fontanelle largement ouverte, lèvres cyaniques, visage infiltré, macroglossie, traits grossiers, chevelure fournie dense et épaisse, peau froide et marbrée, cri rauque et bref, hernie ombilicale, abdomen distendu, hypotonie, retard à l’élimination du méconium, constipation, ictère persistant, hypothermie, le nouveau-né est calme, dort beaucoup, ne réclame pas sa tétée, présente des troubles de déglutition, fausses routes, et accès de cyanose.

Forme du nourrisson

Chez le nourrisson, le tableau clinique est caricatural, les signes cliniques déjà cités deviennent plus importants, le retard statural est important avec nanisme dysharmonieux, le retard psychomoteur est au premier plan. L’évolution naturelle est devenue exceptionnelle de nos jours, le décès peut être provoqué par des fausses routes, crises convulsives, collapsus circulatoire, septicémie à point de départ cutané, pulmonaire ou digestif, occlusion intestinale.

Forme de l’enfant

Dans ce cadre s’inscrivent les hypothyroïdies du nourrisson qui ont été soit méconnues, soit reconnues mais insuffisamment et/ou irrégulièrement traitées, les hypothyroïdies apparues dans l’enfance, qu’il s’agisse d’hypothyroïdie congénitale à révélation tardive (par ectopie ou par trouble congénital de l’hormonogénèse) ou d’hypothyroïdie acquise. Elle survient entre 2 et 6 ans et à la période pubertaire,

se manifeste par un retard statural qui peut être isolé, mais le plus souvent associé à d’autres signes, obésité, constipation, frilosité, asthénie, rendement scolaire insuffisant.

Examens complémentaires

Signes radiologiques

Le retard de maturation osseuse se manifeste à la naissance par l’absence de la triade de Beclard à la radio du genou, mais leur présence n’élimine pas le diagnostic ; c’est le cas de l’hypothyroïdie secondaire à une ectopie thyroïdienne ou trouble de l’hormonosynthèse. Après l’âge de 2 ans, la radio de la main montre un âge osseux inférieur à l’âge chronologique. La radio du crâne montre un aspect caractéristique de la base du crâne qui donne sur les radiographies de face l’image en lunettes. La radio des os long montre une densification exagérée du squelette, une dysgénésie épiphysaire, une déformation de certains os, angulation des cols fémoraux qui prennent une forme en « hachette », les deux premières vertèbres lombaires prennent l’aspect en sabot. Le développement dentaire est altéré à l’âge scolaire.

Dosages hormonaux

Les apports des dosages des hormones par méthode ultrasensible donnent des valeurs qui ne sont pas différentes, quel que soit l’âge de l’enfant en dehors de la période néonatale. Des taux franchement élevés de la TSH témoignent d’une hypothyroïdie primaire.

La mesure de la reverse T3 (rT3) n’a pas d’intérêt pratique dans le dépistage néonatal, il en est de même pour la tri-iodothyronine (T3). La thyroxine libre dont l’évaluation remplace maintenant les hormones totales, a un profil interprété en fonction de l’âge. Des taux franchement bas sont retrouvés dans l’hypothyroïdie primaire. Le dosage de la thyroglobuline est nécessaire dans l’enquête étiologique pourrait afin de détecter la présence ou absence de tissu thyroïdien dans le cas d’une athyréose.

Perturbations biologiques associées

En plus du bilan thyroïdien, d’autres examens peuvent être réalisée afin d’évaluer le retentissement de l’hypothyroïdie sur le métabolisme, et en fonction de la sévérité on peut observer une hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie. La glycémie est normale ou basse avec une courbe d’hyperglycémie provoquée orale plate, l’hypercalcémie est liée à la mobilisation du calcium osseux, parfois une anémie microcytaire hypochrome.

Échographie cervicale

C’est un examen de réalisation facile et disponible, mais qui nécessite un opérateur entrainé. Elle est parfois prise en défaut pour retrouver un glande ectopique ou affirmer une athyréose. Dans les formes avec goitre, elle ne peut distinguer les troubles fonctionnels entre eux. Néanmoins, elle pourrait nous renseigner sur la présence ou l’absence de la glande au niveau de la région cervicale.

Scintigraphie

Sa place demeure au premier plan dans le cas où la glande thyroïde n’est pas visible à l’échographie. Elle nous permet de mettre en évidence soit une ectopie, une hypoplasie ou une agénésie thyroïdienne. L’iode 123 est l’outil de choix, mais peu disponible, il permet la mise en évidence des petites ectopies. Le pertechnétate (technetium 99m) a pour lui, d’être utilisé à tout moment, toujours disponible et fournit moins de radioactivité, mais peu performant dans la mise en évidence des petites ectopies. Au terme de ces explorations, nous distinguons les différentes causes de l’hypothyroïdie.

Diagnostic étiologique

Hypothyroïdie congénitale

Dysgénésies thyroïdiennes

L’athyréose représente 10 à 20% des cas. C’est la forme la plus grave de l’hypothyroïdie congénitale à révélation néonatale. L’ectopie réalise la forme la plus fréquente, soit 2/3 cas. Elle se présente sous forme de masse du tissu thyroïdien, située dans le canal thyréoglosse, la situation à la base de la langue étant la plus fréquente. C’est une cause de faux négatifs de dépistage à la naissance, l’hypothyroïdie est le plus souvent de révélation tardive, du fait de la sécrétion résiduelle d’hormones thyroïdiennes par un tissu ectopique responsable de la préservation des cellule nerveuses, et se révélant le plus souvent en période scolaire devant la constatation d’une petite taille et difficultés scolaires.

Trouble congénital de l’hormonogénèse

Il constitue un groupe de pathologies dues à des troubles enzymatiques, donc un défaut génétique qui peut être déterminé par la biologie moléculaire. Ces troubles entravent chacune des étapes de la biosynthèse des hormones thyroïdiennes, transport actif de l’iode dans la thyroïde, oxydation de l’iodure et sa fixation à des résidus thyrosine dans la thyroglobuline, couplage des résidus iodothyrosines en iodothyronines, protéolyse et libération des formes hormonales à partir de la thyroglobuline, désiodation des formes non hormonales et recirculation de l’iode, et synthèse cytoplasmique de la thyroglobuline.

La sévérité de l’hypothyroïdie est variable, elle est soit à révélation néonatale avec goitre important, soit à révélation tardive avec apparition d’un goitre après l’âge de 2 ans.

Dans tous les cas, le mode de transmission est récessif autosomique. Le diagnostic devient facile devant la présence de consanguinité et un membre ascendant ou un des frères et sœurs qui présente une hypothyroïdie avec goitre. Devant ces données, lors d’une nouvelle grossesse, le diagnostic d’hypothyroïdie peut être fait in utéro, lors d’une visualisation du goitre par échographie, devant un cas index dans la famille, et sera confirmé par le bilan thyroïdien fait in utéro.

Syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes

C’est une cause rare, qui se manifeste par une surdimutité, un goitre, des épiphyses ponctuées. L’élévation de la TSH et des hormones thyroïdiennes avec présence de signes d’hypothyroïdie, ont amené au concept de défaut de réceptivité des hormones thyroïdiennes.

Hypothyroïdie acquise

La thyroïdite auto-immune ou thyroïdite d’Hashimoto est la plus fréquente, à prédominance féminine, elle se manifeste à la période pubertaire le plus souvent, par un goitre. Un taux élevé d’AC anti-TPO confirme le diagnostic. Le bilan se limite au dosage de la TSH et FT4 afin d’établir s’il existe un état d’hypothyroïdie. L’échographie n’est pas déterminante, sauf en cas de présence d’un nodule suspect qui va nécessiter une biopsie pour exclure une cause maligne.

Les autres causes d’hypothyroïdie acquise peuvent être dues à une irradiation cervicale, une mère traitée par les anti-thyroïdiens de synthèse, un goitre endémique dû à une carence iodée, certaines maladies telles que la cystinose, ß-Thalassémie par dépôt intra-thyroïdien anormal, syndrome néphrotique par fuite urinaire des protéines transporteuses, certains syndromes comme la Trisomie 21 et syndrome de Turner.

Hypothyroïdie transitoire

Outre les élévations transitoires observées chez le prématuré, l’hypothyroïdie transitoire peut être secondaire à une carence ou surcharge iodée, cette dernière se voit chez les nouveau-nés traités par antiseptiques iodés. La cause la plus fréquente est le traitement maternel par les médicaments antithyroïdiens.

Hypothyroïdie centrale

Les insuffisances constitutionnelles en TSH sont rares, elles s’associent presque toujours à d’autres déficits d’hormones hypophysaires elles peuvent avoir deux niveaux, hypophysaire ou hypothalamique. Elles se manifestent le plus souvent par une hypoglycémie, ou micropénis chez le garçon. L’hypothyroïdie peut être acquise, il peut s’agir d’un pan-hypopituitarisme (chirurgie, irradiation, traumatisme, processus infiltrant, craniopharyngiome) ou peut être idiopathique.

Traitement

Le but du traitement est de rétablir les grandes fonctions métaboliques qui mettent en jeu le pronostic vital, rattraper et/ou assurer une croissance staturo-pondérale normale, et assurer une maturation cérébrale normale dont le seul garant est le début précoce du traitement si possible dès les premiers jours de vie, à défaut avant 15 jours de vie.

Le traitement consiste en l’administration de lévothyroxine (L-thyroxine) qui existe sous forme de gouttes, L-thyroxine®, une goutte = 5 μg, dosée à 150 gouttes/ml ou 30 gouttes/ml. C’est une forme qui a la meilleure biodisponibilité, elle n’est pas disponible en Algérie. La forme disponible dans notre pays est la forme en comprimés Levothyrox®, dosés à 25, 50, 75, 100, et 150. Cette forme est la plus stable. La dose utilisée est de l’ordre de 10 à 15 μg/Kg /j, elle est croissante au début du traitement et tend à baisser chez l’enfant plus grand vers l’âge de 2 ans. La prise est quotidienne.

Surveillance du traitement

Les premiers témoins de l’efficacité du traitement s’obtiennent dès les premières semaines de traitement, amaigrissement, agitation, accélération du transit. La surveillance se fera sur la courbe staturo-pondérale qui reprendra un rythme normal. Un bon développement psychomoteur constitue un élément de surveillance primordial, témoignant d’un traitement bien conduit. Le contrôle clinique et biologique se fait tous les 15 jours jusqu’à obtention de l’euthyroïdie, puis tous les 3 mois jusqu’à l’âge de 3 ans (âge de la maturation cérébrale). Au-delà, 2 consultations par an suffisent pour l’ajustement du traitement.

La progression de l’âge osseux est un bon indice de surveillance du traitement. Le rattrapage doit se faire dans les deux ans, on peut estimer une progression de 6 mois d’âge osseux pour 2 à 3 mois d’âge réel pour les enfants de moins de 2 ans et une progression d’un an par 6 mois de traitement pour les enfants plus âgés.

Le dosage de la thyroxine libre (FT4) et de la TSH est suffisant pour le suivi biologique de routine. La recommandation la plus impérative est de normaliser la FT4 dès le premier contrôle biologique à 2 semaines, étape essentielle pour obtenir celle de la TSH qui pourrait être plus tardive, soit 1 à 2 mois, puis contrôle tous les 3 mois les 3 premières années, puis tous les 6 mois au-delà de cet âge.

Le risque de surdosage lors de la première année est négligeable, l’avance de la maturation osseuse et la craniosténose en constituent la gravité. Le réel danger du traitement, c’est le sous-dosage, car il porte un préjudice certain pour l’avenir intellectuel de l’enfant. On ne saurait donc trop insister sur l’intérêt de donner non pas la dose maximale tolérée qui assure la croissance, mais la dose maximale tolérée dans les premiers mois.

Pronostic

La taille définitive est normale dans 75 à 80% des cas. La récupération est plus lente pour la maturation osseuse, elle se fait dans les trois années dans 80% des cas. Les risques de soudure précoce des cartilages de conjugaison, peut se faire en cas de traitement tardif. La dysgénésie épiphysaire est fréquente, elle doit être recherchée systématiquement, les séquelles peuvent être invalidantes.

La puberté se déroule normalement sous traitement. En l’absence de traitement, le plus souvent il y a un retard pubertaire, et plus rarement une puberté précoce. Un certain degré de déficience neurosensorielle peut se voir à type de maladresse des mouvements, incoordination motrice, tremblements, gaucherie, asynergie oculomotrice, retard et trouble du langage, dyslexie, surdité. Tout ceci pourrait être à l’origine du retard scolaire de l’enfant et pourrait avoir un impact sur la famille, et plus tard, social et professionnel.

La précocité du traitement et l’étiologie sont des éléments déterminants pour le pronostic mental avant l’âge de 2 ans. Un traitement précoce débuté dans les deux premières semaines dans l’hypothyroïdie due à une ectopie peut assurer un QI d’au moins 80% ; ce dernier n’est que de 34% dans l’athyréose et 40% dans les troubles de l’hormonogénèse.

Chez les enfants de moins de 2 ans, l’âge de début du traitement est un élément pronostique important, les séquelles sont essentiellement d’ordre psychomoteur : surdité, mutité, troubles visuels, émotionnels, troubles du langage et psychomoteur.

Au-delà de 2 ans, le pronostic mental est meilleur, mais les enfants peuvent présenter des difficultés scolaires pouvant aller de l’échec scolaire jusqu’au niveau scolaire normal.

Diagnostic et prise en charge en anténatal

Il n’y a pas de diagnostic anténatal. Un traitement anténatal peut être envisagé dans certaines situations : antécédents d’enfant qui présente une hypothyroïdie par trouble de l’hormonogénèse, une femme enceinte traitée pour hyperthyroïdie par les antithyroïdiens de synthèse, carence iodée sévère se manifestant chez la femme enceinte. Le traitement consiste à injecter directement le fœtus à travers l’utérus dans le liquide amniotique, voire même dans le muscle du fœtus trois fois consécutives à 10 jours d’intervalle le dernier mois de grossesse une dose de 500 μg de L-thyroxine.

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

  • Leger and al. European Society for Paediatric Endocrinology Consensus Guidelines on Screening, Diagnosis, and Management of Congenital Hypothyroidism. J. Clin. Endocrinol. Metab. 2014; 99:363-84
  • La Franchi SH.- Approach to the diagnosis and treatment of neonatal hypothyroidism. J. Clin. Endocrinol. Metab. 2011;96:2959–2967.
  • Grüters A, Krude H. Detection and treatment of congenital hypothyroidism. Nat. Rev. Endocrinol. 2012;8:104–113.

D. Carranza and al. Hypothyroïdie congénitale. Ann. Endocrinol. 2006;67:295-302.

  Télécharger le PDF de cet article

Influence du délai chirurgical sur la mortalité à un an des fractures du col fémoral du sujet âgé.

La fracture du col fémoral est un problème de santé publique et constitue une dépense budgétaire importante. On estime qu’en 2050, à l’échelle mondiale ; 4,5 millions de personnes seront victimes d’une fracture du fémur proximal.

 

S.H. Amouri, A. Bougherara, B. Chemoun, A. Bendifellah, M. Yakoubi,

Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologie Hôpital Ben Aknoun, Faculté de Médecine, Université d’Alger 1

 

Date de soumission : 20 Décembre 2020

 

Résumé Introduction : La fracture du col fémoral est un problème de santé publique et constitue une dépense budgétaire importante. On estime qu’en 2050, à l’échelle mondiale ; 4,5 millions de personnes seront victimes d’une fracture du fémur proximal. Le délai de la chirurgie est-il un facteur influençant la mortalité à un an. Méthodes : il s’agit d’une étude rétrospective sur les patients de plus de 70 ans qui ont présenté une fracture vraie du col fémoral entre 2017 et 2018 au service d’orthopédie de l’hôpital de Ben Aknoun, Alger. Notre variable principale fut le délai opératoire et le facteur de jugement était le décès dans l’année. Nous avons cherché un lien direct par un test de chi 2 puis par une régression logistique et enfin nous avons établi une courbe de survie Kaplan Meier. Résultats : Nous avons inclus 154 patients. La moyenne d’âge était de 82,5 ans, 29,9% de nos patients sont décédés dans l’année qui a suivi. Le délai opératoire moyen était de 63 h. les patients opérés avant 24h avaient moins de risque de décéder dans l’année et la courbe de Kaplan Meier a retrouvé une augmentation significative de la survie chez les patients opérés avant 24h (p<0,003). Conclusion : la chirurgie avant la 24ème heure des patients âgés présentant une fracture du col fémoral augmente la survie à une année. La prise en charge sans délai permettant une programmation rapide au bloc opératoire est un changement d’organisation à petit coût à la portée des services de traumatologie.

Mots clés : Fracture de la hanche, personnes âgées, délai opératoire.

 

Abstract: Introduction: The femoral neck fracture is a public health concern and a significant budgetary spending. In 2050, about 4.5 million people worldwide will experience a fracture of the proximal femur. The surgery delay is an important factor influencing the mortality at one year of these patients and that requires improvements. Methods: We carried out a retrospective study on 154 elderly patients over 70 years who presented a femoral neck fracture between 2017 and 2018 in the orthopaedic department of Ben Aknoun specialized hospital (Algiers, Algeria). The main considered variable was the operating time between trauma and surgery and the main judgment factor was the patient death during the year. We looked for a direct link with a Chi-2 test and the association of other risk factors by logistic regression, finally we established a survival curve of Kaplan-Meier. Results: The average age was 82.5 years (± 7). 29.9% of our patients died within a year of their fracture. The average operating time delay was 63 hours. Patients operated before 24 hours had less risk of dying within a year and we found in the Kaplan-Meier curve a significant increase in operated patients’ survival before 24 hours, with p<0.003. Conclusion: Surgery before 24 hours in elderly patients with a femoral neck fracture increases their survival at one year. The immediate patient care and rapid programming in the operating room is a needed free of charge organization change in all orthopaedic surgery departments.

Key words: Hip fracture, elderly, surgery delay.


 

Introduction

La fracture du col fémoral chez le sujet âgé représente un problème de santé publique avec une incidence croissante à travers le monde [1,2]. La mortalité après fracture du col fémoral est plus importante que chez la population de même âge n’ayant pas présenté de fracture du col et ce malgré les progrès effectifs dans leur prise en charge [3,4].

La Société Française d’Anesthésie et de Réanimation recommande de réaliser la chirurgie d’une Fracture du fémur proximal dans les 48 heures suivant l’admission du patient afin de réduire la mortalité post-opératoire [5]. Le délai entre le traumatisme et la chirurgie est un facteur parmi d’autres pouvant avoir une influence sur la mortalité que nous pouvons améliorer à petit coût [3]. Ceci en changeant de paradigme essentiellement dans notre société fataliste, où les patients âgés sont relégués au second plan des urgences.

L’objectif de notre étude est de rechercher une corrélation entre le délai de la chirurgie et la mortalité à un an, des patients âgés présentant une fracture du col fémoral.

 

Méthodes

Nous avons procédé à une étude rétrospective chez les patients présentant une fracture vraie du col fémoral admis au service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’établissement hospitalier public de Ben Aknoun à Alger de janvier 2017 à mars 2018.

Nous avons exclu de l’étude, les patients de moins de 70 ans, les patients présentant une fracture pathologique ou négligée de plus de 48 heures.

Les données ont été recueillies à l’aide d’une fiche d’exploitation. Nous avons fait nos observations selon l’âge, le sexe, les antécédents, le mécanisme du traumatisme, le type de fracture selon Garden[6] , les lésions associées , le type d’anesthésie, le type de chirurgie soit conservateur par vissage , radical par remplacement  cervico-céphalique type Moore, prothèse intermédiaire et arthroplastie totale de hanche ou bien abstention thérapeutique pour les patients récusés par les médecins réanimateurs.

Le délai de chirurgie a été défini par la durée entre la date de l’admission et la date de l’intervention chirurgicale. La durée du séjour à l’hôpital post-opératoire a été définie par la durée entre la date de l’intervention chirurgicale et la date de la sortie de l’hôpital, et enfin la récupération de l’autonomie et la mortalité après avoir contacté les patients ou leurs familles par téléphone et consigné le tout sur une fiche d’exploitation.

Les statistiques ont été analysées par le logiciel SPSS. Avec un test de chi2, une régression logistique pour les corrélations et une courbe de survie de Kaplan Meier.

 

Résultats

Deux cent soixante-dix-neuf patients présentant une fracture vraie du col fémoral ont été hospitalisés au service de chirurgie orthopédique de l’hôpital de Ben Aknoun de janvier 2017 à juin 2018.

Soixante-cinq patients ont été perdus de vue et 60 étaient âgés de moins de 70 ans. Nous avons inclus 154 patients à l’étude (fig. 1).

La moyenne d’âge était de 82,5 ans (± 7 ans), les hommes présentaient une moyenne d’âge de 83,7 ans (± 7,5 ans), les femmes de 81,5 ans (± 6,4 ans).

Tous les patients de l’étude vivaient en milieu urbain et dans une structure familiale adaptée. Le mécanisme était direct lors d’un accident domestique dans 86,6% des cas. Les autres données démographiques sont rapportées au tableau 1.

Le type IV de Garden était le plus fréquent avec 78,8% et le remplacement cervico-céphalique par prothèse type Moore était pratiqué pour 73% des patients. Le remplacement cervico-céphalique type Moore était la chirurgie la plus fréquente 80,6% des patients de plus de 80 ans et 54,9% chez les patients entre 70 et 79 ans.

Le délai moyen pour la chirurgie était de 63 heures en moyenne (± 23 h). Le séjour moyen des patients était de 5,3 jours. Dans l’année qui a suivi leur fracture ; 29,9% des patients présentant une fracture du col fémoral vraie sont décédés.

Il existe une mortalité à un an moins importante chez les patients opérés avant la 24 heures du traumatisme OR=0,25 IC à 95% [0,09-0,65] p<0,003 (Tableau 2).

Une régression logistique interférant avec l’âge, le sexe, le type de chirurgie, le taux d’hémoglobine à l’admission, le type de fracture, la durée du séjour et le délai opératoire, a objectivé une différence significative pour l’âge (p<0,01), le sexe (P<0,002), et le délai opératoire (p<0,017) (Tableau3).

La courbe de survie Kaplan Meier montre moins de décès dans l’année pour les patients opérés dans les 24 heures suivant la fracture avec un log rang significatif (p<0,002) (Figure 2).

Discussion

Il semble que plusieurs facteurs agissent sur la morbi-mortalité des patients âgés présentant une fracture du col fémoral [3,7-9] pour notre étude qui a concerné des patients dont la moyenne d’âge était de 82,5 ans comme la majorité des études dans la littérature [10–12].

Nous avons retrouvés une mortalité globale à une année de 29,9% ; quasi identique à celle retrouvée dans le monde entre 20 et 30% [7,13-15].

Nous avons enregistré des délais opératoires plus longs que ceux rapportés [5,16] ; en moyenne 2,6 jours suite au retard de préparation des patients et de disponibilité du bloc opératoire. Nous avons opéré nos patients à 73% par remplacement cervico-céphalique type Moore pour des raisons économiques alors que dans d’autres études [8,12], la chirurgie était exclusivement faite par hémi-arthroplastie type bipolaire ou arthroplastie totale de hanche.

La mortalité dans l’année a été corrélée à l’âge et au sexe avec un taux de décès plus important pour les patients de plus de 80 ans et les hommes présentaient plus de risque de décéder dans l’année que les femmes  ce qui est concordant avec les  résultats des autres études [10,12,15,17].

Le pourcentage des patients opérés dans les 24 heures (33%) est plus bas que dans d’autres études [16].

