Accident vasculaire cérébral ischémique vu par le cardiologue 

Z. BENNOUI1, N. DAHIMENE1, M. BAOUNI1, Y. AOUDIA1, S. NOUIOUA ; (1) Service de Cardiologie, Hôpital de Tipaza, (2) Service de Neurologie, Hôpital de Cherchell.

Résumé : L’accident vasculaire cérébral ischémique (AVCi) est une pathologie fréquente et grave. C’est une urgence médicale. Les séquelles sont d’autant plus importantes que le traitement est retardé. Le diagnostic positif de l’AVCi ne pose généralement pas de problème; cependant, la recherche d’une cause cardio-embolique n’est pas aussi évidente qu’on ne le pense. Le traitement à moyen et à long terme dépendra de la cause initiale, notamment, l’introduction des anticoagulants qui ne doit pas être retardée afin d’éviter la récidive.  La prise en charge nécessite une équipe pluridisciplinaire composée de neurologues, cardiologues, réanimateurs et kinésithérapeutes, pour une prise en charge optimale. Le bilan cardiovasculaire est important à réaliser dans l’immédiat pour instaurer un traitement spécifique. La création d’un réseau de soins, qui permet au patient de bénéficier d’un bilan cardiovasculaire sans retard, est indispensable pour améliorer la prise en charge des patients.

Mots-clés : AVCi, cardio embolique, traitement spécifique, réseau de soins.

Abstract : Ischemic stroke (IS) is a common and serious pathology. This is a medical emergency. The after-effects are all the more serious as treatment is delayed. Positive diagnosis of IS is usually not a problem; however, the search for a cardio embolic cause is not as straight forward as one might think. Medium and long-term treatment will depend on the initial cause, in particular, the introduction of anticoagulants which must not be delayed in order to avoid recurrence. Care requires a multidisciplinary team made up of neurologists, cardiologists, resuscitators and physiotherapists, for optimal care.  Cardiovascular assessment is important to carry out immediately to initiate specific treatment. The creation of a care network, which allows the patient to benefit from a cardiovascular assessment without delay, is essential to improve patient care.

Key-words: Ischemic stroke, cardio embolic, specific treatment, healthcare network.

Introduction

L’accident vasculaire cérébral ischémique (AVCi) est une pathologie fréquente et grave. C’est une urgence médicale [1]. Les séquelles sont d’autant plus importantes que le traitement est retardé. Les causes sont multiples et la recherche d’une cause cardio-embolique s’impose puisque le traitement à moyen et à long terme dépendra de la cause initiale, notamment, les anticoagulants, afin d’éviter la récidive [2-4].

Matériels et méthodes

Nous avons examiné 20 patients, durant la période s’étalant de janvier 2022 au 30 juillet 2023, adressés du service de Neurologie de l’hôpital de Cherchell et du service de Réanimation de l’hôpital de Tipaza, pour un bilan étiologique d’un AVC ischémique. Tous les patients ont bénéficié d’un examen clinique avec un ECG, une échographie cardiaque trans-thoracique et trans-oesophagienne, une MAPA, un Holter ECG de 48h, un écho doppler des troncs supra aortiques et un bilan biologique standard.

Résultats

L’âge moyen était de 55 ans, à prédominance féminine, deux patients avaient un rétrécissement mitral (RM) serré en fibrillation atriale avec thrombus dans l’auricule gauche, trois patients avaient une fibrillation atriale non valvulaire (FA), six patients avaient une hypertension artérielle (HTA) sévère, huit patients avaient une athérosclérose des artères carotides, un patient avait un prolapsus de la valve mitrale (PVM) avec rupture de cordage et une patiente avait un foramen ovale perméable (FOP). Parmi ces patients, dix avaient bénéficié d’une thrombolyse par altéplase. Les autres patients ont été traités par aspirine associée ou non à une statine. Les anticoagulants ont été introduits dans le RM et la FA non valvulaire. La chirurgie a été discutée dans le cas de PVM avec rupture de cordage et le FOP.

