Hommage au Prof Ait Mesbah

Notre Maitre, le Professeur Ait Mesbah, nous a quittés cet été.

Né au début des années 30 à Tigmounine au pied du massif du Djurdjura, il s’installera avec sa famille, très tôt à Alger, à la rue de la Lyre dans la basse Casbah, à laquelle il restera toujours très attaché.

 

Par le Dr B. Azzam

 

In Memoriam

Professeur 0. AIT MESBAH,  1932-2020

Notre Maitre, le Professeur Ait Mesbah, nous a quittés cet été.

Né au début des années 30 à Tigmounine au pied du massif du Djurdjura, il s’installera avec sa famille, très tôt à Alger, à la rue de la Lyre dans la basse Casbah, à laquelle il restera toujours très attaché.

Après des études secondaires au lycée Bugeaud, il rejoint dans un premier temps la France, puis Lausanne, en Suisse, pour y terminer ses études de médecine.

Un ami, le Professeur D. Maoui, m’a raconté l’anecdote suivante : « alors qu’il participait à un congrès international de chirurgie en Europe, un des participants s’approcha de lui, et après avoir vu son badge, lui dit « vous savez, quand je vois Algérie, j’ai deux regrets, le premier est de ne pas avoir réussi à convaincre Ait Mesbah à rester en Suisse, et le second, de ne pas l’avoir obligé à faire chirurgie ». Il s’agissait du chef de service de chirurgie de Lausanne.

En effet, dès 1962, à l’indépendance il choisira de regagner Alger où il s’attelle au côté du Professeur Illoul, à remettre sur pied le service de la « clinique médicale » de l’actuel CHU Mustapha. Il s’occupera dès lors du service de diabétologie.

Face à l’immensité de la tâche, il se retrouvera souvent seul, puisant sa force dans son engagement et son dévouement et ce jusqu’à l’épuisement.

Nous sommes nombreux à avoir suivi son enseignement. Que nous a-t-il transmis en dehors d’une formation scientifique académique ? D’abord, le sens des valeurs morales et puis l’humanisme dont il était fortement imprégné.

Le service de diabétologie était abonné à une demi-douzaine de revues internationales prestigieuses éditées en anglais. Il savait que nous avions des difficultés à les lire, alors il en sélectionnait les articles les plus intéressants, les traduisait et nous les distribuait. Il les traduisait durant la nuit pendant ses insomnies, nous disait-il ! La transmission du savoir et le partage des connaissances étaient pour lui un sacerdoce.

Ceci n’a pas son équivalent dans toute la faculté de médecine.

Visionnaire, il avait compris très tôt l’approche multi- et interdisciplinaire de la spécialité. Et dès la création de la Société Algérienne de Diabétologie, en 1998, dont il fut le premier président ; il nomma comme vice-présidents un ophtalmologiste et un néphrologue. Plus tard, il encouragera un interniste pour lui succéder.

Élargir la spécialité à d’autres intervenants pour les intéresser et les impliquer dans la prise en charge des malades, était sa principale préoccupation.

Un des géants de l’industrie pharmaceutique mondiale, vient un matin proposer plusieurs formules de mélanges d’insulines (10/90 – 20/80 – 30/70 – 40/60 et 50/50). Le Professeur Ait Mesbah nous réunit, nous ses assistants, et nous expliqua qu’il ne garderait que le mélange 30/70 qui lui semblait être le plus approprié.

Quelle ne fut ma surprise quant à peine une ou deux années plus tard, ce laboratoire avec sa kyrielle d’experts, mit fin à la production de ces différents mélanges et ne garda que celui pour lequel le Professeur Ait Mesbah avait opté.

Ayant été son assistant, j’ai eu à maintes reprises l’occasion d’apprécier la justesse de son jugement et ses nombreux élèves se souviendront de son humilité et de sa modestie.

Voila ! Sa vie s’est achevée, mais son esprit demeure, gravé chez tous ceux qui ont eu le privilège de le connaitre.

C’est cela l’apanage des grands hommes, et le Professeur Ait Mesbah fut de ceux-là.

 

 

 

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Hyperparathyroïdies autres que primaires : au-delà d’un taux de PTH élevé

Quelle que soit la spécialité médicale, on se retrouve parfois face à une élévation biologique du taux de la parathormone, accompagnée ou pas d’une perturbation du bilan phosphocalcique, le tout dans un contexte clinique complexe (douleurs osseuses diffuses, asthénie, insuffisance rénale, etc.),

 

N. Nebti, Service d’Endocrinologie Diabétologie, CHU Issaad Hassani, Beni Messous, Alger.

 

Date de soumission : 09 Octobre 2020.

Résumé : Quelle que soit la spécialité médicale, on se retrouve parfois face à une élévation biologique du taux de la parathormone, accompagnée ou pas d’une perturbation du bilan phosphocalcique, le tout dans un contexte clinique complexe (douleurs osseuses diffuses, asthénie, insuffisance rénale, etc.), ou au contraire de découverte fortuite. Une compréhension physiopathologique de cette hyperparathyroïdie ainsi qu’une démarche diagnostique logique, nous permettront de retrouver l’étiologie causale et de dicter une conduite thérapeutique appropriée.

Mots clés : hyperparathyroïdie, secondaire, tertiaire, hypovitaminose D, parathormone.

 

Abstract: Whatever the medical speciality, we are sometimes confronted with a biological increase in the parathormone level, accompanied or not by a disturbance of the phosphocalcic balance, all in a complex clinical context (diffuse bone pain, asthenia, renal insufficiency, etc.), or on the contrary at random discovery. A physio-pathological understanding of this hyperparathyroidism as well as a logical diagnostic approach will allow us to find the causal aetiology and to dictate an appropriate therapeutic approach.

Key Words: hyperparathyroidism, secondary, tertiary, hypovitaminosis D, parathyroid hormone.

 


 

  • Introduction – définition

L’hyperparathyroïdie est une maladie endocrinienne de plus en plus fréquente, touchant les glandes parathyroïdes. Ces glandes produisent une hormone appelée parathormone (PTH), qui joue un rôle important dans le métabolisme phosphocalcique. Le terme hyperparathyroïdie désigne une élévation anormale et non contrôlée de la parathormone.

Il existe trois types d’hyperparathyroïdie :

  • L’hyperparathyroïdie primaire (HPT I) : ou hyperparathyroïdie primitive, est liée à une anomalie d’une ou plusieurs glandes parathyroïdes (le plus souvent due à un adénome), qui se mettent à secréter d’une façon autonome la parathormone induisant une élévation de la calcémie (question ayant déjà fait l’objet d’un article dans cette revue.)
  • L’hyperparathyroïdie secondaire due au dysfonctionnement d’un autre organe, souvent le rein, induisant une hypocalcémie et qui affecte par feedback, généralement, l’ensemble des glandes parathyroïdes. 
  • L’hyperparathyroïdie tertiaire peut survenir suite à une hyperparathyroïdie secondaire au long cours. Les glandes parathyroïdes finissent par développer une fonction autonome.
  • Rappel physiopathologique

La parathormone (PTH) est une protéine de petite taille comprenant 84 acides aminés, dont le rôle principal est de maintenir un taux plasmatique normal de la calcémie ionisée. Un taux de calcium ionisé entre 1,01 et 1,3 mmol, est indispensable à une fonction neuromusculaire normale, à la minéralisation osseuse et à de nombreux autres processus physiologiques, expliquant que de très petites diminutions de calcium ionisé sérique, entraînent une réponse de la glande parathyroïdienne pour maintenir l’homéostasie calcique.

L’hormone parathyroïdienne élève la calcémie, en augmentant le remodelage osseux et de façon prédominante l’ostéolyse, en favorisant la réabsorption tubulaire rénale du calcium et en majorant l’absorption intestinale du calcium ; cette dernière action est indirecte, s’effectue par l’activation de la 1α-hydroxylase rénale et la production de 1,25-(OH)2 cholécalciférol. L’hormone parathyroïdienne est phospho-diurétique et réduit l’élimination rénale des ions H+.

De façon moindre que la calcémie ionisée, d’autres agents comme le calcitriol ou 1,25(OH)2, vitamine D, la 25 OH vitamine D (25OHD), d’autres hormones, des ions comme le magnésium, le phosphore ou l’aluminium ont également une influence sur la sécrétion de la PTH. La vitamine D native et son métabolite actif, la 1,25(OH)2, vitamine D entraînent une inhibition de la sécrétion de PTH par l’intermédiaire de l’hypercalcémie induite par l’amélioration de l’absorption digestive. À cette action freinatrice indirecte s’ajoute une action freinatrice directe de la cellule parathyroïdienne par les vitamines D ; ces actions du calcitriol et de la 25OHD sont plus lentes, liées à la suppression de la synthèse au niveau transcriptionnel, médiées par le récepteur cytosolique de la vitamine D présent à la surface de la cellule parathyroïdienne. La vitamine D diminue également l’expression de proto-oncogènes associée à la prolifération cellulaire parathyroïdienne pouvant expliquer la prolifération glandulaire constatée lors des carences vitaminiques D prolongées.

L’hyperphosphorémie génère une augmentation de la PTH par différents mécanismes : l’un est indirect, médié par l’hypocalcémie induite par l’hyperphosphorémie et l’autre est direct dû à une augmentation de la stabilité de l’ARN messager de la PTH [2].

Au total, une hypersécrétion de PTH compensatoire sera constatée principalement au cours des situations cliniques entraînant :

  • Une diminution de la concentration de calcium ionisé des liquides extracellulaires.
  • Une diminution de la 1,25 (OH)2 vitamine D ou de la 25OHD.
  • Une hyperphosphorémie.

 Tableau 01 : Effets sur le rein et l’os de la parathormone.

 

Figure 1 : Diminution de la calcémie ionisée

HYP1

  • L’hyperparathyroïdie secondaire (HPS) se définit par une augmentation de la parathormone (PTH) compensatoire avec habituellement une calcémie basse ou normale basse. Il s’agit d’une situation fréquemment rencontrée dans la population générale au cours de multiples pathologies comme l’ostéoporose post-ménopausique, l’insuffisance rénale chronique, l’insuffisance en vitamine D, la mal absorption digestive et secondairement aux traitements antirésorbeurs puissants (bisphosphonates, dénosumab). Il est alors indispensable de pratiquer des examens complémentaires précis afin de retrouver l’étiologie causale et d’assurer la normalisation de la calcémie au long cours.

 

  • Signes cliniques de l’hyperparathyroïdie secondaire (HPS). Les signes cliniques de l’HPS vont dépendre de sa durée ainsi que des causes initiales. Certains signes sont dus directement à l’hypocalcémie non compensée : fatigabilité musculaire, asthénie, paresthésies, tétanie, allant dans les cas sévères jusqu’au laryngo-bronchospasme et aux états convulsifs et délirants. D’autres signes notamment osseux et rénaux sont la conséquence des taux élevés de PTH : augmentation de la résorption osseuse et diminution de la clairance rénale du calcium.

 

  • Causes des hyperparathyroïdies secondaires. La fréquence de l’HPS va varier selon l’âge, la population étudiée, etc., cependant les pathologies causales les plus fréquentes sont : la carence en vitamine D, l’insuffisance rénale chronique, les carences en calcium, les antirésorbeurs puissants (bisphosphonates, dénosumab) et plus rarement la résistance à la PTh aussi appelée pseudo hypoparathyroïdie.

Tableau 02 : Mécanismes impliqués dans l’hyperparathyroïdie secondaire

HYP3

 

 

  • Hyperparathyroïdie secondaire à l’insuffisance rénale chronique 

L’hyperparathyroïdie secondaire (HPTS) est une complication inéluctable de la maladie rénale chronique. Dès que le GFR diminue en dessous de 60 ml/min/1,73 m², la PTH peut augmenter en réponse à la diminution de l’excrétion de phosphate (une tendance à l’hyperphosphatémie) responsable de la synthèse de FGF23 (Fibroblast Growth Factor 23) par les ostéoblastes et les ostéocytes, qui induit une diminution de calcitriol, également réduite par la baisse du nombre de néphrons.

Dans un second temps, la diminution du calcitriol, responsable d’une hypocalcémie, explique aussi l’hyperparathyroïdie secondaire, également favorisée par une perte du rétrocontrôle de la synthèse de PTH et par une augmentation du set point du calcium pour la PTH. Pour une faible dégradation de la fonction rénale, cette hyperparathyroïdie corrigera les anomalies du phosphate et du calcium. Les traitements viseront à corriger la phosphatémie, la calcémie et le taux de PTH.

Les KDIGO (Kidney disease : improving global outcomes) recommandent selon le stade de l’IRC une supplémentation en vitamine D, une restriction en phosphore, en protéine de l’alimentation et des apports suffisants en calcium, soit alimentaire, soit sous forme de carbonate de calcium médicamenteux. Une hyperphosphatémie persistante fera débuter des chélateurs du phosphore.

  • Hyperparathyroïdies secondaires à une carence en vitamine D

La synthèse de 1,25(OH)2D est stimulée par des concentrations croissantes de parathormone (PTH) répondant elles-mêmes à de faibles concentrations sériques de calcium. De faibles concentrations en phosphate peuvent également induire une production accrue de 1,25(OH)2D.

En cas d’insuffisance en vitamine D, l’absorption intestinale de calcium est diminuée, ce qui engendre une diminution de la calcémie ionisée, elle-même responsable d’une augmentation de la production de PTH.

De très nombreuses études ont analysé la relation entre les taux sériques de 25OHD et ceux de PTH à tous les âges, l’HPS est clairement corrélée à la carence en vitamine D.

Compte tenu de sa régulation, le dosage de la 1,25(OH)2D ne permet pas d’évaluer le statut vitaminique D. Seul le dosage de la 25(OH)D permet d’apprécier les stocks de l’organisme.

L’objectif thérapeutique sera d’atteindre un taux « normal » de 25(OH)D qui peut alors être considéré comme étant celui en deçà duquel la concentration sérique en PTH commence à augmenter. La limite inférieure des valeurs de référence ainsi obtenue est fixée à 75 nmol/L soit 30 ng/ml.

Pour certains auteurs, on parle d’insuffisance entre 10 et 30 ng/ml (25-75 nmol/l), et de carence pour des taux <10 ng/ml (<125 nmol/l). D’autres auteurs proposent 20 ng/ml (50 nmol/l) comme seuil pour la carence, et des valeurs entre 21 et 29 ng/ml (51 et 74 nmol/l) pour définir l’insuffisance.

Pour la supplémentation des patients, deux formes de vitamine D sont disponibles sur le marché, la vitamine D2 et la vitamine D3.

  • Hyperparathyroïdie secondaire à une carence d’apports alimentaires calciques et/ou à une malabsorption

Une insuffisance d’apport en calcium peut être responsable d’une HPS en l’absence de carence vitaminique D dans des cas particuliers comme au cours des restriction alimentaire en produits laitiers ou chez le sujet âgé du fait d’altérations de l’absorption du calcium et d’éliminations rénales plus élevées par carence estrogénique. En revanche, toutes les pathologies entraînant un trouble de l’absorption digestive du calcium, comme la maladie cœliaque, la mucoviscidose, les grêles courts, sont associées à une HPS d’autant plus importante qu’une carence vitaminique D est associée.

Les mécanismes de la malabsorption sont multiples : diminution de la surface d’absorption active calcique liée à l’atrophie villositaire, mauvaise tolérance aux laitages entraînant une éviction, une chélation du calcium et de la vitamine D par les graisses intraluminales.

Une supplémentation adaptée avec surveillance régulière du bilan phosphocalcique chez cette catégorie de patients sont nécessaires.

  • Hyperparathyroïdie secondaire liée à la toxicité des métaux

Des anomalies de minéralisation liées au cadmium sont décrites et l’ostéomalacie engendrée par le cadmium et ses composés est reconnue comme maladie professionnelle. La physiopathologie est complexe, associant insuffisance rénale en cas d’intoxication par de fortes doses de cadmium, mais également une inhibition directe de la minéralisation osseuse par le cadmium et une interférence du cadmium avec le métabolisme de la vitamine D [27].

  • Hyperparathyroïdie secondaire à une hypercalciurie rénale

La fuite tubulaire rénale de calcium entraîne une réponse hyperparathyroïdienne du fait de la balance calcique négative. Il peut s’agir d’une hypercalciurie induite par des diurétiques de l’anse de type furosémide ou analogues, favorisant la fuite tubulaire de calcium ou d’une hypercalciurie rénale idiopathique, à confirmer par un test aux diurétiques thiazidiques. Les hypercalciuries rénales idiopathiques sont associées à une altération précoce des données histo-morphométriques à type d’augmentation des surfaces érodées et de troubles de la minéralisation [28]. La fuite rénale de calcium peut aussi être due à une carence estrogénique post ménopausique. Chez les femmes âgées en moyenne de 59 ans et atteintes d’un cancer du sein, une hypercalciurie idiopathique a été mise en évidence chez 15,1 % d’entre elles [16].

  • Hyperparathyroïdie secondaire à une hypothyroïdie

Une hypothyroïdie non compensée peut induire une tendance hypocalcémique avec une compensation par une augmentation de la PTH.

  • Hyperparathyroïdie secondaire à certaines maladies osseuses

Une maladie osseuse entraînant une consommation importante de calcium de type os avide peut entraîner une HPS, en particulier chez les patients ayant une déficience en vitamine D. Cela peut s’observer au cours des maladies de Paget osseuses, des dysplasies fibreuses, des métastases osseuses condensantes, après guérison des hyperthyroïdies et après chirurgie parathyroïdienne pour une HPT primitive sévère.

  • Hyperparathyroïdie secondaire au cours de maladies génétiques complexes ou des rachistismes vitamino-résistants
  • Pseudo-hypoparathyroïdie. Il existe plusieurs types de pseudo-hypoparathyroïdies, de classification complexe, avec une résistance partielle ou totale à la PTH exogène. Un syndrome dysmorphique peut être évocateur et d’autres anomalies hormonales peuvent être associées. La PTH, même si elle est élevée est inefficace et le phosphate plasmatique sera élevé. Dans le type 1, il s’agit d’une absence d’augmentation de la AMP cyclique urinaire, alors que dans le type 2, le défaut moléculaire serait en aval de la production des AMP cycliques.
  • Rachitismes pseudo-carentiels ou vitamino-résistants. Les rachitismes pseudo-carentiels ou vitamino-résistants sont habituellement diagnostiqués pendant l’enfance du fait des conséquences de l’hypocalcémie sévère, hypocalcémie qui explique la PTH augmentée.
  • Rachitismes hypophosphatémiques et ostéomalacie induite par les tumeurs. Une augmentation de la PTH peut être présente au cours des rachitismes et ostéomalacie hypophosphatémiques liés à une fuite rénale de phosphore par excès de FGF23. Cette HPS est souvent créée ou aggravée par le traitement phosphoré justifiant de débuter le traitement par calcitriol avant la supplémentation en phosphore.
  • Hyperparathyroïdies secondaires médicamenteuses
  • Diurétiques de l’anse : comme le furosémide qui en réduisant l’activité du co-transporteur Na-K-CL, au niveau de l’anse ascendante de Henlé, réduit le transport paracellulaire du calcium et augmente la fuite rénale calcique. Cet effet calciuriant rapide, souvent utilisé en thérapeutique, entraîne une augmentation compensatoire de la PTH. De plus, leur utilisation prolongée augmenterait le risque de fracture chez les femmes ménopausées et chez les sujets âgés.

 

  • Anticonvulsivants : la phénytoïne ou le phénobarbital accélèrent le catabolisme hépatique de la vitamine D en activant le cytochrome P 450 (induction enzymatique). De plus ils inhiberaient directement l’absorption intestinale du calcium. Cela explique pourquoi l’évaluation systématique de la réserve vitaminique D et sa correction sont fréquemment recommandées lors de tout traitement anticonvulsivant.

 

  • Bisphosphonates : sont responsables d’une augmentation de la PTH pouvant aller jusqu’à 25% en raison de leur action anti-résorptive avec moindre disponibilité du calcium osseux pour assurer l’homéostasie calcique. Cela explique l’importance de diagnostiquer et traiter une HPS avant d’instaurer un bisphosphonate d’autant qu’une absence de correction de cette HPS préalable diminue l’efficacité du bisphosphonate.

 

  • Le lithium donné au long cours entraîne une élévation de la PTH d’environ 10%, avec ou sans hypercalcémie. Le mécanisme par lequel le lithium agit sur la fonction parathyroïdienne n’est pas connu avec certitude.

 

  • Phosphore La prise de phosphore, par exemple au cours des diabètes phosphatés congénitaux ou secondaires, peut entraîner une HPS.

 

  • La cholestyramine, résine échangeuse d’anions, utilisée pour chélater les sels biliaires dans l’intestin, empêche l’absorption de la vitamine D dans le tube digestif.

 

  • Approche diagnostique d’une élévation de la PTH

Dans la plupart des cas, cette élévation est modérée et reflète une hyperparathyroïdie secondaire (HPTS). La première étape sera donc de rechercher les causes de cette HPTS. Pour cela, des examens complémentaires sont nécessaires : refaire au minimum les dosages de base de la PTH (de préférence par une autre méthode et dans un laboratoire diffèrent) ainsi que : calcium sanguin et urinaire, phosphore, 25OHD.