Weller et al., [17],  confirmaient l’effet du délai chirurgical, avec des valeurs d’odds ratio pour un délai d’intervention de 48 heures sur la mortalité hospitalière de 1,26 (IC 95 % 1,11–1,44) à 12 mois ainsi que sur la survenue de complications post-opératoires ainsi que de Delaveau et al., [8], qui retrouve après une analyse par courbe ROC une différence significative à (p<0,0001), pour les patients opérés après 22 heures et 37 mn ce que nous retrouvons dans notre étude pour les patients opérés après 24 heures.

Crego-Vita et al., ainsi que Moran et al., ne retrouvent pas de différence significative entre les patients opérés précocement avec respectivement ( p<0,261) et (OR = 1,1 ; 95% IC=0,9 à 1,25 ; (p=0,47) [12,13].

Notre étude manque de puissance par son caractère rétrospectif, le nombre faible de patients, du fait que nous n’y avons pas intégré les fractures du massif trochantérien qui représente une part non négligeable des fractures de l’extrémité supérieure du fémur et par le retard de chirurgie systématique des patients avec de multiples antécédents car nécessitant une préparation préopératoire.

Une étude avec une plus grande série prenant en considération d’autres critères tels que la classification ASA, les comorbidités, l’autonomie avant la fracture et intégrant les patients présentant une fracture du massif trochantérien est souhaitable pour consolider nos résultats.

Conclusion

Cette étude a montré qu’une chirurgie précoce avant la 24èmeheure diminue la mortalité des patients présentant une fracture vraie du col fémoral et peut ainsi contribuer au changement de pratique en reclassant ces patients comme prioritaires dans la programmation au bloc opératoire.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec cet article.

Remerciements

Faculté de Médecine de Bejaïa et les formateurs du certificat C2S.

 

Tableaux et figures

 

Références

 

  • Cooper C, Campion G, Melton LJ. Hip fractures in the elderly: A world-wide projection. Osteoporosis International. 1992;2(6):285–9.
  • Gullberg B, Johnell O, Kanis JA. World-wide Projections for Hip Fracture: Osteoporosis International. 1997;7(5):407–13.
  • Bellamy L, Reyre H, Eyrolle L, et al. La fracture du col du fémur : un enjeu de santé publique. Le Praticien en Anesthésie Réanimation. 2010;14(3):146–50.
  • Trivalle C, Bégué T. 24 heures chrono. NPG Neurologie – Psychiatrie – Gériatrie. 2018;18(106):191–3.
  • Aubrun F, Baillard C, Beuscart J-B, et al. Recommandation sur l’anesthésie du sujet âgé : l’exemple de fracture de l’extrémité supérieure du fémur. Anesthésie & Réanimation. 2019;5(2):122–38.
  • Garden RS. Stability and union in subcapital fractures of the femur. The Journal of bone and joint surgery. British volume. 1964;46:630‐647.
  • Kelly-Pettersson P, Samuelsson B, Muren O, et al. Waiting time to surgery is correlated with an increased risk of serious adverse events during hospital stay in patients with hip-fracture: A cohort study. International Journal of Nursing Studies. 2017;69:91–7.
  • Delaveau A, Saint-Genez F, Gayet L-E, et al. Impact du délai opératoire dans la prise en charge des fractures de l’extrémité supérieure du fémur dans la filière ortho-gériatrique. Revue de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique. 2019;105(5):624–8.
  • Klestil T, Röder C, Stotter C, et al. Impact of timing of surgery in elderly hip fracture patients: a systematic review and meta-analysis. Sci Rep. 2018;8(1):13933.
  • Nyholm AM, Gromov K, Palm H, et al. Time to Surgery Is Associated with Thirty-Day and Ninety-Day Mortality After Proximal Femoral Fracture: A Retrospective Observational Study on Prospectively Collected Data from the Danish Fracture Database Collaborators. The Journal of Bone and Joint Surgery-American Volume. 2015;97(16):1333–9.
  • Pincus D, Ravi B, Wasserstein D, et al. Association Between Wait Time and 30-Day Mortality in Adults Undergoing Hip Fracture Surgery. 2017;318(20):1994.
  • Crego-Vita D, Sanchez-Perez C, Gomez-Rico JAO, et al. Intracapsular hip fractures in the elderly. Do we know what is important? Injury. 2017;48(3):695–700.
  • Moran CG, Wenn RT, Sikand M, et al. Early Mortality After Hip Fracture: Is Delay Before Surgery Important? The Journal of Bone & Joint Surgery. 2005;87(3):483–9.
  • Parker M, Johansen A. Hip fracture. BMJ. 2006;333(7557):27–30.
  • Gundel O, Thygesen LC, Gögenur I, et al. Postoperative mortality after a hip fracture over a 15-year period in Denmark: a national register study. Acta Orthopaedica. 2019;:1–5.
  • Yonezawa T, Yamazaki K, Atsumi T, et al. Influence of the timing of surgery on mortality and activity of hip fracture in elderly patients. Journal of Orthopaedic Science. 2009;14(5):566–73.
  • Weller I, Wai EK, Jaglal S, et al. The effect of hospital type and surgical delay on mortality after surgery for hip fracture. THE JOURNAL OF BONE AND JOINT SURGERY. 2005;87(3):6.

 

 

Tableaux et figures

 

Tableau 1:Données démographiques et cliniques

 

Moyenne (écart type)

Effectifs (%)

Age(ans)

82,51(7)

 

Genre

      Masculin

      Féminin

 

66(42,9%)

88(57,1%)

Coté

       Droit

       Gauche

 

73(47,4%)

81(52,6%)

GARDEN

        Type I

        Type II

        Type III

        Type IV

 

15(9,7%)

8(5,2%)

8(5,2%)

115(74,7%)

Douleur (EVA)*

7(1)

 

Délais de chirurgie (Heures)

63(53)

 

Hémoglobine préopératoire(g/dl)

12,2(1,5)

 

Type de traitement

           Ostéosynthèse

           MOORE

           PIH*

           PTH*

          Abstention                            

 

12(7,8%)

111(72,1%)

17(11,0%)

5(3,2%)

9(5,8%)

Durée de séjour(jours)

5,32(3,8)

 

Décès

      Avant 06 mois

      Entre 06 et 12 mois

      Vivant

 

24(15,6%)

22(14,3%)

108(70,1%)

* EVA : échelle visuelle analogique, PIH : prothèse intermédiaire de hanche, PTH : prothèse totale de hanche


 

Tableau 2 :Décès dans l’année par rapport à l’âge et au délai de chirurgie.

Variable

Odds Ratio

IC(95%)

p

Délai de chirurgie

< 24 H

>24 H

0,253

[0,09 ; 0,66]

0,003

Tranche d’âge

            70-79 ans

             80 ans et plus

0,318

[0,13 ; 0,74]

0,007

Taux d’hémoglobine

Préopératoire

0,747

[0,37 ; 1,50]

0,41

Tableau 3 : Régression logistique

 
 

  p

   Odds Ratio

IC 95%.

Inf

Sup

 

Sexe

,002

5,096

1,841

14,109

Age

,010

,909

,846

,977

Type selon Garden

,453

,827

,504

1,358

Hémoglobine

,858

,970

,696

1,353

Délai opératoire

,017

,208

,057

,759

Traitement

,686

1,260

,410

3,867

Duré de Séjour

,669

,831

,355

1,946

Constant

,035

20981,719

   

 

Figure 1 : Organigramme d’inclusion des patients.


 

Figure 2 : Courbe de survie.

 IMAGE

  Télécharger le PDF de cet article

Anesthésie locorégionale en orthopédie

La chirurgie de remplacement prothétique de la hanche est, sans aucun doute, une des opérations les plus réussies en orthopédie. Dans 15 à 25% des cas, les deux hanches sont détériorées. 10% des patients ayant bénéficié d’un remplacement prothétique total d’une hanche sont demandeurs de la même procédure dans les deux ans suivant la première intervention. Le remplacement prothétique de hanche bilatéral en une session opératoire offre les avantages d’un seul séjour hospitalier, d’une seule anesthésie.autres voies d’abord ?

 

S. Saadallah, Z. Dahoumane, Service d’Orthopédie et de Traumatologie, Unité d’Anesthésie-Réanimation, EHS Boukhroufa Abdelkader de Ben Aknoun, Alger.

 

Date de soumission : 23 Décembre 2020

Résumé : L’anesthésie locorégionale présente de nombreux avantages dans le cadre de la chirurgie orthopédique et traumatologique. Outre son efficacité sur les douleurs de repos et à la mobilisation, elle simplifie la prise en charge pré- et post-opératoire, tant pour le patient (confort) que pour l’équipe soignante. Elle évite également certains risques de l’anesthésie générale (curare, intubation difficile, ventilation contrôlée). La qualité de l’analgésie post-opératoire qu’elle procure, et dont la durée peut être modulée par la mise en place d’un cathéter périnerveux, permet une réhabilitation post-opératoire précoce, qui rentre dans le cadre du développement de la chirurgie ambulatoire. De plus, l’usage de l’échographie qui s’est considérablement développé en anesthésie locorégionale, a permis une meilleure maîtrise de ses techniques, avec davantage de sécurité.

Mots Clés : Anesthésie locorégionale, chirurgie en orthopédie, échoguidage, douleur.

 

Abstract: Locoregional anaesthesia has many advantages in orthopaedic and trauma surgery. In addition to their effectiveness on resting and mobility pains, they simplify pre- and post-operative care, both for the patient (comfort) and for the healthcare team. It also avoids certain risks of general anaesthesia (curare, difficult intubation, controlled ventilation). The quality of the post-operative analgesia that it provides, and the duration that can be modulated by the placement of a peri-nervous catheter, allows early post-operative rehabilitation, which allows the development of ambulatory surgery. In addition, the use of ultrasound, which has considerably developed in locoregional anaesthesia, has allowed better control of its techniques, with greater safety.

Keywords: Regional anaesthesia, orthopaedic surgery, ultrasound guidance, pain.


 

Introduction

L’anesthésie locorégionale (ALR) fait partie des prises en charge majeures en anesthésie réanimation pour la chirurgie orthopédique et traumatologique, à la fois pour l’anesthésie et l’analgésie postopératoire (1) ; et est en plus, un moyen utile au développement de la chirurgie ambulatoire (1).

Ces dernières décennies ont connu un essor des pratiques de l’ALR, comme en témoigne le nombre important de publications ainsi que l’intérêt général dans les congrès nationaux ou internationaux (2). Intérêt justifié par les avantages de l’ALR comparée à l’anesthésie générale (AG), notamment une plus grande efficacité analgésique, une diminution des besoins post-opératoires en morphine, une diminution de l’incidence des effets secondaires (nausées, vomissements, prurit, somnolence) (2), une réduction du risque thromboembolique péri-opératoire, mais surtout une réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC), qui comprend une stratégie multimodale dans laquelle l’ALR a une place primordiale. En effet une analgésie efficace est un prérequis indispensable à une rééducation post-opératoire optimale (3). De plus, l’introduction de l’échographie dans la pratique de l’anesthésie locorégionale, a permis une meilleure précision des injections d’anesthésiques locaux (AL), en comparaison avec la neurostimulation, mais aussi une réduction des volumes, sans influer sur l’intensité du bloc nerveux. Le repérage échographique devient donc un argument de plus en faveur de l’ALR.

Historique 

La pratique de blocs nerveux périphériques, qui se définit comme l’anesthésie locorégionale (ALR) périphérique, est née à la fin du siècle dernier (4). Deux chirurgiens américains, Halsted et Hall, ont décrit dans les années 1880 l’injection de cocaïne (5) sur les nerfs ulnaires, musculo-cutané, supra-trochléaire et infra-orbitaires pour différentes petites interventions (6). Braun publia un traité d’anesthésiques locaux en 1914 décrivant des techniques pour « toutes les régions du corps », se soldant par un engouement généralisé chez les anesthésistes dans la première moitié du XXe siècle (7). Après une brève éclipse dans les années 50, l’ALR périphérique est redevenue populaire grâce à l’utilisation de nouveaux anesthésiques locaux et de moyens matériels plus élaborés et plus sûrs. Elle permet non seulement d’anesthésier la région à opérer mais peut également assurer une analgésie post-opératoire très efficace. Les effets délétères des antalgiques classiques (8) comme les AINS ou la morphine, tels que nausées, vomissements, toxicité gastrique, rénale, dépression respiratoire ; ou ceux de l’anesthésie périmédullaire comme la sympathoplégie, les céphalées posturales et la rétention urinaire sont évités (9). La mise en place d’un cathéter permet de prolonger l’action du bloc et doit être envisagée en première intention comme méthode d’analgésie quand l’extension de l’anesthésie liée au bloc nerveux s’étend à l’ensemble de la zone douloureuse en phase postopératoire.

Techniques d’anesthésie locorégionale utilisées

Un bloc nerveux périphérique est une technique permettant de contrôler la douleur, impliquant l’injection d’une substance anesthésique à action locale à proximité des nerfs afin de bloquer la conduction de l’influx nerveux de façon réversible et temporaire (10). On distingue :

  • L’anesthésie médullaire ou bloc central : lorsqu’une substance anesthésique à action locale est administrée à proximité de la moelle épinière, soit dans l’espace sous arachnoïdien (rachianesthésie), ou dans l’espace péridural (anesthésie péridurale).
  • L’anesthésie locorégionale péri-nerveuse (ALR-PN) : les anesthésiques locaux sont administrés à proximité des plexus nerveux ou des nerfs, soit par neurostimulation, ou par repérage échographique.

Dans les deux cas, l’injection de l’anesthésique local peut être unique, ou continue (titrée), et ce, par la mise en place d’un cathéter.


 

Blocs du membre supérieur (Fig. 1)(1)

Pour la chirurgie orthopédique ou traumatologique du membre supérieur, l’efficacité du bloc des branches du plexus brachial comme seule technique anesthésique est démontrée (1). En effet, par rapport à l’anesthésie/analgésie systémique, l’ALR permet un délai d’aptitude à la rue plus rapide, une épargne morphinique post-opératoire et une réduction des effets secondaires (NVPO).

L’utilisation d’un bloc inter-scalénique (BIS) a fait ses preuves en matière de chirurgie de l’épaule (délai d’installation rapide et fiable), y compris en ambulatoire (4). L’efficacité du bloc est bonne et l’acceptation par les patients excellente, le risque de pneumothorax retardé exceptionnel. La parésie phrénique qu’il provoque serait diminuée par l’utilisation de l’échoguidage (4). L’insuffisance respiratoire représente bien sûr une contre-indication de ce bloc en chirurgie ambulatoire. La voie d’abord sus-claviculaire est une bonne alternative pour la chirurgie de l’humérus. Là aussi l’échoguidage est utile, et réduit le risque de pneumothorax et de ponction artérielle, permettant d’autoriser la chirurgie ambulatoire avec ce type de bloc. Le bloc infra-claviculaire aborde le plexus de façon plus distale et diminue le risque de pneumothorax. L’abord axillaire ou huméral est la technique de choix pour la chirurgie ambulatoire des doigts, de la main, de l’avant-bras et même du coude. Le patient sort de l’hôpital avec un bloc persistant, avec une attelle ou une écharpe pour toute la durée d’action du bloc. Les blocs tronculaires distaux du membre supérieur (au coude ou au poignet) sont parfaitement adaptés à la chirurgie ambulatoire : ils sont utilisés comme blocs de complément ou blocs d’actes de chirurgie de courte durée sans garrot.

R3.2 – Pour la chirurgie du membre supérieur, il est probablement recommandé de réaliser une ALR périnerveuse par bloc des branches du plexus brachial comme seule technique anesthésique, pour obtenir un bénéfice sur les NVPO, l’épargne morphinique et la durée de séjour en SSPI. (GRADE 2+) Accord FORT
Figure 1 : 1. Carles M, Beloeil H, Bloc S, Nouette-Gaulain K, Aveline C, Cabaton J, et al. Anesthésie loco-régionale périnerveuse (ALR-PN). Anesth Réanimation. mai 2019;5(3):208‑17.

La pratique des blocs nerveux périphériques ambulatoires est un gain réel en termes d’analgésie et de délai de sortie du patient sous réserve de certaines précautions (4) :

  • De prendre des mesures de protection du membre endormi : comme le port d’attelle ou l’utilisation de béquilles.
  • D’assurer une information précise quant aux précautions à respecter après la sortie et aux risques potentiels.
  • De prévoir une assistance à domicile.

Blocs du membre inferieur

La chirurgie du membre inférieur regroupe :

  • La chirurgie de la hanche, dominée par les prothèses totales de hanche (PTH), qui sont couramment pratiquées puisque leurs indications sont larges, aussi bien en chirurgie réglée (coxarthrose) qu’en chirurgie urgente (fracture du col du fémur)
  • La chirurgie du genou : prothèse totale du genou (PTG), les arthroscopies du genou
  • Chirurgie de la jambe et du pied.

Les techniques d’anesthésie pour la chirurgie du membre inférieur sont partagées entre anesthésie générale (AG) et anesthésie locorégionale (ALR) représentée par l’anesthésie médullaire, essentiellement la rachianesthésie (RA), qui occupe une place de choix dans la chirurgie du membre inférieure (11), sur les arguments suivants :

  • Technique d’apprentissage rapide et d’efficacité au moins égale à 90 % ;
  • Analgésie post-opératoire immédiate supérieure à l’analgésie systémique ;
  • Administration intrarachidienne de morphine, améliorant l’analgésie post-opératoire;
  • Réduction des comorbidités (thromboembolique, pertes sanguines et besoins transfusionnels) ;
  • Possibilité de rachianesthésie unilatérale (limitation des effets hémodynamiques).

L’anesthésie péridurale (APD) quant à elle est moins utilisée (12), car elle requiert fréquemment une anesthésie complémentaire pour la chirurgie (RA ou AG associée), et un monitorage exigeant pour l’analgésie postopératoire. Elle reste une option valide pour une analgésie post-opératoire efficace, permettant une déambulation précoce. Le principal argument du choix de cette technique reste l’analgésie de bonne qualité.

Concernant l’ALR-PN pour la chirurgie du membre inférieur, celle-ci est sous-utilisée en ambulatoire (4). La principale raison étant l’appréhension et le sentiment de perte de temps pour l’anesthésiste qui doit réaliser un bloc combiné des nerfs sciatique et fémoral. Cette perte de temps pré-opératoire est cependant récupérée grâce à la diminution du temps d’installation et de la durée de séjour en SSPI (4).

Par ailleurs, plusieurs points sont à préciser, au titre de l’actualisation des recommandations (1) :

  • Pour la chirurgie de la hanche, l’ALR-PN est tombée en désuétude (11), en raison de son efficacité partielle, et de la concurrence avec l’infiltration chirurgicale réputée plus efficace. En ce qui concerne le bloc du plexus lombaire par voie postérieure, il ne peut faire l’objet d’une recommandation comme technique anesthésique isolée pour la réalisation de l’acte chirurgical, en l’absence d’argument bibliographique concluant (1);
  • La chirurgie arthroscopique du genou peut être réalisée sous ALR-PN seule ou bloc fémoral associé au bloc sciatique (1) (13). Son intérêt peut être limité par le temps de mise en œuvre pour la chirurgie de courte durée. Aucune donnée ne permet de valider la même approche (ALR-PN seule) pour la réalisation de la chirurgie de prothèse totale de genou (douleur forte à sévère).
  • Pour la chirurgie de la cheville, l’apport de l’échographie a permis de mieux décrire le bloc de cheville, avec un taux de succès proche de 100% (1,14). L’efficacité de l’ALR pour cette chirurgie est démontrée (15). L’ALR-PN procure une amélioration de la douleur post opératoire des 24 premières heures (et au-delà) (1,15). Le bloc sciatique poplité isolé pourrait avoir une efficacité analgésique inférieure à l’association bloc sciatique poplité et bloc fémoral ou saphène (1,16), cette association devient indispensable si un garrot est nécessaire (4), celui-ci sera posé au niveau de la jambe ou de la cheville.

 

L’anesthésie locorégionale en urgence

L’ALR présente de nombreux avantages dans le cadre de la chirurgie traumatologique réalisée en urgence. Les principales indications de l’ALR en urgence sont justifiées par la volonté d’éviter les risques de l’AG qui vont devenir plus accrus, comparée à une AG réalisée pour un acte programmé. Les deux principaux risques sont la pneumopathie d’inhalation et la dépression respiratoire. De plus, le traumatisme, la douleur ou les traitements de l’urgence peuvent décompenser une pathologie préexistante, et la notion d’urgence contre-indique une éventuelle préparation préalable. De ce fait, l’ALR supprime tous ces risques potentiels de l’AG, permet le maintien de la conscience et donc une surveillance attentive des patients, procure une analgésie au repos, mais surtout à la mobilisation, supérieure comparée à celle de la morphine. Et pour finir, la surveillance en salle post-interventionnelle est simplifiée dans ces procédures (17).

Parmi les autres avantages de l’ALR, on peut évoquer l’amélioration de la microcirculation locale par la vasoplégie induite (bloc sympathique), intéressante dans la chirurgie de réimplantation des extrémités, la prévention de la chronicisation de la douleur par une action antalgique puissante et, enfin, un effet positif sur la réhabilitation des patients grâce à une analgésie prolongée efficace lors des mobilisations (17).

Les indications de l’ALR en urgence sont nombreuses, tant au niveau du membre supérieur, qu’au niveau du membre inférieur. L’ALR permet une diminution des effets indésirables des opioïdes (nausées, vomissements, prurit, rétention d’urine). C’est ainsi que le bloc du nerf fémoral est devenu une indication majeure pour l’analgésie de la fracture de la diaphyse fémorale (17). Un patient présentant une luxation de coude ou d’épaule pourra bénéficier rapidement d’une ALR du plexus brachial. Non seulement l’analgésie sera précoce et de qualité, mais le bloc moteur obtenu permettra le plus souvent un relâchement musculaire suffisant pour une bonne réduction. Les bloc axillaire, inter-scalénique, fémoral combiné au sciatique sont les techniques les plus pratiquées dans le cadre de l’urgence.

En cas de traumatisme nécessitant une intervention chirurgicale, le recours précoce aux anesthésiques locaux de longue durée d’action, ou la mise en place d’un cathéter nerveux périphérique permet de s’affranchir des problèmes d’organisation liés à l’urgence (durée de la phase pré-opératoire pas toujours connue avec certitude, ordre des patients en permanence modifié en raison du caractère plus ou moins urgent de l’intervention, libération tardive des salles d’opération). La chirurgie majeure distale du membre supérieur pourra ainsi bénéficier d’un cathétérisme axillaire, qui servira non seulement pour l’anesthésie mais également pour l’analgésie pré-opératoire et post-opératoire (17).

Par ailleurs, L’ALR dans le cadre de l’urgence présente quelques inconvénients. Le risque d’échec en est le principal (17). Les blocs de compléments réalisés en distalité rendent de grands services dans un certain nombre de cas, avant le recours à l’AG. D’où l’intérêt d‘un opérateur expérimenté, qui devra privilégier les techniques les plus simples et celles qui sont maîtrisées.

Une des préoccupations récurrentes est la possibilité de réaliser une ALR après un traumatisme responsable d’une atteinte nerveuse. En effet Les lésions neurologiques post-ALR existent, mais celle-ci n’en est pas la seule responsable. La chirurgie et le positionnement per-opératoire du patient sont potentiellement pourvoyeurs de lésions nerveuses post-opératoires. Le nerf ulnaire est le plus fréquemment atteint après AG. Un examen neurologique pré-opératoire et un suivi post-opératoire sont recommandés. Dans ces conditions, la présence de lésions nerveuses post-traumatiques autorise l’ALR en urgence, après évaluation du rapport bénéfice/risque pour chaque patient (17).