L’évolution, durant cette période de 18 mois, a été marquée, par une récupération partielle de la motricité de l’hémicorps atteint chez douze patients, trois patients ont gardé des séquelles sévères ; il y a eu un décès, lors d’une récidive, à six mois du premier AVCi, ce patient décédé a présenté une hémorragie cérébrale suite à la prise d’anticoagulant. Les quatre autres patients ont récupéré leur autonomie, un mois après la thrombolyse.

Discussion

L’AVCi relève de plusieurs causes avec des facteurs de risque et probablement une prédisposition génétique. Dans 25 % des cas, la cause est cardio-embolique [2]. Nos patients étaient jeunes. Les causes étaient variables avec l’origine embolique prédominante, notamment, le RM serré en FA avec thrombus auriculaire, le PVM avec rupture de cordage et le FOP. Toutes ces affections ont été révélées par l’AVC ischémique. La survenue d’un AVC peut être associée à des facteurs de risque [2, 4]; Certains sont modifiables comme le tabac, l’HTA, la dyslipidémie, le diabète et la sédentarité. L’HTA est responsable de près de la moitié des AVC associée aux facteurs sus cités [2]. Chez nos patients, l’HTA était inaugurale. Dans 30 % des cas, l’AVC est dû à une athérosclérose [2]. L’athérosclérose des artères carotides a été retrouvée chez trois de nos malades. Elle est moins fréquente dans notre série en raison du jeune âge des patients où l’origine embolique est prédominante.

Le bilan cardiovasculaire dans l’immédiat est important à réaliser; c’est un guide thérapeutique pour la prise en charge ultérieure de l’AVC. L’ECG doit être systématique devant tout AVCi ; il permet de poser immédiatement le diagnostic de FA. Un ECG normal n’élimine pas une FA paroxystique. Dans ce cas, un Holter ECG de 48h voire 72h est important à réaliser. D’autres moyens existent actuellement pour la détection de la FA paroxystique (montres connectées, Smartphones connectés…) [2]. L’ECG permet de rechercher d’autres causes, notamment, un infarctus du myocarde dans le territoire antérieur. L’écho doppler cardiaque trans thoracique permet d’orienter le diagnostic étiologique, en cas d’HTA, en montrant une hypertrophie du ventricule gauche associée ou non à une dilatation de l’oreillette gauche. La recherche d’une valvulopathie avec calcifications valvulaires ou de végétations valvulaires orientent vers une origine embolique. Le FOP doit être systématiquement recherché devant un AVCi sans cause évidente, en pratiquant l’épreuve de contraste, sensibilisée par la manœuvre de Valsalva. L’ETT et/ou l’ETO peuvent orienter le diagnostic étiologique : les tumeurs cardiaques (myxome, fibroélastome valvulaire), les thromboses intra cavitaires (thrombus intra auriculaire gauche, thrombus intra ventriculaire gauche dans les cardiopathies ischémiques ou dilatées).

Le bilan étiologique doit être complété par un écho doppler des troncs supra aortiques à la recherche d’une sténose, de thrombose ou de dissection (sujet jeune), pouvant relever d’un traitement spécifique interventionnel.

La MAPA est réalisée d’une part, pour rechercher une éventuelle HTA masquée et d’autre part, pour évaluer le traitement prescrit.

Le bilan biologique est réalisé systématiquement à la recherche de dyslipidémie, diabète inaugural, thrombophilie (sujet jeune), ou hyper homocystéinémie.

Le traitement spécifique lorsque la cause est cardio embolique pose souvent le problème du timing de l’introduction des anticoagulants surtout devant un AVCi étendu où le risque de transformation hémorragique est important [2].

Conclusion

La prise en charge de l’AVC nécessite une équipe pluridisciplinaire pour une prise en charge précoce et optimale des patients. Le bilan cardiovasculaire est important à réaliser dans l’immédiat pour instaurer le traitement spécifique lorsque la cause est cardio-embolique. La création d’un réseau de soins est indispensable afin d’améliorer la prise en charge des patients.