La calciurie des 24 heures, en reflétant la quantité de calcium absorbée au niveau intestinal, permettra d’orienter vers certaines pathologies. Lorsque la calciurie des 24 heures est particulièrement basse, elle orientera vers des cas d’apport calcique alimentaire effondré ou vers une malabsorption qui pourra inciter à faire doser les anticorps anti-transglutaminases.

Pour confirmer le diagnostic d’hypercalciurie rénale, un test aux diurétiques thiazidiques sera réalisé. Si la calciurie est à nouveau dans les normes et que la PTH s’est également normalisée sans apparition d’hypercalcémie, il sera possible de conclure à une hypercalciurie rénale. Tous les autres examens complémentaires seront réalisés en fonction du contexte clinique et des données biologiques. Le diagnostic d’HPS est clairement évolutif et le plus souvent, le diagnostic sera confirmé par la normalisation biologique rapide après normalisation des apports calciques et normalisation pérenne de la 25OHD au-delà de 30, voire 40 ng/mL associée à la prise en charge de la pathologie causale.

Figure 2 : Stratégie diagnostique devant une parathormone augmentée.

HYP4

  • L’hyperparathyroïdie tertiaire est un diagnostic différentiel de l’hyperparathyroïdie primaire : avec similitude du profil biologique. Résultat de l’autonomisation des glandes parathyroïdiennes après une hyperparathyroïdie secondaire qui a perduré.

En effet, en présence d’une insuffisance rénale avancée et inadéquatement traitée, une HPT tertiaire (T-HPT) peut se développer avec hypercalcémie, hyperphosphatémie et PTH augmentée. Une T-HPT s’observe la plupart du temps chez des patients souffrant d’une S-HPT après transplantation rénale. Les parathyroïdes hypertrophiées ne peuvent retrouver leur état original et produisent trop de PTH autonome malgré une calcémie normale ou même augmentée. Une diminution des récepteurs de la vitamine D et des récepteurs sensibles au calcium a été démontrée dans des parathyroïdes autonomes de patients souffrant de T-HPT. Le traitement peut alors être similaire au traitement de l’hyperparathyroïdie primaire.

Conclusion 

Un taux élevé d’hormone parathyroïdienne n’est pas synonyme d’hyperparathyroïdie primaire, et doit nous amener à mener une enquête étiologique basée sur un interrogatoire et un examen clinique minutieux, et suivis d’un bilan phosphocalcique et biologique complets. Notre but sera alors d’identifier et de traiter au mieux la pathologie causale, le plus précocement possible, avant l’apparition de complications au long cours.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 


 

Références

 

  • Utilité clinique du dosage de la vitamine D. HAS : Janvier 2013.
  • Physiopathologie de l’hyperparathyroïdie secondaire de l’insuffisance rénale chronique. Réalités en rhumatologie # 48_Octobre 2012
  • Hyperparathyroïdie de l’insuffisance rénale : principes du traitement Annales d’Endocrinologie Volume 73, Issue 4, September 2012, Page 242
  • Hyperparathyroïdies secondaires (hors insuffisance rénale). EMC rhumatologie. undefined
  • QUE FAIRE DEVANT UNE AUGMENTATION ISOLÉE DE LA CONCENTRATION EN PARATHORMONE (PTH) ? J.C. Souberbielle. Grande Conférence d’Endocrinologie.
  • Diagnostic biologique de l’hyperparathyroïdisme. Immuno-analyse et biologie spécialisée (2008) 23, 280—285.
  • Hyperparathyroïdie primitive. EMC Rhumatologie. undefined

 

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Diabète insipide, démarche diagnostique

Le diabète insipide est une maladie rare, avec une prévalence de l’ordre de 1/25.000 cas. Le diabète insipide d’origine central DIC en est la forme la plus fréquente. Il est caractérisé par la survenue d’un syndrome polyuro-polydipsique avec des urines hypotoniques

 

N. Nebti, Service d’Endocrinologie Diabétologie, CHU Issaad Hassani, Beni Messous, Alger.

Date de soumission : 05 Octobre 2020

Résumé : Le diabète insipide est une maladie rare, avec une prévalence de l’ordre de 1/25.000 cas. Le diabète insipide d’origine central DIC en est la forme la plus fréquente. Il est caractérisé par la survenue d’un syndrome polyuro-polydipsique avec des urines hypotoniques, il nécessite une stratégie diagnostique rigoureuse, afin de le confirmer dans un premier temps, et d’en retrouver l’étiologie causale dans un second temps ; ceci dans le but de proposer une thérapeutique adéquate.

Mots clés : Diabète insipide, ADH, syndrome polyuro-polydipsique, test de restriction hydrique.

Abstract: Diabetes insipidus is a rare disease, with a prevalence of around 1/25,000 cases. Diabetes insipidus of central origin DIC is the most common form. It is characterised by the occurrence of a polyuro-polydipsia syndrome with hypotonic urine, and requires a rigorous diagnostic strategy, firstly to confirm it and secondly to find the causal aetiology, in order to propose an adequate therapy.

Key words: Diabetes insipidus, ADH, polyuro-polydipsic syndrome, fluid restriction test

 

  • Introduction – définition

Le diabète insipide (DI) se définit par une polyurie hypotonique et une polydipsie compensatrice impérieuse, en rapport avec un déficit en hormone antidiurétique (ADH) (dans le diabète insipide central DIC) ou à une résistance à l’action de l’hormone antidiurétique (DI néphrogénique).

 

  • Rappel physiologique

L’ADH (antidiurétique hormone) ou arginine vasopressine est une hormone synthétisée au niveau de l’hypothalamus et transportée dans les axones des nerfs du tractus hypothalamo-neuro-hypophysaire, gagnant la posthypophyse ou elle est stockée puis secrétée sous contrôle de la pression osmotique des liquides extracellulaires via les osmo-recepteurs.

L’action de l’ADH est double : une action antidiurétique par augmentation de la perméabilité cellulaire de l’eau au niveau du tube distal et du tube collecteur, entraînant une réabsorption d’eau avec réduction du volume d’élimination urinaire, augmentant aussi la réabsorption active tubulaire de sodium Na+. Une seconde action vasculaire : vasoconstriction mais à des taux très élevés d’ADH.

Physiopathologie

Quatre mécanismes sont responsables du diabète insipide.

  • Insuffisance post-hypophysaire par défaut de production de l’ADH : il s’agit du défaut physiopathologique le plus souvent observé. Cette entité est aussi appelée diabète insipide central, neurogène ou hypothalamique ou diabète insipide neuro-hypophysaire.
  • Diabète insipide néphrogénique : il s’agit d’une insensibilité rénale, totale ou partielle, aux effets antidiurétiques de l’ADH.
  • Polydipsie primaire (aussi appelée potomanie) : le diabète insipide est secondaire à une prise d’eau excessive qui est normalement éliminée par le rein.
  • Diabète insipide dû à l’augmentation du catabolisme de la vasopressine pendant la fin de grossesse ou diabète insipide gestationnel.


 

  • Étiologies 
  • Diabète insipide central

Dû à une carence totale ou partielle en ADH, secondaire à une destruction de plus de 85 % des neurone secrétant l’ADH par un processus tumoral, inflammatoire ou traumatique de la région hypothalamique ou post-hypophysaire.

La lésion doit être haute située au niveau de l’hypothalamus ou au niveau de la tige pituitaire au-dessus de l’éminence médiane pour donner un DIC permanent. Le DIC transitoire survient lorsque la lésion touche la tige pituitaire au-dessous de l’éminence médiane. Les lésions intrasellaires ne donnent pas de DI permanent car les neurones ne meurent pas et peuvent se régénérer.

Les lésions tumorales doivent être envisagées en premier (en particulier chez l’enfant ou l’adolescent), car elles conditionnent le pronostic et le traitement. Chez l’adulte, les causes inflammatoires ou granulomateuses (exceptionnelles chez l’enfant) sont plus fréquentes.

 

  • Causes tumorales
  • Craniopharyngiome
  • Métastases
  • Kystes de la poche de Rathke
  • Germinomes
  • Apoplexie d’un adénome hypophysaire : l’apoplexie adénomateuse
  • Autres lésions tumorales plus rares : les choristomes, les lymphomes primitifs du SNC.

 

  • Lésions inflammatoires et granulomateuses : la sarcoïdose, l’histiocytose X, l’hypophysite lymphocytaire. 

 

  • Causes post-traumatiques : ou après chirurgie intrasellaire ou hypothalamique. Le DI post-traumatique est devenu plus fréquent. Le risque de survenue d’un DI est important lorsqu’il existe une fracture de la base du crâne et de la face. Le caractère transitoire ou définitif du DI dépend du niveau de l’atteinte de tige pituitaire.
  • DIC idiopathique : Reste un diagnostic d’élimination.

 

  • Diabète insipide néphrogénique

L’ADH est secrétée mais ne peut pas agir en raison d’une anomalie au niveau ou en aval des récepteurs rénaux.

Il peut être primaire : par anomalie de gènes des récepteurs à l’ADH (anomalie congénitale), ou secondaire, par lésion rénale aigüe : nécrose tubulaire aiguë, tubulopathie, polykystose rénale, médicamenteuse (Lithium, Cisplatine, Amphotéricine B), hypercalcémie, hypokaliémie, sarcoïdose, amylose, drépanocytose.

  • Démarche diagnostique

La première étape consiste à confirmer la polyurie hypo-osmolaire qui, en principe, précède la polydipsie. Par définition, une polyurie insipide est constituée d’urines hypotoniques, hypo-osmolaires (< 250–300 mOsm/kgH2O), éliminées en grandes quantités (> 2–2,5 l par 24 heures, soit 30 à 40 ml/kg de poids corporel).

Les urines sont pâles claires « comme de l’eau » et ne contenant aucun élément anormal (glucose, protéines). Il est impératif de faire la différence entre une polyurie et une pollakiurie, pour cela, un recueil de l’intégralité des urines de 24 heures est indispensable.

En pratique la densité urinaire (DU) est à <1005, l’osmolalité urinaire est basse < 200 mosm/kg d’eau alors que l’osmolalité plasmatique est > 300 mosm/kg d’eau. La clairance de l’eau libre est fortement positive.

La polydipsie accompagne la polyurie (liée à l’hyperosmolarité plasmatique), elle est impérieuse insatiable, ininterrompue (jour et nuit) et entraîne un trouble de sommeil et de la vie sociale.

L’examen clinique est souvent normal. Le syndrome PUPD est bien toléré sans déshydratation sous réserve d’un apport hydrique suffisant.

Après confirmation du syndrome polyuro-polydipsique l’étape suivante consiste à en identifier l’étiologie.

Même si plus rare, il faut d’abord éliminer les causes de diabète insipide (DI) néphrogénique acquis de l’adulte (hypercalcémie, hypokaliémie, prise de lithium, pathologies rénales, etc).

Après cela, en dehors du contexte post-neurochirurgical ou post-traumatique, où le diagnostic de DIC est évident, avant d’avoir recours à l’épreuve de restriction hydrique (difficilement tolérée par le patient), il est plus simple de chercher des arguments en faveur des pathologies centrales grâce à des arguments morphologiques (imagerie par résonance magnétique (IRM), qui occupe actuellement la première ligne pour le diagnostic positif et étiologique du DI central.

  • Cette imagerie montrera un processus tumoral ou d’allure granulomateuse, ou encore inflammatoire, voire malformatif de la région sellaire ou hypothalamique et, très souvent, une disparition de l’hypersignal spontané de la post-hypophyse.
  • Un bilan hypophysaire à la recherche de signes d’insuffisance antéhypophysaire associés (ante-hypophysiogramme) sera effectué : s’il est perturbé, il laissera penser que l’atteinte post-hypophysaire n’est pas isolée mais s’associe à d’autres déficits antéhypophysaires.
  • Des arguments tels que la présence d’autres signes systémiques en cas de pathologie granulomateuse ou inflammatoire, ou la présence d’une lésion néoplasique primitive susceptible de métastaser à l’hypophyse, etc.), doivent être recherchés. Finalement, le test de restriction hydrique est rarement nécessaire, et est réservé aux patients dont le SPUD est isolé et dont l’aspect en IRM ne met en évidence aucune anomalie de la tige pituitaire ou de la région hypothalamique.
  • Le test de restriction hydrique permet d’évaluer la capacité de concentration des urines, marquée par l’augmentation de l’osmolarité urinaire et la diminution de la diurèse. Elle est conservée en cas de polydipsie primaire, altérée s’il s’agit d’un diabète insipide.
  • La restriction hydrique doit être prudente, sous surveillance horaire stricte du pouls, de la pression artérielle et du poids
  • Son protocole doit être adapté à l’importance de la polyurie.

Lorsque la polyurie est importante (plus de 2 levers nocturnes pour miction), la restriction hydrique commence à 8 heures du matin, par une mesure de l’osmolarité urinaire sur la première miction et une mesure de la natrémie, de l’osmolalité plasmatique. Le patient est pesé, puis la diurèse est conservée dans un bocal relevé chaque heure.

Toutes les heures, le patient est pesé, sa pression artérielle et son pouls sont relevés, sa diurèse horaire est notée et l’osmolarité urinaire est mesurée sur chaque échantillon.

La fin de la restriction hydrique est décidée quand l’osmolarité urinaire est stable (c’est-à-dire n’augmente pas de plus de 10%), sur deux prélèvements urinaires à une heure d’intervalle, ou si le patient manifeste des signes de déshydratation (chute de la PA, accélération du pouls, perte de plus de 5% du poids corporel). En fin de restriction hydrique, outre une mesure de la natrémie et de l’osmolalité plasmatique, une mesure de la concentration plasmatique d’AVP est théoriquement proposée et qui est rarement utile, compte tenu des problèmes de sensibilité du dosage. Le test peut être complété par une évaluation de l’osmolarité urinaire et de la diurèse, une et deux heures après l’injection de dDAVP ou Minirin® à la dose de 4 mg, par voie intramusculaire.

Lorsque la polyurie est peu abondante (<2 mictions nocturnes) : la restriction hydrique peut commencer à minuit, avec une mesure de l’osmolarité urinaire sur la première miction et une mesure de la natrémie, de l’osmolalité plasmatique.

Le patient est pesé, puis la diurèse est conservée dans un bocal relevé à 4 heures du matin puis à 8 heures du matin, puis toutes les heures à partir de 8 heures le matin.

Le reste du protocole est ensuite identique.

  • Les résultats du test de restriction hydrique permettent théoriquement de trancher.

En cas de diabète insipide central, l’osmolarité urinaire n’augmente pas ou augmente peu, en tout cas, elle reste inférieure à 700 mOsm/kg.

L’administration de la dDAVP provoque théoriquement, dans les deux heures suivantes, une concentration des urines avec élévation de l’osmolarité urinaire au-delà de 700 mOsm/kg.

En revanche, en cas de diabète insipide néphrogénique, l’administration de dDAVP ne modifie pas l’osmolarité urinaire.

Dans la polydipsie primaire, la soif, au lieu de se déclencher à partir d’une valeur seuil d’osmolalité plasmatique de 290 à 295 mOsm/kg, est mise en jeu pour des osmolalités plus basses. Il s’agit d’une pathologie fonctionnelle des osmo-récepteurs hypothalamiques commandant la sensation de soif et la prise d’eau, dont la « sensibilité » est « dérèglée vers le bas ». Dans ces cas, la restriction hydrique entraîne une ascension de l’osmolarité urinaire au-dessus de 700 mOsm/kg, la soif apparaissant plus précocement.

La distinction est parfois plus difficile et certains diabètes insipides partiels ont une sécrétion d’AVP faible, mais non nulle.

En cas de doute persistant entre diabète insipide partiel et une polydipsie primaire, un test thérapeutique par dDAVP sur 3 jours, est possible, mais potentiellement dangereux, une surveillance stricte est impérative.

Conclusion

L’apparition d’un syndrome polyuro-polydipsique justifie une stratégie diagnostique assez rigoureuse. Le contexte clinique, la recherche de signes systémiques d’une maladie générale, ainsi que les bilans biologiques et hormonaux (ante-hypo-physiogramme) adaptés orientent notre enquête étiologique.

L’origine centrale du diabète insipide ainsi que l’innocuité de l’IRM en a fait l’examen de première intention avant le test de restriction hydrique.

Ce n’est qu’en cas de DI isolé, sans anomalie morphologique à l’IRM, que se justifie une épreuve de restriction hydrique qui permettra d’éliminer une polydipsie primaire.

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Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

  • Diabète insipide central de l’adulte P. Chanson, S. Salenave. EMC endocrinologie 2014.
  • Genetics and diagnosis of central diabetes insipidus, Daniel G. Bichet. Annales endocrinologie 2012.
  • Etiological diagnosis of central diabetes insipidus. Fatma Chaker.
  • Diabète insipide central : diagnostic et prise en charge. B. Köhler Ballan. Revue Médicale Suisse.
  • Diabète insipide. Dr k. Boudaoud.2016

                                               

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Le déficit en hormone de croissance de l’adulte

Le déficit en GH de l’adulte (GHDA : Growth Hormone Deficiency in Adults) est un syndrome clinico-biologique en rapport avec une baisse de la production de l’hormone de croissance par les cellules somatotropes hypophysaires suite à une anomalie congénitale ou acquise de la région hypothalamo-hypophysaire (HPT-HPP)..

 

M. Bensalah, S. Ould Kablia, Service d’Endocrinologie, Hôpital Central de l’Armée, Mohamed Nekkache, Aïn Naâdja, Alger.

 

Date de soumission : 08 Août 2020.

 

Résumé : Le déficit en GH de l’adulte (GHDA : Growth Hormone Deficiency in Adults) est un syndrome clinico-biologique en rapport avec une baisse de la production de l’hormone de croissance par les cellules somatotropes hypophysaires suite à une anomalie congénitale ou acquise de la région hypothalamo-hypophysaire (HPT-HPP). Ces conséquences cliniques sont dominées par une répartition androïde des graisses, insulinorésistance, une hypertension artérielle, une dyslipémie avec un risque vasculaire élevé. Il est également responsable d’une baisse de la densité osseuse, de troubles cognitifs et d’une altération de la qualité de vie. Le diagnostic de GHDA repose sur la réalisation de tests dynamiques en dehors des déficits congénitaux avec anomalies de la région HPT-HPP, le test oral à la Macimoréline est récemment introduit et reconnu par les sociétés savantes comme bonne alternative au test à l’insuline. Le traitement par hormone de croissance permet d’améliorer les paramètres cliniques, le LDL cholestérol, la densité osseuse et la qualité de vie. Ces effets au long cours n’ont pour le moment pas montré une augmentation du risque de néoplasie.

Mots clés : déficit en GH de l’adulte, diagnostic, Macimoréline, bénéfices du traitement.

Abstract: Growth hormone deficiency in adults (GHDA) is a syndrome due to decrease production of growth hormone by somatroph pituitary cells because of congenital or acquired lesion of the hypothalamic pituitary region. Its clinical consequences are represented by android obesity, insulin resistance, dyslipidaemia, high blood pressure, decrease of brain density, cognitive disorders and alteration of quality of life. Diagnosis of GHDA require the necessity of dynamic stimulation tests except in congenital growth hormone deficiency with abnormalities of the hypothalamic pituitary region. Macimorelin oral test is a recently introduced test recognized by scientific societies as a good alternative to insulin tolerance test. The substitutive treatment with growth hormone improves clinical health, decreases LDL cholesterol levels; improves bone density and quality of life. Long-time safety of growth hormone treatment has been proved without risk of neoplasm.

Keywords: adult GH deficiency, diagnosis, Macimorelin, treatment benefits.

 


 

Qu’est-ce que le déficit en hormone de croissance de l’adulte ?

Le déficit en hormone de croissance de l’adulte (GHDA) est un syndrome clinique lié à la baisse de la sécrétion de l’hormone de croissance due à une anomalie organique ou congénitale de la région hypothalamo-hypophysaire. Il est responsable principalement d’anomalies métaboliques qui augmentent le risque cardiométabolique avec répartition androïde des graisses, augmentation du risque d’hypertension artérielle, diminution de la fibrinolyse, intolérance au glucose, insulinorésistance, diminution de la qualité de vie et apparition de troubles cognitifs 1,2,3.

Le déficit somatotrope est à l’origine d’une diminution de la masse maigre et de la densité osseuse, d’une baisse de la capacité à l’exercice, de troubles cardiovasculaires, de dyslipémie et d’une diminution du bien-être 2,4,5,6.

Il engendre par ailleurs des troubles cognitifs dominés par les anomalies de l’attention, de la mémoire, de la fonction exécutive et du langage appréciés par de multiples tests neuropsychologiques 7,8.

Dans le même sens, le déficit somatotrope est à l’origine d’une diminution de la qualité de vie : les troubles mnésiques, la détérioration de l’image de soi, l’anxiété, la dépression, l’apathie, les difficultés de jugement, l’insomnie, la fatigue, les difficultés dans la planification, dans l’organisation, la prise de décision et la communication en sont les principaux signes 39.

 

Quelles sont les étiologies du déficit en hormone de croissance de l‘adulte ?