Enfin, et en dehors des techniques médullaires (RA, APD), responsables de chutes de la pression artérielle chez un patient traumatisé, hypovolémique et/ou aux antécédents cardiovasculaires importants, il faut garder en mémoire la possibilité de survenue de complications similaires avec les blocs périphériques péri-médullaires (bloc du plexus lombaire par voie postérieure, bloc para-vertébral). En effet, la diffusion, toujours possible, dans l’espace péridural de l’anesthésique local nécessite de prendre en compte les mêmes contre-indications que celles des blocs médullaires. C’est pourquoi, ces blocs sont rarement utilisés en urgence.

 

Modalités de réalisation

Sécurité et hygiène

L’ALR, tout comme l’AG, doit être pratiquée dans un site qui met à disposition l’ensemble du matériel de réanimation nécessaire à la réalisation des anesthésies et au maintien des fonctions vitales (1). Le monitorage du patient ne présente aucune particularité (pression artérielle, fréquence cardiaque et saturation en oxygène) (17). Une surveillance du patient dans les minutes qui suivent la fin de l’injection est nécessaire afin de pouvoir détecter précocement tout signe de toxicité systémique des anesthésiques locaux ou d’autres produits éventuellement injectés (1). Les données concernant les durées de surveillance sont fondées sur des données observationnelles et pharmacologiques (Fig. 2) (1).

Concernant le risque infectieux, il n’existe pas de risque supplémentaire lié à la réalisation d’une ALR chez un patient présentant un processus septique en dehors de la zone de ponction, sous réserve de ne pas maintenir un cathéter analgésique en place (Fig. 3) (1).

 R5.1 – Lorsqu’un bloc périphérique est réalisé seul, il est recommandé de réaliser une durée de surveillance (clinique + monitorage) d’au moins 30 minutes après une ALR du membre supérieur et 60 minutes après une ALR du membre inférieur (réalisée sans autre anesthésie: sédation – anesthésie générale – ALR périmédullaire). (Avis d’experts)
Figure 2 : (1) Carles M, Beloeil H, Bloc S, Nouette-Gaulain K, Aveline C, Cabaton J, et al. Anesthésie loco-régionale périnerveuse (ALR-PN). Anesth Réanimation. mai 2019;5(3):208‑17.

 

R2.2 – Il n’existe aucune contre-indication à la réalisation d’une ALR périnerveuse chez le patient septique, à la condition de ne pas ponctionner directement au niveau de la zone infectée. (Avis d’experts)

Figure 3 : (1) 1. Carles M, Beloeil H, Bloc S, Nouette-Gaulain K, Aveline C, Cabaton J, et al. Anesthésie loco-régionale périnerveuse (ALR-PN). Anesth Réanimation. mai 2019;5(3):208‑17.

 

Anesthésiques locaux 

Les anesthésiques locaux (AL) utilisés sont départagés en deux groupes : AL de longue durée d’action (ropivacaine, bupivacaine, lévobupivacaïne), et AL de durée d’action courte ou intermédiaire (lidocaine, mépivacaine). Concernant l’intérêt de les mélanger, il n’existe aucun bénéfice en termes de succès du bloc (18). Le gain sur le délai d’installation est le seul intérêt potentiel et le bénéfice en termes de récupération du bloc sensitif reste controversé (18,19). Enfin, de nombreux cas ont été rapportés, de toxicité systémique liée aux associations d’AL (toxicité additive) (fig. 4) (1).

R1.1 – Les mélanges d’anesthésiques locaux AL (longue durée d’action + courte durée action) ne sont probablement pas recommandés si l’objectif est la réduction de la toxicité des AL. (GRADE 2-) Accord FORT
Figure 4 : (1) Carles M, Beloeil H, Bloc S, Nouette-Gaulain K, Aveline C, Cabaton J, et al. Anesthésie loco-régionale périnerveuse (ALR-PN). Anesth Réanimation. mai 2019;5(3):208‑17.

Les adjuvants tels que le tramadol, la dexmédétomidine, le magnésium, les opioïdes, l’adrénaline et la naloxone n’ont pas fait la preuve de leur efficacité et/ou présentent des effets secondaires induisant une balance bénéfice-risque défavorable (1). Concernant la clonidine comme adjuvant, elle prolonge l’analgésie et la qualité du bloc sensitif et moteur (1) (4). Pour ce qui est de la dexaméthasone, celle-ci, injectée par voie intraveineuse, prolonge de façon importante la durée de l’analgésie pour les blocs périphériques (20). Cependant, il n’existe pas de consensus sur la sécurité de la dexaméthasone en administration péri-nerveuse associée aux AL (20) (Fig. 5) (1).

R1.3 – Il n’est pas recommandé d’associer aux AL en périnerveux, les agonistes morphiniques, le tramadol, la naloxone ou le magnésium, du fait de l’absence de bénéfice clinique significatif en terme de durée ou d’efficacité. (GRADE 1-) Accord FORT

 Figure 5 : (1) Carles M, Beloeil H, Bloc S, Nouette-Gaulain K, AvelineC, Cabaton J, et al. Anesthésie loco-régionale périnerveuse  (ALR-PN). Anesth Réanimation. mai 2019;5(3):208‑17.

 

Anesthésie locorégionale et échographie

Même si la neurostimulation reste une technique de repérage validée dans le cadre de l’ALR-PN (21), le repérage échoguidé suggère une meilleure sécurité (1). En effet Le repérage ultrasonographique, et l’injection sous contrôle échographique, permet à la fois la détection et donc la prévention de l’injection intraneurale (22) (23) ; et une réduction nette des volumes d’AL (par rapport à la neurostimulation), sans réduction d’efficacité (prévention du risque de toxicité systémique) (24). De plus, l’échographie apporte une sécurité supplémentaire lors de la réalisation d’un bloc chez un patient sous anesthésie générale ou sous sédation.

Le repérage échographique permet de planifier la trajectoire de l’aiguille et suivre la progression de son extrémité, mais aussi de déterminer le plan de visualisation du nerf (petit et/ou grand axe). Tout cela va permettre de visualiser la distribution de l’anesthésique local en temps réel, donc prévenir une injection intraneurale, et surtout de réduire le risque de ponction vasculaire.

L’échographie est aussi recommandée pour optimiser le positionnement du cathéter périnerveux (21).

Des moyens complémentaires peuvent être nécessaires pour la réalisation du bloc : la neurostimulation et/ou l’hydro-localisation et/ou l’hydro-dissection et/ou le déplacement des tissus avec les mouvements de l’aiguille (21). En cas de difficulté de visualisation de la sono-anatomie, il est recommandé d’associer la neurostimulation à l’échoguidage (21).

À titre d’illustration du bénéfice de l’échoguidage, pour le bloc du nerf sciatique au creux poplité par exemple, l’échoguidage permet une injection sous-paraneurale au niveau de la bifurcation poplitée du nerf sciatique, avec un bénéfice sur le délai d’installation et la durée du bloc (25). Par voie glutéale, l’abord du nerf sciatique sous échographie est possible mais techniquement plus difficile (profondeur de ponction), incitant à privilégier probablement un abord sub-glutéal (21).

Pour les blocs inter-scalénique, supra-claviculaire, axillaire, fémoral, poplité, et distaux, l’échographie est recommandée car elle peut réduire l’incidence des ponctions vasculaires accidentelles, le nombre de redirections d’aiguilles et la dose d’anesthésique local par rapport aux autres techniques de repérage (21). Pour les blocs péri-médullaires, l’échographie constitue une aide à la procédure chez certains patients (obésité), en permettant de visualiser les structures péri-médullaires, de déterminer le niveau de ponction et la profondeur de l’espace péridural (21).

Intérêt de l’anesthésie locorégionale dans la gestion de la douleur, la réhabilitation postopératoire

La réhabilitation post-opératoire comprend une stratégie multimodale dans laquelle l’ALR a certainement une place importante dans la chirurgie orthopédique. Une analgésie efficace est en effet un prérequis indispensable à une rééducation post-opératoire optimale (26).

La douleur après chirurgie orthopédique est d’intensité modérée à sévère pendant une durée de 48 à 72 h en post-opératoire (27),cette douleur est augmentée à la mobilisation. Or une mobilisation précoce est indispensable, qu’elle soit passive ou active, car elle conditionne le résultat chirurgical après mise en place d’une prothèse (3). La mobilisation peut également diminuer les complications telles que les thromboses veineuses profondes ou les complications cardio-pulmonaires. Elle permet enfin une diminution de la durée d’hospitalisation ainsi qu’une reprise des activités quotidiennes plus rapide et dans de meilleures conditions (3).

Des programmes de récupération ou réhabilitation améliorée après chirurgie (RAAC) ont été mis en place, les principales indications orthopédiques actuellement retenues dans sont la pose de prothèse totale de hanche (PTH) et de genou (PTG)(28).

Pour que la réhabilitation puisse se faire, une analgésie efficace au mouvement est indispensable, et dans ce registre, les techniques d’ALR, plus particulièrement l’ALR-PN, ont une place de choix aussi bien pour le membre supérieur (29) (30) que pour le membre inférieur (31).

L’analgésie péridurale (APD) peut être intéressante car elle donne une analgésie de meilleure qualité que celle obtenue avec l’analgésie morphinique par voie systémique (PCA (Patientcontrolled analgesia) incluse, au repos et en mouvement pour la chirurgie du membre inférieur (3). Néanmoins, la durée limitée de l’analgésie (inférieure à 24 heures) ainsi que l’incidence élevée des effets indésirables (prurit, NVPO, rétention d’urines) sont incompatibles avec les principes de réhabilitation postopératoire (32). L’utilisation de la PCEA (patient controlled epidural analgesia) pourrait alors diminuer le risque de nausées et de bloc-moteur (3).

L’analgésie locorégionale péri-nerveuse devient une alternative intéressante, car elle diminue l’incidence des complications liées à l’adjonction de morphiniques. En effet, le ratio bénéfice/risque est en faveur de l’utilisation d’un cathéter périnerveux : il procure une analgésie de meilleure qualité que l’analgésie morphinique par voie systémique, avec moins d’effets secondaires tels que nausées, vomissements, sédation et prurit (33). De plus, Les cathéters périnerveux périphériques ont démontré une efficacité équivalente à l’APD, avec moins d’effets secondaires, leur utilisation est une technique analgésique efficace après chirurgie de la hanche ou du genou, et est recommandée chez la majorité des patients après chirurgie orthopédique (34).

Conclusion

En chirurgie orthopédique, les techniques d’ALR occupent une place privilégiée, et sont devenues une pratique courante, aussi bien en chirurgie réglée qu’en urgence. Elles permettent une analgésie périopératoire des plus efficaces, et participent activement à une réhabilitation rapide, qui contribue à un meilleur pronostic chirurgical, en diminuant les complications, en améliorant l’évolution fonctionnelle et en diminuant la durée d’hospitalisation permettant ainsi d’accroître la satisfaction des patients. L’ALR reste toutefois en plein développement, de nouvelles techniques anesthésiques et analgésiques ont été déployées ces dernières années, et l’échographie a joué indéniablement un rôle primordial dans l’élaboration de ces techniques.

 

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec cet article.


 

Référence

1.      Carles M, Beloeil H, Bloc S, Nouette-Gaulain K, Aveline C, Cabaton J, et al. Anesthésie loco-régionale périnerveuse (ALR-PN). Anesth Réanimation. mai 2019;5(3):208‑17.

2.      Fuzier R, Cuvillon P, Delcourt J, Lupescu R, Bonnemaison J, Bloc S, et al. ALR périphérique en orthopédie: évaluation multicentrique des pratiques et impact sur l’activité de la SSPI. Ann Fr Anesth Réanimation. sept 2007;26(9):761‑8.

3.      Minville V. Anesthésie locorégionale et pronostic fonctionnel postopératoire. :9.

4.      Anesthésie locorégionale en ambulatoire_MAPAR.pdf.

5.      Sybirnyi AA, Shavlovsky HM. [Specific p-nitrophenyl phosphatase of yeast Pichia guilliermondii]. Ukr Biokhim Zh. août 1975;47(4):480‑6.

6.      Roskoski R, Lim CT, Roskoski LM. Human brain and placental choline acetyltransferase: purification and properties. Biochemistry (Mosc). 18 nov 1975;14(23):5105‑10.

7.      Polna I, Aleksandrowicz J. Effect of adsorbents on IgM and IgG measles antibodies. Acta Virol. nov 1975;19(6):449‑56.

8.      Duggleby RG, Kaplan H. A competitive labeling method for the determination of the chemical properties of solitary functional groups in proteins. Biochemistry (Mosc). 18 nov 1975;14(23):5168‑75.

9.      Nieto M, Muñoz E, Carreira J, Andreu JM. Conformational and molecular responses to pH variation of the purified membrane adenosine triphosphatase of Micrococcus lysodeikticus. Biochim Biophys Acta. 16 déc 1975;413(3):394‑414.

10.   Kalore NV, Guay J, Eastman JM, Nishimori M, Singh JA. Nerve blocks or no nerve blocks for pain control after elective hip replacement (arthroplasty) surgery in adults. In: The Cochrane Collaboration, éditeur. Cochrane Database of Systematic Reviews [Internet]. Chichester, UK: John Wiley & Sons, Ltd; 2015 [cité 20 déc 2020]. Disponible sur: undefined

11.   Rontes DO, Marty DP, Delbos DA. Anesthésie locorégionale et hanche en chirurgie réglée et urgente. :14.

12.   Carles M, Blay M, Gaertner E. Anesthésie en chirurgie orthopédique. EMC – Anesth-Réanimation. janv 2011;8(2):1‑13.

13.   Casati A, Cappelleri G, Berti M, Fanelli G, Benedetto P, Torri G. Randomized comparison of remifentanil–propofol with a sciatic–femoral nerve block for out-patient knee arthroscopy. Eur J Anaesthesiol. févr 2002;19(02):109.

14.   López AM, Sala-Blanch X, Magaldi M, Poggio D, Asuncion J, Franco CD. Ultrasound-Guided Ankle Block for Forefoot Surgery: The Contribution of the Saphenous Nerve. Reg Anesth Pain Med. 2012;37(5):554‑7.

15.   Protić A, Horvat M, Komen-Usljebrka H, Frkovic V, Zuvic-Butorac M, Bukal K, et al. Benefit of the minimal invasive ultrasound-guided single shot femoro-popliteal block for ankle surgery in comparison with spinal anesthesia. Wien Klin Wochenschr. oct 2010;122(19‑20):584‑7.

16.   Goldstein RY, Montero N, Jain SK, Egol KA, Tejwani NC. Efficacy of Popliteal Block in Postoperative Pain Control After Ankle Fracture Fixation: A Prospective Randomized Study. J Orthop Trauma. oct 2012;26(10):557‑61.

17.   Fuzier R, Richez A, Olivier M. Anesthésie locorégionale en urgence. Réanimation. nov 2007;16(7‑8):660‑4.

18.   Cuvillon P, Nouvellon E, Ripart J, Boyer J-C, Dehour L, Mahamat A, et al. A Comparison of the Pharmacodynamics and Pharmacokinetics of Bupivacaine, Ropivacaine (with Epinephrine) and Their Equal Volume Mixtures with Lidocaine Used for Femoral and Sciatic Nerve Blocks: A Double-Blind Randomized Study: Anesth Analg. févr 2009;108(2):641‑9.

19.   Valery P, Aliaksei M. A comparison of the onset time of complete blockade of the sciatic nerve in the application of ropivacaine and its equal volumes mixture with lidocaine: a double-blind randomized study. Korean J Anesthesiol. 2013;65(1):42.

20.   MAPAR-Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre V-M. Protocoles d’anesthésie-réanimation. 2019.

21.   Bouaziz H, Aubrun F, Belbachir AA, Cuvillon P, Eisenberg E, Jochum D, et al. Échographie en anesthésie locorégionale. Ann Fr Anesth Réanimation. sept 2011;30(9):e33‑5.

22.   Krediet AC, Moayeri N, Bleys RLAW, Groen GJ. Intraneural or Extraneural: Diagnostic Accuracy of Ultrasound Assessment for Localizing Low-Volume Injection. Reg Anesth Pain Med. 2014;39(5):409‑13.

23.   Moayeri N, Krediet AC, Welleweerd JC, Bleys RLAW, Groen GJ. Early ultrasonographic detection of low-volume intraneural injection. Br J Anaesth. sept 2012;109(3):432‑8.

24.   Serradell A, Herrero R, Villanueva JA, Santos JA, Moncho JM, Masdeu J. Comparison of three different volumes of mepivacaine in axillary plexus block using multiple nerve stimulation †. Br J Anaesth. oct 2003;91(4):519‑24.

25.   Choquet O, Noble GB, Abbal B, Morau D, Bringuier S, Capdevila X. Subparaneural Versus Circumferential Extraneural Injection at the Bifurcation Level in Ultrasound-Guided Popliteal Sciatic Nerve Blocks: A Prospective, Randomized, Double-Blind Study. Reg Anesth Pain Med. 2014;39(4):306‑11.

26.   Richebé P, Capdevila X, Rivat C. Persistent Postsurgical Pain. Anesthesiology. 1 sept 2018;129(3):590‑607.

27.   Capdevila X, Pirat P, Bringuier S, Gaertner E, Singelyn F, Bernard N, et al. Continuous Peripheral Nerve Blocks in Hospital Wards after Orthopedic Surgery. Anesthesiology. 1 nov 2005;103(5):1035‑45.

28.   Sophie B. Haute Autorité de santé. 2016;73.

29.   Hofmann-Kiefer KF, Eiser T, Chappell D, Leuschner S, Conzen P, Schwender D. Continuous Interscalene Block for Open Shoulder Surgery: Anesth Analg. août 2008;107(2):726‑7.

30.   Bryant D, Litchfield R, Sandow M, Gartsman GM, Guyatt G, Kirkley A. A Comparison of Pain, Strength, Range of Motion, and Functional Outcomes After Hemiarthroplasty and Total Shoulder Arthroplasty in Patients with Osteoarthritis of the Shoulder: A Systematic Review and Meta-Analysis. J Bone Jt Surg. sept 2005;87(9):1947‑56.

31.   Capdevila X, Barthelet Y, Biboulet P, Ryckwaert Y, Rubenovitch J, d’Athis F. Effects of Perioperative Analgesic Technique on the Surgical Outcome and Duration of Rehabilitation after Major Knee Surgery. Anesthesiology. 1 juill 1999;91(1):8‑15.

32.   Delaunay L, Jenny JY, Albi-Feldzer A, Alfonsi P, Bloc S, Cittanova ML, et al. En association avec la Société Française de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique (SOFCOT). :36.

33.   Richman JM, Liu SS, Courpas G, Wong R, Rowlingson AJ, McGready J, et al. Does Continuous Peripheral Nerve Block Provide Superior Pain Control to Opioids? A Meta-Analysis: Anesth Analg. janv 2006;102(1):248‑57.

34.   Fowler SJ, Symons J, Sabato S, Myles PS. Epidural analgesia compared with peripheral nerve blockade after major knee surgery: a systematic review and meta-analysis of randomized trials. Br J Anaesth. févr 2008;100(2):154‑64.

 

 

  Télécharger le PDF de cet article

Inégalités de longueur après prothèse totale de hanche bilatérale simultanée.

La chirurgie de remplacement prothétique de la hanche est, sans aucun doute, une des opérations les plus réussies en orthopédie. Dans 15 à 25% des cas, les deux hanches sont détériorées. 10% des patients ayant bénéficié d’un remplacement prothétique total d’une hanche sont demandeurs de la même procédure dans les deux ans suivant la première intervention. Le remplacement prothétique de hanche bilatéral en une session opératoire offre les avantages d’un seul séjour hospitalier, d’une seule anesthésie.autres voies d’abord ?

 

L. Ait El Hadj(1), S. Fourmas(1), A. Benbouzid(1), M. Yakoubi(1), H. Amouri(1), A. Benamirouche(1), H. Mesbah(2),

M. Yakoubi,

(1) Service d’Orthopédie-Traumatologie, EHS Abdelkader Boukhroufa, Ben Aknoun, Alger.

(2) Anesthésie-Réanimation

 

Date de soumission : 17 Décembre 2020

 

Résumé : La chirurgie de remplacement prothétique de la hanche est, sans aucun doute, une des opérations les plus réussies en orthopédie. Dans 15 à 25% des cas, les deux hanches sont détériorées. 10% des patients ayant bénéficié d’un remplacement prothétique total d’une hanche sont demandeurs de la même procédure dans les deux ans suivant la première intervention. Le remplacement prothétique de hanche bilatéral en une session opératoire offre les avantages d’un seul séjour hospitalier, d’une seule anesthésie. Le coût lié à l’intervention et la durée moyenne de séjour hospitalier sont moindres par rapport à une chirurgie en deux temps et la rééducation est facilitée. Le problème des inégalités de longueur des membres inférieurs (ILMI) après prothèse totale de hanche (PTH) persiste dans environ 25% des cas, avec un retentissement fonctionnel lorsque celle-ci dépasse 10 mm. Hypothèse. Le contrôle de l’inégalité de longueur après PTH bilatérale en une session opératoire est meilleur en utilisant la voie antérieure directe en décubitus dorsal sur table ordinaire. Matériels et méthodes. Il s’agit d’une étude clinique rétrospective réalisée au niveau du service d’orthopédie et de traumatologie de l’Établissement Hospitalier Spécialisé (EHS) de Ben Aknoun à Alger. Cette étude inclue 105 patients avec comme diagnostic ostéonécrose aseptique bilatérale de la tête fémorale (ONTF) opérés entre janvier 2016 et janvier 2019 d’une PTH bilatérale simultanée divisée en deux groupes, le groupe A (25 patients) opérés par voie antérieure de Hueter, et le groupe B (80 patients) opérés par voie latérale d’Hardinge. Les ILMI ont été mesurées sur imagerie (télémétrie) pré- et post-opératoires. Résultats. Sur les 105 patients, en pré-opératoire 62 patients étaient isométriques (ILMI ≤ 10 mm) et 43 patients présentaient une ILMI > 10 mm. Le suivi, retrouvait 67 patients isométriques (63,8%) et 38 patients inégaux (36%).Le groupe isométrique comprenait 24 patients du groupe A soit 96% de la série et 43 patients du groupe B soit 40%. Sur les 38 patients inégaux, dans le groupe A, un seul patient présente une ILMI de 11 mm, tandis que dans le groupe B (37 patients), 22 patients présentaient une ILMI postopératoire (12 mm en moyenne), 15 patients présentaient une ILMI de 14,9mm. Discussion. En décubitus latéral, la palpation des repères osseux tels que les pointes de rotules ou les talons à travers les champs opératoires, offre une information limitée voire faussée, due à l’adduction du membre opéré, en particulier chez les patients avec un bassin large. Une variation d’adduction de 10° peut avoir un retentissement de 17 mm sur la longueur du membre inférieur. L’avantage principal du décubitus dorsal sur table ordinaire réside ainsi dans la présence des deux jambes libres dans le champ opératoire. Ceci permet un contrôle satisfaisant des longueurs par palpation des deux épines iliaques antéro-supérieures et des malléoles internes, jambes perpendiculaires au bassin. Conclusion. La voie antérieure sans table orthopédique permet un contrôle satisfaisant des longueurs des membres lors d’une arthroplastie bilatérale simultanée de hanche, par palpation précise des repères anatomiques en décubitus dorsal. Elle permet ainsi de limiter les ILMI post-PTH et améliorer les résultats fonctionnels.