Références

  1. Bonnieux, Daniel. « AVC : Expérience du SAMU 14 », Phase préhospitalière et thrombolyse ; AVC Normandie, journées régionales médicales, juin 2014
  2. 2018 Guidelines for the Early Management of Patients With Acute Ischemic Stroke: A Guideline for Healthcare Professionals From the American Heart Association/American Stroke Association |
  3. « AVC Informez-vous ! » http://www.avc normandie.fr/espace-professionnels/avc-informez-vous/avc-informez-vous,2710,3083.html
  4.  Etude de la contribution de l’activateur tissulaire du plasminοgène (tpa) vasculaire à la physiοpathοlοgie cérébrale thèse soutenue par JONATHANE FURON Thèse, novembre 2022.

Télécharger PDF

Technique de fermeture percutanée de la communication interauriculaire (CIA) associée à une continuité azygos de la veine cave inférieure

N. ZAOUI, A. BOUKABOUS, N. BACHIR, A. TERKI, M. BOUGDOUR ;Service de Cardiologie, EHS de Cardiologie et Chirurgie cardiaque Omar YACEF, Draa Ben Khedda, Université de médecine, Tizi-Ouzou, Algérie.

Résumé : Introduction: La communication interauriculaire est la cardiopathie congénitale la plus fréquente, avec trois types: Ostium primum, Ostium secundum et sinus veineux. La communication interauriculaire Ostium secundum est accessible à la fermeture percutanée dans 90 % des cas, qui est indiquée en cas de surcharge du ventricule droit ou d’embolie paradoxale et contre-indiquée en cas de physiologie d’Eisenmenger. La procédure de fermeture est généralement réalisée sous anesthésie locale et ETT par accès fémoral. L’association de la CIA avec une continuation azygos de la veine cave inférieure est très rare (moins de 0,1/1000 naissances) rendant l’accès fémoral impossible et la fermeture percutanée peu probable. Seulement quelques cas de fermeture percutanée dans cette situation sont mentionnés dans la littérature, avec peu de détails concernant la technique et les difficultés, nous décrivons à travers cet article, une procédure de fermeture percutanée de cette association aussi fidèlement que possible avec une méthodologie permettant de résoudre les difficultés rencontrées. Patient et résultat clinique : Nous présentons un cas d’une femme âgée de 32 ans, candidate à une fermeture percutanée de CIA OS avec dilatation cavitaire droite, qui présente au cours de la procédure un trajet inhabituel du guide faisant suspecter une continuation azygos de la veine cave inférieure, confirmée par angioscanner, rendant impossible la procédure via l’approche fémorale. Intervention thérapeutique: Après avoir été confrontés au refus catégorique de la patiente d’accepter la chirurgie, une large revue de la littérature confirme que la fermeture percutanée de CIA par la veine jugulaire interne est possible (07 cas décrits). Nous avons effectué la procédure avec succès, un mois plus tard, sous sédation générale par approche jugulaire interne avec cependant des modifications de la technique classique concernant notamment le positionnement du guide pour un meilleur support. Nous avons terminé par une simple compression manuelle avant d’extuber la patiente. Suivi et résultats: Le suivi a été favorable avec apparition d’un hématome au site de ponction avec faible compression sur le plexus brachial, qui a régressé 3 jours après. Discussion : Nous avons décrit le plus fidèlement possible la séquence des événements avec toutes les difficultés rencontrées et leurs solutions. Nous avons opté pour l’anesthésie générale et l’intubation pour guider la procédure par Echocardiographie transoesophagienne (ETO). Nous avons été confrontés au manque de soutien lors de la mise en place du guide dans les veines pulmonaires comme décrit dans la procédure classique, c’est pourquoi nous l’avons placé dans l’aorte, ce qui nous a donné une bonne stabilité pour continuer la procédure avec succès. Nous avons probablement sous-estimé le risque de complication au site de ponction, qui aurait pu être évité en mettant un dispositif de suture vasculaire ou en prolongeant la compression. Conclusion : La fermeture percutanée est le traitement de référence pour la CIA OS. Dans le cas où elle est associée à une continuation azygos de la veine cave inférieure, la veine jugulaire interne droite reste une approche raisonnable avec des particularités liées à l’approche supérieure ; cela nécessite une discussion et une préparation rigoureuse de la part de toute l’équipe. L’anesthésie générale est une attitude rassurante. La gestion du site de ponction dans cette situation reste délicate et nécessite une grande concentration.