Le GHDA peut être en rapport avec un déficit isolé ou combiné hypophysaire congénital connu et traité depuis l’enfance ou encore en rapport avec une cause acquise (adénome hypophysaire, craniopharyngiome, maladie infiltrative, radiothérapie, séquelles de chirurgie de la région hypothalamo-hypophysaire, traumatisme crâniens) 10.

Les causes congénitales du déficit en GH peuvent être en rapport avec des anomalies génétiques avec ou sans anomalies de dévalement de la glande hypophysaire. Il s’agit des anomalies des gènes LHX3, LHX4, Hesx1, Prop 1, Pit 1, ATRX1 ; qui associent des déficits hypophysaires combinés. Le déficit en GH congénital peut être également isolé par anomalie du gène de la GH. Les causes acquises sont représentées par les adénomes hypophysaires, causes les plus fréquentes du GHDA acquis, les craniopharyngiomes, la radiothérapie de la région hypothalamo-hypophysaire, les maladies infiltratives de la région hypothalamo-hypophysaire et les traumatismes crâniens dont le déficit en GH est l’atteinte la plus fréquente parmi les axes endocriniens 10.

Figure 1 : Étiologies du déficit en GH de l’adulte 10

Quelles sont les conséquences cliniques du déficit en GH de l’adulte ?

Le déficit en GH de l’adulte associe un profil clinico-biologique particulier avec répartition androïde des graisses, hypertension artérielle, insulinorésistance, modification des paramètres lipidiques avec augmentation du cholestérol LDL, diminution du cholestérol HDL et profil pro-inflammatoire confirmé par certaines études. Ce profil pro-inflammatoire correspond à l’augmentation de la Protéine C Réactive (CRP), certaines cytokines, la pregnancy associated plasma protein, du stress oxydatif avec dysfonction endothéliale 3,4,10.

Toutes ces modifications augmentent le risque cardiovasculaire des patients atteints de GHDA. Ces patients ont donc une augmentation du risque de maladie coronaire comme l’a démontré l’étude Framingham 11.

Rosen et Bengtsson12, ont été les premiers à démontrer que l’espérance de vie des patients déficitaires en hormone de croissance, était réduite. Le taux de mortalité élevé était essentiellement dû à la survenue de la maladie cardiovasculaire. Une étude rétrospective portant sur 333 patients estimait que le risque de mortalité doublait par maladie cardio-vasculaire avec 58% de décès. Dans une autre étude menée au royaume uni sur 1.014 patients hypo-pituitaires, la mortalité était liée aux causes vasculaires 13.

Les accidents vasculaires cérébraux et la cardiopathie ischémique sont plus fréquents chez les femmes que chez les hommes.

Les patients déficitaires en GH ont un nombre élevé de plaques d’athérome au niveau des artères carotides et fémorales par rapport aux sujets contrôles et une réduction de la distension artérielle. Ces données sont retrouvées aussi bien chez les adultes jeunes que ceux plus âgés. Les performances cardiaques sont réduites avec une diminution de la masse ventriculaire gauche, une diminution de la fraction d’éjection et des troubles de la fonction diastolique droite. A cela s’ajoute également une diminution de l’épaisseur du septum interventriculaire du VD et de la fraction d’éjection du VD de 14% 5,14,15,16.

Par ailleurs, la majorité des études ont démontré une augmentation de l’épaisseur intima-média (EIM) chez les patients hypo-pituitaires. Cette augmentation est corrélée aux valeurs basses d’IGF117.

Le déficit en GH de l’adulte entraîne une diminution de la masse et de la densité osseuses avec augmentation de l’incidence des fractures et de l’ostéopénie18.

Ces modifications peuvent apparaître si le déficit somatotrope est isolé ou associé à d’autres déficits antéhypophysaires et même en absence du déficit gonadotrope 19.

Certains GHD adultes, et GHD enfants devenus adultes, (20%, 30% respectivement), ont une ostéoporose avec un T score <2,5. Les patients de moins de 30 ans ont une ostéoporose plus sévère que les contrôles sains. Les patients âgés de plus de 60 ans ne diffèrent pas des contrôles. Ceux âgés entre 30-45 ans ont une sévérité intermédiaire 19.

Holmes et collaborateurs démontrent que les hommes et les femmes qui ont un déficit en GH durant plus de deux ans ont une diminution significative de la densité osseuse au niveau des vertèbres lombaires et ceci même en absence de déficit gonadotrope 18.

Dans le même sens, Colao et collaborateurs 4, retrouvent une baisse significative de la densité osseuse avec un risque fracturaire 2 à 3 fois plus élevé chez les patients atteints de déficit en GH sévère et très sévère, qu’il soit isolé ou associé à d’autres déficits anté-hypophysaires.

Sur le plan histologique, les patients GHD ont une augmentation du volume de l’os trabéculaire, une augmentation de la résorption osseuse, une augmentation de l’épaisseur des cellules ostéoïdes suggérant un retard à la minéralisation osseuse 20.

Les patients atteints de déficit en hormone de croissance sont atteints de troubles psychologiques, d’une diminution de la qualité de vie et de troubles cognitifs 21.

Ces troubles sont dominés par les difficultés de l’attention, par des troubles mnésiques, des troubles du langage, de la concentration et de la compréhension engendrant une diminution du bien-être et une tendance dépressive 8,22.

Les récepteurs de l’hormone de croissance sont présents dans de nombreuses parties du cerveau : l’hippocampe, région impliquée dans la compréhension et la mémoire, le cortex cérébral, les amygdales et l’hypothalamus. Les sites de liaison de la GH sont particulièrement abondants au niveau des plexus choroïdes 23.

L’axe GH/IGF1 joue un rôle important dans la réparation des cellules neuronales du SNC. En effet, l’IGF1 intervient dans la myélinisation, remyélinisation et la protection des oligodendrocytes 23.

La GH et l’IGF1 permettent aussi de maintenir le tonus et la réactivité vasculaire et participent à la réparation du SNC en cas d’hypoxie cérébrale.

L’altération de la qualité de vie dans le déficit en GH est évaluée par un outil pratique et simple comprenant 25 questions avec des réponses dichotomiques QOL AGHDA (quality of life growth hormone deficiency in adults, un score élevé atteste d’une altération de la qualité de vie.

 HC2

Figure 2 : profil clinico-biologique du GHDA.

Comment poser le diagnostic de déficit en GH chez l’adulte ?

Les valeurs basales de GH et d’IGF1 n’ont pratiquement pas d’intérêt, en dehors des situations de lésions organiques de la région hypothalamo-hypophysaire avec déficits multiples >3. Un taux d’IGF1 <-2DS ou une valeur <84 ng/ml suffit pour poser le diagnostic de déficit en GH. Dans les autres situations, la réalisation de tests de stimulation dynamique est nécessaire. Le test à l’insuline/GH reste le test de référence pour poser le diagnostic de GHDA en présence d’une hypoglycémie <2,2 mmol/l avec un cut-off reconnu de 5 µg/L pour le déficit partiel et 3 µg/L pour le déficit total. En présence de contre-indications, le test au glucagon est une bonne alternative à condition qu’il soit interprété en fonction de l’IMC (indice de masse corporelle). Le cut-off de 3 µg/L est admis pour les patients avec IMC <25 Kg/m2 et ceux dont le IMC est entre 25 et 30 Kg/m2. Il est de 1 µg/L pour les patients dont l’IMC est >30 Kg/m2. Le test à la GH RH arginine représente une très bonne alternative au test à l’insuline, cependant, la GHRH n’étant plus commercialisée, ce test est donc irréalisable 1,10.

Un nouveau test a révolutionné l’exploration de l’axe somatotrope de l’adulte, il s’agit d’un nouveau test oral à la Macimoréline qui est un agoniste de la ghreline qui stimule l’hormone de croissance. La FDA a autorisé l’utilisation de ce test pour la recherche du déficit en GH de l’adulte en Décembre 2017 pour un cut-off de 2,8 µg/L24.

Le test de stimulation de l’hormone de croissance n’est pas indiqué en cas d’atteinte organique avec déficits hypophysaires multiples ≥3 et des taux d’IGF1 <-2 DS ainsi que chez les patients avec déficit en GH d’origine génétique. Les patients ayant ≤2 déficits anté-hypophysaires avec des taux d’IGF1 <-2 DS doivent bénéficier d’un test de stimulation de l’hormone de croissance pour confirmer le déficit en GH 10.

HC3

Figure 3 : Protocole d’évaluation du déficit en GH de l’adulte selon les recommandations de l’AACE – Growth hormone task force 2019

Comment évaluer les patients atteints de déficits en hormone de croissance congénitaux en phase de transition ?

La phase de transition concerne les adolescents âgés entre 15 et 18 ans atteints de déficit congénital en hormone de croissance sous traitement par GH recombinante ayant atteint leur taille finale. Le maintien de l’hormone de croissance chez les adolescents chez lesquels le déficit persiste, permet de normaliser la composition corporelle, le profil lipidique et la maturation osseuse ainsi que la qualité de vie. La transition du service d’endocrinologie pédiatrique vers un service d’endocrinologie de l’adulte doit se faire en étroite collaboration entre l’endocrinologue et le pédiatre pour assurer une prise en charge adéquate en cette période vulnérable 10,25.

La réalisation de test de stimulation en phase de transition n’est nécessaire que chez une catégorie de patients. Ne seront pas re-testés les patients atteints de déficit congénital en hormone de croissance avec déficits multiples >3, les patients porteurs de mutations génétiques type PRPOP1, PIT1, LHX3, LHX4, HESEX1, PITX2, les patients atteints de déficit en GH par anomalie de la GH ou de son récepteur, les patients atteints de déficit congénital en GH avec anomalies structurelles ou acquises périnatales10 25.

Par contre, les adolescents atteints de déficit en GH idiopathique isolé avec des taux d’IGF1 entre 0 et -2 DS ou <-2 DS, les patients atteints de déficit en GH avec un ou deux autres déficits anté-hypophysaires, les patients avec déficit isolé en GH avec hypoplasie hypophysaire ou post-hypophyse ectopique ou d’une irradiation crânienne, doivent bénéficier d’un test de stimulation de l’hormone de croissance après un mois d’interruption du traitement par hormone de croissance 10.

Le nombre de tests à réaliser dépend du degré de présomption de la persistance du déficit en GH. Si la suspicion de persistance de déficit est élevée comme en cas de déficit isolé en GH avec hypoplasie hypophysaire ou post-hypophyse ectopique ou d’une irradiation crânienne, un seul test de stimulation est nécessaire. Si la suspicion de GHD est faible en cas d’absence d’anomalies à l’IRM hypothalamo-hypophysaire, d’absence de déficits hypophysaires associés ou de taux d’IGF1 normal bas <0 DS ; deux tests de stimulation de l’hormone de croissance sont nécessaires pour infirmer ou confirmer la persistance du déficit 10.

Le test à l’insuline sur GH est le test de référence en phase de transition. En cas de contre-indications, le test au glucagon et le test à la Macimoréline sont une bonne alternative. Le seuil en phase de transition pour le test à l’insuline est de 5,6 µg/L avec une sensibilité de 77% et une spécificité de 93% 25. Pour les nouvelles recommandations de l’AACE, ce seuil est de 5 µg/L.

Il est important à souligner que la réalisation des tests de stimulation doit se faire en équilibre hormonal des autres déficits anté-hypophysaires.

HC4

Figure 4 : Protocole d’évaluation du déficit en GH en phase de transition selon les recommandations de l’AACE Growth hormone task force 2019

 

Comment traiter le déficit en GH de l’adulte ?

L’hormone de croissance humaine recombinante est utilisée pour traiter les patients adultes atteints de déficit en GH. Il est recommandé d’initier le traitement par de faibles doses, en dehors des patientes sous œstrogènes et des patients en phase de transition. Il est recommandé de débuter le traitement à la dose de 0.3-0.4 mg/j chez les patients de moins de 30 ans, 0.2-0.3 mg pour les patients âgés entre 30-60 ans et 0.1-0.2 mg pour les patients de plus de 60 ans, les patients obèses, diabétiques ou en intolérance au glucose 2,3,10.

La titration des doses sera ensuite guidée par les taux d’IGF1 qui doivent être dans les normes pour l’âge et le sexe entre -2 DS et +2 DS. La surveillance de la titration se fera tous les 1 à 2 mois initialement puis tous les 6 mois une fois l’équilibre thérapeutique atteint.

Chez les patients en transition d’un GHD congénital traités pendant l’enfance, les doses administrées sont réduites de 50% par rapport à la dose utilisée pendant l’enfance avec titration en fonction des taux d’IGF1 qui ne doivent pas dépasser +2 DS 10.

La surveillance du traitement se basera sur les données cliniques tous les 6-12 mois avec évaluation de l’IMC, de la pression artérielle, du tour de taille, le profil lipidique, l’électrocardiogramme et l’échocardiographie ainsi que l’échodoppler des troncs supra-aortiques. L’ostéodensitométrie est réalisée avant le traitement puis 2 à 3 années après son initiation 2,3,10.

L’évaluation des autres axes anté-hypophysaires est également nécessaires notamment pour les fonctions corticotrope et thyréotrope, le dosage de la FT4 guidera une éventuelle nécessité de majoration des doses de Lévothyroxine 2,3,10.

Quels sont les bénéfices du traitement par hormone de croissance chez les patients GHDA ?

Le traitement par GH améliore les chiffres tensionnels, augmente la vasodilatation et diminue la rigidité artérielle. La GH améliore la fonction endothéliale qui contribue au changement du tonus vasculaire.

Les marqueurs de l’inflammation sont élevés chez les patients GHD et l’administration de GH diminue la CRP.

La majorité des études ont démontré une augmentation du HDL cholestérol et une diminution du LDL cholestérol et du cholestérol total après institution du traitement par hormone de croissance. Une large étude observationnelle (n=1.206) rapporte une réduction de 7% du LDL cholestérol et du cholestérol total après deux ans de traitement. Mais aucune étude n’a démontré l’effet additif de la GH par rapport aux statines 26.

La majorité des études ont démontré que l’épaisseur intima média est plus importante chez les patients GHD par rapport aux contrôles. Son augmentation est corrélée aux valeurs basses d’IGF1 et l’administration de GH aux patients GHD diminue l’EIM 19.

Par ailleurs, le traitement par hormone de croissance améliore les performances cardiaques, la masse et le volume diastolique du VG comme l’a démontré une étude portant sur dix patients GHD traités par hormone de croissance. 19

Le traitement par hormone de croissance a un effet anabolique sur l’os, les effets sont complexes et diphasiques la GH stimule à la fois la formation et la résorption osseuses.

Après 18-24 mois, la majorité des études objectivaient une augmentation de 4-10% de la densité osseuse avec des effets plus importants au niveau vertébral que fémoral. 27,28,29.

Les patients dont la perte osseuse est plus importante (Z score <-2) ont une meilleure réponse au traitement, particulièrement les hommes avec une efficacité pendant près de 10 ans, mais les effets sur le col restent en plateau après 5 ans de traitement.

Elbornsson et al., ont évalué la densité osseuse chez 109 patients atteints de GHD sur une période de 15 ans et ont mis en évidence une augmentation de la densité osseuse au niveau vertébral et du col du fémur pendant 7 ans. Au delà, elle rejoignait les valeurs basales30.

L’amélioration de la qualité de vie n’est pas toujours corrélée à l’augmentation des taux d’IGF1. Cette amélioration commence les trois premiers mois pour certaines études et au bout d’une année pour d’autres.

Le traitement au long cours permet de maintenir une qualité de vie adéquate chez les patients traités 31.

Elbornsson et al.32, ont évalué la mortalité chez 156 patients avec GHD traités par hormone de croissance pendant plus de 15 ans ; 21 patients sont décédés ; le décès n’était pas d’origine cardiovasculaire. Par ailleurs, 38% des patients avaient bénéficié d’une radiothérapie cérébrale probablement source de mortalité dans cette population. La mortalité liée aux causes cardiovasculaires avait par contre baissé sous traitement.

Ces données sont confirmées par celles rapportées dans la KIMS data base, rapportée par Gaillard et al.33, qui retrouvent une augmentation de la mortalité globale dans le groupe traité par GH (n=13.983) ; elle était corrélée à l’âge jeune au diagnostic, au sexe féminin, aux étiologies du GHD (Craniopharyngiome, tumeurs agressives, diabète insipide, radiothérapie hypophysaire).

Par contre, l’étude danoise retrouve une augmentation de la mortalité cardiovasculaire chez les femmes après analyse du registre national des patients traités par hormone de croissance 34.

Une étude plus récente réalisée par Kokshoorn et al., portant sur 534 patients traités pour GHDA âgés entre 60 et 80 ans, a montré une baisse du LDL et une amélioration de la qualité de vie.

Ainsi, si le traitement par hormone de croissance semble améliorer la mortalité cardiovasculaire chez les patients GHD, la mortalité en général est plus élevée que dans la population générale.

Le traitement par hormone de croissance peut-il être prescrit au long cours avec sécurité ?

La sécurité d’emploi de l’hormone de croissance est favorisée par le respect des indications thérapeutiques, de la posologie ainsi que la surveillance du traitement. Il est clairement établi que le risque de cancer, de tumeur cérébrale, de leucémie d’hémorragie cérébrale n’augmente pas en absence de facteurs de risque 10. Cependant, le risque de second cancer a augmenté chez les patients ayant bénéficié d’une radiothérapie 10. Il est évidemment contre-indiqué d’utiliser l’hormone de croissance chez les patients ayant une néoplasie active. L’étude SAGhE publiée en 2012 avait montré une augmentation de la mortalité chez les adultes traités pendant l’enfance pour GHD. Ces données n’ont cependant pas été confirmées par l’étude européenne ni sur la mortalité ni sur le risque de cancer. Dans le même sens, des données portant sur 150.000 patients traités par GH thérapie avec suivi au long cours sont rassurantes sur le plan de la sécurité au long cours 37.

Par ailleurs, les effets secondaires sont représentés par les œdèmes, les arthralgies, les paresthésies et l’HIC bénigne. La survenue de diabète ou de troubles de la tolérance glucosée est possible chez les patients traités par hormone de croissance notamment dans les populations à risque (antécédents familiaux de diabète de type 2, diabète gestationnel). Il est donc recommandé de doser la glycémie et/ou l’hémoglobine glyquée tous les 6-12 mois.

Quelles sont les perspectives thérapeutiques ?

Le traitement par hormone de croissance est administré par voie sous cutanée quotidiennement. Des essais thérapeutiques visent à développer des formes retards de l’hormone de croissance pour améliorer l’observance thérapeutique des patients. Cinq formes de GH retard ont été développées, cependant plusieurs questions restent posées 10 :

  • Quels sont les effets de la GH circulante de façon prolongée sur le risque de cancer et sur le plan métabolique ?
  • Les molécules porteuses de la GH permettent-elles une bonne diffusion de l’hormone de croissance vers les tissus cibles ?
  • Les effets de la forme retard sont-ils durables ?
  • Comment se fera le monitoring de l’IGF1 pour les formes prolongées de GH ?

 

Conclusion

Le déficit en GH de l’adulte doit être bien documenté et prouvé avant toute initiation d’un traitement substitutifs dont les bénéfices sur le plan métabolique, cardiovasculaire, osseux et sur la qualité de vie ont été prouvés. Bien que le risque de cancer et de diabète, soit faible, le traitement par hormone de croissance doit être individualisé et surveillé pour chaque patient traité. La phase de transition chez les patients atteints de déficit en GH pendant l’enfance, doit être évaluée en collaboration entre pédiatre et endocrinologue afin de maintenir l’effet bénéfique du traitement substitutif chez les patients déficitaires confirmés. Les formes-retard de l’hormone de croissance faciliteront certainement l’observance thérapeutique, des essais au longs cours sont encore nécessaires pour valider leur utilisation.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.


 

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Endocrinologie Interventionneller: Cas Clinique.

Chez les patients souffrants d’hyperparathyroïdie primaire (HPP), l’exérèse chirurgicale des adénomes parathyroïdiens est considérée comme le traitement curatif de choix.

 

D. E. Boudiaf, S. Dabouz, N. S. Fedala, Unité d’exploration, Service d’Endocrinologie et Métabolisme, CHU Mohamed Lamine Debaghine, Bab El Oued Alger.

 

Résumé : Chez les patients souffrants d’hyperparathyroïdie primaire (HPP), l’exérèse chirurgicale des adénomes parathyroïdiens est considérée comme le traitement curatif de choix. En cas de risque opératoire ou anesthésique lié à l’âge et à l’association de comorbidités, ou en cas de difficultés techniques (cou multicicatriciel), l’ablation par l’injection percutanée d’éthanol sous guidage échographique, constitue une alternative efficace et sûre. Nous illustrons ici un cas clinique concernant une HPP récurrente dans un contexte de Néoplasie Endocrine Multiple (NEM) après plusieurs tentatives chirurgicales. L’évolution a été marquée par une chute rapide, puis normalisation de la calcémie, et stabilisation des taux de PTH avec un recul de neuf mois.

Mots clés : Hyperparathyroïdie primaire (HPP), injection percutanée d’éthanol (PEI), néoplasie endocrine multiple (NEM).