Mots clés : Prothèse totale de hanche, bilatérale, voie d’abord antérieure, voie d’abord latérale.

 

Abstract: Prosthetic hip replacement surgery is, without a doubt, one of the most successful operations in orthopedics. In 15 to 25% of cases, both hips are damaged. 10% of patients who have had a total hip replacement request the same procedure within two years of the first operation. One-session bilateral hip replacement offers the advantages of a single hospital stay, a single anesthesia. The cost of the operation and the average length of stay in hospital are lower compared to two-stage surgery and rehabilitation is facilitated. The problem of length inequalities of the lower limbs (ILMI) after total hip replacement (THA) persists in about 25% of cases, with a functional impact when it exceeds 10 mm. Hypothesis. Control of length inequality after bilateral THA in one session is better using the direct anterior approach in the supine position on an ordinary table. Materials and methods. This is a retrospective clinical study carried out at the level of the orthopaedics and traumatology department of the Specialized Hospital (EHS) of Ben Aknoun in Algiers. This study included 105 patients diagnosed with bilateral aseptic osteonecrosis of the femoral head (ONTF) operated between January 2016 and January 2019 for simultaneous bilateral THA divided into two groups, group A (25 patients) operated by Hueter’s anterior approach and group B (80 patients) operated by the lateral Hardinge approach. The ILMIs were measured on pre- and postoperative imaging (telemetry). Results. Of the 105 patients, preoperatively 62 patients were isometric (ILMI ≤ 10 mm) and 43 patients had an ILMI> 10 mm. The follow-up found 67 isometric patients (63.8%) and 38 unequal patients (36%). The isometric group included 24 patients from group A, i.e., 96% of the series and 43 patients from group B, i.e., 40%. Of the 38 unequal patients, in group A, only one patient presented an ILMI of 11mm, while in group B (37 patients), 22 patients presented a postoperative ILMI (12 mm on average), 15 patients had an ILMI of 14.9mm. Discussion. In lateral decubitus, palpation of bony landmarks such as patella points or heels through the surgical fields provides limited or even distorted information, due to adduction of the operated limb, especially in patients with a large pelvis. An adduction variation of 10° can have an impact of 17 mm on the length of the lower limb. The main advantage of dorsal decubitus on an ordinary table therefore lies in the presence of both free legs in the operating field. This allows satisfactory control of the lengths by palpation of the two anterosuperior iliac spines and the internal malleoli, legs perpendicular to the pelvis. Conclusion. The anterior approach without an orthopaedic table allows satisfactory control of limb lengths during simultaneous bilateral hip arthroplasty, by precise palpation of anatomical landmarks in the dorsal decubitus position. It thus makes it possible to limit ILMI after THA and improve functional results.

Key words: Total hip replacement, bilateral, anterior approach, lateral approach.


 

Introduction

L’arthrose de la hanche est une des arthroses les plus fréquentes, juste après le genou. Dans 15 à 25% des cas (1), les deux hanches sont détériorées. Une proportion importante de patients ayant bénéficié d’un remplacement prothétique total d’une hanche sont demandeurs de la même procédure dans les deux ans suivant la première intervention (2). Dans l’intervalle entre la première et la deuxième intervention, les patients présentant une pathologie bilatérale ne bénéficient pas du plein potentiel de leur traitement. Le coté non opéré limite la récupération de l’ensemble de la fonction.

Ainsi, lorsque la pathologie est bilatérale, le remplacement prothétique de hanche bilatéral en une session opératoire offre les avantages d’un seul séjour hospitalier, d’une seule anesthésie. Le coût lié à l’intervention et la durée moyenne de séjour hospitalier sont moindres par rapport à une chirurgie en deux temps et la rééducation est facilitée (3). Le problème des inégalités de longueur des membres inférieurs (ILMI) après prothèse totale de hanche (PTH) persiste dans environ 25% des cas, avec un retentissement fonctionnel lorsque celle-ci dépasse 10 mm.

L’inégalité de longueur des membres inférieurs est la troisième cause d’insatisfaction après pose de prothèse totale de hanche en France (4) et la deuxième cause de poursuites judiciaires aux États-Unis (5). C’est donc une complication grave et fréquente dont il faut tenir compte. En pratique, et notamment en décubitus latéral, l’appréciation des longueurs per-opératoires relève souvent plus de l’expérience du chirurgien que de réels repères anatomiques (6,7). La voie d’abord antérieure type Hueter sans table orthopédique permet de s’affranchir de ces difficultés liées à l’installation, et de contrôler cliniquement les longueurs per-opératoires par palpation des malléoles médiales et des épines iliaques, puisque les deux membres inférieurs sont libres dans le champ opératoire.

Notre hypothèse est que le contrôle de l’inégalité de longueur après PTH bilatérale en une session opératoire est meilleur en utilisant la voie antérieure directe en décubitus dorsal sur table ordinaire.

 

Matériels et méthodes 

Il s’agit d’une étude clinique rétrospective réalisée au niveau du service d’orthopédie et de traumatologie de l’Établissement Hospitalier Spécialisé (EHS) de Ben Aknoun à Alger. Cette étude inclue 286 patients atteints de coxopathie bilatérale invalidante, soit 572 prothèses totales de hanche. Le diagnostic d’ostéonécrose aseptique bilatérale de la tête fémorale (ONTF) occupe la première place avec 105 cas (37%) (Figure 1). Cinquante-huit patients (20,3%) présentaient des coxites dont la majorité, suivie en rhumatologie pour maladie rhumatismale, entre autres les spondylarthropathies (SPA) (figure 2). Trente-trois cas de dysplasie de hanche (11,53%). Les autres diagnostics étaient représentés par des pseudarthroses bilatérales de l’extrémité supérieure du fémur, la coxarthrose primitive sans étiologie identifiée et les luxations congénitales de hanche “opérées dans l’enfance”.

Description de la série

Les critères d’inclusion étaient les PTH bilatérales réalisées en une session opératoire sur les 105 patients avec comme diagnostic ostéonécrose aseptique bilatérale de la tête fémorale (ONTF) opérés entre janvier 2016 et janvier 2019. Les patients présentant des coxites, dysplasies luxantes, les pseudarthroses bilatérales et les protrusions acétabulaires majeures étaient exclus de l’étude.

L’étude est faite sur des patients divisés en deux groupes, le groupe A (25 patients) opérés par voie antérieure de Hueter et le groupe B (80 patients) opérés par voie latérale d’Hardinge. Toutes les interventions chirurgicales ont été réalisées par le même chirurgien. Les ILMI ont été mesurées sur imagerie (télémétrie) pré- et post-opératoire.

L’âge moyen des patients est de 38,7 ans (17 ans – 52 ans). Nous avons recensé 68 femmes et 37 hommes (37%). Le sexe ratio est donc de 2,3 femmes pour 1 homme. Le score de Devane est adapté à l’évaluation de l’activité physique d’un patient jeune ayant subi une arthroplastie totale de hanche. Il permet d’apprécier les gains apportés par le remplacement prothétique sur les plans social et professionnel. Quarante-neuf pour cent des patients étaient classés semi-sédentaires avec seulement une activité domestique. Les activités quotidiennes sont naturellement perturbées lorsqu’une hanche, à fortiori les deux, a subi un dommage quelconque.

Après la douleur, l’inégalité de longueur des membres inférieurs représente le deuxième problème qui appelle à une solution. Sur les 105 patients, en préopératoire 62 patients étaient isométriques (ILMI ≤ 10 mm), et 43 patients présentaient une ILMI >10 mm. En cas de différence de longueur pré-opératoire, la longueur du membre inférieur le plus long est conservée et le membre le plus court est rallongé de manière à obtenir l’égalité en fin d’intervention.

Le bilan préopératoire comprend une numération formule sanguine, un bilan de coagulation, une radiographie pulmonaire, ainsi qu’un rachis cervical et lombaire, un bilan dentaire récent (pas systématique), et un bilan cardiaque (électrocardiogramme, échocardiographie). Après avoir éclairé tous les patients, la décision de prise en charge par PTH bilatérale en une session opératoire est prise conjointement par le chirurgien et l’anesthésiste.

Méthode

Pour le groupe B, l’intervention s’est déroulée par voie d’Hardinge en décubitus latéral et changement d’installation lors du passage au deuxième coté avec un set nouveau de clampage. Pour le coté initial, a priori, il n’y pas de raison à avantager une hanche avant une autre du moment que lors de la séquence opératoire, les deux hanches vont être opérées selon le même protocole. Cependant, dans le cas d’une inégalité de longueur des membres inférieurs, nous préférons établir une planification préopératoire précise, en usant de calques, afin de déterminer le bon niveau de coupe en vue d’obtenir la longueur voulue. Dans d’autres cas, lorsqu’une hanche est plus douloureuse que l’autre selon les doléances du malade, nous commençons par elle. Car dans le cas où on est appelé à arrêter l’intervention, on aura au moins donné une chance au malade.

Pour le groupe A l’intervention est réalisée en décubitus dorsal sur table ordinaire, les deux membres inférieurs dans le champ opératoire, incluant les épines iliaques antéro-supérieures. La voie d’abord antérieure de Hueter est utilisée, passant entre tenseur du fascia lata latéralement, et les muscles sartorius et droit antérieur médialement. Après mise en place des implants, un testing complet est réalisé avec contrôle clinique des longueurs par palpation bilatérale et comparative des malléoles médiales (fig. 2), en s’attachant à être reproductible avec les deux membres placés perpendiculairement à la ligne bi-épines iliaques. Un contrôle radioscopique per-opératoire n’est pas réalisé systématiquement pour contrôle du bon positionnement des implants.

 

Résultats

Méthode de recueil de données : l’ensemble du dossier médical de chaque patient a été soigneusement analysé. Ce qui a permis de recueillir les données concernant l’état civil, les caractéristiques morphologiques (taille et poids), les antécédents et le bilan fonctionnel à chaque visite de contrôle, quand cela a été possible. Une analyse des radiographies a été effectuée.

Les patients ont été revus en consultation à 02 mois, 06 mois (avec télémétrie des membres inférieurs, un pangonogramme), 1 an et 2 ans, afin de faire une évaluation fonctionnelle de leur hanche. Toutes ces données recueillies ont été saisies et traitées avec le logiciel EPI-INFO 7 version 1.0.0.0.

En comparant la télémétrie des membres inférieurs en pré- et post-opératoire, nous avons pu évaluer les ILMI (allongement ou raccourcissement), avant et après pose de prothèses. Deux groupes de patients ont ainsi été constitués : un groupe « isométrique » avec ILMI ≤10 mm et un groupe « ILMI » avec ILMI >10 mm. Le seuil de 10 mm est admis dans la littérature, qu’une inégalité inferieure à ce seuil n’entraîne pas de retentissement clinique fonctionnel (8,9,10).

Le suivi, retrouvait 67 patients isométriques (63,8%) et 38 patients inégaux (36%). Le groupe isométrique comprenait 24 patients du groupe A soit 96% de la série, et 43 patients du groupe B soit 40%. Sur les 38 patients inégaux, dans le groupe A, un seul patient présente une ILMI de 11 mm, tandis que dans le groupe B (37 patients), 22 patients présentaient une ILMI post-opératoire (12 mm en moyenne), 15 patients présentaient une ILMI de 14,9 mm (tableau 1).

 

Discussion

Ces dernières années, la chirurgie arthroplastique de la hanche mini-invasive est devenue de plus en plus populaire (11). Cependant, certaines interventions chirurgicales mini-invasives ont été caractérisées par un taux de complications très élevé (12).

La voie antérieure directe est une modification de la voie de Smith-Petersen, car seule la partie distale antéro-supérieure est utilisée. Cette technique est devenue pratique courante pour Judet et Judet en 1947 (13,14). Plus récemment, avec l’introduction d’une table orthopédique dédiée. Matta a transformé la procédure chirurgicale en une procédure invasive dans laquelle le patient est également positionné en, décubitus dorsale (15,16). Actuellement, de plus en plus de chirurgiens effectuent cet abord antérieur sans table. Cette variante offre de nombreux avantages : elle n’exige pas la présence de personnel formé pour effectuer des manœuvres sur la table, en outre la longueur des membres, la stabilité de l’implant, et le mouvement de la hanche opérée peut être vérifié plus facilement, car les membres inférieurs sont libres.

Différentes méthodes ont été proposées dans la littérature pour contrôler les longueurs lors d’une arthroplastie de hanche, comme l’évaluation des tensions tissulaires, l’utilisation de pins trans-osseux avec mesure par compas, la planification pré-opératoire 2D ou plus récemment 3D ou encore la navigation. L’étude de Rice et al., (7,17) comparait les différentes méthodes de mesure per-opératoire et retrouvait la meilleure corrélation entre évaluation per-opératoire et radiographies post-opératoires pour la tension des parties molles et le test du piston. Ces tests de tension peuvent néanmoins être limités par l’anesthésie et la curarisation.

En décubitus latéral, la palpation des repères osseux tels que les pointes de rotules ou les talons à travers les champs opératoires, offre une information limitée voire faussée, due à l’adduction du membre opéré, en particulier chez les patients avec un bassin large. Une variation d’adduction de 10° peut avoir un retentissement de 17 mm sur la longueur du membre inférieur. L’avantage principal du décubitus dorsal sur table ordinaire réside ainsi dans la présence des deux jambes libres dans le champ opératoire. Ceci permet un contrôle satisfaisant des longueurs par palpation des deux épines iliaques antéro-supérieures et des malléoles internes, jambes perpendiculaires au bassin.

D’après notre expérience, le contrôle de l’inégalité de longueurs des membres inférieurs est mieux par la voie antérieure en décubitus dorsale sans table orthopédique que dans la voie latérale.

 

Conclusion

La voie antérieure sans table orthopédique permet un contrôle satisfaisant des longueurs des membres lors d’une arthroplastie bilatérale de hanche simultanée, par palpation précise des repères anatomiques en décubitus dorsal, tels que les épines iliaques antéro-supérieures et les malléoles internes. Elle permet ainsi de limiter les ILMI post PTH et améliorer les résultats fonctionnels.

Date de soumission : 17 Décembre 2020

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec cet article.

 

Figures

Figure 1 : Patiente de 17 ans présentant une ONTF bilatérale secondaire à une prise prolongée de corticoïdes bénéficiant d’une double prothèse avec couple de frottement alumine-alumine.

 

 INE1INE2

 Figure 2 : Patiente de 38 ans présentant une coxarthrose bilatérale sur SPA avec ankylose à droite bénéficiant d’une arthroplastie bilatérale simultanée.

Tableau 1 : Description du type d’inégalités de longueurs pré et postopératoires.

 

Préopératoire

Postopératoire

Post-opératoire Voie d’abord antérieure

Post-opératoire Voie d’abord latérale

Isométrique

62

67

24

43

Inégalité (10 – 12 mm)

11

36

1

22

Inégalité>13 mm

27

2

0

15

Total d’inégalité

38

 

 

 

 


 

Références

 

  • Melton, Learmonth ID, Young C, Rorabeck C. The operation of the century: total hip replacement. Lancet 2007;370:1508—19
  • Alfaro-Adrian J, Bayona F, Reich JA, Murray DW. One-or two-stage bilateral total hip replacement. J Arthroplasty. 1999;14:439—45
  • Grégoire Micicoi, Régis Bernard de Dompsure, Laurie Tran, Pascal Boileau, Christophe Trojani. Early morbidity and mortality after one-stage bilateral THA: Anterior versus posterior approach. doi.org/10.1016/j.rcot.2019.09.121
  • Marmor S, Farman T. Causes de procédures médicolégales après prothèse totale de hanche. Rev Chir Orthop Traumatol 2011;97:752–7
  • Konyve A, Bannister GC. The importance of leg length discrepancy after total hip arthroplasty. J Bone Joint Surg Br 2005;87:155–7.
  • Ng VY, Kean JR, Glassman AH. Limb-length discrepancy after hip arthroplasty. J Bone Joint Surg Am 2013; 95:1426–36.
  • Rice IS, Stowell RL, Viswanath PC, Cortina GJ. Three intraoperative methods to determine limb-length discrepancy in THA. Orthopedics 2014; 37:488–95.
  • Mayr E, Nogler M, Benedetti MG et al. A prospective randomized assessment of earlier functional recovery in THA patients treated by minimally invasive direct anterior approach: a gait analysis study. Clin Biomech (Bristol, Avon) 24:812–818
  • Anterior Total Hip Arthroplasty Collaborative Investigators (2009) Outcomes following the single-incision anterior approach to total hip arthroplasty: a multicenter observational study Orthop Clin North Am 40:329–342
  • Berend KR, Lombardi AV, Seng BE et al (2009) Enhanced early outcomes with the anterior supine intermuscular approach in primary total hip arthroplasty. J Bone Joint Surg Am 91:107–120
  • Lovell TP (2008) Single-incision direct anterior approach for total hip arthroplasty using a standard operating table. J Arthroplasty23:64–68
  • Bal BS, Haltom D, Aleto T et al (2005)Early complications of primary total hip replacement performed with a two incision minimally invasive technique. J Bone Joint Surg Am 87:2432–2438
  • Judet R, Judet J (1952) Technique and results with the acrylic femoral head prosthesis. J Bone Joint Surg Br 34:173–180
  • Judet J, Judet R (1950) The use of an artificial femoral head for arthroplasty of the hip joint. J Bone Joint Surg Br 32:166–173
  • Matta JM, Shahrdar C, Ferguson TA (2005) Single-incision anterior approach for total hip arthroplasty on an orthopaedic table. Clin Orthop Relat Res 441:115–124
  • Matta JM, Ferguson TA (2005)The anterior approach for hip replacement. Orthopedics 28:927–928
  • Paul Lecoaneta, Morgane Vargasa, Julien Pallarob, Thomas Thelena, Clément Ribesa, Thierry Fabrea. Leg length discrepancy after total hip arthroplasty: Can leg length be satisfactorily controlled via anterior approach without a traction table? Evaluation in 56 patients with EOS 3D. Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 104 (2018) 771–776.

 

  Télécharger le PDF de cet article

Arthroplastie totale de hanche par voie antérieure.

l’arthroplastie totale de hanche est la seconde intervention chirurgicale la plus pratiquée dans le monde en chirurgie orthopédique. L’orientation actuelle de la chirurgie vers des gestes les moins invasifs, la voie antérieure de hanche par son caractère anatomique intermusculaire et internerveux permet une récupération fonctionnelle plus rapide. Certains chirurgiens y sont encore réfractaires. Donne-t-elle des résultats comparables aux autres voies d’abord ?

 

S.A. Amouri, M.A. Merouane, L. Ait El Hadj, S. Fourmas, M. Yakoubi,

Service de chirurgie orthopédique et Traumatologie Hôpital Ben Aknoun, Faculté de médecine, Université d’Alger 1.

 Date de soumission : 28 Juillet 2020

 

Résumé : Objectifs : l’arthroplastie totale de hanche est la seconde intervention chirurgicale la plus pratiquée dans le monde en chirurgie orthopédique. L’orientation actuelle de la chirurgie vers des gestes les moins invasifs, la voie antérieure de hanche par son caractère anatomique intermusculaire et internerveux permet une récupération fonctionnelle plus rapide. Certains chirurgiens y sont encore réfractaires. Donne-t-elle des résultats comparables aux autres voies d’abord ? Méthodes : nous avons réalisé une étude prospective, multicentrique mono-opérateur sur des patients présentant une coxarthrose ou fracture du col fémoral, traitées par arthroplastie totale de hanche par voie antérieure de Huether. Nous avons recherché une inégalité de longueur des membres inférieures en post-opératoire. Une évaluation fonctionnelle pré- et post-opératoire à 03 semaines, 03 mois et 06 mois. Résultats : nous avons inclus 30 patients avec un recul moyen de 08 mois, il s’agissait dans 50% de coxarthrose primitive. Le score de Harris hip score per-opératoire moyen était de 34,7/100. L’appui fut à j01 post-opératoire pour 100% des patients, la marche sans tuteur externe faite à j02 post-opératoire pour 80% d’entre eux. Nous avons eu à décrire une fracture du grand trochanter, deux calcifications péri-articulaires et une infection superficielle. Nous avons noté une amélioration moyenne du Harris hip score de 52,3 points (± 6,9) à 03 semaines et de 61,5 points (± 7) à 03 mois. Conclusion : notre étude a permis de montrer que l’arthroplastie totale de hanche par voie antérieure donnait des résultats prometteurs.

Mots clés : Prothèse totale de hanche, voie antérieure, scores fonctionnels.

 

Abstract: Description: Total hip arthroplasty is the second most commonly performed orthopaedic surgery in the world. The current orientation of surgery towards less invasive procedures. The anterior approach by its inter-muscular and inter-nervous anatomical character allows faster functional recovery. Some surgeons are still resistant to it. Does it give results comparable to other approach? Methods: we carried out a prospective, multi-centric, single-operator study on patients with hip osteoarthritis or fracture of the femoral neck treated by anterior approach total hip prosthesis. We looked for an inequality in the length of the lower limbs postoperatively. A pre- and post-operative functional outcome at 03 weeks, 03 months and 06 months. Results: we included 30 patients with a mean follow-up of 08 months, this was 50% primary hip osteoarthritis. The mean preoperative Harris hip score was 34.7 / 100. The support was on postoperative day 01 for 100% of patients, walking without an external guardian was done on postoperative day 02 for 80% of them. We had to describe one fracture of the greater trochanter, two periarticular calcification and one superficial infection. We noted an average increase in Harris hip score of 52.3 points (± 6.9) at 03 weeks and 61.5 points (± 7) at 03 months. Conclusion: our study showed that anterior total hip replacement surgery gave promising results.

Keys words: total hip arthroplasty, anterior approach, functional scores.


 

Introduction

L’arthroplastie totale de hanche est la seconde intervention chirurgicale la plus pratiquée dans le monde en chirurgie orthopédique avec près d’un million par an et en constante augmentation (1). Elle est considérée comme l’opération du siècle par The Lancet (2), ses indications sont les coxarthroses d’étiologies diverses et les fractures du col fémoral dont l’incidence s’accroit avec l’augmentation de l’espérance de vie (3).

L’orientation actuelle de la chirurgie vers des gestes les moins invasifs possibles a permis à la voie antérieure de hanche de Huether (4), déjà utilisée dans les années 70 pour la pose d’une prothèse totale de hanche par les frères Judet (4) de connaitre un essor indéniable à travers le monde.

La voie antérieure de hanche par son caractère anatomique intermusculaire et internerveux (5), permet une récupération fonctionnelle plus rapide que d’autres voies d’abord (6), un séjour hospitalier plus court et un taux de luxation moins important sachant que la luxation est l’une des principales causes de reprise des prothèses totales de hanche (7).

Cependant certains chirurgiens y sont encore réfractaires ; pour cause, une longue courbe d’apprentissage est rapporté (8,9), ainsi que les difficultés de positionnement correcte des implants acétabulaire et fémoral (10). Certaines complications per-opératoires, fracture fémorale essentiellement et lésions du nerf fémoro-cutané lui sont imputés (11,12).

Est-il alors possible d’avoir des résultats satisfaisants d’arthroplastie totale de hanche par voie antérieure ?

 

Méthodes

Nous avons réalisé une étude prospective, multicentrique mono-opérateur de janvier 2018 à décembre 2019 à l’Établissement Hospitalier Spécialisé de Ben Aknoun, au Centre Hospitalier universitaire de Bejaïa, à l’Établissement Publique Hospitalier de Guelma et à l’Établissement Publique Hospitalier d’Illizi sur des patients présentant une coxarthrose (Fig. 1), ou fracture du col fémoral, pour lesquels a été posée l’indication d’une arthroplastie totale de hanche. Nous avons exclu les patients âgés de plus de 80 ans, ceux qui présentaient un index de masse corporel (IMC) supérieur à 30 kg/m2 et les patients avec une coxarthrose sur dysplasie de hanche.