Mots-clés : Rapport de cas, CIA, shunt gauche-droite, cardiopathie congénitale, fermeture percutanée, Occluder, ponction de la veine jugulaire interne.

Abstract: Introduction: Atrial septal defect (ASD) is the most common congenital heart disease, with three types: Ostium primum, Ostium secundum and sinus venosus. The Ostium secundum atrial septal defect (OS ASD) is accessible to percutaneous closure in 90 % of cases, which is indicated in case of right ventricle overload or paradoxical embolism and contraindicated in case of Eisenmenger physiology. Closure procedure is performed usually under local anesthesia and TTE by femoral access. The association of OS ASD with an azygos continuation of the inferior vena cava is very rare (less than 0.1/1000 births) making femoral access impossible and percutaneous closure unlikely. Only a few cases of percutaneous closure in this situation, are mentioned in the literature with few details concerning the technique and difficulties, we describe through this article a percutaneous closure procedure of this association as faithfully as possible with tips and tricks to solve all the difficulties encountered. Patient and clinical finding: We present a case of 32-years-old female candidate for percutaneous closure of OS ASD with right cavity dilatation, who presents during her closure procedure an unusual guidewire path suspecting an azygos continuation of the inferior vena cava, confirmed by CT angiography, making impossible the percutaneous closure procedure via the femoral approach. Therapeutic intervention: After being confronted to the categorical patient refusal of the surgery, we performed a literature review confirming that percutaneous ASD closure through the internal jugular vein is possible (07 cases described). We performed successfully the procedure, one month later, under general sedation by internal jugular approach with, however, modifications of the classic technique concerning especially the positioning of the guidewire for a better support. We finished by a simple manual compression before extubating the patient. Follow-up and outcomes: The follow-up was favorable at the cost of a hematoma at the puncture site and little compression on the brachial plexus, which regressed after 3 days. Discussion: We described as faithfully as possible the sequence of events with all the difficulties encountered and their solutions. We opted for general anesthesia and intubation to guide the procedure by TEE. We were faced with a lack of support when putting the guidewire in the pulmonary veins as described in classic procedure, which is why we placed it in the aorta, and that gave us good stability to continue successfully the procedure. We probably underestimated the risk of complication at the puncture site, which could have been avoided by either putting a vascular suture device or more prolonged compression. Conclusion: Percutaneous closure is the reference treatment for Ostium secundum ASD. In case of its associated with an azygos continuation of the inferior vena cava, the right internal jugular vein remains a reasonable approach with particularities related to the superior approach; it requires discussion and rigorous preparation by the whole team. General anesthesia is a reassuring attitude. The management of the puncture site in this situation remains delicate and requires great concentration.

Key-words: Case report, ASD, left-right shunt, congenital heart disease, percutaneous closure, Occluder, internal jugular vein puncture.

Introduction(1,2,3)

La Communication Interauriculaire (CIA) est la cardiopathie congénitale la plus courante, sa prévalence est d’environ 56 à 100 cas pour 100 000 naissances.

Trois types anatomiques sont identifiés: Ostium primum (20 – 35 %), Ostium secundum (50 – 70 %) et «sinus veineux et sinus coronaires» (10 – 15 %).

La CIA Ostium secundum est accessible à la fermeture percutanée dans 90 % des cas; cette procédure a été décrite pour la première fois en 1976.

Figure 1: Communication interauriculaire

Embryologie(4,5)

La première étape de la séparation de la circulation systémique et pulmonaire correspond à la partition partielle de l’oreillette et à la division du canal auriculo-ventriculaire en deux parties: une droite et une gauche.

Le septum interauriculaire de l’adulte résulte de la fusion de deux septa : le septum primum et le septum secundum.

Chacun d’entre eux est muni d’une grande ouverture qui permet au sang de shunter de droite à gauche pendant la gestation. Cette septation auriculaire commence vers le 26e jour de grossesse.

Les deux mécanismes sont étroitement impliqués: la septation du canal auriculo-ventriculaire et la septation de l’oreillette elle-même.