 

Abstract: In patients with primary hyperparathyroidism, surgical excision of parathyroid adenomas is considered the curative treatment of choice. In the event of an operative or anaesthetic risk related to the elderly and the association of comorbidities, or in the event of technical difficulties (multicicatricial neck) ablation by percutaneous injection of ethanol under ultrasound guidance constitutes an effective and safe alternative. We illustrate here a clinical case concerning recurrent hyperparathyroidism in the context of Multiple Endocrine Neoplasia (MEN) after several surgical attempts. The course was marked by a rapid drop followed by normalization of serum calcium and stabilization of the PTH level within three months.

Keys words: primary hyperparathyroidism (PHP), percutaneous ethanol injection (PEI), multiple endocrine neoplasia (MEN).


 

Introduction 

La parathyroïdectomie est considérée comme le meilleur traitement curatif des hyperparathyroïdies primaires (HPP) [1]. Le traitement médical est approuvé par la Food and Drug administration (FDA) en tant qu’option thérapeutique, uniquement dans les hyperparathyroïdies secondaires, tandis qu’en HPP, il offre peu d’espoir pour obtenir une eucalcémie à long terme [2].

La sclérothérapie par injection percutanée d’éthanol (PEA) de l’adénome parathyroïdien sous guidage échographique peut représenter une alternative dans la gestion de l’HPP chez les patients âgés avec comorbidités présentant un risque opératoire ou anesthésique accru, en cas de récidive après plusieurs tentatives chirurgicales, et en cas de difficultés techniques [3,4]. Par ailleurs cette procédure est actuellement recommandée comme méthode moins invasive avant la chirurgie pour le traitement d’une variété de masses kystiques du cou dont le kyste parathyroïdien [5]. Elle reste aussi une alternative efficace et sûre à la ré-intervention pour le traitement de l’HPP récurrente chez les patients présentant une NEM et devrait être réalisée par un échographiste expérimenté [6].

Nous avons utilisé cette thérapie chez un jeune patient de 43 ans, suivi pour une hyperparathyroïdie primaire récurrente dans un contexte de NEM2a.

Observation

Nous rapportons le cas d’un jeune patient de 43 ans présentant une NEM2a, qui a subi une thyroïdectomie avec curage ganglionnaire élargi pour carcinome médullaire à deux reprises, associée à une parathyroïdectomie dans un contexte d’HPP. Lors du suivi, devant la persistance d’une hypercalcémie (moyenne de 111 mg/l) symptomatique avec manifestations rénales, l’échographie cervicale avait montré un adénome parathyroïdien de 22/12/10 mm dans la loge droite (Fig. 1), son caractère solitaire et fonctionnel avait été confirmé par la scintigraphie MIBI (Fig. 2). Une troisième chirurgie a été envisagée, rendue difficile par la présence de fibrose et soldée ainsi par un échec.

Nous avons suggéré que le patient pourrait bénéficier d’une sclérothérapie comme alternative à la chirurgie. Afin de confirmer la nature parathyroïdienne nous avons procédé d’abord à une cytoponction échoguidée  par une aiguille mandrinée 27 G pour étude cytobiologique (fig. 3), après rinçage de l’aiguille un dosage in situ des différents paramètres biologiques (PTH, Tg et TCT) a été donc effectué (tableau 1).

Une aiguille de calibre 25 G fixée à une seringue, contenant l’éthanol stérile 96% a été soigneusement insérée dans l’adénome parathyroïdien sous contrôle échoguidé, un total de 1 ml d’éthanol a été injecté dans les 4 quadrants de l’adénome.

L’évolution trois mois plus tard a été marquée par une diminution de la vascularisation de l’adénome en mode Doppler (fig.4), une normalisation de la calcémie (87 mg/l), avec stabilisation des taux plasmatiques de PTH. À distance, le taux de calcémie restait toujours stable après 9 mois d’intervalle (courbe 1).

Dosage In situ

Calcitonine (TCT)

pg/ml

Thyroglobuline (Tg) ng/ml

Parathormone (PTH)

pg/ml

Résultats

4

<0.2

1391

Tableau 1 : résultats biologiques in situ après ponction échoguidée de la formation de loge en faveur d’un adénome parathyroïdien.

                                                                                                                       

 

 

Courbe 1 : Évolution des taux de calcémie et de PTH avant et après PEI (Percutaneous Ethanol Injection)

 

1

Figure 1 : Image de loge droite bien limitée hypoéchogène hétérogène correspond à l’adénome a PTH

 

2

Figure 2 : Spect CT MIBI : fixation unique cervicale latéro-trachéale de la loge droite

 

3

Figure 3 : Aspect microscopique d’un adénome parathyroïdien

 

4

Figure 4 : Vascularisation avant et après éthanol

Discussion : Le traitement de choix de l’hyperparathyroïdie est la parathyroïdectomie, cette dernière est indiquée chez tous les patients symptomatiques, et même en l’absence de symptômes quand au moins un critère d’opérabilité se présente selon les recommandations de la NIH 2013 [7]. Quand la chirurgie est heurtée à une contre-indication liée à l’âge avancé et l’association de comorbidités ou s’avère non faisable pour des raisons techniques surtout lorsqu’il s’agit d’un cou multicicatriciel, l’injection percutanée de l’éthanol sous contrôle échographique constitue une option thérapeutique sûre et efficace [3,4]. Le taux de réussite de cette méthode varie de 33 à 89% selon les auteurs, ceci dépend de plusieurs facteurs dont essentiellement la quantité de l’éthanol injectée, l’intervalle d’application (nombre de séances), le temps de surveillance, ainsi que le protocole de suivi [8].

Le but de PEI n’est pas la destruction complète de toute la parathyroïde (figure 4) en raison du risque d’hypoparathyroïdie. On vise plutôt un contrôle de l’eucalcémie au long terme en évitant une ré-intervention chirurgicale qui, (si elle est possible), expose le patient au risque d’atteinte du nerf laryngé [8].

Un autre paramètre prédictif de l’efficacité de la PEI dans le traitement des adénomes parathyroïdiens est l’index de vascularisation, qui semble bien corrélé au taux de PTH sérique et à la baisse de la calcémie [9].

Nous avons évalué prospectivement l’innocuité et l’efficacité de la PEI en tant qu’option thérapeutique chez un jeune patient en hypercalcémie symptomatique. Cette procédure s’est déroulée sans aucun incident et nous n’avons eu à déplorer aucune complication durant le suivi. Nous avons constaté une diminution de la vascularisation dès la deuxième semaine après injection de l’éthanol (Fig. 4) 

Ce traitement a permis de réduire notablement la calcémie moyenne (107 mg/l avant PEI Vs 87 mg/l après PEI), maintenue stable avec un recul de 9 mois, ce qui confirme l’effet de l’éthanol pour réduire les concentrations sériques de calcium dans le cadre d’HPP récurrente dans un contexte de NEM2.

Conclusion : Afin d’éviter le scenario clinique lié à l’HPP récurrente associant une morbidité en rapport avec l’hypercalcémie et un risque d’atteinte nerveuse laryngée en cas de reprise chirurgicale, la sclérothérapie par injection d’éthanol peut représenter une alternative efficace à la chirurgie dans certaines situations sélectionnées d’HPP, lorsque la parathyroïdectomie ne peut être réalisée, à savoir chez les sujets co-morbides présentant un risque opératoire ou anesthésique accru, ou en cas de difficultés techniques après plusieurs tentatives chirurgicales. Par ailleurs cette procédure moins invasive peut être recommandée en première intention avant la chirurgie quand il s’agit d’un kyste parathyroïdien.

 

Date de soumission : 11 Octobre 2020.

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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Fig. 1 : Image de loge droite bien limitée hypoéchogène hétérogène correspond à l’adénome a PTH

   

Fig. 2 : Spect CT MIBI : fixation unique cervicale latéro-trachéale de la loge droite

Fig. 3 : Aspect microscopique d’un adénome parathyroïdien

Fig 4. Vascularisation avant et après éthanol

 
 
 
 

 

 

 

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Le dépistage génétique du cancer médullaire de la thyroïde à Alger

Le cancer médullaire de la thyroïde ou CMT se présente sous forme sporadique (75% des cas) ; et sous forme familiale (25% des cas) ; dans cette dernière situation, fait partie des Néoplasies Endocriniennes Multiples de type 2 (NEM2).

 

A. Chikouche (1), N. Ould Bessi (1), N. Habak (1), M. Boudissa (2), M. Semrouni (3), D. Meskine (4), S. Fedala (4), M.M. Mezzouad (4), M. Rezoug (5), L. Ahmed Ali (5), S.A. Bensafar (6), L. Griene (7).

(1) Laboratoire de Biochimie, Centre Pierre et Marie Curie, Alger, Algérie.

(2) Service d’Endocrinologie, Centre Pierre et Marie Curie, Alger, Algérie.

(3) Service d’Endocrinologie, Hôpital Béni Messous, Alger, Algérie.

(4) Service d’Endocrinologie, EHS Bologhine, Alger, Algérie.

(5) Service d’Endocrinologie, CHU Bab El Oued, Alger, Algérie.

(6) Service de Chirurgie Générale, CCB Mustapha, Alger, Algérie.

(7) Laboratoire d’Hormonologie, Centre Pierre et Marie Curie, Alger, Algérie.

 

Date de soumission : 19 Mai 2020.

 

Résumé : Le cancer médullaire de la thyroïde ou CMT se présente sous forme sporadique (75% des cas) ; et sous forme familiale (25% des cas) ; dans cette dernière situation, fait partie des Néoplasies Endocriniennes Multiples de type 2 (NEM2). Les NEM2 se subdivisent en NEM2A, NEM2B et CMTF ou CMT familial isolé. Les NEM2 sont des affections héréditaires rares, transmises selon le mode autosomique dominant, liées à des mutations du gène RET. Nous rapportons les résultats de l’étude génotypique réalisée au CPMC à Alger chez 209 cas index qui présentent un cancer médullaire de la thyroïde ou une NEM2 et 105 apparentés aux cas positifs. 24,40% des cas index sont classés comme NEM2 dont 47 sont porteurs de mutations germinales du gène RET ; et 45,71% des enfants apparentés étaient porteurs de mutations. Les mutations ont été retrouvées au niveau des 07 différents exons du gène RET.

Mots clés : néoplasie endocrinienne multiple de type 2, cancer médullaire de la thyroïde, CMTF, proto-oncogène RET, mutation.

 

Abstract: Medullary thyroid cancer or MTC occurs sporadically (75% of cases) and familial form (25% of cases) which, in the latter situation, is part of Multiple Endocrine Neoplasia type 2 (MEN2).
The MEN2
are subdivided into MEN2A, MEN2B and FMTC or isolated family MTC.
MEN2
are rare inherited conditions, transmitted in the autosomal dominant mode, linked to mutations in the RET gene. We report the results of the genotypic study carried out at the CPMC in Algiers in 209 index cases with medullary thyroid cancer or NEM2 and 105 related to positive cases. 24.40% of index cases are classified as NEM2, 47 of which carry germline mutations in the RET gene and 45.71% of related children were carriers of mutations. Mutations in the 07 different exons of the RET gene have been found.

Key words: multiple endocrine neoplasia type 2, medullary thyroid carcinoma, FMTC, proto-oncogene RET, mutation.


 

Introduction

Le cancer médullaire de la thyroïde ou CMT est une tumeur des cellules C avec sécrétion de calcitonine (CT).

Le CMT, qui peut être précédé d’une hyperplasie des cellules C de la thyroïde [5], a une diffusion métastatique très précoce qui peut se faire au stade de microcarcinome.

Deux moyens permettent d’arriver au diagnostic de CMT avant l’intervention : la cytoponction à l’aiguille fine [13] mais surtout le dosage de la Thyrocalcitonine (CT) [12,16,18].

Il se présente sous forme sporadique dans 75% et sous une forme familiale dans 25% des cas.

Ces formes familiales constituent les Néoplasies Endocriniennes Multiples de type 2 ou NEM2.

Celles-ci sont des affections héréditaires rares, de transmission autosomique dominante [19], de pénétrance quasi complète et se caractérisent par la présence constante du cancer médullaire de la thyroïde primaire (CMT) associé ou non à l’atteinte des médullosurrénales et des parathyroïdes et comportent.

  • Le FMTC ou cancer médullaire de la thyroïde isolé familial [4] où le CMT est la seule manifestation clinique sans autre tumeur endocrine associée, représente 35% des NEM2.
  • La NEM2A ou syndrome de Sipple [20] est la forme la plus fréquente (60% des NEM2) comporte un cancer médullaire de la thyroïde souvent associé à un phéochromocytome et/ou à une hyperparathyroïdie.
  • La NEM2B ou syndrome de Gorlin [6], la forme la plus rare (5%) qui associe au CMT, un phéochromocytome, des anomalies du développement et des neurones muqueux.

Le gène de prédisposition aux différentes formes de NEM2 [8,9,10] est le proto-oncogène RET (rearranged during transfection), identifié par Takahashi en 1985 [21], et localisé sur le chromosome 10 (10q11.2) par Ishizaka en 1989 [11]. Il est constitué de 21 exons [14,17] qui code pour un récepteur transmembranaire à activité tyrosine-kinase [22].

Ce récepteur membranaire est formé d’une région extracellulaire N terminale avec un domaine riche en cystéine (CRD), d’une région transmembranaire et d’une région intracellulaire C terminale qui renferment deux domaines à activité tyrosine kinase [2].

L’activation du récepteur RET procède de la manière suivante : un ligand homodimérique de la famille GFL (GDNF Family Ligand), qu’il soit le GDNF (Glial cell line-Derived Neurotrophic Factor), la Neurturine, l’Artémine ou la Perséphine, se lie à un corecepteur spécifique GFRα (GDNF family receptors-α1 à 4). La liaison ligand- corecepteur sous forme dimérique entraine la dimérisation du récepteur RET et son activation. [1]

Des mutations germinales de ce gène ont pu être identifiées dans 95% des FMTC [8].

Les mutations retrouvées dans le FMTC entrainent une activation permanente du récepteur.

Ce sont des mutations ponctuelles ou des duplications, qui siègent par ordre de fréquence au niveau des exons 10, 11, 13, 14, 15, 8 et 16 (les 7 exons les plus fréquemment mutés) et entrainent un changement de codon type faux sens qui affectent des régions codantes spécifiques de RET. Ces mutations entrainent la substitution d’un acide aminé par un autre.

Certaines mutations sont spécifiques du FMTC et d’autres sont communes à la NEM2A et au FMTC [7,8].

L’identification de ces mutations par des techniques de biologie moléculaire permet de confirmer le diagnostic de NEM2.

Objectifs de notre étude

  • Rechercher chez les patients atteints de cancer médullaire de la thyroïde, par des techniques de biologie moléculaire, une mutation dans des exons du gène RET permettant de confirmer le 2- diagnostic de NEM2.
  • Dépister chez les apparentés les porteurs de la mutation génétique familiale

Matériels et Méthodes

Nous avons reçu les prélèvements sanguins de 209 patients diagnostiqués CMT (cancer médullaire de la thyroïde) isolé ou suspects de NEM2.

Parmi nos patients : 174 ont été diagnostiqués comme CMT isolé, 32 comme NEM2A et 03 comme NEM2B par les cliniciens.

Les prélèvements de sang total effectués sur tube avec EDTA, ont été adressés par les 03 services d’endocrinologie de la région d’Alger, centre.

Une demande d’analyse génotypique nous a été transmise accompagnée d’une lettre de consentement et d’une fiche où sont portés le diagnostic, un résumé clinique et le compte rendu de l’exploration biologique ainsi que de l’imagerie.

L’ADN Génomique a été extrait à partir des leucocytes du sang périphérique par la technique aux sels.

L’étude génétique s’est faite par amplification par PCR suivie par une purification sur plaque millipore, puis une PCR de séquence suivie d’une purification par gel filtration et séquençage.

Un algorithme décisionnel a été décidé selon l’ordre de l’exon le plus fréquemment muté.

Si le cas index est un CMT ou NEM2A, on commence par l’analyse des exons 10, 11 et 13 et si la mutation n’est pas retrouvée, l’analyse des exons 14, 15, 8 et 16 sera effectuée. Si c’est un cas de NEM2B on commence par l’étude des exons 16, s’il n’y a rien, on étudie le 15.

L’amplification des différents exons du proto-oncogène RET a été effectuée en utilisant les amorces fournies par Applied Bio Systems selon le protocole de l’hôpital George Pompidou à Paris, France.

Résultats et Discussion

  • Résultats du travail par PCR et séquençage des cas index CMT ou NEM2.

L’étude a porté sur 209 cas index de CMT isolé ou NEM2 (tableau 1).

  • On a retrouvé parmi les 174 cas diagnostiqués comme CMT isolé, 16 porteurs de mutation du gène RET sous forme hétérozygote, 01 porteur d’un variant C515S de l’exon 8 sous forme hétérozygote et 03 porteurs d’un polymorphisme 648 de l’exon 13 dont 01 sous forme homozygote et 02 sous forme hétérozygote.
  • Parmi les diagnostiqués NEM2A (au nombre de 32), 28 étaient porteurs de mutation du gène RET sous forme hétérozygote, 04 n’étaient pas porteurs de mutations délétères du gène RET parmi eux 01 était porteur d’un variant C515S de l’exon 8 sous forme hétérozygote et 02 étaient porteur du variant C515S de l’exon 8 sous forme homozygote.
  • Les diagnostiqués NEM2B au nombre de 03 étaient tous porteurs de la même mutation spécifique aux NEM2B, la M918T.

Pathologie

Nombre

CMT

174

NEM2A

32

NEM2B

3

Total

209

Tableau 1 : Répartition des patients selon le diagnostic à l’arrivée.

  • Répartition des différentes formes de NEM2 par rapport à tous les CMT selon l’étude génotypique de tous les cas Index (tableau 2).

Pathologie

Présence de mutation

Nombre

Fréquence

CMTs

Non

158

75,59%

CMTF

Oui

16

7,65%

NEM2A

Oui

32

15,32%

NEM2B

Oui

3

1,43%

Total

209

 

Tableau 2 : Présence ou non de mutation du gène RET

 

  • Distribution des NEM2 par rapport à tous les CMT (tableau 3)

Pathologie

Nombre

Fréquence

Fréquence littérature

CMT Sporadiques

158

75,59%

75%

NEM2

51

24,40%

25%

Total

209

   

Tableau 3 : Distribution des CMT sporadique et NEM2.

  • Fréquences des différentes formes de NEM2 par rapport à tous les CMT (tableau 4).

Pathologie

Nombre

Fréquence

Fréquence littérature

CMTF

16

31,37%

35%

NEM2A

32

62,74%

60%

NEM2B

3

5,88%

5%

Total des NEM2

51

 

 

Tableau 4 : Distribution des différentes formes de NEM2.

 

Selon nos données, nos patients (209) se répartissent en 158 CMT sporadiques (75,59%) et 51 CMT familiaux ou NEM2 (24,40%).

Les NEM2 se répartissent en 03 NEM2B (5,88%), 16 CMTF (31,37%) et 32 NEM2A (62,74%). Ces pourcentages sont équivalents à ceux de la littérature.

Nature des mutations retrouvées

  • Une mutation, a été retrouvée chez 3 patientes NEM2B, cette mutation la M918T, est spécifique des NEM2B (tableau 5).

NEM2

Mutation

Nombre

%

NEM2B

M918T

3

100

Tableau 5 : Nature des mutations et fréquence dans les NEM2B

  • Parmi les 32 patients NEM2A, 28 étaient porteurs de mutations connues et décrites dans la littérature : la C634R chez 15 cas, la C634Y chez 11 cas, la C620R chez 1 cas et la C634G chez 1 cas :
  • 04 cas n’étaient pas porteurs de mutation germinale (tableau 6).

Variation de séquence

Nombre

Pathologies associées

Muthtz C620R (TCG/CGC)

1

CMT et NEM2A

Muthtz C634G (TGC/GGC)

1

NEM2A

Muthtz C634R (TGC/CGC)

15

NEM2A

Mut htz C634Y (TGC/TAC)

11

CMT et NEM2A

Pas de mutations classiques

4

Tableau 6 : Nature des mutations et fréquence dans les NEM2A

  • Parmi les (174) patients diagnostiqués comme CMT, 16 étaient porteurs de mutations germinales, la C618Y, la C634F, la L790F, la V804M, la S891A chez 02 cas, la E768D chez 4 cas (formes GAG/GAT chez 03 cas et sous forme GAG/GAC chez 01 cas) et la C634Y chez 6 cas (tableau 7).

 

Variation de séquence

Nombre

Muthtz C618Y (tGC/TAC)

1

Muthtz C634F (TGC/TTC)

1

Muthtz C634Y (TGC/TAC)

6

Muthtz G768D (GAG/GAT)

3

Muthtz G768D (GAG/GAC)

1

Muthtz L790F (TTG/TTT)

1

Muthtz V804M (GTG/ATG)

1

Muthtz S891A (TCG/GCG)

2

Tableau 7 : Nature des mutations et fréquence dans les CMTF

Ces mutations germinales sont toutes retrouvées sous forme hétérozygote.