Les patients ont tous été opérés par anesthésie loco-régionale type rachis-anesthésie, l’installation était en décubitus dorsal strict sur table ordinaire, le badigeonnage par une solution iodée et le champage des deux membres inférieurs était systématique (Fig. 2).

Un abord par voie antérieure de Huether selon la technique décrite par Keggiet al., (13), a été réalisé. 

Aucune manipulation de table n’a été effectué, nous avons utilisé un ancillaire d’arthroplastie totale de hanche ordinaire, sans porte rappe décalé et sans porte fraise ou cotyle courbe.

Un drainage aspiratif est maintenu pendant 48 heures, le premier appui est à j0, un appui sans cannes à J01 le retour des patients à domicile se faisait à J03, les patients étaient adressés en rééducation sans protocole particulier.

Nous avons recherché une inégalité de longueur des membres inférieures en post-opératoire par calcul de la distance épine iliaque antéro-supérieure, pointe de la malléole interne (Fig. 3).

Une radiographie post-opératoire a été réalisée pour contrôler le bon positionnement des implants prothétiques (Fig. 4).

Une évaluation fonctionnelle pré- et post-opératoire à 03 semaines, 03 mois et 06 mois fut réalisée par le Harris Hip Score (HHS)(14), et le score de Postel Merle D’Aubigné (PMA)(15).

Les complications à type de fracture fémorale per- et post-opératoire, lésions du nerf fémoro-cutané latéral de la cuisse, les luxations et les infections ont été consignées pour chaque patient.

 


 

Résultats

Nous avons inclus 30 patients avec un recul moyen de 08 mois, 25 hommes (83,3%) pour 05 femmes (16,7%), une moyenne d’âge de 59,7 ans [36-80 ans].

Il s’agissait dans 50% de coxarthrose primitive (Fig. 2), 23,3% d’ostéonécrose de la tête fémorale et 26,7% d’autres étiologies. Les données démographiques sont rapportées au tableau 1.

Le Harris Hip Score per-opératoire moyen était de 34,7/100 (± 6,7), le score de Postel Merle d’Aubigny de 10/18 [6-13/18]. La durée de l’intervention moyenne était de 81 mn (± 06 mn).

Les pertes sanguines post-opératoires ont été quantifiées à 326 ml [250-450 ml] en moyenne, tous les drains de Redon ont été retirés au deuxième jour post-opératoire.

L’appui fut à j01 post-opératoire pour 100% des patients, la marche sans tuteur externe faite à j02 post-opératoire pour 80% d’entre eux.

L’inégalité de longueur des membres inférieurs (ILMI) post-opératoire moyenne était de 5,8 mm ± 2,5 ; dont 66% étaient des allongements.

Nous avons eu à décrire une fracture du grand trochanter n’ayant pas nécessité une ostéosynthèse, deux calcifications péri-articulaires, aucune luxation, pas de lésions du nerf fémoro-cutané latéral de la cuisse et une infection superficielle tarie en quelques jours après antibiothérapie et soins locaux. Aucune révision ne fut décrite dans les délais de suivi. Les résultats post-opératoires sont résumés dans le tableau 2.

Nous avons noté une amélioration moyenne du HHS de 52,3 points (± 6,9) à 03 semaines et de 61,5 points (± 7) à 03 mois. Le score de PMA est passé de passable à bon, en moyenne à 03 semaines et à excellent à 03 mois (Fig. 5).

 

Discussion

La voie antérieure pour arthroplastie totale de hanche sans table spécifique ne présente pas plus de complications selon nos résultats, avec une seule fracture du grand trochanter et aucun épisode de luxation ce qui est concordant avec Charississous et al., qui rapporte que le taux de luxation est plus important après abord postéro-latéral, en moyenne de 6,9% versus 3,1% pour les voies antéro-latérales, et 0,6 à1,3% pour les voies antérieures (7). Nous n’avons rapporté aucune atteinte du nerf fémoro-cutané latéral de la cuisse alors qu’elle est décrite comme une complication fréquente de la voie antérieure (16).

La durée de l’intervention est plus longue que dans les autres voies avec une moyenne de 81 mn ± 06 mn contre 60,5 mn ± 12,4 pour la voie postérieure rapporté par Barett et al., (6). Contrairement à d’autres études ne démontrant pas de différence significative avec d’autres voies d’abord, après une phase d’adaptation à la voie antérieure (17,18).

Cependant le temps d’installation est raccourci par rapport à l’utilisation d’une table de traction. Tout en améliorant le confort du patient durant l’intervention par rapport au décubitus latéral. Kierszbaum et al., ont montré que l’installation en décubitus dorsal sur table ordinaire permettait un gain de temps et de coût par rapport à l’utilisation d’une table spécifique (19).

Les pertes sanguines post-opératoires 326 ml ± 54,5 en moyenne ne sont pas plus importantes que celles décrites dans la voie postérieure ou antéro-latérale, certaines études retrouvent des pertes sanguines plus importantes pour la voie antérieure (17,20), alors que d’autres ne retrouvent pas de différences significatives (21,22). Dans une méta-analyse publiée par Meermans et al., il a été conclu qu’aucune étude n’a pu montrer la supériorité d’une voie par apport à une autre en terme de perte sanguine (23).

Plusieurs techniques ont été décrites pour juger de l’inégalité de longueur des membres inférieures en per-opératoire lorsque le patient est installé en décubitus latéral, Rich et al., ont comparé trois techniques et ils ont trouvé que la meilleure méthode était la tension musculaire et le Shuck test, tout en sachant que le relâchement musculaire des patients ainsi que l’adduction peuvent fausser ces méthodes ; une adduction de 10° modifie la longueur d’un membre de 17 mm (24). Dans notre série par voie antérieure sur table ordinaire l’inégalité de longueur des membres inférieurs ne dépassait pas 5,8 mm [01-12 mm] en moyenne, le décubitus dorsal et le champage des deux membres inférieurs permettant un contrôle avec les épines iliaques et les chevilles, cette diminution de l’inégalité de longueur des membres inférieures est retrouvée dans plusieurs études (18,24,25).

L’amélioration fonctionnelle est plus rapide avec un HHS moyen à 03 semaines à 87,1 ± 3,3 et un score de PMA qui passe de passable 10 ± 2 à Bon ; 15 ± 1 dans la même période. D’autres études rapportent des résultats comparables avec une amélioration fonctionnelle plus rapide en post-opératoire immédiat et une diminution significative de la douleur (6,23,25–27). Den Hartog et al., (28), par une revue systématique de 64 études contrôlées randomisées ont retrouvé un gain significatif de l’HHS à la sixième semaine en faveur de la voie antérieure en comparaison aux autres voies d’abord.

Berndt et al., (8), retrouvent un taux de révision plus important chez les 20 premiers patients opérés par voie antérieure, certes une courbe d’apprentissage est nécessaire essentiellement pour le positionnement de la pièce acétabulaire car le passage de la voie postérieure ou antéro-latérale à la voie antérieure nécessite un certain temps d’adaptation ; ainsi que pour l’exposition fémorale qui reste le temps le plus délicat et le plus long à maitriser pour cette voie (11). Cependant cette courbe d’apprentissage reste comparable à celle des autres voies d’abord (8).

Notre étude présente quelques limites dont le faible nombre de cas inclus ainsi qu’un recul insuffisant pour permettre d’évaluer les bénéfices à long terme de la voie antérieure. Ultérieurement des études comparatives randomisées et contrôlées sont souhaitables pour consolider nos résultats.

 

Conclusion

Notre étude a permis de montrer que l’arthroplastie totale de hanche par voie antérieure nécessite une certaine courbe d’apprentissage. Cependant elle donne des résultats satisfaisants avec peu de complications, un contrôle de la longueur des membres inférieurs plus précis et une récupération fonctionnelle plus rapide.

 

 

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec cet article.

 

 


 

Références

 

  • Quagliarella L, Sasanelli N, Monaco V, Belgiovine G, Spinarelli A, Notarnicola A, et al. Relevance of orthostatic post-urography for clinical evaluation of hip and knee joint arthroplasty patients. Gait & Posture. mai 2011;34(1):49‑
  • Learmonth ID, Young C, Rorabeck C. The operation of the century: total hip replacement. The Lancet. oct 2007;370(9597):1508‑
  • Haubruck P, Heller RA, Tanner MC. Fractures du col du fémur : données actuelles, controverses et nouveaux défis. Revue de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique. juin 2020;106(4):335‑
  • Rachbauer F, Kain MSH, Leunig M. The History of the Anterior Approach to the Hip. Orthopedic Clinics of North America. juill 2009;40(3):311‑
  • Matta JM, Shahrdar C, Ferguson T. Single-incision Anterior Approach for Total Hip Arthroplasty on an Orthopaedic Table: Clinical Orthopaedics and Related Research. déc 2005;441(NA;):115‑
  • Barrett WP, Turner SE, Leopold JP. Prospective Randomized Study of Direct Anterior vs Postero-Lateral Approach for Total Hip Arthroplasty. The Journal of Arthroplasty. oct 2013;28(9):1634‑
  • Charissoux J-L. Traitement chirurgical de l’instabilité des prothèses totales de hanches. In: Conférences D’enseignement 2013 [Internet]. Elsevier; 2013 [cité 21 juin 2020]. p. 29‑ Disponible sur: undefined
  • Berndt K, Rahm S, Dora C, Zingg PO. Total hip arthroplasty with accolade/trident through the direct minimally invasive anterior approach without traction table: Learning curve and results after a minimum of 5 years. Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research. sept 2019;105(5):931‑
  • Kong X, Grau L, Ong A, Yang C, Chai W. Adopting the direct anterior approach: experience and learning curve in a Chinese patient population. J Orthop Surg Res. déc 2019;14(1):218.
  • Kobayashi H, Homma Y, Baba T, Ochi H, Matsumoto M, Yuasa T, et al. Surgeons changing the approach for total hip arthroplasty from posterior to direct anterior with fluoroscopy should consider potential excessive cup anteversion and flexion implantation of the stem in their early experience. International Orthopaedics (SICOT). sept 2016;40(9):1813‑
  • Jewett BA, Collis DK. High Complication Rate With Anterior Total Hip Arthroplasties on a Fracture Table. Clin Orthop Relat Res. févr 2011;469(2):503‑
  • Müller DA, Zingg PO, Dora C. Anterior Minimally Invasive Approach for Total Hip Replacement: Five-Year Survivorship and Learning Curve. HIP International. mai 2014;24(3):277‑
  • Light TR, Keggi KJ. Anterior Approach to Hip Arthroplasty: Clinical Orthopaedics and Related Research. oct 1980;NA;(152):255???260.
  • Harris WH. Traumatic arthritis of the hip after dislocation and acetabular fractures: treatment by mold arthroplasty. An end-result study using a new method of result evaluation. J Bone Joint Surg Am. juin 1969;51(4):737‑
  • Merle D’Aubigné R. [Numerical classification of the function of the hip. 1970]. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Mot. 1990;76(6):371‑
  • Goulding K, Beaulé PE, Kim PR, Fazekas A. Incidence of Lateral Femoral Cutaneous Nerve Neuropraxia After Anterior Approach Hip Arthroplasty. Clin Orthop Relat Res. sept 2010;468(9):2397‑
  • Berend KR, Lombardi AV, Seng BE, Adams JB. Enhanced Early Outcomes with the Anterior Supine Intermuscular Approach in Primary Total Hip Arthroplasty: The Journal of Bone and Joint Surgery-American Volume. nov 2009;91(Suppl 6):107‑
  • Poehling-Monaghan KL, Kamath AF, Taunton MJ, Pagnano MW. Direct Anterior versus Miniposterior THA With the Same Advanced Perioperative Protocols: Surprising Early Clinical Results. Clin Orthop Relat Res. févr 2015;473(2):623‑
  • Kierszbaum E. Anterior approach without traction table: A means of saving time and money in hemiarthroplasty for femoral neck fracture? A case-matched study with and without traction table. 2020;6.
  • Nakata K, Nishikawa M, Yamamoto K, Hirota S, Yoshikawa H. A Clinical Comparative Study of the Direct Anterior With Mini-Posterior Approach. The Journal of Arthroplasty. août 2009;24(5):698‑
  • Martin CT, Pugely AJ, Gao Y, Clark CR. A Comparison of Hospital Length of Stay and Short-term Morbidity Between the Anterior and the Posterior Approaches to Total Hip Arthroplasty. The Journal of Arthroplasty. mai 2013;28(5):849‑
  • Bergin PF, Doppelt JD, Kephart CJ, Benke MT, Graeter JH, Holmes AS, et al. Comparison of Minimally Invasive Direct Anterior Versus Posterior Total Hip Arthroplasty Based on Inflammation and Muscle Damage Markers: The Journal of Bone and Joint Surgery-American Volume. août 2011;93(15):1392‑
  • Meermans G, Konan S, Das R, Volpin A, Haddad FS. The direct anterior approach in total hip arthroplasty: a systematic review of the literature. The Bone & Joint Journal. juin 2017;99-B(6):732‑
  • Lecoanet P, Vargas M, Pallaro J, Thelen T, Ribes C, Fabre T. Leg length discrepancy after total hip arthroplasty: Can leg length be satisfactorily controlled via anterior approach without a traction table? Evaluation in 56 patients with EOS 3D. Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research. déc 2018;104(8):1143‑
  • Godoy-Monzon D, Buttaro M, Comba F, Piccaluga F, Cid-Casteulani A, Ordas A. Comparative study of radiological and functional outcomes following a direct anterior approach versus to a posterolateral approach to the hip. Revista Española de Cirugía Ortopédica y Traumatología (English Edition). sept 2019;63(5):370‑
  • Jia F, Guo B, Xu F, Hou Y, Tang X, Huang L. A comparison of clinical, radiographic and surgical outcomes of total hip arthroplasty between direct anterior and posterior approaches: a systematic review and meta-analysis. HIP International. 1 nov 2019;29(6):584‑
  • Bon G, Kacem EB, Lepretre PM, Weissland T, Mertl P, Dehl M, et al. La voie antérieure pour arthroplastie totale de hanche permet-elle une récupération plus rapide de la marche ? Étude accélérométrique prospective randomisée. Revue de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique. mai 2019;105(3):304‑
  • Den Hartog YM, Mathijssen NMC, Vehmeijer SBW. The Less Invasive Anterior Approach for Total HIP Arthroplasty: A Comparison to other Approaches and an Evaluation of the Learning Curve – A Systematic Review. HIP International. 23 mars 2016;26(2):105‑

 

 

Tableaux :

 

Tableau 1 : Données démographiques.

 

Moyenne [IC95%]**

 

Effectif (%)

Age

59,7 ans [30-80]

   

Sexe

 

Homme

Femme

25(83,3%)

05(16,7%)

Coté

 

Droit

Gauche

13(43,3%)

17(56,7%)

IMC*

24,6Kg/m2[19-30]

   

Etiologie

 

Coxarthrose primitive

Ostéonécrose

Coxite Rhumatismale

Post Traumatique

Fracture du col fémoral

15(50%)

7(23,3%)

1(3,3%)

2(6,7%)

5(16,7%)

Charnley

 

A

B

C

22(73,3%)

8(26,7%)

0(0%)

PMA préop

10[6-13]

   

HHS préop

34,7[24,8-47,5]

   

*Indice de masse corporelle

** Intervalle de confiance à 95%

 

Tableau 2 : Résultats postopératoire.

 

Moyenne [IC95%]**

 

Effectif(%)

Temps Opératoire

80,9mm [73-94]

   

Saignement postopératoire

326ml [250-450]

   

Type d’arthroplastie

 

Cimentée

Non Cimentée

Hybride

Hybride Inversée

3(10%)

25(83,3%)

2(6,7%)

0(0%)

Durée de séjour

3,8jours [03-05]

   

ILMI*

5,8mm [1-12]

   

PMA à 06 mois

17,6 [16-18]

   

HHS à 06 mois

99,3 [97,6-100]

   

*Inégalité de longueur des membres inférieurs

** Intervalle de confiance à 95%

 

Figures :

Figure 1 : Coxarthrose gauche.

Figure 2 : Installation sur table ordinaire.

ADA1

Figure 3 : Contrôle peropératoire de la longueur des membres inférieurs.

ADA2

Figure 4 : Prothèse totale de hanche Non cimentée.

ADA3

Figure 5 : Résultats fonctionnels postopératoires.

ADA4

 

 

  Télécharger le PDF de cet article

Adaptation à bas coût de la thérapie par pression négative Pour la cicatrisation des plaies aiguës et chroniques.

La thérapie par pression négative (TPN) permet la constitution rapide d’un tissu de granulation sain, bourgeonnant, qui fera le lit de la cicatrisation dirigée ou de la couverture secondaire par greffe de peau ou par lambeau. Malheureusement,

 

N. Sifi, Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique, EPH Béni Abbès, Béchar

 Date de soumission : 17 Novembre 2020

Résumé : La thérapie par pression négative (TPN) permet la constitution rapide d’un tissu de granulation sain, bourgeonnant, qui fera le lit de la cicatrisation dirigée ou de la couverture secondaire par greffe de peau ou par lambeau. Malheureusement, le coût exorbitant pour nos structures sanitaires à ressources réduites des dispositifs VAC (vaccum assisted closure) mis sur le marché et leur indisponibilité nous ont orientés vers le choix d’une solution à bas coût qui consiste en l’utilisation de l’aspiration murale et de consommables immédiatement disponibles dans tous les services de chirurgie. Nous présentons ici la technique utilisée dans notre service et ses résultats à travers un échantillon de 3 cas regroupant une lésion aiguë et deux autres chroniques, et où la TPN nous a permis d’assurer un véritable protocole de soin jusqu’à cicatrisation en réduisant les coûts du traitement, le nombre de pansements et la durée d’hospitalisation.

Mots-clés : Plaie aiguë, plaie chronique, thérapie par pression négative, TPN.

 

Abstract: Negative pressure therapy (NPT) allows for the rapid build-up of healthy, budding granulation tissue that will provide the bed for directed wound healing or secondary coverage with skin grafts or flaps. Unfortunately, the exorbitant cost for our health facilities with reduced resources of VAC (vaccum assisted closure) marketed devices and their unavailability have led us to choose a low-cost solution which consists of the use of suction wall mount and consumables immediately available in all surgical departments. We present here the technique used in our service and its results through a sample of 3 cases combining an acute lesion and two other chronic ones, and where the NPT allowed us to ensure a real treatment protocol until healing by reducing the treatment costs, number of dressings and length of hospital stay.

Key words: Acute wound, chronic wound, negative pressure therapy, NPT.

 

 

Introduction 

C’est en 1989 que Chariker et Jeter [1] ont publié une méthode de pansement à pression négative reliant l’aspiration murale via un drain à des compresses de gaze humides que venait recouvrir un film adhésif. Ils obtenaient ainsi un tissu de granulation fin et dense. Fleischman et al., [2], en 1993, ont appliqué à leur tour avec succès cette nouvelle thérapie dite par pression négative (TPN) chez 15 patients présentant des fractures ouvertes mais en posant cette fois-ci un pansement en mousse pendant une période prolongée dans le but de favoriser la granulation et la cicatrisation. C’est finalement Morykwas et Argenta [3,4], qui vont vulgariser la technique en développant en 1997, un système comprenant une éponge en polyuréthane à cellules ouvertes et distribuant une pression négative par intermittence ou en continu à travers un moniteur d’aspiration. Le tissu de granulation obtenu par cette nouvelle approche était plus épais et plus aéré mais les coûts financiers de l’acquisition de ce dispositif et de son exploitation étaient plus élevés, le rendant non-accessible aux pays à bas revenu [5].

Exerçant dans une structure hospitalière avec peu de moyens et ne pouvant acquérir l’un des dispositifs commercialisés (7500 $ pour l’unité d’aspiration et 75 $ pour chaque changement de pansement [6]), nous avons opté pour une solution à bas coût, mais tout aussi efficace qui emploie à la fois l’aspiration murale, comme décrite dans la technique originelle, mais avec l’utilisation d’une mousse dont les propriétés se rapprochent de celles en polyuréthane ou en polyvinyle alcool utilisées dans les dispositifs plus modernes. Cette adaptation nous a permis de mettre en place un véritable protocole de soins pour les plaies, y compris complexes, en accompagnant par la TPN tout le processus de cicatrisation jusqu’à épidermisation.

 

Matériel et méthode 

Le premier cas est celui d’un jeune homme de 22 ans ayant été traité chez un rebouteux à la suite d’un écrasement de sa cheville droite pour lequel il a bénéficié de la mise en place d’un appareillage d’immobilisation traditionnel trop serré dont l’évolution s’est faite rapidement vers la constitution d’une volumineuse collection purulente de la face interne de sa cheville droite fusant vers le haut et en antérieur avec plage de nécrose cutanée, décollement sous cutané et signes inflammatoires importants (Fig. 3, A et B).

Le second cas est celui d’une femme de 58 ans, diabétique insulino-dépendante, qui présentait une ulcération de la face dorsale de son pied droit avec perte de substance et infiltration purulente vers la partie supéro-interne et vers le 2ème orteil (Fig. 4, A).

Le troisième cas concerne une patiente de 27 ans, paraplégique, admise à notre niveau pour la prise en charge d’une escarre sacrée au stade 4 constituant une ulcération profonde avec atteinte musculaire et osseuse et multiples plages de nécrose (Fig.5, A).

Tous les patients ont bénéficié dans un premier temps d’une mise à plat avec débridement chirurgical, détersion, excision des tissus dévitalisés ou nécrosés, élimination de la fibrine, lavage abondant au sérum physiologique et d’une antibiothérapie adaptée aux résultats des examens bactériologiques réalisés sur les prélèvements. Afin d’utiliser cette technique à bas coût nous avons remplacé la mousse en polyuréthane par celle des brosses de lavage chirurgical, la tubulure et son port d’aspiration par une sonde nasogastrique ou une sonde d’aspiration bronchique N°14, 16 ou 18, l’hydrocolloïde pour la protection des berges de la plaie par du tulle gras, le film adhésif assurant l’étanchéité par un champ à inciser, et l’unité de thérapie par l’aspiration murale et le bocal de recueil des exsudats (Fig. 1).

Il est préférable de commencer l’installation par la protection de la peau péri-lésionnelle en y plaçant des bandes de tulle gras. On découpe ensuite la mousse de manière à ce qu’elle corresponde en taille et en profondeur à la plaie (Fig. 2, A) ; puis on réalise à l’aide d’une pince droite un tunnel en son sein (Fig. 2, B) ; suffisamment large pour permettre l’introduction de la sonde (Fig. 2, C).

Nous protégeons les structures nobles (ici les tendons extenseurs) par du tulle gras (Fig. 2, D) ; puis plaçons délicatement la mousse dans la plaie sans recouvrir la peau intacte mais tout en dépassant la surface de la plaie d’environ 1 cm (Fig. 2 E) ; ensuite on procède à l’application soigneuse du champ à inciser de manière à recouvrir le pansement en mousse tout en respectant une bordure supplémentaire de façon à être complètement hermétique (Fig. 2, F).

Il ne reste plus alors qu’à connecter l’extrémité de la sonde au système d’aspiration murale via le bocal d’aspiration où seront recueillies les sérosités. On entame la thérapie en réglant le manomètre du vide à une pression négative de -125 mmHg (Fig. 1, 5), délivrée en continu. Nous avons autorisé au maximum 1 h d’interruption de l’aspiration par jour de manière à permettre la déambulation, la toilette et l’accomplissement des besoins. Les changements de pansement sont réalisés toutes les 72 h. Les plaies ont été soigneusement nettoyées au sérum physiologique lors de chaque changement de pansement, et une détersion mécanique à la curette a été réalisée lors des premiers pansements afin de minimiser la charge bactérienne en déstructurant le biofilm. Nos patients ont bénéficié de cette thérapie pendant 3 semaines, ce qui représente 5 changements de pansement en tout.

 

Résultats

Les plaies ont considérablement et rapidement diminué de taille avec l’installation d’un tissu de granulation bourgeonnant apparu dès le 1er changement de pansement, propre, rouge vif, bien vascularisé, saignant au contact, aéré, sans fibrine ni exsudats. Ce tissu de granulation nous a permis d’aller dans de bonnes conditions vers la cicatrisation dirigée pour le premier cas (Fig.3, F) ; et vers des gestes de couverture secondaire qui sont une greffe de peau pour l’ulcération du pied diabétique (Fig. 4, E) ; et un lambeau du grand fessier pour l’escarre sacrée (Fig.5, E).Il est à noter que pour la plaie du pied diabétique la TPN a permis aux tendons extenseurs des orteils mis à nu de conserver leur aspect physiologique, leur hydratation, leur couleur blanche et n’ont pas été sujets à l’assèchement ou à la nécrose. La patiente ayant bénéficié de la greffe de peau a également été mise sous TPN en post-opératoire immédiat pendant 5 jours, ce qui a favorisé une cicatrisation plus rapide. Aucune douleur n’a été signalée durant les heures de thérapie ni au moment des changements de pansement où l’application d’un peu de sérum physiologique a suffi à réaliser le retrait sans difficultés. Le seul inconvénient notable de cette adaptation à bas coût de la TPN était la limitation des déplacements des patients du fait de la connexion du dispositif à l’aspiration murale.

 

Discussion 

Par une action mécanique liée à l’application d’une pression sub-atmosphérique contrôlée sur le lit de la plaie, associée à un drainage et à un maintien en milieu humide la TPN permet l’élimination des exsudats, minimise le risque d’infection, régule la réaction inflammatoire et favorise le bourgeonnement d’un tissu de granulation de qualité.  Elle dynamise le processus physiologique de la cicatrisation jusqu’à l’obtention d’un tissu de granulation permettant d’aller vers la cicatrisation dirigée ou la réalisation d’un geste chirurgical secondaire de couverture. Elle réduit ainsi le nombre de changements de pansement, le coût des soins, la durée d’hospitalisation et installe le patient dans un confort à la fois physique et psychologique pour mener à bien le parcours de cicatrisation. Ses indications concernent toutes les pertes de substances, les plaies creuses aigues [7] (post-traumatiques, post-interventionnelles, avec ou sans infection) ; et chroniques (ulcère de jambe [8], plaie du pied diabétique [9], escarre stade 3 ou 4 [10]), les plaies exsudatives, les brûlures de 2e degré [11], en pré- et en post-greffe cutanée [12,13]. Ses contre-indications sont essentiellement représentées par les plaies tumorales, les plages de nécrose avant leur débridement, l’ostéomyélite non traitée, la fistule non explorée, les vaisseaux sanguins exposés, le pyoderma gangrenosum, le patient non collaborant ou agité, celui avec des problèmes d’hémostase ou sous traitement anticoagulant. La TPN préserve un milieu humide et tiède favorable à la granulation, assure une protection efficace de l’os et des tendons, prévient les infections croisées en assurant une séparation hermétique du milieu extérieur, draine les sérosités et les empêche de stagner réalisant ainsi une réduction de la charge bactérienne [14]. Elle mobilise également le liquide interstitiel et réduit l’œdème tissulaire améliorant le flux sanguin [15].

Au niveau cellulaire, les microdéformations par élongation induites par la pression négative entrainent un changement dans la concentration ionique et la perméabilité de la membrane cellulaire [16], stimulent l’activité métabolique (notamment celle des facteurs de croissance cellulaire et de défense immunitaire), induisent l’augmentation des mitoses, la migration des fibroblastes ainsi que la formation d’une matrice extracellulaire en expansion [17,18].

La pression négative entraine également la contraction des berges de la plaie (macro-déformations) et la stimulation mécanique de son sous-sol. Chez nos patients, la TPN nous a permis d’obtenir un tissu de granulation dès le 1er pansement, réalisé à J4, ce qui est un délai très court compte tenu de la nature des lésions et de leur caractère septique. Samant et al., [19], dans une étude comparative de 100 patients ont utilisé le même dispositif que nous avons employé avec mousse, sonde nasogastrique et appareil d’aspiration murale. Ils concluent que le TPN montre une meilleure cicatrisation par rapport à la prise en charge conventionnelle avec cet avantage d’être reproductible et à moindre coût. Dans une revue systématique de la littérature et une méta-analyse publiées en 2019, Kim et al., [20], ont observé dans la prise en charge des fractures ouvertes du tibia un taux inférieur d’infection des tissus mous, de pseudarthrose, de nécrose de lambeau et de révision de lambeau dans le groupe TPN par rapport au groupe pansement conventionnel. La TPN doit être considérée comme une technique temporaire destinée à réduire le temps de cicatrisation et à amener la plaie dans les meilleures conditions vers un geste de couverture secondaire par greffe de peau ou par lambeau ou vers la cicatrisation dirigée. Ainsi chez notre patiente diabétique présentant une ulcération de la face dorsale de son pied avec mise à nu des tendons extenseurs, la TPN nous a permis de recouvrir ces tendons par du tissu de granulation sain constituant un sous-sol favorable à l’accueil de notre greffe de peau (Fig.4, D et E). Elle a également été utilisée en post-greffe immédiat en réglant le manomètre du vide à -75 mmHg, en aspiration continue, afin de stabiliser le greffon, éviter les mouvements de cisaillement et sécuriser sa prise [12]. Les bénéfices cliniques de la TPN dans la prise en charge des complications du pied diabétique, notamment des plaies après amputation ont été clairement établis dans l’étude d’Armstrong et al., [21], avec un bourgeonnement et une cicatrisation plus rapides.

 

Conclusion

La TPN à bas coût constitue une solution fiable, reproductible, sûre, économique et une alternative à l’achat d’équipements et de consommables onéreux, en particulier pour les structures sanitaires des pays à faibles ressources. L’emploi de cette adaptation dont la pression négative est produite par le vide mural permet efficacement la prise en charge des plaies aiguës et chroniques, y compris complexes, en « produisant » rapidement un tissu de granulation de bonne qualité permettant secondairement d’opter dans les meilleures conditions pour la cicatrisation dirigée ou les gestes de couvertures (greffe de peau ou lambeaux), et ceci en réduisant les coûts du traitement, le nombre de pansements et la durée d’hospitalisation.

 

 

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec cet article.

 

 


 

Références 

 

  • Chariker ME, Jeter KF, Tintle TE, Bottsford JE (1989) Effective management of incisional and cutaneous fistula with closed suction wound drainage. Contemp Surg 34: 59–63
  • Fleischmann W, Strecker W, Bombelli M KL. Vacuum sealing as treatment of soft tissue damage in open fractures. Unfallchirurg. 1993;96(9):488–492.
  • Morykwas MJ, Argenta LC, Shelton-Brown EI, McGuirt W. Vacuum-assisted closure: a new method for wound control and treatment: animal studies and basic foundation. Ann Plast Surg. 1997 Jun;38(6):553-62.
  • Argenta LC, Morykwas MJ. Vacuum-assisted closure: a new method for wound control and treatment: clinical experience. Ann Plast Surg. 1997 Jun;38(6):563-76; discussion 577.
  • Singh M, Singh R, Singh S, Pandey V, DS. Vacuum assisted closure in wound management-Poor man’s VAC©. Internet J Plast Surg. 2009;6(1).
  • Gill NA, Hameed A, Sajjad Y, Ahmad Z, Mirza R, MA. “Homemade” negative pressure wound therapy: treatment of complex wounds under challenging conditions. Wounds. 2011;23(4):84-92.
  • Krug E, Berg L, Lee C, Hudson D, Birke-Sorensen H, Depoorter M, et al. Evidence-based recommendations for the use of negative pressure wound therapy in traumatic wounds and reconstructive surgery: steps towards an international consensus. Injury 2011;42:S1–12.
  • Vuerstaek JD, Vainas T, Wuite J, Nelemans P, Neumann MH, Veraart JC. State-of-the-art treatment of chronic leg ulcers: A randomized controlled trial comparing vacuum-assisted closure (V.A.C.) with modern wound dressings. J Vasc Surg. 2006 Nov;44(5):1029-37; discussion 1038.
  • Blume PA, Walters J, Payne W, Ayala J, Lantis J. Comparison of negative pressure wound therapy using vacuum-assisted closure with advanced moist wound therapy in the treatment of diabetic foot ulcers: a multicenter randomized controlled trial. Diabetes Care 2008;31:631—6.
  • Whitney J, Phillips L, Aslam R, Barbul A, Gottrup F, Gould L, Robson MC, Rodeheaver G, Thomas D, Stotts N. Guidelines for the treatment of pressure ulcers. Wound Repair Regen. 2006 Nov-Dec;14(6):663-79.
  • Kantak NA, Mistry R, Varon DE, Halvorson EG. Negative Pressure Wound Therapy for Burns. Clinics in Plastic Surgery. 2017 Jul;44(3):671-677
  • Hanasono MM, Skoracki R. Securing skin grafts to microvascular free flaps using the vacuum-assisted closure (VAC) device. Ann Plast Surg 2007;58:573–6.
  • Blackburn JH 2nd, Boemi L, Hall WW, Jeffords K, Hauck RM, Banducci DR, Graham WP 3rd. Negative-pressure dressings as a bolster for skin grafts. Ann Plast Surg. 1998 May;40(5):453-7.
  • Mouës CM, Vos MC, van den Bemd GJ, Stijnen T, Hovius SE. Bacterial load in relation to vacuum-assisted closure wound therapy: a prospective randomized trial. Wound Repair Regen. 2004;12:11e17.
  • Hunter JE, Teot L, Horch R, Banwell PE. Evidence-based medicine: vacuum-assisted closure in wound care management. Int Wound J. 2007 Sep;4(3):256-69.
  • Venturi ML, Attinger CE, Mesbahi AN, Hess CL, Graw KS. Mechanisms and clinical applications of the vacuum-assisted closure (VAC) Device: a review. Am J Clin Dermatol. 2005;6:185.
  • Saxena V, Hwang CW, Huang S, Eichbaum Q, Ingber D, Orgill DP. Vacuum assisted closure: microdeformations of wounds and cell proliferation. Plast Reconstr Surg. 2004;114:1086e1098.
  • Greene AK, Puder M, Roy R, Arsenault D, Kwei S, Moses MA, Orgill DP. Micro-deformational wound therapy: effects on angiogenesis and matrix metalloproteinases in chronic wounds of 3 debilitated patients. Ann Plast Surg. 2006 Apr;56(4):418-22.
  • Samant SM, Sarang Bhakti. Vacuum assisted wound healing: can it prove to be cost- effective? Int Surg J. 2018 Apr;5(4):1358e1364.
  • Kim JH, Lee DH. Negative pressure wound therapy vs. conventional management in open tibia fractures: Systematic review and meta-analysis. Injury. 2019 Oct;50(10):1764-1772.
  • Armstrong DG, Lavery LA; Diabetic Foot Study Consortium. Negative pressure wound therapy after partial diabetic foot amputation: a multicentre, randomised controlled trial. Lancet. 2005 Nov 12;366(9498):1704-10.


Légendes des Figures 

 

Figure 1 : Éléments du dispositif de TPN « low-cost » : tulle gras en remplacement de l’hydrocolloïde (1),  sonde nasogastrique ou sonde d’aspiration bronchique N°14, 16 ou 18 en remplacement du port d’aspiration et de sa tubulure (2), mousse des brosses de lavage chirurgical en remplacement de la mousse en polyuréthane (3), champ à inciser en remplacement du film adhésif assurant l’étanchéité (4), et manomètre de l’aspiration murale  (5) connecté au bocal de recueil des exsudats, réglé à -125mmHg, en remplacement de l’unité de thérapie

 

ort1

 

Figure 2 : Découpage de la mousse selon la taille et la profondeur de la plaie (A). Réalisation à la pince d’un tunnel au sein de la mousse (B). Introduction de la sonde dans le tunnel (C). Protection des tendons par du tulle gras (D). Mise en place de la mousse dans la plaie (E). Application hermétique du champ à inciser (F).

 

ort2

 

Figure 3 : Collection purulente de la face interne de la cheville droite fusant vers le haut et en antérieur avec plage de nécrose cutanée, décollement sous cutané et signes inflammatoires (A,B). Aspect après débridement et pansements classiques montrant la présence importante de fibrine (C). Après un nouveau débridement mise en place du dispositif de TPN (D). Aspect bourgeonnant du tissu de granulation, sans fibrine (E) et résultat après cicatrisation dirigée (F).

 

ort3

 

 

Figure 4 : Ulcération de la face dorsale du pied droit avec perte de substance et infiltration purulente vers la partie supéro-interne et vers le 2e orteil (A). Aspect après débridement, tendons extenseurs mis à nu (B). Mise en place du dispositif de TPN (C). Aspect bourgeonnant, sans fibrine, recouvrant les tendons (D). Mise en place d’une greffe de peau (E). Cicatrisation (F)

 

 

ort4

?

Figure 5 : escarre sacrée de stade 4 constituant une ulcération profonde avec atteinte musculaire et osseuse et multiples plages de nécrose (A). Aspect après débridement (). Mise en place du dispositif de TPN réalisant un « pont de mousse » (C). Réduction de la taille de l’escarre et aspect bourgeonnant, sans fibrine (D). Mise en place d’un lambeau grand fessier (E). Aspect final après cicatrisation (F).

 

  Télécharger le PDF de cet article

Traitement chirurgical de la gonarthrose

La gonarthrose est frquente et souvent invalidante du fait du caractère portant de l’articulation [2].

 

B. Rafa, T. Hamdaoui,

Université de Blida, Service de Chirurgie Orthopédique « B ». CHU Djillali Bounaâma, Douéra, Alger.

 

Date de soumission : 26 Juin 2020

 

Résumé : La gonarthrose est fréquente et souvent invalidante du fait du caractère portant de l’articulation [2]. La lésion dégénérative du cartilage articulaire peut être complète entrainant une destruction de l’os sous-chondral et être responsable d’une déviation frontale douloureuse du membre inférieur avec distension progressive des ligaments et à long terme une dislocation du genou [1]. Sur le plan étiologique, la gonarthrose est dans la grande majorité des cas, secondaire à un trouble mécanique constitutionnel (genu varum, genu valgum) ou acquises (cal vicieux diaphysaire fémoral ou tibial, séquelle d’une fracture articulaire, ostéotomie tibiale). La gonarthrose sur genou axé est beaucoup plus rare (maladie du cartilage, chondrocalcinose) [2]. Le radiologie standard reste fondamentale et permet de classer l’arthrose en fonction de l’usure osseuse en 5 stades selon Ahlbäck et de poser une indication chirurgicale précise [5]. La prise en charge est multidisciplinaire impliquant médecin généraliste, rhumatologue, rééducateur, chirurgien orthopédiste, et parfois diététicien. Les objectifs thérapeutiques sont le traitement de la douleur, l’amélioration de la fonction, et la prévention de l’évolution du processus arthrosique [17]. Il faut savoir que la chirurgie n’est pas synonyme de prothèse totale bien qu’elle se soit imposée à travers le monde comme l’une des interventions les plus pratiquées et les plus fiables. Les ostéotomies surtout tibiales de valgisation ou de varisation ont pour but de corriger un défaut d’axe frontal pour diminuer les contraintes excessives sur un compartiment fémoro-tibial [2]. Elles donnent d’excellents résultats jusqu’à l’âge de 65 ans dans les 02 premiers stades de la classification d’Ahlbäck, et gardent une place prépondérante dans l’arsenal thérapeutique en Algérie [5,6]. Hélas, les malades sont vus tardivement dans notre pays avec des genoux très déformés. L’implantation de l’arthroplastie totale n’est pas facile et exige une analyse minutieuse de la laxité dans la convexité de la déformation qui conditionnent la balance ligamentaire en per-opératoire, nécessaire pour ré-axer le membre. L’axe mécanique prothétique et la stabilité de la prothèse assurent sa survie à long terme en garantissant une répartition homogène des contraintes sur le polyéthylène. Ces deux conditions ne sont pas toujours faciles à obtenir dans les grandes déviations axiales. Pour cela, lorsqu’une déformation extra-articulaire irréductible dépasse 10°, une ostéotomie de ré-axation préalable permet d’éviter les difficultés d’équilibrage ligamentaire et facilite ainsi la pose de la prothèse dans une enveloppe ligamentaire périphérique relativement intègre.

Mots clefs : ostéotomie, arthroplastie totale du genou.

 

Abstract: Gonarthrosis is frequent and often disabling due to the bearing nature of the joint. The degenerative lesion of the articular cartilage can be complete leading to destruction of the subchondral bone and be responsible of a painful frontal deviation of the lower limb with progressive ligament distention and in the long term dislocation of the knee: etiologically, gonarthrosis is in the vast majority of cases secondary to a mechanical constitutional disorder (genu varum, genu valgum) or acquired (vicious callus, diaphyseal femoral or tibial, sequelae of a joint fracture, tibial osteotomy). Gonarthrosis on the knee is much rarer (cartilage disease, chondrocalcinosis). Standard radiology remains fundamental and makes it possible to classify osteoarthritis according to bone wear in 5 stages according to Ahlbäck and to make a precise surgical indication. The care is multidisciplinary involving general practitioner, rheumatologist, rehabilitator, orthopaedic surgeon, and sometimes dietitian. The therapeutic objectives are pain treatment, function improvement, and the prevention of the arthritis process evolution. One should know that surgery is not synonymous of total prosthesis although it has established itself around the world as one of the most practiced and most reliable interventions. The purpose of osteotomies, especially tibial valgization or varization, is to correct an axis defect to reduce excessive stress on a femoro-tibial or femoro-patellar compartment. They give excellent results up to the age of 65 in the first 02 stages of Ahlbäck’s classification and keep a prominent place in the therapeutic arsenal in Algeria. Alas, the patients are seen late in Algeria with very deformed knees or the implantation of the total arthroplasty is not easy and requires a meticulous analysis of the laxity in the convexity of the deformation which conditions the ligament balance in operative necessary to re-orient the limb. The prosthetic mechanical axis and the stability of the prosthesis ensures its long-term survival by guaranteeing a homogeneous distribution of the stresses on the polyethylene. These 2 conditions are not always easy to obtain in large axial deviations. For this, when an irreducible extra-articular deformation exceeds 10°, a prior re-axis osteotomy avoids the difficulties of balancing and easily places the prosthesis in a relatively intact peripheral ligament envelope.

key words: osteotomy; total knee arthroplasty.

 

 

 

 

 

 

 


 

  • Introduction

La prise en charge de la gonarthrose est multidisciplinaire impliquant médecin généraliste, rhumatologue, rééducateur, chirurgien orthopédiste, et parfois diététicien. Les objectifs thérapeutiques sont le traitement de la douleur, l’amélioration de la fonction, et la prévention de l’évolution du processus arthrosique [17]. La chirurgie n’est pas synonyme de prothèse totale bien qu’elle se soit imposée à travers le monde comme l’une des interventions les plus pratiquées et les plus fiables.

Les ostéotomies surtout tibiales de valgisation ou de varisation ont pour but de corriger un défaut d’axe dans le plan frontal pour diminuer les contraintes excessives sur un compartiment fémoro-tibial arthrosique. Elles donnent d’excellents résultats jusqu’à l’âge de 65 ans dans les 02 premiers stades de la classification d’Ahlbäck, et gardent une place prépondérante dans l’arsenal thérapeutique en Algérie [2,5,6].

Pour l’arthroplastie totale, la ré-axation du membre et l’équilibrage ligamentaire permettent une transmission harmonieuse des charges sur les implants prothétiques en particulier sur le polyéthylène, ce qui garantit sa longévité. Pour cela, l’analyse pré-opératoire est indispensable afin de dépister les déformations extra-articulaires irréductibles, dépasse 10° (situation très fréquente en Algérie) qui impose une ostéotomie de ré-axation préalable. Celle-ci permet d’éviter les difficultés per-opératoires d’équilibrage ligamentaire, et facilite ainsi la pose de la prothèse dans une enveloppe ligamentaire périphérique relativement intègre [10,16].

  • Bilan radio clinique préopératoire. L’analyse préopératoire de la déformation est basée sur un examen clinique et un bilan radiographique complet. [6,10,14,19,21,25].
  • Bilan clinique. L’interrogatoire va préciser l’âge, le niveau d’activité du sujet, l’importance des douleurs et leur caractère mécanique ou inflammatoire, le périmètre de marche, l’utilisation de cannes, et la gêne à la montée et la descente les escaliers. Il va rechercher les antécédents du genou (traumatisme, infiltration, intervention chirurgicale, infection), et les antécédents généraux (infectieux, thromboemboliques ou neurologiques).

L’examen clinique en position debout et couché va apprécier l’axe global du membre inférieur dans les trois plans, l’état cutané, la présence de cicatrices d’intervention et leur siège, la mobilité active et passive du genou en flexion et extension avec recherche d’une éventuelle attitude vicieuse en flessum.

Il est très important d’apprécier par des manœuvres de varus-valgus la réductibilité de la déformation, et surtout l’importance de la laxité de la convexité, principal facteur de sévérité qui contre-indique une ostéotomie, et peut rendre difficile la chirurgie prothétique du genou.

  • Bilan radiologique. Il est basé essentiellement sur la radiologie standard. La tomodensitométrie, rarement indiquée, est utile pour analyser un cal vicieux rotatoire (post-fracturaire ou post-ostéotomie), pour quantifier les torsions osseuses fémorale et tibiale pouvant être à l’origine de mal rotation des pièces prothétiques source d’instabilité. Ce bilan doit comporter [8,15,19,20] :
  • Une radiographie du genou de face en charge, et l’incidence de «Schuss», pour apprécier l’usure osseuse et permettre de classer l’arthrose en 5 stades radiologiques selon Ahlbäck. [5,7,10,12,18].
  • Une radiographie du genou de profil, pour apprécier le siège de l’usure (antérieure, postérieure) et surtout de mesurer la profondeur de la cupule d’usure qui peut dépasser 10 mm dans les grandes déformations du genou et poser des difficultés de comblement par greffé osseuse ou par ciment (fig. 1). Elle permet également de mesurer l’indice de Caton et la pente tibiale.
  • L’indice de Caton, permet de repérer le niveau de l’interligne articulaire qu’il ne faut pas modifier lors de l’arthroplastie par l’utilisation d’un plateau épais en polyéthylène. Il est calculé par la distance (AT/AP. AT : distance pôle supérieur tibia et pole inférieur patella ; AP : longueur surface articulaire patella). Il est normalement égal à 1 (fig. 2). La rotule est basse s’il est inférieur à 0,6 et haute s’il est supérieur à 1,2. Une rotule basse signifie des difficultés per-opératoires d’éversion de l’appareil extenseur, nécessaire pour la pose de la prothèse, et doit faire craindre une avulsion du tendon rotulien qui peut retarder la rééducation et exposer à la raideur du genou [8,26].
  • La pente tibiale. C’est l’angle entre la tangente aux plateaux et l’axe mécanique du tibia (ou le bord postérieur du tibia). La pente normale est inférieure à 7° (fig. 3). Elle est augmentée en cas de flessum osseux (cals vicieux, ostéotomie), et inversée en cas de recurvatum Une modification de la pente tibiale peut exposer au risque d’instabilité sagittale de la prothèse [7,12,15 21].
  • Des incidences fémoro-patellaires à 30° et à 60°, permettent de rechercher une arthrose associée (usure de la facette externe, usure de la facette interne), et une subluxation ou luxation externe de la rotule. Celle-ci peut nécessiter une section de l’aileron externe en fin d’intervention pour le bon centrage de la rotule. A noter qu’ une rotule usée de faible épaisseur (10 mm) peut contre-indiquer le re-surfaçage [8,26].
  • Des clichés en varus et en valgus forcés, permettent d’étudier la perte de substance osseuse, l’état du compartiment opposé à la déviation, d’apprécier la réductibilité de la déformation dans la concavité (nulle, partielle), et surtout de rechercher une laxité de convexité élément fondamental pour l’indication chirurgicale (fig. 4 et 5). L’importance de la laxité de convexité est appréciée par la mesure de l’angle du bâillement (fig. 6).
  • Un pangonogramme ou une goniométrie en charge, genou en extension. Il permet de tracer les axes anatomiques et mécaniques et de mesurer les angles HKA, HKS, ATM et AFM. Les axes anatomiques du fémur et du tibia sont superposés aux axes diaphysaires. Les axes mécaniques sont tracés entre le centre de la tête fémorale et le centre de l’échancrure inter-condylienne pour le fémur et entre centre du massif des épines et le centre de mortaise tibio-astragalienne pour le tibia [7,8,10,26].