47 mutations génétiques du gène RET ont été retrouvées dans notre série.

12 mutations différentes. Ces mutations sont connues et décrites dans la littérature.

Parmi ces 12 mutations :

  • 02 sont spécifiques des NEM2A, la C634R (TCG/CGC) et la C634G (TCG/GGC).
  • 01 est spécifique des NEM2B, la M918T (ATG/ACG).
  • 04 sont spécifiques aux CMTF, les 02 E768D (GAG/GAC et GAG/GAT), la V804M (GTG/ATG) et la S891A (TCG/GCG)
  • 05 sont communes aux NEM2A et aux CMTF, la C618Y (TGC/TAC), la C620R (TCG/CGC), la C634F (TGC/TTC), la C634Y (TGC/TAC) et la L790F (TTG/TTT).

Figure 1 : Les chromatogrammes des différentes mutations recherchées.

 

  • Résultats du travail par PCR et séquençage des apparentés de 1er degré des cas index NEM2 avec mutation connue.

La recherche de la mutation familiale du gène RET permet de rassurer les non-porteurs et préconiser une thyroïdectomie prophylactique à différents âges selon la nature de la mutation

Codons mutés

Exon

Syndrome(s)

Niveau d’agressivité

Action(s) recommandée(s)

883

15

NEM2B

D

Thyroïdectomie prophylactique dans les premiers mois de la vie.

918, 922

16

634

11

NEM2A,

CMTF

C

Thyroïdectomie prophylactique entre 2 et 5 ans

609, 611, 618, 620

10

NEM2A,

CMTF

B

Thyroïdectomie prophylactique avant l’âge de 5 ans

768, 790, 791

13

NEM2A,

CMTF

A

– Thyroïdectomie prophylactique entre 5 et 10 ans ; ou

– Si absence de thyroïdectomie prophylactique, dosage annuel de la calcitonine stimulée par la Pg

804

14

891

15

Tableau 8 : Conduite à tenir stratifiée devant un CMT selon les mutations du proto-oncogène RET (15).

Nous avons pu réaliser l’étude génétique chez les apparentés de certains cas index, en explorant le gène RET de manière ciblée (la mutation ayant été précédemment identifiée chez les cas index) :

Le dépistage génétique a concerné ainsi 105 apparentés

  • 96 apparentés appartenant à 21 familles de cas index porteurs de mutation, cette étude a concerné 26 adultes et 70 enfants de 5 mois à 17 ans apparemment sains.

Cette étude a pu permis de retrouver que 32 enfants apparemment sains sur 70 sont porteurs de la mutation familiale (ce qui représente 45,71% de tous les enfants analysés), dont certains ont pu bénéficier d’une thyroïdectomie prophylactique à Alger.

  • L’étude a porté aussi sur 09 apparentés sains de 03 familles, porteurs de variant C515S qui a objectivé 01 porteur du variant homozygote et 08 sujets porteurs du variant hétérozygote.

Les résultats de ce travail des apparentés sont résumés dans le tableau suivant (Tableau 9).

Nombre

de famille

Mutation

Apparentés

analysés

Adultes

Enfants

AS (36)

ESNP (38)

ESP (32)

F

M

F

M

F

M

1

C634F

5

0

0

0

2

2

1

1

C634G

6

1

2

1

0

1

1

6

C634R

26

4

5

2

6

6

3

5

C634Y

29

4

4

5

5

4

7

1

E768D

7

0

0

2

3

1

1

1

E768D

2

2

0

0

0

0

0

1

L790F

5

0

1

3

0

0

1

1

V804M

1

0

0

0

0

1

0

1

S891A

5

0

0

1

1

1

2

3

M918T

10

1

2

3

4

0

0

21

 

96

12

14

17

21

16

16

Tableau 9 : Résultats de l’étude sur les apparentés des cas index. AS : adultes sains ; ESP : enfants sains porteurs de mutation ; ESNP : enfants sains non porteurs de mutation ; F : Sexe féminin, M : sexe masculin.

 

Conclusion 

Dans cette étude pionnière réalisée à Alger :

  • Sur les 209 cas index de CMT et de NEM2, 51 cas sont classés comme NEM2 dont 47 sont retrouvés porteurs de mutations germinales du gène RET (12 mutations différentes) et 04 cas de NEM2A où aucune mutation n’a été retrouvée.
  • Les mutations les plus fréquemment retrouvées dans les NEM2A sont la C634R à 38,88% et la C634Y à 27,77%.
  • Dans les cas de CMT Familial, les mutations prépondérantes sont la C634Y à 38,46%, et la G768D à 30,76%.
  • La mutation M918T retrouvée dans les 03 cas de NEM2B, est la plus fréquemment citée dans la littérature.
  • Un variant rare (C515S) a été retrouvé dans les cas NEM2A où aucune mutation classique n’était présente, sous forme homozygote dans 1 cas et sous forme hétérozygote dans 2 cas. De même que ce variant a été retrouvé sous forme hétérozygote chez 1 cas de CMT sporadique.
  • Parmi les 105 apparentés apparemment sains, aucun adulte (26) n’est porteur de mutation alors que sur les 70 enfants, 32 (45,71%) présentent une mutation germinale. Parmi ces enfants porteurs de mutation du gène RET, certains ont pu bénéficier d’une thyroïdectomie prophylactique.
  • Le variant rare C515S a été recherché chez 9 apparentés sains de porteurs de ce variant. Il a été retrouvé sous forme homozygote chez un adulte et sous forme hétérozygote chez les 8 autres.

La recherche de la mutation familiale chez les apparentés d’un cas index de NEM2 est indispensable pour la prise en charge précoce des cas porteurs de cette mutation, vu que la thyroïdectomie prophylactique représente la seule alternative curatrice.

Nous tenons à remercier le Dr Daoud C. pour l’aide apportée à l’écriture de cet article.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

 

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Acromégalie : le défi devant la discordance GH-IGF1, la protéine a-Klotho le nouveau marqueur de l’activité d’acromégalie ?

L’acromégalie est une pathologie rare, en rapport avec un excès circulant d’hormone de croissance (Growth Hormone, GH) et d’Insulin-Like Growth Factor 1 (IGF-I), provenant le plus souvent d’un adénome hypophysaire, associée à un syndrome dysmorphique d’apparition progressive et à une augmentation de la morbimortalité. Le traitement de première intention de l’adénome somatotrope est la chirurgie, mais celle-ci ne permet d’obtenir la guérison que chez environ 50% des patients.

 

A. Yahi, A. Lachkhem, S. Ould Kablia. Service d’Endocrinologie, Hôpital Central de l’Armée Mohamed Seghir Nekkache, Ain Naädja, Alger

 

Date de soumission : 08 Mai 2020.

Résumé : L’acromégalie est une pathologie rare, en rapport avec un excès circulant d’hormone de croissance (Growth Hormone, GH) et d’Insulin-Like Growth Factor 1 (IGF-I), provenant le plus souvent d’un adénome hypophysaire, associée à un syndrome dysmorphique d’apparition progressive et à une augmentation de la morbimortalité. Le traitement de première intention de l’adénome somatotrope est la chirurgie, mais celle-ci ne permet d’obtenir la guérison que chez environ 50% des patients. Dans le reste des cas, on dispose aujourd’hui d’alternatives thérapeutiques permettant de mieux contrôler la maladie. L’obtention d’un bon contrôle a permis de supprimer la surmortalité liée à l’acromégalie. Son contrôle est classiquement fondé sur les deux critères que sont les normalisations de la GH et de l’IGF-I, mais, chez environ 25% des patients, un des deux critères n’est pas obtenu. Les conséquences à long terme de ces situations discordantes restent incertaines et justifient de personnaliser l’attitude thérapeutique, en particulier selon le retentissement clinique. En effet un ensemble de données soutient le rôle de l’axe GH/IGF-1 dans la régulation des niveaux de circulation de la protéine Klotho. D’un point de vue clinique, il est suggéré que cette protéine peut être utilisée comme un marqueur potentiel de l’activité de l’acromégalie.

Mots-clés : Acromégalie, GH, IGF-1, activité de la maladie, discordance GH/IGF-I, alpha-Klotho.

Abstract: Acromegaly is a rare disease, related to a circulating excess of Growth Hormone (GH) and Insulin-Like Growth Factor 1 (IGF-I), most often by a pituitary adenoma, associated with dysmorphic syndrome and increased morbidity and mortality. The first-line treatment for somatotropic adenoma is surgery, but it is only successful in approximately 50% of patients. In the rest of the cases, there are today therapeutic alternatives allowing better control of the disease. Mortality in acromegaly is normalized with biochemical control. Its control is conventionally based on the two criteria which are the normalizations of GH and IGF-I, but in approximately 25% of patients, one of the two criteria is not obtained. The long-term consequences of these discordant situations remain uncertain and justify personalizing the therapeutic attitude, in particular according to the clinical impact. Indeed, a set of data supports the role of the GH/IGF-1 axis in regulating the circulation levels of the Klotho protein. From a clinical point of view, it is suggested that this protein can be used as a potential marker for the activity of acromegaly.

Keywords: Acromegaly, Growth-Hormone; IGF-1, activity of disease, GH/IGF-I discrepancy, alpha-Klotho.

 


 

Introduction 

L’acromégalie est une maladie liée à une hypersécrétion d’hormone de croissance (Growth hormone [GH]), par un adénome hypophysaire somatotrope dans plus de 95% des cas. Elle est responsable d’un syndrome dysmorphique acquis, d’évolution progressive, prédominant à la face et aux extrémités, et d’un retentissement (rhumatologique, cardiovasculaire, respiratoire, métabolique, etc.) qui conditionne le pronostic.

Les objectifs du traitement sont donc, d’une part, de corriger une éventuelle compression tumorale (ou d’en éliminer tout risque) par l’exérèse de la lésion causale, et d’autre part, de corriger l’hypersécrétion de GH/IGF-I, en permettant au patient de retrouver des concentrations de GH et d’IGF1 normales.

Données épidémiologiques 

La diversité des aspects cliniques, biologiques et thérapeutiques d’une maladie rare justifie la collecte systématique de données, le partage des connaissances et, si possible, la standardisation des pratiques médicales.

L’analyse récente des données émanant de 19 registres nationaux d’acromégalie publiés dans la littérature scientifique a fourni les principales caractéristiques épidémiologiques de la maladie pour chaque pays. Elles sont assez constantes d’une série à l’autre et ne semblent pas changer au cours des 30 dernières années. Avec une stabilité de l’âge au diagnostic (l’âge moyen du diagnostic est de 45,2 ans), l’acromégalie est un peu plus fréquente chez les femmes (sex-ratio = 1,24). De plus, l’âge au diagnostic est significativement plus élevé chez les femmes que les hommes dans toutes les études rapportées (de 0 à 7 ans). L’évaluation du délai entre les premiers signes cliniques et le diagnostic de la maladie ne montre pas de changement tout au long des années de publications des registres avec une latence de 5 à 14 ans.

Sur plus de 16.000 patients inclus dans les registres publiés, la prévalence de cette maladie est estimée de 20 à 80 cas par million d’individus.

Les données concernant les caractéristiques tumorales des adénomes somatotropes sont également similaires dans différents pays, il s’agit d’un macroadénome dans 75% des cas (67-84%). Ce pourcentage reste stable par rapport à l’année de publication des registres. Cette stabilité de la proportion des macro-adénomes au fil des décennies, en accord avec la stabilité de l’âge au diagnostic, pourrait suggérer que le diagnostic ne se fait pas plus tôt au cours des dernières décennies.

Dépistage et diagnostic

Le dépistage est recommandé pour tous les patients présentant des signes cliniques d’acromégalie (effets de masse tumorale, effets systémiques de l’excès de GH/IGF1 : cardiovasculaires, métaboliques, respiratoires, osseux/articulaires, et/ou autres conséquences endocriniennes).

Cependant, le dépistage peut également être envisagé chez les patients avec plusieurs pathologies pouvant être associées à l’acromégalie comme le diabète sucré de type 2, l’hypertension artérielle, le syndrome du canal carpien, l’arthrite, et l’apnée du sommeil. L’acromégalie doit être confirmée biologiquement. Selon les sociétés savantes et les lignes directrices il est recommandé de doser l’IGF-1 (ajustée en fonction de l’âge et du sexe) et le Nadir de la GH lors d’un test d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO).

La mesure de l’IGF-1 sérique est généralement le test de dépistage initial puisqu’elle est plus simple que celle de la GH, et peut être faite à tout moment de la journée avec un seul dosage. On note une grande variation des résultats obtenus à partir des différents dosages, ce qui constitue un obstacle au diagnostic et au suivi de la maladie. D’où l’intérêt de suivre la même technique de dosage pour le même malade ou de préférence (ce qui est recommandé), utiliser une technique standardisée et des kits de dosages calibrés vis-à-vis du standard international (IS 02/254). Elle doit être appréciée selon des normes établies en fonction de l’âge (l’IGF-I diminue avec l’âge).

En revanche, les valeurs de la GH sont très variables en raison de la sécrétion pulsatile ; ainsi il est recommandé de confirmer le diagnostic par l’évaluation du niveau de freination de la GH lors d’une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO, 75 g de glucose), ce test est considéré comme l’étalon-d’or pour diagnostiquer une acromégalie. Le Nadir de la GH anciennement à 1 μg/l a été abaissé à 0,4 μg/L, en raison des techniques de dosage actuelles ultrasensibles (kits de dosage, calibrés vis-à-vis du standard international [IS 98/574]).

Les résultats d’IGF-1 et de GH peuvent être discordants en raison de leur variabilité biologique et analytique. Cette discordance a été observée chez 18 à 45% des patients atteints d’acromégalie naïfs au traitement (au diagnostic), et chez environ un quart des cas après traitement (chirurgie, radiothérapie et/ou traitement médical), ce qui ajoute un autre problème à résoudre au cours du suivi de la maladie.

Corrélation radio-anatomopathologique des adénomes somatotropes ?

Une fois que l’hypersécrétion de GH est confirmée, l’étape suivante consiste à déterminer la source de l’excès de la GH. L’imagerie hypophysaire par résonance magnétique (IRM) est recommandée en première intention, étant donné que plus de 95% des cas d’acromégalie sont causés par un adénome hypophysaire. Certaines caractéristiques radiologiques sont considérées comme des marqueurs du comportement de l’adénome et peuvent prédire la réponse au traitement. Ainsi les adénomes qui se présentent en hyposignal T2 (séquence pondérée T2 de l’IRM) sont probablement plus fréquents, moins grands (selon certaines études), moins envahissants, mais souvent associés à des niveaux de GH plus élevés. La réponse de ces derniers au traitement médical (analogues de la somatostatine) est meilleure que celle des adénomes qui se présentent en iso-signal T2 et encore plus importante que les adénomes avec un signal hyperintense en T2.

Ce comportement de l’adénome somatotrope à l’IRM est corrélé au type de granulation constaté lors de l’analyse histologique, ce qui permet de distinguer plusieurs sous-types histologiques d’adénomes somatotropes : adénomes à granulation claire (SGSA : Sparsely granulated somatotroph adenomas) corrélée au signal hyperintense en séquence T2, à granulation dense (DGSA : Densely Granulated Somatotroph Adenomas), et intermédiaire. Ainsi que d’autres sous-types histologiques dont les adénomes mixtes producteurs de GH/prolactine (mammosomatotropes et à cellules souches acidophiles), les adénomes pluri-hormonaux et les somatotropes silencieux.

Il s’avère que les sous-types histologiques diffèrent par leur morphologie, leur comportement clinique et biologique. Les SGSA sont généralement plus grands au diagnostic que les DGSA, ont un niveau d’expression du sous-type 2 des récepteurs de la somatostatine (SSTR2) plus bas, et un indice de prolifération Ki-67 plus élevé (> 3% dans 67% des SGSA contre <3% dans 89% dans les DGSA). Alors que les adénomes à granulation intermédiaire semblent avoir un aspect clinique et un comportement similaire à ceux des DGSA.

Les somatotropinomes à cellules souches acidophiles et les pluri-hormonaux sont associés à un comportement agressif, tandis que le comportement clinique des adénomes somatotropes silencieux est variable, mais souvent agressif. Il est donc essentiel que la pathologie définisse le sous-type exact de l’adénome hypophysaire à GH afin d’adapter la prise en charge et le suivi des acromégales.

Traitement

Objectifs thérapeutiques

Les objectifs du traitement de l’acromégalie sont de soulager les symptômes, réduire le volume de la tumeur hypophysaire et éviter sa récidive, éliminer la morbidité, et réduire l’excès de mortalité au long cours. Cette maladie rare insidieuse diagnostiquée avec un retard moyen de dix ans expose le patient à un sur-risque de mortalité (multiplié par deux), en raison des complications cardio- et cérébrovasculaires, métaboliques, et des néoplasies associées. Les études cohortes et les méta-analyses montrent que la surmortalité a disparu au fil des années chez les patients acromégales contrôlés sur la GH et sur l’IGF1. En revanche, chez les patients non contrôlés sur la GH et/ou sur l’IGF-I, le sur-risque persiste.

Les critères de « guérison » ou de « bon contrôle » de l’acromégalie sont maintenant beaucoup plus stricts, on exige que l’IGF-I soit normalisée et un taux de GH bas (soit sous freination par l’HGPO (<0,4 μg/L ou 1,2 mUI/L), soit « à la volée » sur une, ou mieux, plusieurs mesures (<1 μg/L ou 3 mUI/L)).

Pour parvenir à ces objectifs, une stratégie thérapeutique en plusieurs étapes est souvent nécessaire.

La résection trans-sphénoïde de l’adénome hypophysaire est généralement la première option thérapeutique. Une chirurgie réussie permet une réduction immédiate des niveaux de GH et fournit un tissu tumoral utilisé pour des fins diagnostiques et pronostiques.

Cependant, tous les patients n’obtiennent pas de rémission après la chirurgie, l’analyse des données des registres nationaux d’acromégalies montre que le taux de réussite de la chirurgie à lui seul n’a pas changé au fil du temps, indiquant une stabilité des performances neurochirurgicales, malgré l’introduction de nouvelles techniques (endoscopie). Ceci est également lié à la persistance d’une forte prévalence des macro-adénomes au moment du diagnostic (trois quarts des cas), qui est un facteur prédictif majeur du résultat chirurgical. Dans environ la moitié des cas, la chirurgie ne permet pas la guérison et un traitement adjuvant est indiqué pour assurer un bon « contrôle » de la maladie.

Le pourcentage des patients bénéficiant d’une radiothérapie est variable selon le pays (09 à 87%), mais toutes les études montrent une réduction progressive de son utilisation au cours des dernières années ou décennies. La diminution de l’utilisation de la radiothérapie, quel que soit le type, semble être un reflet constant de l’augmentation de la disponibilité/utilisation des traitements médicaux pour l’acromégalie. La plupart des patients sont traités par les analogues de la somatostatine (SSA), suivis en premier lieu par les agonistes dopaminergiques (DA), et plus tard par un antagoniste des récepteurs de GH (GHA). Ainsi la stratégie de combinaison de plusieurs médicaments est apparue être un facteur contribuant au contrôle de plus des trois quarts des patients. Discordance de quoi s’agit-il ?

L’hormone de croissance (GH) et le facteur de croissance analogue à l’insuline I (IGF-I) sont les principaux biomarqueurs utilisés pour évaluer l’activité de la maladie dans l’acromégalie. Dans la plupart des cas, les niveaux de GH et d’IGF-I sont concordants, indiquant soit une rémission soit une maladie active. Cependant, dans certains cas, des écarts entre les deux paramètres peuvent se produire, ce qui rend l’interprétation des résultats difficile et peu concluante, un fait que le clinicien doit prendre en considération lors de la prise de décisions thérapeutiques. Ce phénomène a été signalé chez une proportion considérable (plus d’un quart) de patients acromégaliques traités au cours du suivi, avec un profil de discordance type GH normalisée et IGF1 élevée (profil dit : ‘’High IGF-I’’) plus fréquent que le profil opposé avec IGF1 normalisée et GH élevée (dit : ‘’High GH’’) (15% versus 10% en moyenne).

Dans les deux cas, les cliniciens doivent vérifier plusieurs facteurs, conditions et autres maladies affectant les niveaux de GH et d’IGF-I, afin d’interpréter les résultats divergents et suivre les patients avec succès. Il existe également plusieurs paramètres qui pourraient avoir un impact sur la fréquence et le type de la discordance. L’emploi des valeurs cibles de GH plus strictes donne des taux de discordance significativement plus élevés. De même, l’utilisation de nouveaux dosages ultrasensibles de la GH entraîne une augmentation du taux de discordance, qui concerne principalement le format ‘’High IGF-1’’. Ainsi les différents types d’évaluation du statut de sécrétion de GH ont un impact sur le taux de discordance, et il a été démontré que GHm (moyenne) a donné des taux de discordance les plus élevés que l’utilisation de la GH aléatoire (GHr) ou le Nadir de la GH lors de l’HGPO (GHn). Enfin la discordance GH/IGF-1 serait plus élevée (plus d’un tiers des cas) chez les patients recevant des SSA (analogues de la somatostatine), et le profil qui prédomine est celui de ‘’High GH’’ au lieu de ‘’High IGF-I’’.

Fait intéressant, l’utilisation de l’année de publication des études comme variable, ne révèle aucun changement significatif de l’incidence de ce phénomène au fil du temps, et pourtant peu signalé par les cliniciens.

Discordance : ‘’Vrai’’ ou ‘’faux’’ problème ?

La signification clinique de la discordance entre les valeurs IGF1-GH, dans le suivi des patients avec acromégalie, n’a pas encore été clarifiée ; des niveaux élevés d’IGF-I se sont avérés être plus prédictifs que les niveaux de GH en ce qui concerne la diminution de la sensibilité à l’insuline, ainsi que l’élévation de la pression artérielle. D’autres pensent que le modèle ‘’High GH’’ peut indiquer une récurrence de la maladie, car un certain nombre de ces patients augmenteront leurs taux d’IGF-1 et se détériorent biochimiquement au fil du temps.

Par conséquent, chez ces patients, la poursuite du traitement doit être individualisée en tenant compte de la présence et de la gravité des paramètres métaboliques. De tous les paramètres étudiés jusqu’à présent, des niveaux élevés de glycémie à jeun et l’augmentation de la pression artérielle systolique sont considérés comme les plus importants.

Discordance : Que faire ?

La discordance entre les valeurs d’IGF-1 et de GH est une situation relativement courante impliquant 25% des patients acromégales traités, en particulier ceux sous traitement par les analogues de la somatostatine (SSA). En cas de résultats discordants sans preuve de tumeur résiduelle en imagerie, l’évaluation peut être répétée sur une période de 3 mois, de préférence dans un laboratoire pour lequel les dosages de la qualité recommandée sont disponibles ; car chez certains patients la discordance peut disparaître avec le temps.

Si la discordance persiste, des facteurs de confusion de GH et d’IGF-1 doivent être exclus, suivis d’une évaluation clinique approfondie pour évaluer la présence des signes cliniques ou des comorbidités pouvant être liés à l’acromégalie (en plus de l’évaluation morphologique hypophysaire). Dans le premier cas, la correction des facteurs de confusion peut être suffisante pour résoudre l’écart, alors que dans le second l’ajustement thérapeutique est justifié.

Chez les patients présentant des signes cliniques d’une maladie active, la normalisation de l’IGF-1 peut être une priorité, car elle est mieux corrélée que la GH aux comorbidités chez les patients acromégales et probablement à la réduction de l’excès de mortalité. En plus, la mesure de l’IGF-1 est plus simple que celle de la GH (il suffit d’un seul dosage, fait à tout moment de la journée).

 

Autre biomarqueur à évaluer ?

Protéine alpha-Klotho

Une protéine transmembranaire qui, parallèlement à d’autres fonctions, permet un certain contrôle de la sensibilité de l’organisme à l’insuline et semble être impliquée dans le vieillissement (‘’hormone anti-âge’’ chez les mammifères ?). La protéine Klotho fonctionne comme une hormone circulante qui se lie à un récepteur de la surface cellulaire et réprime les signaux intracellulaires de l’insuline et du facteur de croissance 1 de l’insuline (IGF-1).

Le gène Klotho est abondamment exprimé dans le cerveau, le rein, et dans de nombreux systèmes endocriniens (parathyroïdes, testicules, ovaires, pancréas, hypophyse).

Il existe au moins 2 formes de la protéine Klotho ; liée à la membrane (mKlotho) qui est un corécepteur pour le FGF-23, une hormone phosphaturiante d’origine osseuse qui inhibe la réabsorption rénale du phosphate et la synthèse de calcitriol. Et la Klotho soluble (sKlotho) ‘’l’ecto-domaine de mKlotho libérée par voie enzymatique’’, à action systémique sur les canaux ioniques et les voies de signalisation intracellulaire, et elle peut être mesurée dans les liquides extracellulaires (sérum, urine et LCR), par une technique immunoenzymatique (ELISA). Sa concentration dans le sérum diminue avec l’âge.

Plusieurs données récentes suggèrent une association entre les niveaux de Klotho et activité de l’axe GH/IGF-1, où les niveaux de Klotho sont modifiés chez les sujets atteints de pathologies de l’axe somatotrope. Et l’accumulation des données indique que la protéine Klotho est un régulateur de la sécrétion de GH. Ainsi la Klotho soluble (sKlotho) est élevée en cas d’acromégalie active et se normalise après un traitement réussi. Plusieurs études ont montré que les niveaux de la protéine sKlotho sont excessivement élevés chez les patients acromégales, qu’ils étaient en corrélation significative avec les niveaux de la GH, d’IGF-1, et la taille de la tumeur, et qui se sont normalisés après une chirurgie trans-sphénoïde réussie, parallèlement à la normalisation des niveaux de GH et d’IGF-1. La protéine sKlotho peut également ré-augmenter en cas de récidive de la maladie. Ce qui pourrait être un excellent nouveau biomarqueur de l’activité de l’acromégalie. Elle peut aider au diagnostic, au suivi de l’évolutivité de la maladie et la réponse au traitement, et détecte les éventuelles récidives.

Le mécanisme par lequel l’excès de la GH donne une augmentation marquée des taux de protéine Klotho dans le sérum n’est pas complètement élucidé. La sKlotho est probablement d’origine rénale suite à une activation enzymatique excessive de la mKlotho rénale, ce mécanisme explique également la résistance à l’action de la FGF 23 en cas d’acromégalie.

Conclusion

Une proportion considérable de patients acromégaliques traités présentent des valeurs d’IGF-I et de GH discordantes au cours du suivi, cet écart entre les résultats peut être attribué en partie à l’hétérogénéité des critères utilisés pour définir le bon contrôle de la maladie, et aux pièges lors des mesures sériques de GH et d’IGF-1, y compris le manque de standardisation des tests et la mauvaise reproductibilité entre les laboratoires. En plus de la grande hétérogénéité de la population étudiée (traitée chirurgicalement, analogues de la somatostatine, radiothérapie, etc.), il faut également ajouter la longue durée du suivi qui implique des changements dans les modalités thérapeutiques, dans les dosages hormonaux et dans les critères d’évaluation dans le temps.

En attendant, et jusqu’à ce que de nouveaux marqueurs de l’activité de la maladie avec une plus grande précision et une variabilité plus faible sont validés (protéine sKlotho : une piste très prometteuse) ; ces patients doivent être surveillés de plus près avec l’utilisation des paramètres cliniques (métaboliques), comme marqueurs de substitution pour l’activité de la maladie afin d’éviter l’inertie thérapeutique et pour réduire le sur-risque de mortalité de l’acromégalie.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.


 

Références

 

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  • Mehdi Zeinalizadeh, Springer Science + Business Media New York (2014) Pituitary, Discordance between growth hormone and insulin-like growth factor-1 after pituitary surgery for acromegaly: a stepwise approach and management
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Le syndrome des ovaires poly kystiques : quoi de neuf ?

Le syndrome des ovaires polykystiques (PCOS) est la pathologie endocrinienne la plus fréquente atteignant 8 à 15% des femmes en âge de procréer. Elle représente la cause de plus de 70% des cas des infertilités dues à un trouble de l’ovulation.

 

L. Brakni, Service d’Endocrinologie, Hôpital Central de l’Armée Mohamed Seghir Nekkache, Ain Naädja, Alger.

 

 

Date de soumission : 18 Juillet 2020.

Résumé : Le syndrome des ovaires polykystiques (PCOS) est la pathologie endocrinienne la plus fréquente atteignant 8 à 15% des femmes en âge de procréer. Elle représente la cause de plus de 70% des cas des infertilités dues à un trouble de l’ovulation. Il associe en général une hyperandrogénie clinique ou biologique, une anovulation chronique une hyperinsulinémie, une insulinorésistance et une dyslipidémie. Depuis le consensus de Rotterdam en 2003, les nouvelles recommandations de 2018 prennent en compte pour le diagnostic du PCOS deux des trois critères : la présence d’une hyperandrogénie et ou un trouble des règles avec anovulation et ou l’aspect d’ovaires polykystiques à l’échographie (plus de 20 follicules pré-antraux par ovaire). L’hypothèse physiopathologique du syndrome des ovaires polykystiques semble être une anomalie intrinsèque à la stéroïdogénèse au niveau des cellules thécales, influencée par l’environnement, l’insuline, le surpoids. Il s’agirait d’une maladie multigénique et environnementale. De nouvelles théories s’accordent sur le rôle et l’expression accrue des neurokinines B et des kisspeptines dans le liquide folliculaire, du microbiote altéré et des dérèglements endocriniens qui s’opèrent au niveau du cerveau fœtal.

Mots clés : ovaires polykystiques, neurokinine B, kisspeptine, microbiote

Abstract: Polycystic Ovary Syndrome (PCOS) is the most common endocrine pathology affecting up to 8 at 15% of women of reproductive age. It is the cause of more than 70% of cases of infertility due to an ovulation disorder. It generally associates clinical or biological hyperandrogenism and chronic anovulation with hyperinsulinemia, insulin resistance and dyslipidaemia. Since the Rotterdam consensus in 2003 the new recommendations of 2018 take into account for the diagnosis of PCOS two of the three criteria: the presence of hyperandrogenism and/or a menstrual disorder with anovulation and/or the appearance of polycystic ovaries on ultrasound (more than 20 pre-antral follicles per ovary). The pathophysiological hypothesis of polycystic ovary syndrome seems to be an anomaly intrinsic to steroidogenesis in thecal cells, influenced by the environment, insulin, overweight. It is believed to be a multigene and environmental disease.  New theories agree on the role and increased expression of neurokinin B and kiss peptin in follicular fluid, altered microbiota and endocrine disruption in the foetal brain.

Key words: polycystic ovaries, neurokinin B, kiss peptin, microbiota.

 

Introduction

Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) affecte 8 à 15% des femmes en âge de procréer avec des répercussions variées :

  • Des problèmes d’ordre psychologique : anxiété, dépression, détérioration de l’image corporelle,
  • Des problèmes d’ordre gynécologique : cycle irrégulier ou absent, hirsutisme, infertilité, grossesses à risques,
  • Des désordres d’ordre métabolique : insulinorésistance, prédiabète, diabète de type 2, risques cardio-vasculaires, obésité,

C’est l’une des principales causes de l’infertilité chez la femme. A ce jour, il n’existe pas de traitement spécifique. Mais les recherches en cours pourraient changer la donne en améliorant la compréhension encore imparfaite des mécanismes physiopathologiques à l’origine de cette maladie afin de développer de nouveaux traitements.

Qu’y a-t-il alors de neuf pour la pratique clinique et la physiopathologie du SOPK ?

Critères diagnostiques et définitions

  • Définition du syndrome d’ovaire polykystique

Des nouvelles recommandations pour le diagnostic et la prise en charge du syndrome d’ovaire polykystique (SOPK) ont été élaborées par un panel international multidisciplinaire lors du congrès de l’European Society of Human Reproduction and Embryology (ESHRE) en juillet 2018, les spécialistes ont repris les critères de ROTTERDAM en 2003 avec quelques nouvelles nuances :

Deux des trois critères suivants doivent être présents pour définir le syndrome d’ovaire polykystique :

  • Troubles des règles (spanioménorrhée, dysovulation ou troubles des règles associés à une anovulation)
  • Hyperandrogénie clinique (hirsutisme), ou biologique, établie sur :
  • dosages de la testostérone libre (dosages par chromatographie-spectrométrie de masse)
  • dosage de l’androsténedione et du sulfate de DHEA.
  • Échographie endovaginale :
  • elle n’est pas requise chez les adolescentes, lorsque les critères cliniques et biologiques sont présents,
  • chez les adultes, l’échographie pelvienne endovaginale est requise chez les patientes présentant une anomalie de l’ovulation ou une infertilité.

L’échographie doit mesurer l’endomètre et rechercher toute autre pathologie ovarienne pouvant être source d’infertilité.

  • les données échographiques retrouvent des ovaires augmentés de volume (supérieur ou égal à 10 ml) et la présence de plus de 20 follicules pré-antraux par ovaire (le seuil était fixé à 12 dans les critères diagnostiques de Rotterdam en 2003).
  • Le dosage de l’hormone antimüllérienne n’est pas pour l’instant un critère reconnu faisant partie du syndrome de l’ovaire polykystique.
  • L’insulinorésistance est reconnue comme un élément clé dans un proche futur pour le diagnostic, la prise en charge du SOPK et des risques de diabète mais en pratique courante la recherche de l’insulinorésistance reste à être précisée et déterminée sur le plan biologique.

Les femmes présentant un SPOK doivent être surveillées en termes de BMI, de risques cardio-vasculaires (surveillance tensionnelle et cardiaque, vérifier le profil de cholestérol), de risques de diabète, et de diabète gestationnel.

Avant de poser le diagnostic du SOPK, il est important d’exclure systématiquement l’hyperplasie congénitale des surrénales dans sa forme non classique, l’hyperprolactinémie et les dysthyroïdies.

  • Physiopathologie

La physiopathologie des ovaires polykystiques est plurifactorielle. De nouvelles théories s’accordent sur le fait que l’hyperandrogénie ovarienne intrinsèque, modulée par des facteurs hormonaux tels que la LH ou l’insuline sur un ovaire génétiquement prédisposé, est la clé du trouble de la folliculogénèse ovarienne.

Plusieurs gènes candidats sont impliqués dans la sécrétion ovarienne excessive d’androgènes et une résistance à l’insuline (le gène CYP 17, le gène CYP 11 a, le gène CYP 21, le gène de la SHBG, le gène du récepteur de l’insuline, le gène de l’insuline).

  • Expression accrue des neurokinine B et kisspeptine dans le liquide folliculaire : pathogenèse potentielle du syndrome des ovaires polykystiques.

Une étude récente menée par la clinique IVI SEVILLE et en collaboration avec l’Instituto de Investigaciones Quimicas (l’Institut de Recherche Chimique en Espagne, rattaché au Conseil Supérieur de la Recherche Scientifique Espagnole), met en avant de nouvelles données sur les causes éventuelles du syndrome des ovaires polykystiques.

L’équipe de recherche a analysé les niveaux d’expression des protéines neurokinine B et kisspeptine, ainsi que leurs récepteurs dans le liquide folliculaire.

Les kisspeptines et les tachykinines, en particulier la neurokinine B (NKB), sont des régulateurs essentiels de l’axe hormonal reproducteur, et jouent un rôle clé dans la modulation de la sécrétion de GnRH et de la libération de gonadotrophines.

Leur présence observée dans le liquide folliculaire des patientes avec SOPK a permis de conclure qu’ils pouvaient contribuer à un développement folliculaire anormal et aux problèmes d’anovulation observés chez ces patientes comparativement aux patientes sans SOPK. Cela pourrait être un facteur génétique impliqué dans l’apparition de la maladie.


Cette découverte est un premier pas vers la conception d’un nouveau traitement qui permettrait de corriger la symptomatologie de cette maladie.

  • Rôle des bactéries dans la pathogénèse du SOPK

Une étude scientifique de l’équipe de l’hôpital pour enfants du Colorado, qui a suivi 58 adolescentes en surpoids, a conclu que l’altération du microbiote intestinal jouerait un rôle dans le développement du syndrome des ovaires polykystiques.

Les analyses ont permis de découvrir que parmi celles qui souffraient d’un syndrome des ovaires polykystiques avaient plus de bactéries “malsaines” dans leurs selles.

Par ailleurs, ce microbiote altéré, provenant le plus souvent d’une mauvaise alimentation, est lié à des concentrations plus élevées de testostérone chez ces adolescentes obèses avec SOPK et des marqueurs de complications métaboliques comme une pression artérielle plus élevée, une inflammation du foie et des triglycérides plasmatiques.

  • Les enjeux de la recherche

Les chercheurs espèrent parvenir à développer de nouveaux traitements qui permettraient de résoudre toutes les complications à la fois, en s’attaquant à la cause du problème et non à chacun des symptômes du SOPK séparément.

Pour cela, ils s’intéressent aux dérèglements endocriniens qui s’opèrent au niveau du cerveau : de plus en plus de données indiquent en effet que c’est à ce niveau que se situerait la clé du problème.

Il a été décrit qu’une surexposition intra-utérine à l’hormone antimüllérienne (AMH) d’origine maternelle, produite en quantité relativement importante au cours de la grossesse chez les femmes atteintes de SOPK, pourrait induire des anomalies de développement du cerveau par hypersécrétion de GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone).

Or la GnRH est une hormone qui contrôle la sécrétion de LH au niveau du cerveau, elle-même impliquée dans la production d’androgènes. Ces problèmes développementaux pourraient être médiés par un excès de testostérone chez la mère, résultant de la surproduction d’AMH qui inhibe la conversion de testostérone en œstradiol.

En étudiant les anomalies de production de la GnRH et son impact sur la sécrétion de LH et FSH, puis sur le contrôle du cycle ovarien, des essais précliniques ont d’ores et déjà permis de tester le rôle des antagonistes des récepteurs au GnRH, avec des résultats prometteurs dans la prise en charge de l’infertilité liée au SOPK.         

Aussi, les problèmes métaboliques pourraient être la conséquence d’anomalies du développement cérébral in utero. Le SOPK étant en outre associé à un risque de dépression, le lien avec cette autre comorbidité est également exploré.

Conclusion

Le syndrome des ovaires polykystiques est le dérèglement ovarien le plus fréquent chez la femme avant la ménopause. Il associe en général une hyperandrogénie, une anovulation chronique à une hyperinsulinémie, une insulinorésistance et une dyslipidémie.

L’hypothèse physiopathologique du syndrome des ovaires polykystiques semble être une anomalie intrinsèque à la stéroïdogénèse au niveau des cellules thécales, influencée par l’environnement, l’insuline, le surpoids. Il s’agirait d’une maladie multigénique et environnementale. Son diagnostic s’appuie sur la clinique, la biologie et sur l’imagerie en particulier l’échographie.

La prise en charge de ce syndrome vise à atténuer les stigmates de l’hyperandrogénie et à corriger les facteurs de risques cardiovasculaires, respiratoires et gynécologiques.

Des travaux actuels s’orientent vers des troubles développementaux in utero qui expliqueraient la transmission de la maladie à la descendance en l’absence de marqueurs génétiques évidents.

Les chercheurs tentent aussi de comprendre le lien entre SOPK et troubles métaboliques, pour enrayer le continuum observé chez les patientes et espèrent enfin parvenir à développer de nouveaux traitements qui permettraient de résoudre toutes les complications à la fois, en s’attaquant à la cause du problème et non à chacun des symptômes séparément.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 

Références

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Modifications de la population microbienne et leurs relations avec la santé humaine et les maladies

Les innovations dans le traitement du diabète ont été très fructueuses ces 10 dernières années. Elles portent sur des nouvelles classes d’antidiabétiques oraux et injectables, sur les insulines mais aussi sur le matériel d’administration des médicaments et de suivi du diabète.

 

A. Yahi, S. Ould Kablia. Service d’Endocrinologie, hôpital militaire Mohamed NEKKACHE de Ain Naâdja

Date de soumission : 19 Février 2020.

Résumé : Le microbiome intestinal est devenu un régulateur clé du métabolisme de l’hôte. À travers différents mécanismes le microbiome intestinal influence le métabolisme énergétique de son hôte, mettant en évidence les interactions complexes entre les microbes intestinaux, leurs métabolites et cellules hôtes. Ainsi, le microbiote intestinal est impliqué dans la genèse de nombreuses pathologies extra-intestinales telles que l’obésité, la stéatose hépatique non alcoolique et le diabète sucré de type 2 ; en plus des pathologies intestinales surtout inflammatoires. Parmi les métabolites bactériens les plus importants figurent les acides gras à chaîne courte, qui servent de source d’énergie directe pour les cellules hôtes, stimulent la production d’hormones intestinales et agissent sur le cerveau pour réguler la prise alimentaire. Certains facteurs externes, tels que les antibiotiques, l’alimentation et l’exercice physique, affectent le microbiome et donc l’homéostasie énergétique. Actuellement il existe un grand nombre de preuves soutenant le concept que les thérapies basées sur le microbiote intestinal (prébiotiques, probiotiques, transplantation de microbiote fécal, et autres) peuvent être utilisées pour moduler ce microbiote et par conséquent le métabolisme de l’hôte. Ainsi, le maintien d’une bonne santé de l’écosystème intestinal pourrait aider à éviter l’apparition et le développement précoces de ces maladies.

Mots clés : Microbiote intestinal, dysbiose, obésité, diabète, inflammation de bas grade, endotoxémie métabolique.

Abstract: The gut microbiome has become a key regulator of host metabolism. Through various mechanisms, the intestinal microbiome influences the energy metabolism of its host, highlighting the complex interactions between intestinal microbes, their metabolites and host cells. Thus, the intestinal microbiota is involved in the genesis of many extra-intestinal pathologies such as obesity, non-alcoholic fatty liver disease and type 2 diabetes mellitus; in addition to intestinal pathologies, especially inflammatory. Among the most important bacterial metabolites are short chain fatty acids, which serve as a direct source of energy for host cells, stimulate the production of intestinal hormones and act on the brain to regulate food intake. Certain external factors, such as antibiotics, diet and exercise, affect the microbiome and therefore energy homeostasis. Currently there is a large body of evidence supporting the concept that therapies based on the gut microbiota (prebiotics, probiotics, transplantation of faecal microbiota, and others) can be used to modulate this microbiota and therefore the metabolism of the host. Thus, maintaining good health of the intestinal ecosystem could help prevent the early onset and development of these diseases.