 

  • L’angle (HKA) est la ligne joignant le centre de la tête fémorale, le centre du genou et le centre la cheville. L’angle (HKA) normal est de 180° (genou normo-axé). On parle de varus si l’angle (HKA) est inférieur à 180°, et de valgus si l’angle (HKA) est supérieur à 180° (fig. 7).
  • L’angle (HKS) est formé par l’axe mécanique et l’axe anatomique du fémur. Il est compris entre (5°-7°). Il donne le valgus fémoral pour la coupe osseuse fémorale distale [7,10, 12]
  • L’angle fémoral mécanique (AFM) est formé par l’axe fémoral mécanique et la ligne bi-condylienne [7]. Sa valeur normale est de 92° ± 2° (fig. 8). On parle de valgus fémoral si l’AFM est supérieur à 94° et de varus fémoral s’il est inférieur à 90°.
  • L’angle tibial mécanique (ATM) est tracé entre l’axe mécanique du tibia et la tangente au plateau. Sa valeur normale est de 88°±2° (fig.9). On parle de varus tibial si l’ATM est inférieur à 86° et de valgus tibial s’il est supérieur à 90°. Le varus tibial constitutionnel est très fréquent et doit être pris en compte dans les grandes déformations irréductibles qui dépassent 10°. Il est déterminé par l’angle que forme la perpendiculaire au plateau sain et l’axe mécanique. S’il dépasse 10°, une ostéotomie tibiale correctrice préalable ou simultanée à la prothèse devient nécessaire afin d’éviter les problèmes per-opératoires d’équilibrage ligamentaire [7,9,10,21,25] (fig. 10).
  • Une radiographie du bassin de face, à la recherche d’une pathologie coxo-fémorale et d’une éventuelle prothèse totale de hanche qui peut gêner la pose de la prothèse totale du genou.
  • Des radiographies de face et profil strict du fémur et du tibia, peuvent compléter ce bilan à la recherche de courbures, de cal vicieux diaphysaires et de matériel d’ostéosynthèse pouvant gêner le repérage des axes. L’ablation peut être réalisée dans les 3 mois précédant la prothèse ou dans le même temps opératoire [8,9,10,26] (fig. 11). Au terme de ce bilan, malgré l’avènement des techniques chirurgicales assistées par ordinateur, une planification pré-opératoire sur calques est indispensable, aussi bien pour une ostéotomie que pour une arthroplastie totale, afin de mettre en évidence les difficultés techniques per-opératoires et de préparer le matériel adéquat [8,26].
  • Traitement chirurgical. Il comprend le traitement arthroscopique, les ostéotomies, la chirurgie fémoro-patellaire et la chirurgie prothétique du genou.
  • Le traitement arthroscopique. Il permet avec résultats transitoires, de faire un lavage articulaire, une ablation de corps étrangers et des perforations. Il est rarement utile dans les gonarthroses évoluéesPRIDIE KM A method of resurfacing osteoarthritic knee joint. J Bone Joint Surg 1959 ; 41 B (3)  : 618-619

    Cliquez ici pour aller à la section Références [4,17,19].

  • Les ostéotomies. Elles sont très pratiquées dans les gonarthroses latéralisées avec une faible morbidité et un taux de succès d’environ 85% à 10 ans. Elles ont pour but de corriger le défaut d’axe dans le plan frontal et de diminuer ainsi les contraintes excessives sur un compartiment fémoro-tibial. [18,27,28]. En effet, dans un genou normal, l’axe mécanique passe par le milieu des épines tibiales et les charges sont réparties de façon égale entre les deux compartiments. Dans les déviations frontales, l’axe mécanique traverse le compartiment externe (genu valgum) ou interne (genu varum), entrainant une surcharge de celui-ci et donc une usure du cartilage. En l’absence d’ostéotomie, la gonarthrose latéralisée va s’aggraver et s’étendre aux autres compartiments réalisant une gonarthrose globale [18,19]. La ré-axation du genou intéresse en général le tibia dans le genu varum et le fémur dans le genu valgum.
  • Les ostéotomies dans l’arthrose interne. Les ostéotomies tibiales de valgisation sont très largement pratiquées car le varus est 3 fois plus fréquent que le valgus. Il s’agit d’une intervention extra-articulaire de siège métaphysaire, permettant une meilleure consolidation (entre 2-3 mois) et une récupération rapide de la mobilité du genou grâce à une rééducation simple [17,18,19,28]. Elles peuvent être réalisées par fermeture externe avec résection d’un coin osseux externe, ou par ouverture interne avec addition d’un greffon iliaque ou des substituts osseux. L’ostéosynthèse doit être solide par plaque vissée permettre une rééducation précoce (fig. 12). Il est important que l’incision cutanée de l’ostéotomie tienne compte de la possibilité ultérieure d’une arthroplastie totale. Une distance de 4 cm entre 2 cicatrices est nécessaire pour diminuer le risque de nécrose cutanée [18,28]. Il faut également éviter une hypervalgisation qui peut créer un cal vicieux difficile à résoudre lors de l’implantation d’une prothèse totale [1,4, 5,18,19,23,28].
  • Les ostéotomies dans l’arthrose externe. Les indications d’ostéotomie de varisation en général fémorale, sont très rares car l’arthrose externe devient symptomatique plus tardivement et peut donc bénéficier d’arthroplastie totale [11,20]. Le genu valgum constitutionnel très fréquent est lié à une hypoplasie du condyle externe avec un interligne articulaire oblique par rapport à l’axe mécanique du fémur. Pour cela, l’ostéotomie de varisation fémorale doit aboutir à un interligne articulaire horizontal [19]. Il peut s’agir d’une ostéotomie de fermeture interne avec résection d’un coin osseux mais souvent d’une ostéotomie d’ouverture externe avec fixation solide par lame plaque (fig. 13). C’est une chirurgie difficile qui expose à de nombreuses complications (pseudarthrose, raideur du genou [19,20,24].
  • Chirurgie conservatrice de l’arthrose fémoro-patellaire. Elle peut faire appel à une ré-axation de l’appareil extenseur (section de l’aileron rotulien externe, suture de l’aileron interne, trochléoplastie et transposition interne de la TTA), et à un avancement de la TTA selon Maquet [20]. Elle est d’indication rare et très controversée, car elle n’assure pas un résultat durable sur la douleur. Il faut savoir qu’elle peut apporter des modifications à l’articulation fémoro-patellaire, responsables de problèmes de malposition des implants prothétiques et d’instabilité rotulienne sur prothèse [4,19,22].

 

  • La chirurgie prothétique du geno Elle peut être partielle ou totale.
  • L’arthroplastie uni comportementale. Elle a pour but de remplacer les surfaces articulaires fémorales et tibiales, internes ou externes. Elle est très peu pratiquée en Algérie car on lui préfère la prothèse tricompartimentale [ 19].
  • L’arthroplastie totale du genou. Le but de l’arthroplastie totale est d’obtenir une indolence, un membre inférieur axé avec un interligne horizontal, des ligaments latéraux de tension équilibrée permettant une bonne stabilité lors de la marche, une mobilité satisfaisante avec une flexion minimum de 100° et une rotule bien axée de hauteur normale [14,15]. Le principe de la prothèse totale est le remplacement des trois surfaces articulaires par une pièce fémorale métallique, une pièce tibiale en polyéthylène ou avec une embase métallique sur laquelle se fixe un plateau en polyéthylène et un médaillon rotulien en polyéthylène. Rappelons que le remplacement de la patella ne fait pas l’unanimité des auteurs à travers le monde.

Il existe plusieurs modèles de prothèses qui peuvent être cimentées ou non cimentées, mais le ciment reste le “gold standard” des chirurgiens. Il faut cependant distinguer les prothèses à glissement et les prothèses contraintes. Dans les prothèses à glissement les plus utilisées, la stabilité frontale est assurée par la capsule et les ligaments périphériques du genou [10,12]. Parmi ces prothèses on distingue les prothèses conservant le ligament croisé postérieur dites semi-contraintes, très peu posées, et les prothèses sacrifiant les 2 ligaments croisés appelées postéro-stabilisées, très largement utilisées.

Les prothèses postéro-stabilisées ont connu ces dernières décennies plusieurs améliorations concernant le plateau (fixe, rotatoire et ultra-congruent), et la résistance du polyéthylène (PE). Rappelons que le fonctionnement normal de la prothèse libère des débris de PE au sein de l’interface articulaire. Pour phagocyter ces débris, une réaction inflammatoire macrophagique est déclenchée et aboutira à une ostéolyse locale et à un descellement aseptique des implants à long terme [10,12,16] (fig. 14 et 15)

Dans les prothèses contraintes, la stabilité est confiée aux tiges qui s’appuient sur les diaphyses. Elles ne nécessitent pas l’intégrité des ligaments périphériques. Elles sont réservées aux reprises de prothèses et aux genoux très déformés hyperlaxes (fig. 16).

Sur le plan technique opératoire, la pose de la prothèse totale est facile sur un genou axé, en réalisant des coupes osseuses orthogonales par rapport à l’axe mécanique du tibia et du fémur pour obtenir un axe mécanique à (180° ± 3°). Les coupes osseuses créent un espace ou “gap”, permettant de loger la prothèse. Celle-ci doit être stable aussi bien dans le plan frontal que dans le plan sagittal, grâce au respect de l’intégrité des ligaments collatéraux (fig. 17).

Pour obtenir un espace prothétique identique en extension et en flexion, il faut agir sur les ligaments. C’est l’équilibrage ligamentaire. Il s’agit souvent d’une libération des ligaments rétractés et rarement une retente des ligaments distendus. Cette libération nécessite une dextérité et doit être menée “pas-à-pas” de façon prudente pour ne pas engendrer une instabilité (fig. 18).

Il faut savoir que l’alignement de l’axe mécanique et l’équilibrage ligamentaire permettent d’avoir une prothèse stable et axée, et autorisent une répartition homogène des pressions sur les composants prothétiques permettant une longévité du polyéthylène, et garantissant donc la survie de la prothèse à long terme [10,12,25].

L’équilibrage ligamentaire n’est pas toujours aisée lorsque la déformation extra-articulaire dépasse 10° (un tibia vara constitutionnel dans une grande déformation en varus par exemple). En effet, les coupes osseuses orthogonales entrainent une laxité de résection dans la convexité qui s’additionne à la laxité de convexité pré-opératoire. Ceci exige une libération ligamentaire extensive de la concavité. L’équilibrage ligamentaire ainsi obtenu est aléatoire et la prothèse risque d’être instable [10,19,21,27,30].

Il faut insister sur l’importance de l’analyse pré-opératoire afin d’éviter cette situation de difficulté d’équilibrage dans les gonarthroses complexes. Deux solutions sont alors possibles à savoir une ostéotomie de ré-axation préalable ou simultanée à la prothèse, ou exceptionnellement à une prothèse contrainte économiquement plus chère [10,12,21,27].

Malheureusement, ces grandes déformations du genou sont fréquentes en Algérie (1/3 des prothèses totales), du fait de la prédominance du morphotype en genu varum comme dans tout le pourtour méditerranéen mais surtout en raison du retard de la prise en charge (nos malades sont vus très tardivement). Dans ces cas, l’arthroplastie totale est difficile avec une fréquence élevée de complications (instabilité, infection, usure du polyéthylène et descellement précoce). Il va de soi qu’une chirurgie précoce doit être proposée à nos patients afin de diminuer l’incidence de ces grandes déviations en Algérie.

Dans les suites post opératoires, la rééducation active et passive est indispensable pour récupérer la mobilité du genou avec contrôle de la douleur par un bloc anesthésique. La marche avec appui est autorisée au 3e jour sous couvert de deux cannes-béquilles et d’une attelle en extension à visée antalgique de 8 à 10 jours.

Pour l’activité sportive, la marche en terrain plat est autorisée dès que possible, de même que la natation. Les activités à haut risque et à fort impact sont évitées afin de limiter le risque d’usure accélérée du polyéthylène et les fractures sur prothèses.

Les résultats fonctionnels de l’arthroplastie totale sur la douleur, la mobilité et la marche sont excellents dans 95% des cas, et avec un taux de survie d’environ 95% à 10 ans et 90% à 15 ans. Les résultats fonctionnels insuffisants (10%) peuvent être dus à des complications ou à des douleurs persistantes inexpliquées. En effet, comme toute chirurgie les complications peuvent être générales en particulier la maladie thromboembolique, dont la prévention est systématique par un lever précoce et une anticoagulation préventive

Parmi les complications inhérentes à l’arthroplastie, il faut citer : [10,16]

  • Les complications cutanées, (désunion par un hématome, nécrose cutanée) pouvant exposer à l’infection.
  • L’infection sur prothèse. Elle est rare (1 à 2% et jusqu’à 4,4% pour les PR) mais redoutable. Son diagnostic peut être difficile en cas chronicité et repose sur un faisceau d’arguments biologique, bactériologique, radiologique et scintigraphique. Le traitement est long et difficile. Il fait appel à l’ablation de prothèse, aux prélèvements bactériologiques profonds pour une antibiothérapie adaptée et à la mise en place d’un espaceur en ciment. La réimplantation se fait après assèchement clinique et biologique de l’infection, souvent dans un délai de 3 à 6 mois.
  • La raideur sur prothèse. Elle s’accompagne souvent d’un syndrome douloureux qu’il faut explorer afin d’écarter un processus infectieux larvé. Sa fréquence est de 1 à 12%. La mobilisation sous anesthésie avant le 3e mois permet souvent de récupérer une mobilité fonctionnelle. L’arthrolyse sous arthroscopie ou à ciel ouvert peut être discutée au-delà du 6e
  • Le descellement aseptique. C’est une complication lointaine dont le diagnostic est fait sur des radiographies simples : apparition d’un liseré radiologique péri-prothétique évolutif de 2 mm, déplacement des implants et fracture du ciment. Le changement de prothèse doit être envisagé une fois le diagnostic posé pour préserver le capital osseux. Il faut garder à l’esprit que la reprise de prothèse est une intervention difficile avec un le taux de complications et d’échecs plus important que dans la prothèse de première intention [10,16].
  • Indications du traitement chirurgical. L’indication est choisie en fonction de l’âge du sujet, du retentissement fonctionnel, du type d’arthrose et du stade lésionnel selon la classification d’Ahlback. Le patient doit recevoir une information “claire, complète et loyale” sur les avantages, les inconvénients et les complications “bénéfice-risque” [4,5,17,19,23,28].

 

  • Indications des ostéotomies
  • L’ostéotomie tibiale de valgisation dans l’arthrose interne est indiquée pour un malade jeune moins de 60 ans, une arthrose de stade I et II d’Ahlback, un varus constitutionnel sans laxité frontale, un compartiment externe sain et une fémoro-patellaire centrée peu ou pas symptomatique [17,19,23,28].
  • L’ostéotomie fémorale de varisation, dans l’arthrose externe est une indication très rare. Elle peut être proposée, représentées pour une arthrose stade I et II, une laxité interne modérée, un sujet de moins de 70 ans (après 70 ans, c’est la chirurgie prothétique), et une mobilité du genou conservée [4,5,17,19].
  • Indications des prothèses partielles. Elles entrent en compétition avec les ostéotomies dans le traitement des gonarthroses latéralisées. Ses indications sont limitées aux stades radiologiques I et II d’Ahlback, pour les sujets de plus de 70 ans, sans instabilité frontale ni sagittale [4,5,17,19].
  • Indications des prothèses totales. Elles sont proposées pour une arthrose sévère (stades III, IV, et V) s’accompagnant d’une gêne fonctionnelle insupportable après 70 ans [10,16]. L’arthrodèse du genou pour échec septique d’arthroplastie avec fixation externe est devenue une indication exceptionnelle [1,4,16]. Les contre-indications de la prothèse totale sont d’ordre général (insuffisance cardiaque sévère), et d’ordre local (terrain variqueux, artériopathie sévère, ulcère de jambe). L’obésité étant une contre-indication relative.

 

  • Conclusion

Les nouvelles techniques (navigation chirurgicale, guides de coupes osseuses et capteurs per-opératoires) permettent un bon positionnement des implants et un meilleur contrôle de la libération ligamentaire mais ne dispensent pas du respect des règles fondamentales simples que sont l’axe du membre et la stabilité de la prothèse [10,16,29,30,31].

Avec le vieillissement de la population et l’amélioration du niveau de vie, la demande pour l’arthroplastie totale est croissante dans notre pays. Malheureusement, nos malades sont vus tardivement avec des genoux très déformés auxquels le chirurgien doit apporter des solutions souvent pas toujours faciles. Les indications des ostéotomies de ré-axation fémoro-tibiale doivent être bien connues et réalisées en temps opportun afin de mettre en place une arthroplastie totale simple sur un genou peu désaxé et avec peu de complications.

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec cet article.

 


 

Références

 

  • J-L Lerat. Sémiologie traumatologique du genou.(Livre : page 418)
  • Belier, P. Djian. chirurgie de la gonarthrose. EMC 2010
  • Legre, T. Boyer. Diagnostic et traitement d’un genou douloureux. EMC 14-135-A-
  • Conrozier. Reconnaitre et prendre en charge une gonarthrose. EMC 7-0730,20115.
  • Saragaglia. Les indications chirurgicales dans la gonarthrose. Corpus médical. Faculté de Médecine de Grenoble, Mars 2003.
  • Pr J.F. Kempf. Le traitement chirurgical de la gonarthrose. U.L.P-Faculté de Médecine de Strasbourg. DCEMI 2004/2005
  • Catonné, F. Khiami. Prothèse tricompartimentale primitive sur genou complexe : grande déviation, raideur, cals vicieux. Techniques chirurgicales orthopédie traumatologie(44-847)
  • J-V. Nordin. Prothèses totales du genou difficiles de première intention. Conférences d’enseignement 1996 ; 55 :47-65.
  • Strecker. Analyses et planification des déformations adjacentes au genou. Maitrise orthopédique ;
  • Gagon, J. Humer. Prothèse tricompartimentale de 1° intention : techniques opératoires – (Livre : édition Springer).
  • Vielpeau, B. Lebel. Réglage de la rotation du composant fémoral de la PTG. Vidéoconférence, Oran, Décembre2011.
  • Gougeon, S. Bolzer. Principes de pose de prothèse tricompartimentale du genou de 1° intention. EMC 2010.
  • Table ronde sous la direction de C. Hulet (CHU Caen) – prothèses totales de genou dans les grandes déviations axiales. – Ref : Ann. Orthop. Ouest-2004-36-253 à 28
  • Pr Henry Dejour. Techniques d’implantation des prothèses du genou. Techniques Chirurgicales Orthopédie-Traumatologie[44-850]
  • Wybier. Radiologie de la gonarthrose. Radiologie et imagerie médicale [31-312-D-10]
  • Cho. Knee Joint Arthroplasty. Edition Springer-Verlag, Berlin Heidelberg 2014.
  • Mazières, Ch. Mansat. Prise en charge de la gonarthrose : -N° 22 – PAGE 2.la lettre de l’observatoire du mouvement. E R E
  • -M. Thomine. Les ostéotomies dans la gonarthrose fémoro-tibiale latéralisée. Théorie et pratique Conférences d’enseignement de la Sofcot1989 ; 34, 99-112.
  • Hervé Olivier. Traitement chirurgical des gonarthroses. Appareil locomoteur [14-326-A-10]
  • Poignard, P. Hernigou- Ostéotomies du fémur distal -Techniques chirurgicales – Orthopédie-Traumatologie [56460]
  • Catonné, F. Khiami, B. Tillie, D. Ribeyre, O. Delattre, J.-L. Rouvillain, J.-Y. Lazennec. Quand et comment mettre en place une prothèse totale de genou associée à une ostéotomie fémorale ou tibiale ?Maitrise orthopédique : N°170 – Janvier 2008
  • Cyteval. Les prothèses du genou et leurs complications. Journal de Radiologie diagnostique et interventionnelle. Volume 97, n° 3 pages 339-351 (Août 2016)
  • Jarry A, Hulet C, Jambou S, Pierre A, Souquet D, Vielpeau C. Modifications morphologiques du tibia après ostéotomie de valgisation. Réf : Ann. Orthop. Ouest – 2004 – 36 – 93 à 106.
  • -L. Doré, J.-M. Frieh. Ostéotomie fémorale distale de varisation par soustraction interne.N°168 – Novembre 2007
  • Rémy, R. Badet. Prothèse totale de genou sur genu varum: abord « step by step» Cahiers d’enseignement de la SOFCOT 2016.
  • Kevin R. Math and Giles R. Scuderi. Preoperative radiographic assessment. Surgical techniques in total knee arthroplasty.
  • Ait Si Selmi, G. Deschamps. Prothèses du genou difficiles de première intention : le genu valgum “sévère”. undefined
  • Ostéotomie tibiale de valgisation. (Symposium SOFCOT). Revue de chirurgie orthopédique 2008; 94: 2-21
  • Burdin. Équilibre ligamentaire et prothèse du genou (Ligament balance and knee prosthesis). Ann. Orthop. Ouest 1996 – 28 -p19.
  • Descamps, G. Villatte. Choix de la contrainte dans les prothèses totales de genou primaires : de la conservation des deux croisés aux charnières en première intention. Cahiers d’enseignement SOFCOT 2016.
  • Vielpeau, B. Level, M. Michauld. Prothèses totale du genou et ostéotomie associée. Maîtrise orthopédique n°128-Novembre 2003

 

Figure 1 : Cupule d’usure osseuse

CH2

Figure 2 : Indice de Caton

CH3

Figure 3 : La pente tibiale <7°

CH4

Figure 4 : Exemple d’une usure importante sur le cliché de réduction en valgus stress (grande déformation en varus), et aspect per-opératoire. Nécessité d’un comblement du plateau par greffe osseuse ou ciment + vis, [8,12,26].

CH5

Figure 5 : Exemple d’une réductibilité partielle sur le cliché en valgus stress (grand genu varum). La libération des ligaments rétractés dans la concavité est nécessaire pour la ré-axation du membre indispensable pour la longévité de l’arthroplastie.