Keywords: Intestinal microbiota, dysbiosis, obesity, diabetes, low grade inflammation, metabolic endotoxemia.


 

Le microbiote intestinal

Depuis quelques années, le microbiote intestinal agite la communauté scientifique. On connaissait depuis longtemps, son rôle dans la dégradation des fibres alimentaires non digérées par les hydrolases du tractus digestif gastro-intestinal, par contre son impact dans la modulation immunitaire, les maladies inflammatoires de l’intestin, le syndrome de l’intestin irritable, et surtout son implication dans les maladies métaboliques telles que l’obésité et le diabète de type 2, sont de découverte plus récente et font actuellement l’objet de nombreux travaux et de multitude publications.

Des milliards de microbes colonisent le corps humain, y compris les bactéries, les champignons, les virus. Ces micro-organismes (eucaryotes) sont répartis sur toute la longueur du tube digestif (tractus gastro-intestinal). Dans chaque site différent du tractus gastro-intestinal, il existe une composition, ainsi qu’un nombre variable de bactéries. L’homme héberge environ cent mille milliards de bactéries, le nombre de bactéries augmente progressivement depuis l’estomac jusqu’au côlon. Ce dernier, compte tenu du nombre de bactéries présentes, constitue une véritable chambre de fermentation. Sur l’ensemble de deux milles espèces bactériennes qui peuvent coloniser l’intestin, chaque individu contient cent à deux cent espèces, subdivisées en deux grandes catégories, celles présentes chez tous les individus, nommées le noyau central ou les piliers du microbiote : Bacteroidetes, Firmicutes et Actinobacteria ; et les bactéries propres à chacun d’entre nous et qui représentent  notre identité métagénomique. C’est pourquoi il est difficile de définir un microbiote normal. Ce qui est important, c’est la biodiversité (caractéristique majeure du microbiote).

 

Métagénome : il s’agit de l’étude de la communauté de gènes bactériens par différentes techniques et notamment par l’étude métagénomique, qui vise à séquencer directement ces gènes et reconstituer les espèces bactériennes à partir de ce séquençage. Ces techniques sont essentielles car indépendantes de la culture bactérienne (seules 20 à 30 % des bactéries sont cultivables, car la majorité sont anaérobiques).

Le microbiome (collectif des gènes bactériens) est cent à quatre cents fois plus grand que le génome humain, il peut évoluer dynamiquement selon la composition bactérienne.

D’où vient ce microbiote ?

Dès la naissance, à moins d’être placé dans un  environnement stérile, le nouveau-né est colonisé par les bactéries de l’environnement, et la symbiose « hôte-microbiote » se met en place progressivement. Le mode d’accouchement détermine la primo-colonisation bactérienne, l’enfant né par voie basse est colonisé par des bactéries d’origine maternelle, en particulier des bactéries vaginales, fécales ou cutanées. Le mode d’alimentation (d’allaitement), l’environnement et l’hygiène, puis la prise de médicament (antibiotiques) ou la diversification alimentaire, influencent cette colonisation bactérienne. Il faut environ deux à trois ans pour avoir un microbiote mature.

Au fur et à mesure de son installation, le microbiote va pouvoir exprimer ses propriétés physiologiques et devenir essentiel pour le développement harmonieux de l’hôte. Sa composition au cours de la vie, peut varier transitoirement en fonction des conditions extérieures : régime alimentaire, infections virales ou bactériennes, prise d’antibiotiques. Il tend néanmoins à revenir à son état initial en un à deux mois, ce qu’on appelle la capacité de résilience. Cependant cette succession de déséquilibres transitoires peut avoir des conséquences néfastes sur la santé.

Fonctions du microbiote intestinal

Le rôle le plus important des bactéries intestinales est la digestion des substrats non digérés par l’hôte. Ce processus métabolique permet de fournir jusqu’à 10 % des besoins énergétiques de l’homme. Les espèces bactériennes codent pour plus de 56.000 enzymes pour la digestion de l’ensemble des sucres complexes de notre alimentation. Cette capacité métabolique énorme, équivalente à celle du foie assure des fonctions que notre organisme ne possède pas (hydrolyse des polyosides végétaux, production d’acides gras à chaîne courte, de vitamines, d’enzymes détoxifiant les xénobiotiques). D’autres rôles bénéfiques pour l’organisme ont été associés au microbiote intestinal, notamment la mise en place et la maturation du système immunitaire et la protection contre les micro-organismes pathogènes (effet barrière).

 

Les fonctions émergentes : conséquences des interactions complexes entre le microbiote et l’hôte

La vie symbiotique du microbiote intestinal avec son hôte a pour conséquence de multiples interactions avec les fonctions de l’organisme que l’on découvre jour après jour, surtout depuis que l’analyse du métagénome a ouvert de nouvelles possibilités d’études. Des modifications qualitatives dans la composition du microbiote marquées essentiellement par la perte de la biodiversité, avec rupture de l’équilibre entre les piliers du microbiote (dite : dysbiose intestinale), ont été mises en évidence chez les personnes obèses, diabétiques de type 2, mais également dans d’autres pathologies non métaboliques. Certaines bactéries du microbiote pourraient donc avoir un rôle protecteur, et d’autres un rôle inducteur de maladies inflammatoires de l’intestin, métaboliques, cardio-vasculaires, voire de troubles comportementaux.

Alors que le débat se poursuit sur l’impact de la dysbiose sur la progression de ces affections, des données scientifiques confirment un lien plus complexe qu’une simple relation de cause à effet. Malgré les nombreux travaux de recherche, les mécanismes exacts de cette relation ne sont pas complètement élucidés. En effet, des données récentes, obtenues dans des modèles animaux mais également chez l’homme, suggèrent que des modifications qualitatives de la flore caractérisent les individus obèses et atteints de syndrome métabolique et que le régime alimentaire influe sur la composition du microbiote. Chez les obèses, il existe, dans le microbiote fécal, une proportion augmentée de firmicutes et diminuée de Bacteroidetes, comparativement aux sujets minces et la perte de poids semble corrélée avec l’augmentation de la proportion de Bacteroidetes (permettant un retour à un profil bactérien similaire à celui des sujets minces, et ce quel que soit le type de régime alimentaire [diminution de l’apport en lipides et/ou en glucides­]).

Des publications récentes indiquent que le nombre de bifidobactéries (qui font partie intégrante du phylum Actinobacteria) quantifiées dans les matières fécales durant les 12 premiers mois de la vie est supérieur chez les enfants qui maintiennent un poids corporel adéquat durant l’enfance (jusqu’à sept ans), que chez ceux qui présentent un surpoids. Par ailleurs, les mêmes auteurs observent également une augmentation du nombre de Staphylococcus aureus chez les enfants qui présentent un surpoids durant l’enfance. Une étude très récente a montré que le gain excessif de poids corporel chez la femme enceinte était corrélé avec une augmentation des Bacteroides entre le premier et le dernier trimestre de la grossesse. Cela suggère d’une part que le microbiote serait impliqué très précocement dans la prédisposition et la genèse du syndrome, d’autre part que des changements qualitatifs qui ciblent plus spécifiquement certains genres, voire souches de bactéries, pouvaient être reliés à l’obésité. Ainsi toutes les bactéries ne joueraient pas un rôle identique dans le dialogue métabolique avec l’hôte.

Par ailleurs de nouveaux travaux ont démontré pour la première fois que le microbiote intestinal est une source potentielle de molécules pro-inflammatoires responsables du déclenchement de l’inflammation de bas grade associée à l’obésité. Ces molécules sont les LPS (lipopolysaccharide), constituants principaux de la paroi des bacilles gram négative (BGN). Les LPS sont produits de façon continue dans la lumière intestinale suite à la lyse des BGN et sont transporté vers les tissus cibles de l’hôte, où ils stimulent la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires en se liant au complexe CD14/TLR4 présent à la surface des cellules immunitaires. L’ingestion d’une alimentation riche en graisses, prédispose au développement du diabète de type 2 et de l’obésité, eux-mêmes étroitement liés à un état inflammatoire de faible intensité et à une augmentation des LPS circulants, qualifiée d’endotoxémie métabolique. L’augmentation des taux de LPS pourrait être la résultante à la fois d’une augmentation de la production d’endotoxine au sein du microbiote intestinal ou encore de l’altération de la fonction barrière de l’intestin, voire les deux phénomènes conjoints.

Plusieurs pistes sont évoquées concernant les facteurs qui relient l’ingestion de graisses à la manifestation d’une inflammation postprandiale. En bref, certains auteurs ont proposé que le métabolisme intracellulaire des acides gras saturés en dérivés de type céramide, entraîne une amplification de la réponse des récepteurs TLR-4 vis-à-vis du LPS. Dès lors, l’ingestion de lipides (saturés) pourrait entraîner une augmentation de l’endotoxémie métabolique, et la transformation des acides gras saturés en céramide (au niveau cellulaire), faciliterait la réponse pro-inflammatoire du LPS après liaison à son récepteur TLR-4.

Actuellement, d’autres mécanismes moléculaires mis en jeu font appel à l’activité endocrine de l’intestin via le glucagon-like peptide-1(GLP-1), et glucagon-like peptide-2 (GLP-2). Le GLP-1 active, via les neurones entériques et les afférences vagales intestinales, un axe nerveux intestin-cerveau-périphérie pour stimuler la sécrétion d’insuline et de glucagon, inhiber la prise alimentaire et la vidange gastrique. Or, chez certains sujets diabétiques l’action du GLP-1 est altérée (résistance au GLP-1), ce qui serait en lien avec la dysbiose intestinale observée chez les patients diabétiques de type 2. Mais également à un système lipidique particulier, à savoir le système endocannabinoïde.

Le microbiote intestinal : régulateur du système immuno-inflammatoire dans les maladies métaboliques

Le diabète de type 2 est caractérisé par une infiltration du foie et du tissu adipeux par des cellules immunitaires causalement impliquées dans le développement de la résistance à l’insuline. Les facteurs initiant cette inflammation métabolique sont en partie d’origine bactérienne, résultant d’une augmentation de la translocation de bactéries et/ou fragments bactériens de l’intestin vers le foie et tissu adipeux.

Cette dysbiose du microbiote tissulaire est consécutive à un changement de microbiote et de perméabilité intestinale. Or le système immunitaire intestinal est un des principaux acteurs du maintien de l’écologie du microbiote. Ainsi, un dysfonctionnement du système immunitaire intestinal pourrait modifier microbiote intestinal et ainsi favoriser le développement de l’obésité et du diabète de type 2.

 

L’obésité : une maladie transmissible par le transfert fécal ?

Le rôle causal du microbiote intestinal, et donc d’acteur à part entière dans le développement de l’obésité, a été mis en lumière par le transfert de selles, expériences dans lesquelles on transfère les matières fécales (prélèvement au caecum) d’un animal obèse à une souris dépourvue de microbiote (dite : axénique). Ces expériences surprenantes ont montré la capacité du microbiote d’obèses (rongeur ou humain) à induire rapidement (en moins de quinze jours) une obésité chez l’hôte (sans germe) en favorisant une absorption d’énergie plus efficace et en modulant des gènes de l’hôte receveur impliqués dans le stockage énergétique (gènes intestinaux et du tissu adipeux). Il a été démontré également que le microbiote intestinal est impliqué non seulement dans le stockage énergétique, mais aussi dans l’installation de complications métaboliques et inflammatoires associées à l’excès de masse grasse.

Le microbiote intestinal est une partie vitale du réseau intestin-cerveau

Le microbiome se développe de manière synchrone avec le cerveau. Les études montrent que le microbiome peut affecter les processus mentaux normaux et peut déclencher plusieurs maladies mentales et neurologiques. Le microbiote a été suggéré comme cible thérapeutique potentielle. Une dysbiose et des modifications des métabolites dérivés de bactéries ont été décrites dans la maladie de Parkinson. Certains de ces métabolites sont associés à une inflammation de l’intestin et à une neuro-inflammation. Les troubles du spectre autistique sont associés à une dysbiose et à un réseau d’interaction réciproque entre le microbiome.

L’exposition du nouveau-né au microbiome vaginal de la mère constitue la base de la colonisation intestinale normale et contribue à la maturation immunitaire. Ces connexions hôte-microbiome se produisent pendant le développement neurologique, confortant ainsi l’hypothèse d’une diaphonie précoce entre l’intestin et le cerveau en développement. Des altérations dans le microbiome vaginal peuvent induire des modifications dans le microbiome intestinal de la progéniture et également dans le cerveau. 

Pourquoi la flore intestinale a-t-elle vocation à devenir médicament ?

Approche nutritionnelle : Concepts : ‘’Prébiotique’’, ‘’Probiotique’’, ‘’Symbiotique’’ : histoire sans fin ?

Découvrir et développer ces concepts, en étudiant l’impact d’une modification de la composition du microbiote intestinal et/ou de son activité suite à l’ingestion de nutriments non digestibles ayant des effets bénéfiques pour l’hôte ‘’Prébiotique’’, ou de micro-organismes vivants non pathogènes qui ingérés en quantité adéquate, confèrent un bénéfice à l’organisme hôte ‘’probiotique’’, ou bien associer les deux procédés ‘’symbiotique’’.

Aujourd’hui largement utilisés, ces concepts n’ont pourtant pas encore livré tous leurs secrets.

 

La transplantation de microbiote fécal (FMT)

La restauration de dialogue « hôte-microbiote » par le transfert de microbiote intestinal, d’un sujet sain à un patient dont l’équilibre de la flore intestinale a été rompu, constitue une nouvelle approche thérapeutique. Si son effet exact échappe encore à la compréhension scientifique, son bénéfice clinique est établi pour une indication, et en cours d’essais pour d’autres. La transplantation de microbiote fécal (FMT) a démontré son efficacité contre l’infection à Clostridium difficile (CDI). Les résultats cliniques pour la plupart des autres maladies sont modestes, bien que la recherche sur le microbiome ait été florissante au cours de la dernière décennie. Les thérapies à base de microbiote pour d’autres troubles que l’IDC ne sont pratiquées que dans des contextes de recherche. Les thérapies de remplacement du microbiote standardisées doivent être basées sur la compréhension des mécanismes d’action et de la sécurité de ces thérapies. 

Le microbiome deviendra probablement une cible pour le traitement de maladies systémiques. Il convient de remédier à la variabilité inhérente au microbiome et aux multiples facteurs dérivés de l’hôte et de l’environnement qui influent sur la dysbiose en améliorant les méthodes mises en œuvre. Ainsi des recherches internationales quant à l’état des connaissances et des techniques ; mais également au cadre juridique et éthique des pratiques sont nécessaires.

Conclusion 

Le rôle central du microbiote intestinal dans la genèse, la progression mais également dans la prévention des désordres métaboliques est de plus en plus apparent. La relation symbiotique entre le microbiote intestinal et l’hôte assure un développement approprié du système métabolique chez l’homme. Cependant, des perturbations dans la composition et par conséquent dans la fonctionnalité du microbiote intestinal peuvent perturber la fonction barrière intestinale, et provoquent un afflux accru des fragments bactériens inflammatoires (LPS). Cette situation est qualifiée comme une endotoxémie métabolique, responsable d’une inflammation chronique de bas grade qui participe à l’insulinorésistance, et à l’inflation du tissu adipeux.

La manipulation du microbiome intestinal afin de rétablir la diversité du microbiote par différents procédés permet d’améliorer la sante de l’hôte.

Les points essentiels

  • Le microbiome intestinal influence le métabolisme énergétique de son hôte, via des interactions complexes entre les microbes intestinaux, leurs métabolites et cellules hôtes.
  • La composition du microbiote intestinal joue un rôle clé dans le développement de l’inflammation de faible intensité caractéristique de l’obésité et du diabète de type 2.
  • Le microbiote intestinal est à l’origine du développement de l’endotoxémie métabolique.
  • Le microbiote intestinal est une source potentielle de molécules pro-inflammatoires responsables du déclenchement de l’inflammation de bas grade. (lipopolysaccharide).
  • L’altération de la fonction barrière de l’intestin semble jouer un rôle déterminant dans la genèse de l’endotoxémie métabolique.
  • La dysbiose implique également l’activité endocrine de l’intestin (GLP-1 et GLP-2), et un système lipidique particulier, le système endocannabinoïde.
  • Un grand nombre de preuves soutenant le concept que les thérapies basées sur le microbiote intestinal peuvent être utilisées pour moduler le métabolisme de l’hôte.
  • Le microbiome deviendra probablement une cible pour le traitement de maladies systémiques surtout métaboliques. 

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 


 

Références

 

  • Gut Microbiota in Cardiovascular Health and Disease H. Wilson Tang, Takeshi Kitai, Stanley L. Hazen, Circulation Research March 31, 2017
  • Gut microbiota, obesity and diabetes Patterson E, et al. Postgrad Med J 2016;0:1–15. doi:10.1136/postgradmedj-2015-133285
  • Microbial regulation of organismal energy homeostasis, P. D. Cani, M. Van Hul, C. Lefort, C. Depommier, M. Rastelli, A. Everard. Nature Metabolism| 34 VOL 1 | January 2019
  • Fecal microbiota transplantation beyond Clostridioides difficile infections, K. Wortelboer et al. / EBioMedicine 44 (2019) 716–729
  • Gut-Liver Axis, Nutrition, and Non-Alcoholic Fatty Liver Disease, Irina A. Kirpich, Luis S. Marsano, Craig J. McClain 1016/j.clinbiochem.2015.06.023
  • Importance of gut microbiota in obesity, Isabel Cornejo-Pareja, European Journal of Clinical Nutrition. 1038/s41430-018-0306-8
  • Causal Relationship between Diet-Induced Gut Microbiota Changes and Diabetes: A Novel Strategy to Transplant Faecali bacterium prausnitziiin Preventing Diabetes, Kumar Ganesan, J. Mol. Sci. 2018, 19, 3720; doi:10.3390/ijms19123720

 

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Les innovations thérapeutiques en diabétologie

Les innovations dans le traitement du diabète ont été très fructueuses ces 10 dernières années. Elles portent sur des nouvelles classes d’antidiabétiques oraux et injectables, sur les insulines mais aussi sur le matériel d’administration des médicaments et de suivi du diabète.

 

K. Boudaoud, Service d’Endocrinologie CHU Benbadis Constantine, Laboratoire de Génétique et Biologie Moléculaire, Faculté de médecine, Université 3 Salah Boubnider Constantine.

Date de soumission : 03 Septembre 2020.

Résumé : Les innovations dans le traitement du diabète ont été très fructueuses ces 10 dernières années. Elles portent sur des nouvelles classes d’antidiabétiques oraux et injectables, sur les insulines mais aussi sur le matériel d’administration des médicaments et de suivi du diabète. Les nouvelles générations d’analogues d’insulines ont été développées afin d’optimiser les performances de l’insuline en modifiant le temps et la durée d’action, en augmentant son absorption et sa biodisponibilité tout en réduisant les doses. Il y a un regain d’intérêt pour l’insuline humaine grâce à la technologie Biochaperone et la mise au point de dispositifs d’administration visant à améliorer sa biodisponibilité. Deux nouvelles cibles thérapeutiques ont vu le jour, la 1ère vise l’effet incrétine physiologique, grâce aux incrinomimétiques, et la 2ème est rénale avec les inhibiteurs du transporteur glucose-sodium. D’autres cibles thérapeutiques sont en cours de développement visant le tissu adipeux et le cerveau.

Mots-clés : Diabète sucré, incrétines, inhibiteurs SGLT2, analogues d’insuline, protection cardiovasculaire.

Abstract: Innovations in the treatment of diabetes have been very successful over the past 10 years. They relate to new classes of oral and injectable antidiabetics, insulins, but also equipment for administering drugs and monitoring diabetes. The new generations of insulin analogs have been developed to optimize insulin performance by modifying the time and duration of action, increasing absorption and bioavailability while reducing doses. There is a renewed interest in human insulin, thanks to Biochaperone technology and the development of delivery devices that improve its bioavailability. Two new therapeutic targets have emerged, the first aimed at the physiological incretin effect, thanks to incrinomimetics, and the second is renal with glucose-sodium transporter inhibitors. Other therapeutic targets are in development targeting adipose tissue and the brain.

Keywords: Diabetes mellitus, incretin, SGLT2 inhibitors, insulin analogs, cardiovascular protection.

 


 

Introduction

Les innovations thérapeutiques antérieures ont prouvé leurs limites, moins de 44% des patients avaient une HbA1c <7% [1], le risque d’hypoglycémie augmente dans les schémas intensifiés du traitement avec prise de poids ou perte de poids difficile. Leur service médical rendu est important, particulièrement la Metformine, ils sont peu coûteux et leurs effets secondaires sont bien connus et maitrisés. Les nouveaux médicaments sont mis au point sur des bases physiologiques et physiopathologiques du diabète. Les nouvelles insulines arrivent à mieux mimer l’insulinosécrétion physiologique permettant une réduction significative des hypoglycémies mais restent en injection sous-cutanée. La 2ème grande avancée dans la prise en charge des diabétiques surtout de type 1 (DT1) est le développement d’appareils de surveillance sans piqure (Exp. Life-Style), et de lecture continue de glycémie ainsi que des pompes à insuline de plus en plus performantes. Le diabète de type 2 (DT2) bénéficie de deux autres classes thérapeutiques visant les hormones digestives à effet incrétine et le rein qui n’est plus considéré seulement comme un organe cible de complications, d’autres cibles thérapeutiques font l’objet de recherche comme le cerveau et le tissu adipeux [2]. Ces nouveaux traitements font la promesse de :

  • Mimer la physiologie en assurant une sécrétion basale et des pics prandiaux d’insuline tout en améliorant la sensibilité à l’insuline,
  • Contrôler la prise alimentaire et faire diminuer le poids,
  • Avoir des effets bénéfiques sur le système cardiovasculaire et améliorer le métabolisme lipidique,
  • Préserver le capital des cellules β de Langerhans en luttant contre l’apoptose,
  • Avoir peu d’effets indésirables et une grande sécurité d’utilisation.

 

Tableau 01. Présentations et Caractéristiques des Analogues d’insuline rapides en comparaison avec l’insuline ordinaire en injection sous-cutanée (Source : Monographies)

Type d’insuline

Structure

Délai d’action

(Minute)

Pic d’action

(Heures)

Durée d’action

(Heure)

Moment d’injection/

Repas

Insuline humaine ordinaire

Chaine A : 21 AA

Chaine B : 30 AA

30-60

2-4

5-8

30 min avant

Apidra (Glulisine) Sanofi

Lysine en B29 substituée par un acide glutamique

12-30

1-1,5

3-5

0-15 min avant

Ou juste après

Humalog 100 Lispro Lilly

Inversion de la proline en B28 par la lysine en B29

10-15

1-2

3-4

0-15 min avant

Ou juste après

*Humalog 200 Lispro Lilly

10-15

1-2

3,5-4,75

0-15 min avant

Ou juste après

NovoRapid Aspart Novo

Proline en B28 substituée par un acide aspartique

12-18

1-3

3-5

0-10 min avant

Ou juste après

Fiasp Novo

Insuline Aspart + Nicotinamide + Arginine

5

0,5-1,5

3-5

2 min avant

Jusqu’à 20 min après

* Réservée au traitement à des doses > 20 UI/j en sc

 

Nouvelles insulines 

Les analogues d’insuline sont des insulines humaines qui ont subi des modifications de nature moléculaire, galénique et biopharmaceutique, mais toujours en administration sous-cutanée. De nouvelles voies d’administration de l’insuline (nasale, pulmonaire et digestive) sont en cours d’étude, elles se heurtent actuellement à des limites pratiques et elles sont loin d’être commercialisées à court et à moyen terme. Les nouvelles insulines sont représentées par les :

  • Analogues d’insuline ultra-rapides (Faster), ultra-lents, concentrés à 200 & 300 UI et combinés
  • Analogues Biosimilaires
  • Insulines Biochaperones
  • Nouvelles formules et voies d’administration de l’insuline humaine : Insuline Viaject et Insuline plus Hyaluronidase recombinante (rHuPH20) en injection sous-cutanée, Insuline inhalée, InsuPatch.

 

Analogues d’insulines ultra-rapides (Fasters)

Les insulines fasters sont des insulines prandiales mise sur le marché en 2017, il s’agit de la Fiasp® NovoNordisk (Faster-acting insulin aspart), c’est une insuline Aspart à laquelle on a jouté deux excipients : le nicotinamide (Vitamine B3) pour une action plus rapide et l’arginine pour une plus grande stabilité [3]. Le tableau 01 présente une comparaison entre la Fiasp et les autres insulines rapides. L’insuline Faster a l’avantage de :

  • Correspondre au mieux à la réponse naturelle de l’Insuline par rapport au non-diabétique, après un repas mais sans supériorité pour l’amélioration de l’HbA1c par rapport aux 1ers analogues rapides.
  • Avoir plus de flexibilité pour le patient
  • Améliorer la maitrise glycémique sans risque hypoglycémique supplémentaire
  • Être Idéale pour les pompes à insuline tout en améliorant la performance du pancréas artificiel.

 

Analogues d’insuline ultra-lents seuls et combinés

Le rôle des analogues lents est de mimer la sécrétion basale de l’insuline du pancréas. Contrairement aux insulines rapides dont la dissociation, après injection sous-cutanée de polymères en monomères est rapide pour assurer le pic prandial, les insulines lentes ont une pharmacocinétique retardée grâce à des modifications structurales conférant à l’insuline un profil plus ou moins plat.

Tableau 02 : Comparaison des différentes insulines basales (Source : Monographies)

Insuline

NPH

Glargine

Détémir

Toujéo

Déglutec

Structure

Suspension Cristalline de l’Ins HM protamine-zinc

Addition de 2 AA

Substitution d’1 AA

Addition d’acide gras acétylé-chaine β

Glargine

Délétion AA B30

Addition d’un espaceur d’acide glutamique + acide gras diacétylé B29

Mécanisme de la prolongation

↓Solubilité milieu extracellulaire

Précipitation en PH acide

Liaison à l’albumine

↓Surface de dépôt

↓Contact vasculaire

Formation de multihexamère

Demi-vie

Variable

12,5 h

12,5 h

18h

25 h

Temps jusqu’à action max

4-12 h

Aucun

6-8 h

Aucun

Aucun

Durée d’action

13-20 h

24 h

18-23 h

24-36 h

42 h

Variabilité glycémique intra-patient

Élevé

Élevé

Faible

Faible

Plus faible

Dosage

1-2-3 x/j

1 x/j

1-2 x/j

1x/j

1 x/j

Les 1ers analogues lents sont la Glargine (Lantus® Sanofi-Aventis) et la Détémir (Lévémir® NovoNordisk), leur service médical rendu reste important. Les nouvelles molécules sont ultra-lentes présentant plusieurs avantages cliniques pour les patients : un profil significativement plat dépassant les 24 heures grâce à une concentration sanguine d’insuline plus constante, une faible variabilité intra-individuelle, une meilleure flexibilité dans les injections et surtout un moindre risque d’hypoglycémie nocturne. Deux insulines sont sur le marché :

  • Toujéo® 300 UI SoloStar et DoubleStar, une Glargine à libération prolongée. Lantus et Toujéo ne sont pas bioéquivalents et non directement interchangeables (nécessité d’ajustement des doses) [4].
  • Degludec (Tresiba®) du laboratoire NovoNordisk. Des études ont retrouvé que Degludec était non inférieur à la Glargine (Lantus®) en termes d’événements cardiovasculaires (Étude DEVOTE), et supérieur dans la réduction du risque d’hypoglycémie, avec un taux plus faible d’hypoglycémie sévère particulièrement nocturne [5]. Dans l’étude Bright, Degludec et Toujéo ont globalement des effets similaires sur le contrôle glycémique avec un risque faible d’hypoglycémie [6].

Deglutec est désormais combinée à l’insuline Aspart, c’est la Ryzodeg® 70/30 UI Flextouch, administrée en 1 ou 2 injections sous-cutanées/j au moment des repas principaux ou le repas le plus copieux. Le tableau 02 compare les caractéristiques des différentes insulines lentes et ultra-lentes.

 

Analogues Biosimilaires

Grâce à la biotechnologie, des Biosimilaires à l’insuline Glargine, dont le brevet est tombé dans le domaine publique, ont vu le jour. Ces nouvelles insulines sont bioéquivalentes et interchangeables (après accord du patient) avec la Glargine, elles sont mises au point pour améliorer l’accès aux soins, l’approvisionnement et diminuer le coût de l’insuline. Trois médicaments sont sur le marché : Abasaglar® (Eli Lilly), Basalog One® (Biocon limited-Inde) et Lusduna® (Merck Sharp & Dohme)

 

Insulines Biochaperones

La technologie Biochaperone relève de la biotechnologie qui consiste à mettre au point des systèmes de délivrance moléculaire de produits thérapeutiques en formant des complexes physiques avec les protéines. La société ADOCIA a réussi à combiner physiquement des protéines Biochaperones (BC) à l’insuline. C’est le cas de la BC Lispro (Adocia-Lilly), ce complexe physique est protégé des dégradations enzymatiques et offre une meilleure absorption, une meilleure solubilité et stabilité par rapport à l’analogue Lispro.

Tableau 03. Présentation commerciale des Analogues du GLP-1 en Injection sous cutanée

DCI

(Année de commercialisation)

Nom commercial

Homologie avec le GLP-1

Dose en sous-cutanée

1ers analogues

Exénatide (2006)

Bayetta (Lilly)

50%

5-10 µg x 2

2 mg/sem

Liraglutide (2010)

Victoza (NovoNordisk)

70%

0,6- 1,2 mg/j max 1,8 mg /j

Liraglutide + Degludec (2014)

Xultophy (NovoNordisk)

Analogues à action prolongée

Exénatide

(2010-2017)

Exénatide LAR

50%

2 mg/sem

Bydureon (Astra Zeneca)

Albiglutide (2014)

Eperzan ou Tanzeum (GlaxoSmithKline)

97%

30-50 mg/sem

Dulaglutide (2014)

Trulucity (Lilly)

90%

0,75-1,5 mg/sem

Semaglutide (2018)

Ozempic (NovoNordisk)

94%

0,25-1 mg/sem

AR-GLP-1 de synthèse

Lixisénatide (2013)

Lixumia (Sanofi Aventis)

50%

10 puis 20 µg/j

Une étude a démontré que Biochaperone Lispro, injectée au moment du repas, était associée à une réduction de 61% des excursions de glycémie postprandiale au cours des deux premières heures après injection, comparée à Humalog [7]. Une étude plus récente chez les patients DT1, a comparé BC lispro à la Fiasp et à l’insuline Aspart en administration par pompe, les résultats ont démontré une biodisponibilité meilleure que l’Aspart, similaire à la Fiasp mais une pharmacodynamie plus rapide que les 2 autres insulines [8].

 

Traitements hors insuline

Incrinomimétiques

L’effet incrétine relève de l’action des hormones digestives sur le pancréas et le cerveau. Les hormones incrétines sont sécrétées par l’intestin en réponse à l’administration du glucose par voie orale apporté par un repas, elles potentialisent par conséquent la sécrétion de l’insuline pancréatique, inhibent la sécrétion du glucagon et déclenchent la sensation de satiété au niveau cérébral. Les hormones impliquées sont le Glucagon-Like Peptide-1 (GLP-1) et le « Glucose-dependent Insulinotropic Polypeptide » (GIP), ces hormones sont rapidement dégradées par une enzyme endothéliale, la dipeptidyl peptidase-4 (DPP-4).

Cet effet est diminué chez le DT2 [9]. Le principe du traitement par les incrétines consiste à augmenter le taux plasmatique du GLP-1 de deux manières :

  • Administration de molécules apparentées au GLP-1 (Incrinomimétiques) sous forme d’analogues ou d’agonistes du récepteur du GLP-1 (Tableau 03)
  • Administration d’Inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase-4 (Gliptines), par voie orale (Tableau 04).

Au-delà de la régulation de l’homéostasie du glucose et sur la perte de poids, les hormones incrétines auraient une action directe sur l’endothélium vasculaire et le myocarde, leur conférant une protection cardiovasculaire très bénéfique pour les diabétiques [10].

Les nouveaux analogues du GLP-1 offrent une meilleure protection cardiovasculaire grâce à une durée d’action plus longue en injection sous cutanée hebdomadaire et une meilleure homologie avec le GLP-1 natif, et donc une plus faible immunogénicité. Ils sont supérieurs en termes d’efficacité sur l’équilibre glycémique par rapport aux inhibiteurs de DPP-4 [11], et présentent plus d’avantages concernant la perte pondérale et la protection vasculaire, ils occupent la 1ère place dans l’algorithme du traitement du DT2 à haut risque cardiovasculaire recommandé par l’ADA et l’AACE/ACE [12,13].

Vous trouverez à la fin de cet article une comparaison entre les différentes classes thérapeutiques.

Tableau 04 : Présentation commerciale des Inhibiteurs de la DPP-IV (Gliptines) par voie orale*

DCI

(Année de commercialisation)

Nom commercial

(Laboratoire)

Génériques

Dose/j

(Adulte sans précaution d’emploi)

Sitagliptine (2006)

Januvia (MSD)

Dalvex (Physiopharm)

Sitagliptine (Beker)

Glysavia (Hikma)

100 mg

Vildagliptine (2008)

Galvus (Novartis)

Glavip (ElKendi)

50 mg x 2

Saxagliptine (2009)

Onglyza (Astra Zeneca)

Saxagliptine (Sandoz)

5 mg

Linagliptine (2011)

Trajenta (Boehringer Ingelheim)

5 mg

Gemigliptine (2012)

Zemiglo

(SP. LG Chem. Limited/Sanofi)

50 mg

Teneligliptine (2012)

Teneria (Mitsubishi Tanabe Pharma/ Daiichi Sankyo Co)

20-40 mg

Alogliptine (2013)

Nesina (Takeda) Japon

Vipidia (Takeda) France

25 mg

*Il existe des associations fixes Gliptine-Metformine :

> Janumet = Stagliptine 50 mg + Metformine 1000 mg

> Komboglyze = Saxagliptine 2,5 mg + Metformine 1000 mg

> Eucreas = Vidagliptine 50 mg + Metformine 1000 et 850 mg

> Kazano = Alogliptinemg 12,5 + Metformine 500, 850 et 1000 mg

         

Le 1er analogue du GLP-1 administré par voir orale (Semaglutide) est désormais disponible sur le marché à partir de 2019 ainsi qu’une forme combinant Deglutec 100 UI et Liraglutide 3,6 mg/ml commercialisée en 2014 sous le nom de Xultophy. Les diabétiques vont bénéficier dans un avenir proche d’un nouveau médicament, le MEDIO382 (Cotadutide®), un double agoniste des récepteurs GLP-1 et du glucagon, il diminue la glycémie, le poids, la graisse hépatique et a un effet satiétogène [14,15].

Inhibiteurs du SGLT2 (Gliflozines)

Les inhibiteurs du Transporteur Sodium-Glucose de type 2 (SGLT2) sont une classe récente dans l’arsenal thérapeutique du DT2, le Dapagliflozine est le 1er représentant de cette classe ayant eu son AMM en 2012, le tableau 05 présente les différents gliflozines dont seuls les pays développés bénéficient actuellement.

Le co-transporteur SGLT2, situé au niveau du tube rénal proximal, est responsable de la réabsorption de 90% du glucose filtré. Les inhibiteurs du SGLT2 entrainent une glycosurie et donc une réduction de l’HbA1c, leur tolérance dépend donc de la performance de la fonction rénale. La perte calorique et sodique qui en résulte permettent une réduction du poids de -2,8 kg en moyenne [16] et des chiffres de la pression artérielle (PA) avec une diminution jusqu’à -2,36 mmHg de PA systolique sous Empagliflozine [17]. D’autres effets favorables sont notés sur les marqueurs de la rigidité artérielle et de la résistance vasculaire [18], de l’adiposité viscérale, et de l’albuminurie [19].

Les inhibiteurs du SGLT2 offrent une protection cardiovasculaire en dépit d’une augmentation du LDLc [20,21], dans l’étude EMPA-REG les résultats ont démontré une diminution du risque relatif de mortalité cardiovasculaire, du nombre d’hospitalisations pour décompensation cardiaque et de mortalité toutes causes confondues [21]. La néphroprotection des Gliflozines serait en grande partie liée à la diminution de l’hyperfiltration glomérulaire qui se traduit par la réduction de la protéinurie délétère pour le rein [22].

Tableau 05 : Présentation commerciale des Inhibiteurs du SGLT2 (Gliflozines) per os*

DCI

Nom commercial

(Laboratoire)

Association à d’autres antidiabétiques

Dose/j

Dapagliflozine

Forxiga (Astra Zeneca)

Metformine (Xigduo®)

Forxiga 10 mg

Saxagliptine (Qtern®)

Xigduo 5/1000 mg

Qtern 10/5 mg

Empagliflozine

Jardiance (Boehringer Ingelheim/Lilly)

Metformine (Jardiance Met®)

Linagliptine (Glyxambi®)

Jardiance 10-25 mg

Jardiance Met

5 ou 12,5/500 mg

12,5/1000 mg

Glyxambi 10/5 et 25/5 mg

Canagliflozine

Invokana (Janssen)

Metformine (Vokanamet®)

Invokana 100-300 mg

Vokanamet

50 mg/850 ou 1000 mg

150 mg/850 ou 1000 mg

Ipragliflozine

(Japon)

Suglat

(Astellas Pharma et Kotobuki Pharmaceutical

50-100    mg

Luseogliflozine (Japon)

Lusefi (Taisho Pharma)

2,5-5 mg

*D’autres molécules sont en perspective, en phase 3 : Tofogliflozine (Chugai Pharma/Sanofi) et Sotagliflozine, double inhibiteur SGLT1 et SGLT2 (Lexicon Pharma/Sanofi)

L’association Gliflozines-Analogues du GLP-1 est actuellement recommandée par l’ADA, l’action des deux classes est synergique sur l’équilibre glycémique, la perte pondérale et la protection cardiovasculaire, les effets négatifs des Gliflozines sur le bilan lipidique et le glucagon sont contrebalancés par les analogues GLP-1. Le Tableau 06 compare les avantages et les inconvénients entre les différentes classes thérapeutiques du DT2.

Les diabétiques algériens bénéficient-ils des traitements innovants ?

Tous les pays ne sont pas égaux devant les retombés de ces innovations pour la santé, pour de multiples raisons : coût cher des médicaments, problèmes de remboursement, scepticisme, résistance aux changements.

L’Algérie est face à un défi sanitaire majeur, la démographie du diabète a explosé en moins de 20 ans, passant de 8,8-12% [23,24] à 14,4% [25], le problème atteint des proportions alarmantes aussi bien sur le plan sanitaire que socioéconomique. Si le diabétique algérien bénéficie des analogues d’insuline de 1ère génération depuis plus de 10 ans, l’Algérie prend du retard concernant les incrinomimétiques et les nouvelles insulines. Les inhibiteurs de la DPP-4 et le Liraglutide sont sur le marché depuis près de 06 ans mais non remboursés, limitant fortement leur utilisation à grande échelle.

Conclusion

Le traitement du diabète est désormais individualisé et prend en considération le profil psychosocial et le risque cardiovasculaire du patient. Les nouveaux médicaments antidiabétiques sont efficaces sur la glycémie, offrent une protection cardiovasculaire. Avec leur avènement, le recours à l’insuline après échec des sulfamides et de la metformine n’est plus systématique. Au contraire, les experts recommandent ces médicaments innovants en 1ère ligne, inversant ainsi l’algorithme thérapeutique du DT2. Bien que ces nouveaux traitements constituent une grande avancée dans la prise en charge du diabète, leur sécurité et leur tolérance font l’objet de suivi avec une réévaluation régulière, leur prix est un frein à leur prescription dans les pays moins développés.

 

Tableau 06 : Avantages et inconvénients des différentes classes thérapeutiques du DT2

Action sur Insuline

Classes

Avantages

Inconvénients

Pas d’augmentation de la sécrétion d’insuline

Inhibiteurs SGLT2

Risque d’hypoglycémie nul

Perte pondérale

Diminution de la PA

Diminution du risque CV

Néphroprotection 

↓Triglycérides

↑ HDLc

Coût très élevé

Infections uro-génitales

Risque de déplétion volumique

Risque rare d’acidocétose

Risque rare d’amputation/orteils

Risque rare de fractures osseuses

↑Cholestérol total + LDLc

↑Glucagon

Biguanides

Efficaces

Coût faible

Pas d’hypoglycémie

Pas de prise de poids

Neutres sur la PA

Intolérance digestive

Risque d’acidose lactique

Glitazones

Efficaces

Pas d’hypoglycémie

Prise de poids

Fractures osseuses

Risque d’IC

Hépatotoxicité rare

Augmentation de la sécrétion d’insuline

Analogues GLP-1

Risque d’hypoglycémie nul

Perte pondérale

Diminution de la PA

Diminution du risque CV

Néphroprotection ?

↓Triglycérides + Cholestérol total

↓Glucagon

Coût très élevé

Injection Sous-cutanée

Intolérance digestive

Risque de pancréatite ?

Augmentation de la FC

Inhibiteurs DPP-4

Risque d’hypoglycémie nul

Bonne tolérance digestive

Bonne tolérance rénale

Pas de prise de poids

Coût ± élevé/Génériques

Efficacité modérée

Infections respiratoires ?

Risque de pancréatite ?

Sulfamides

Efficaces

Neutres sur la PA

Coût faible

Hypoglycémies ++

Prise de poids

Glinides

Coût faible

Meilleures tolérance rénale (Courte durée d’action)

Efficacité modérée

Prise de poids

Hypoglycémie +

CV : Cardiovasculaire, FC : Fréquence Cardiaque, IC : Insuffisance Cardiaque, PA : Pression Artérielle

 

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 


 

Références

 

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