CH6

Figure 6 : Grande laxité de convexité sur le cliché en varus stress (genu valgum) : difficulté d’équilibrage ligamentaire nécessaire pour ré-axer le membre et stabiliser la prothèse.

CH7

Figure 7 : Axes et angles (HKA) et (HKS). Genu varum (HKA<180°) Genu valgum (HKA˃180°)

CH8

Figure 8 : Angle fémoral mécanique (AFM) = 92° ± 2° (<90° = Varus fémoral, ˃ 94° = Valgus fémoral) [7].

CH9

Figure 9 : L’angle tibial mécanique (ATM) = 88° ± 2° (<86° = Varus tibial, ˃90 = Valgus tibial) [7].

CH10

Figure 10 : Calcul du varus tibial constitutionnel (technique de Neyret) [10].

CH11

Figure 11 : Flessum osseux tibial sur cal vicieux.

CH12

Figure 12 : Ostéotomies tibiales

CH13

Figure 13 : Ostéotomies fémorales

CH4

Figure 14 : Exemple d’une prothèse postéro-stabilisée, plateau fixe et rotatoire

CH5

Figure 15 : Prothèse postéro-stabilisée, aspect radiologique.

CH16

Figure 16 : Prothèse contrainte réservée habituellement aux reprises de PTG.

CH17

Figure 17 : Coupes osseuse orthogonales créant un espace rectangulaire pour introduire la prothèse. L’espace en extension doit être identique à l’espace en flexion “flexion gap = extension gap” [10].

CH18

Figure 18 : Équilibrage des espaces : espace asymétrique après les coupes orthogonales devenant quadriangulaire après libération de la concavité et aspect peropératoire [25].

  Télécharger le PDF de cet article

Perspectives thérapeutiques dans l’arthrose

Plusieurs avancées thérapeutiques ont été réalisées dans l’arthrose. Ces avancées thérapeutiques ont deux objectifs : le premier est de traiter efficacement la douleur pouvant générer un handicap fonctionnel,

 

F.Z. Lakehal, A. Moussa Mebarek, H. Rahmouni, M. Moussa Mebarek, A. Maameche, R. Allat, C. Haouichat. Service de Rhumatologie CHU Djillali Bounaâma de Douéra, Alger.

 Date de soumission : 12 Juillet 2020

Résumé : Plusieurs avancées thérapeutiques ont été réalisées dans l’arthrose. Ces avancées thérapeutiques ont deux objectifs : le premier est de traiter efficacement la douleur pouvant générer un handicap fonctionnel, le second est de stopper ou de ralentir l’évolution anatomique de la maladie. Ce deuxième objectif est compliqué à atteindre car la maladie ne touche pas qu’un tissu, mais plusieurs tissus à des phases d’activation différentes. Cet article exposera les grandes avancées et les nouveautés thérapeutiques d’avenir qui ciblent l’arthrose.

Mots-clés : Arthrose, récepteur, facteur croissance fibroblaste, cartilage, cellules souches.

 

Abstract: Several therapeutic advances have been made in osteoarthritis. These therapeutic advances have two objectives: the first is to treat pain that can lead to a functional disability, the second is to stop or slow down the anatomical evolution of the disease. This second objective is complicated to achieve because the disease does not only affect one tissue, but several tissues at different activation phases. This article presents the major advances and therapeutic innovations of the future that targets osteoarthritis.

Key-words: Osteoarthritis; receptors; fibroblast growth factor; cartilage; stem cells.

 


 

Les nouveaux traitements de la douleur dans l’arthrose

Traitement visant le blocage du NGF (Nerve Growth Factor) : Le Tanezumab®

Le Tanezumab est un anticorps monoclonal contre le NGF. Le NGF est un facteur de croissance nerveuse qui se lie à des récepteurs cellulaires et sensibilise ainsi les terminaisons nociceptives ; en bloquant ce NGF, seront bloquées les phénomènes de transmission douloureuse.

Un premier essai randomisé dans la gonarthrose,  a été fait, ayant utilisé le Tanezumab® qui a été administré à des doses variant de 10 à 200 μg/kg en perfusions espacées de huit semaines. Cet essai a démontré un effet antalgique spectaculaire : 30% des patients inclus avaient aux termes de l’essai un niveau de douleur inférieure à 20 mm. Cet essai a émané de la survenue au fil des essais, de cas d’arthropathies destructrices à type de chondrolyse rapide du genou cible.

La FDA a suspendu dans un premier temps les essais en cours. Mais ces cas de chondrolyse rapide ont été rapportés pour des doses élevées d’anti NGF, et en association à la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. La FDA a autorisé la reprise des essais sous réserve d’utiliser des doses plus faibles et sans prise concomitante d’AINS.

Un essai récent a utilisé le Tanezumab®, soit par voie sous-cutanée (injection hebdomadaire de 2,5 à 10 mg), soit par une perfusion intraveineuse de la même dose et comparé à des placebos. Cet essai a inclus des gonarthroses et des coxarthroses. Les résultats présentés à 8 semaines montrent une efficacité très importante des doses les plus élevées de l’anti NGF, aussi bien par voie sous-cutanée que par voie intraveineuse. Des effets indésirables dus à ce traitement, ont été rapportés, les plus fréquents sont des paresthésies et des dysesthésies qui sont régressifs à l’arrêt du traitement.

 

Traitement visant le blocage des canaux ioniques

Il existe plusieurs classes de canaux impliqués à la surface des terminaisons nerveuses sensitives : les canaux sodiques, les canaux calciques, les canaux à voltage non sélectif transitoires, les canaux sensibles à l’acidité. Plusieurs travaux ont montré chez l’animal que le blocage sélectif de ces canaux était susceptible de diminuer les réactions douloureuses chez l’animal.

 

La capsaïcine: est un des composants du piment rouge. Elle a un mécanisme d’action complexe sur la transmission nociceptive. Ce produit est à dose standard pro-nociceptif. Cependant, utilisé soit à de fortes doses, ou de façon répétée dans le temps, elle exerce un effet antalgique paradoxal par épuisement de la transmission nociceptive.

Un essai récent original a étudié chez des patients souffrant de gonarthrose l’effet antalgique d’injections intra-articulaires de capsaïcine qui intervient via un récepteur à voltage transitoire, le récepteur vanilloïdes TRPV1. L’injection intra-articulaire unique de CNTX, inhibiteur de la capsaïcine, à des doses de 0,5 et 1mg, a montré une efficacité antalgique supérieure au placebo dans une série de 172 patients souffrant de gonarthrose. Après une seule injection, l’effet était rémanent jusqu’à 24 semaines. Il n’a pas été noté d’effet secondaire important dans cet essai.

Traitement visant le blocage des récepteurs liés à la protéine G

Ces récepteurs comprennent les récepteurs à la bradykinine (notamment B2R), aux neuromédiateurs SP et Calcitonine Gene Receptor Protein (CGRP), aux chimiokines, aux récepteurs sensibles aux protéases (PARs).

Les résultats précliniques chez l’animal sont encourageants pour les inhibiteurs des récepteurs de la bradykinine, pour les antagonistes du récepteur aux tachykinines pour les inhibiteurs des chimiokines (petites molécules antagonistes) notamment du récepteur CCR2 dont l’activation est très impliquée dans l’afflux in situ dans le ganglion dorsal des macrophages. Ces voies d’inhibition de la douleur n’ont pour l’instant pas été validées en clinique humaine.


 

Autres modalités

La cryothérapie locale

La cryoanalgésie ou cryoneurolyse, est une technique spécialisée pour soulager la douleur à long terme dans les contextes de gestion interventionnelle de la douleur, elle utilise de l’azote liquide dans un tube creux isolé à l’extrémité et atteint une température de -190 degrés. Le travail fait par C. Lloyd et al., a conclu que la cryoanalgésie était supérieure à d’autres méthodes de destruction des nerfs périphériques, y compris la neurolyse alcoolique, la neurolyse phénolique ou les lésions chirurgicales. L’application du froid aux tissus crée un bloc de conduction, similaire à l’effet des anesthésiques locaux. Le soulagement à long terme de la douleur causée par la congélation nerveuse se produit parce que les cristaux de glace causent des dommages vasculaires au Vasa vasorum, ce qui produit des lésions endoneuronales sévères.

Un autre travail a comparé la cryothérapie à l’application d’un placebo reproduisant une sensation de froid, cette cryothérapie locale a montré un effet antalgique rémanent sur près de trois mois (88% des patients ont un effet substantiel de réponse contre 61% dans le groupe placebo).

 

L’injection de toxine botulique a aussi montré chez l’homme un effet antalgique, mais certains essais randomisés sont cependant plus nuancés.

D’autres médicaments comme les cannabinoïdes sont également des pistes d’avenir.

 

Biothérapies

Plusieurs essais chez l’homme ont utilisé différents inhibiteurs de cytokines, tels que les anti-TNF, les inhibiteurs de l’IL-1. Ils ont été administrés soit de façon locale en intra-articulaire (dans la gonarthrose), soit de façon systémique (par voie sous cutanée dans l’arthrose digitale) avec pour critère principal de l’étude l’évolution de la douleur. Tous ces essais ont été complétement négatifs. Certains essais ciblant d’autres cytokines comme l’IL6 dans l’arthrose digitale, sont en cours.

 

Des inhibiteurs de la voie WNT

La voie de signalisation Wnt, stimulant les ostéoblastes, est intéressante, car certains composés de la famille des Wnt ont un effet pro-catabolique sur le chondrocyte, inhibent la chondrogenèse, et sont présents dans la membrane synoviale. En inhibant le système Wnt, on peut améliorer l’arthrose expérimentale (modèle de souris). SM04690, un petit inhibiteur de la voie Wnt, est en cours de développement en tant que médicament susceptible de modifier la maladie pour l’arthrose du genou.

L’inhibiteur SM04690 est utilisé en injection intra-articulaire à différentes doses. Un essai de phase 2, multicentrique, randomisé, à double insu et contrôlé par placebo (PBO) sur 52 semaines a été mené pour déterminer l’innocuité et l’efficacité du SM04690.

Cet essai a concerné 455 patients : (3 groupes d’inhibiteur Wnt et groupe placebo), les sujets atteints d’arthrose du genou de grades 2 à 3 de Kellgren-Lawrence (KL) ont reçu une injection unique de 2 ml de 0,03 mg ; 0,07 mg ; 0,23 mg de SM04690 ou de PBO dans les genoux cibles (les plus douloureux). La douleur et la fonction analysée par le (WOMAC) ont été évaluées aux semaines 0, 4, 13, 26, 39 et 52, et des radiographies ont été prises aux semaines 0, 26 et 52 pour l’analyse de la largeur de l’espace articulaire médial.

Des améliorations cliniquement significatives des résultats par rapport au niveau de référence ont été observées dans tous les groupes à tout moment.

Dans cette étude de phase 2, des améliorations par rapport au PBO dans le WOMAC douleur et le WOMAC fonction ont été observées dans des sous-groupes d’étude de gonarthrose unique.

Cet essai a montré un effet antalgique dans un sous-groupe de patients ayant une gonarthrose unique sans autre localisation douloureuse. Ces résultats restent néanmoins mitigés et demanderont confirmation dans des essais de plus grande envergure. .

Il faut cependant rester vigilant, car l’administration systémique de l’inhibiteur de la voie Wnt est impliquée non seulement dans le métabolisme osseux, mais aussi dans la cancérogenèse.

Les traitements visant à protéger le cartilage dits « traitement chondroprotecteur »

Le but du traitement chondroprotecteur est de stopper l’évolution anatomique de l’arthrose. La grande majorité des essais a été réalisée dans la gonarthrose.

Deux situations se différencient : la pré-arthrose, définie par la présence d’une ou plusieurs lésions cartilagineuses au sein d’un cartilage sain, le plus souvent post traumatique chez des jeunes sportifs dans un environnement de cartilage sain ; et l’arthrose installée, survenant chez des patients plus âgés, ayant une arthrose radiographique avérée et des lésions du cartilage étendues.

 

Situation de pré-arthrose ou lésion focale du cartilage dans un environnement de cartilage sain

Typiquement, il s’agit de lésions du cartilage isolées parfois très douloureuses et dont on sait à terme qu’elles feront le lit secondaire d’une arthrose. L’objectif est de régénérer et de réparer les lésions vers un tissu cicatriciel le plus proche du tissu originel. Cette médecine régénérative, consiste à combler la lésion du cartilage par un biomatériau biocompatible, résorbable, contenant des facteurs de croissance, ou des biofacteurs, ainsi que des cellules (chondrocytes autologues ou cellules souches à potentialité chondrogène). Cette approche a été initiée par les premières greffes de chondrocytes autologues implantés sous un lambeau périosté. La réparation « tissulaire » du cartilage est très souvent associée à des gestes de réparation de lésions concomitantes, ligamentaire ou méniscale. Plusieurs essais ont été faits, certains ont montré un effet bénéfique en termes de réparation du cartilage.

Les biomatériaux d’avenir « tridimensionnels » visent à recréer l’architecture du tissu lésé, comme ceux composés de nanofibres contenant des nanoparticules pouvant libérer de façon retardée des facteurs de croissance et sont susceptibles de former une couche cartilagineuse et un socle osseux sous chondral.

Le travail le plus original qui marque peut-être une étape dans la médecine régénérative du cartilage, a été la réparation de lésions focales du cartilage à partir de chondrocytes issus du cartilage élastique du nez. Les biomatériaux contenant ces chondrocytes de la cloison nasale, ont été réimplantés dans les lésions focales du cartilage du genou, chez 10 jeunes patients. Les auteurs ont pu montrer à deux ans de recul, en utilisant une IRM dite fonctionnelle comme mesure d’évaluation du cartilage, une augmentation significative du contenu en glycosaminoglycanes du cartilage néoformé et un remplissage progressif des lésions du cartilage. Ce travail montre qu’à l’avenir, on pourrait s’affranchir de prélèvements de chondrocytes autologues au sein même du cartilage du genou. Cependant chez des jeunes sportifs, un certain nombre de lésions ne sont pas accessibles à cette bio-ingénierie tissulaire.

Améliorer la composition du liquide synovial par injection de visco-suppléments (acide hyaluronique ou lubricine) peut constituer une alternative en protégeant le cartilage superficiel. Les premiers essais faits avec la lubricine dans des modèles expérimentaux, notamment murins, ont montré un effet très bénéfique sur la protection du cartilage. Néanmoins, les essais chez l’homme tardent à venir. Le concept de lubrification au sens large semble évoluer vers l’association de plusieurs molécules comme l’association de lubricine, d’acide hyaluronique et de phospholipides, voire de plasma enrichi en plaquettes.

 

Traitement chondroprotecteur de l’arthrose évoluée radiographique

Il s’agit d’une équation à multiples inconnues dont la résolution semble a priori très difficile. En effet, à un stade très avancé, il semble illusoire de vouloir totalement réparer des lésions du cartilage.

 

Diminuer l’activité cytokinique et enzymatique au sein d’une articulation arthrosique

La synovite semble être un facteur majeur de la progression structurale de l’arthrose. Elle intervient comme un facteur déclenchant la chondrolyse. Les biothérapies utilisées dans la gonarthrose et l’arthrose digitale qui ciblent l’inflammation synoviale ont été un échec en termes d’effet antalgique chez l’homme. Alors même que chez l’animal l’utilisation d’inhibiteur de l’interleukine1 était prometteuse, elle s’est révélée très décevante chez l’homme. Dans l’arthrose digitale, qui est une forme plus systémique de la maladie, seul l’adalimumab (anticorps monoclonalant iTNF) dans un essai contrôlé contre placebo, sur une année, a montré un faible effet de prévention de l’apparition de nouvelle lésions et ce uniquement dans un sous-groupe de patients ayant une synovite clinique au niveau des articulations inter-phalangiennes. Il existe une autre classe d’inhibiteurs qui bloque les enzymes les plus actives telles que les métallo-protéases et les agrécanases. Aucun essai n’a pour le moment été réalisé chez l’homme. Il faudra rester attentif au profil de tolérance de ces nouveaux inhibiteurs notamment en termes de défense immunitaire et anti cancéreuse.

D’autres voies interviennent dans le catabolisme de la matrice du cartilage comme les WNT. Chez l’homme l’inhibition de la voie des facteurs WNT par injection intra articulaire d’inhibiteur de cette classe, a donné des résultats mitigés et non convaincants.

D’autres voies d’avenir comme l’inhibition des chimiokines et l’inhibition de l’autophagie en sont encore au stade du développement préclinique.

 

Augmenter la capacité de réparation du cartilage au cours d’une arthrose installée

Quoique faible, la capacité de réparation du cartilage n’est pas nulle.

Injections intra-articulaires de facteurs de croissance :

Le FGF-18 est un facteur pro-anabolique et mitogène pour le chondrocyte. Très récemment, un essai a utilisé le FGF18 (sprifermine) en injections intra-articulaires, à des doses différentes, tous les 6 ou tous les 12 mois. Dans cet essai randomisé contre placebo, avec un suivi des patients sur 2 années, la dose la plus élevée de FGF18 est à même d’augmenter l’épaisseur du cartilage mesurée par IRM et ce dans le compartiment le plus atteint. Dans les groupes à doses plus faibles ou dans le groupe placebo, il y avait au contraire une perte progressive dans l’épaisseur du cartilage.

D’autres essais ont utilisé d’autres facteurs de croissance, notamment le TGF Béta1 transfecté dans des chondrocytes hétérologues et injectés localement en intra articulaire, avec un effet positif à 1 an sur les lésions du cartilage en IRM. Il faudra rester prudent quant à l’utilisation d’un facteur de croissance comme le TGF beta, dont on sait qu’il peut avoir des effets paradoxaux, en déclenchant une synovite, voire en augmentant la production des ostéophytes ou en entrainant une hypertrophie de la couche osseuse sous chondrale.

Injections de cellules souches en intra-articulaire

De très nombreux essais, sans bras placebo, ont été menés chez l’homme. Il s’agit de séries incluant peu de patients. Le principe consiste en des injections de cellules souches mésenchymateuses autologues d’origine diverse (récupérées à partir de moelle osseuse ou de graisse). Le plus souvent les cellules souches proviennent du tissu adipeux sous cutané, car l’obtention en est simple et rentable. En France, un essai nommé ADIPOA a utilisé des cellules souches d’origine adipeuse et montré un effet antalgique sur quelques patients. La tolérance de ces injections de cellules souches semble bonne. Néanmoins, il est impossible de tirer une quelconque conclusion à partir d’essais réalisés en ouvert. Les injections intra-articulaires de cellules souches ont un effet bénéfique principalement par le relargage de facteurs anti-inflammatoires et de facteurs de croissance. Leur rôle comme cellules pouvant potentiellement se dé-différencier, in situ, en chondrocytes semble plus qu’aléatoire. Ces thérapeutiques font naître beaucoup d’espoir, mais tout reste à valider par des essais contrôlés au long cours, montrant non seulement un effet antalgique, mais aussi un effet chondroprotecteur. L’avenir appartiendra peut-être aux cellules iPs autologues voire à des exosomes de ces cellules souches.

 

Conclusion

Les progrès en termes de nouveautés thérapeutiques dans le traitement de l’arthrose ont été considérables au cours de ces dernières années. Seul le FGF18 semble, avoir montré la capacité à régénérer en partie du cartilage dans des zones déjà atteintes. Quelles que soient les molécules testées ou les cellules implantées, il faudra toujours bien évaluer le rapport bénéfice/risque de ces thérapeutiques, et préciser leur indication en fonction des différents phénotypes de la maladie.

 

 

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec cet article.


 

Références

 

  • T et al ; La prise en charge thérapeutique de l’arthrose en ce début de 3e millénaire. 1re partie : le traitement pharmacologique ; La revue de médecine interne 24 (2003) 183–188 ; DOI:10.1016/S0248-8663(02)00819.
  • Galois et al ; Ingénierie tissulaire du cartilage : état des lieux et perspectives ; Pathologie Biologie 53 (2005) 590–598 ; doi:10.1016/j.patbio.2004.12.019
  • Nancy E. et al ; Tanezumab for the Treatment of Pain from Osteoarthritis of the Knee ; N Engl J Med 2010; 363:1521-31. 1521-1531
  • Loeser RF et al. Osteoarthritis: a disease of the joint as an organ. Arthritis Rheum 2012;4:1697-1707.
  • Verbruggen G et al; Tumour necrosis factor blockade for the treatment of erosive osteoarthritis of the interphalangeal finger joints: a double blind, randomised trial on structure modification. Ann Rheum Dis 2012;71:891-8.
  • Christian Roux. Arthrose des membres inférieurs: aspects épidémiologiques, cliniques et fondamentaux. Sciences agricoles. Université Nice Sophia Antipolis, 2014. Français. NNT: 2014NICE4001. tel-01249544
  • Kim YS, Choi YJ, Lee SW, Kwon OR, Suh DS, Heo DB, et al. Assessment of clinical and MRI outcomes after mesenchymal stem cell implantation in patients with knee osteoarthritis: a prospective study. Osteoarthritis Cartilage 2016;24:237-45
  • Cui Zet al ; Treatment with recombinant lubricin attenuates osteoarthritis by positive feedback loop between articular cartilage and subchondral bone in ovariectomized rats. Bone 2015;74:37-47
  • Mumme M, Barbero A, Miot S, Wixmerten A, Feliciano S, Wolf F et al. Nasal chondrocyte based engineered autologous cartilage tissue for repair of articular cartilage defects: an observational first-in-human trial. Lancet 2016;22 : 388(10055):1985-1994.
  • Trichard, E. Dantony, D. Maucort-Boulch, P.Y. Gueugniaud, V. Piriou, R. Ecochard, C. Busseuil. A Randomised Trial of Cryotherapy Alone or in Combination with Analgesia on Trauma Pain. Ann. Fr. Med. Urgence (2016) 6:395-402.
  • Evans CH et al. Autologous Conditioned Serum. Phys Med Rehabil Clin N Am 2016;27(4):893-90
  • M et al. m/s n° 12, vol. 34, décembre 2018 undefined
  • Gérard Chalès. Les perspectives thérapeutiques. Rhumatos, septembre 2017, vol. 14, numéro 127, 197-199.
  • Guermazi A et al. Structural effects of intra-articular TGF-β1 in moderate to advanced knee osteoarthritis: MRI-based assessment in a randomized controlled trial. BMC Musculoskelet Disord 2017;16;18:461: 1830-8.
  • Van der Aar Eet al .Favorable human safety, pharmacokinetics and pharmacodynamics of the Adamts-5 inhibitor GLPG1972, a potential new treatment in osteoarthritis. Arthritis Rheum 2017;69 Suppl S10: 1189.
  • L, Potentiel thérapeutique des cellules souches dans l’arthrose ; Université Toulouse III Paul Sabatier Faculté Des Sciences Pharmaceutiques, Thèse 2015/TOU3/2115
  • Nakamura A, et al. Ann Rheum Dis 2018;0:1–11. doi:10.1136/annrheumdis-2018-213629
  • Xavier Chevalier, Florent Eymard. Advances and news treatments of Osteoarthritis. Bull. Acad. Natle Méd., 2018, 202, no 1-2, 183-194
  • Laetitia Keller, Luc Pijnenburg, YsiaIdoux-Gillet, Fabien Bornert, Laila Benameur, MaryamTabrizian, Pierrick Auvray, Philippe Rosset, Rosa María Gonzalo-Daganzo, Enrique Gómez Barrena, Luca Gentile & Nadia Benkirane-Jessel. Preclinical safety study of a combined therapeutic bone wound dressing for osteoarticular regeneration. (2019) 10:2156|undefined

  Télécharger le PDF de cet article