Figure 2: Embryologie du septum

Le septum primum, fin, apparaît au sommet de l’oreillette primitive et s’étend vers le bas.

Apparaît ensuite le septum secundum à droite du primum du haut de l’oreillette par invagination de son toit et aussi de la base de l’oreillette, il conserve un défaut central partiellement obstrué par le septum primum : «fosse ovale» qui reste perméable pour permettre la circulation fœtale (passage sanguin de la veine cave inférieure provenant du cordon ombilical vers les cavités gauches).

Etiologie et association(6,7,8)

  • Formes familiales (autosomique dominante) ;
  • Mutations génétiques (NKX2-5, GATA4, TBX5) ;
  • Syndrome d’alcoolisation fœtale et tabagisme maternel ;
  • Utilisation d’antidépresseurs pendant la grossesse ;
  • Le diabète et l’âge maternel > 35 ans.

Histoire naturelle et évolution(9,10)

  • CIA Ostium primum et sinus venosus

Le shunt est toujours significatif.

Pas de réduction de taille ou de fermeture spontanée possible : fermeture chirurgicale.

  • CIA Ostium secundum

Signification variable en fonction de la taille du défaut.

Il peut diminuer ou même se fermer spontanément :

  • CIA OS < 4 mm: 70 % de diminution, 10 % stable, 20 % d’augmentation.
  • CIA OS 8 – 12 mm: 10 % de diminution, 20 % de stabilité et 70 % d’augmentation.

Symptomatologie / examen clinique(11,12)

Les CIA sont souvent asymptomatiques, en cas de grosse CIA les manifestations cliniques peuvent être les suivantes: asthénie, palpitations, dyspnée, accidents thromboemboliques…

A l’examen clinique, la CIA n’est ni soufflante, ni sténosante, ni cyanotique.

On peut trouver un souffle systolique d’hyperdébit pulmonaire et des signes d’hypertension pulmonaire (clic d’éjection systolique et dédoublement avec éclat du B2).

Figure 3: Souffle d’hyperdébit

Indications de fermeture(13)

Selon les recommandations de la Société Européenne de Cardiologie (tableau 1):

  • La fermeture des CIA est indiquée (classe I) en cas de surcharge du ventricule droit et sans hypertension pulmonaire.
  • La fermeture percutanée est la méthode de choix lorsqu’elle convient aux CIA ostium secundum (classe I).
  • En cas d’embolie paradoxale, la fermeture des TSA doit être envisagée (classe IIa).
  • En cas de résistance pulmonaire entre 3 à 5 unités Wood et un shunt significatif de gauche à droite, la fermeture doit être envisagée (classe IIa).
  • En cas de résistance pulmonaire > 5 Unités Wood et de shunt important de gauche à droite, une fermeture peut être envisagée (classe IIb).
  • La fermeture des CIA n’est pas indiquée en cas de syndrome d’Eisenmenger (classe III).
IndicationClasseNiveau
Patient avec shunt significatif (Augmentation du volume VD) et Résistances P< 5 WU doivent bénéficier d’une fermeture de CIA quel que soit la symptomatologieIB
La fermeture percutanée est la méthode de choix pour la fermeture de CIA si faisableIC
Toute CIA quel que soit la taille, avec embolie paradoxale, peut être considérée comme une fermeture de la CIAIIaC
Patients avec PVR ≥5 WU mais < 2/3 SVR ou PAP < 2/3 pression systémique et un shunt G/D (Qp: QS > 1.5) pourraient être proposés à la fermetureIIbC
Patients avec physiologie d’Eisenmenger ne doivent pas être considérés pour la fermetureIIIC
Tableau 1: Indications de fermeture de CIA

Date de fermeture :

La fermeture est indiquée à partir de l’âge de 1 an, elle est généralement effectuée entre 3 et 15 ans et reste indiquée même chez les patients âgés.

Contre-indications de la fermeture percutanée

  • Contre-indications absolues(13,14)
  • CIA autres que l’ostium secundum ;
    • Très large CIA (> 40 mm) sans bords supérieurs à 5 mm ;
    • Proximité des veines pulmonaires ;
    • Proximité des valves auriculoventriculaires.
  • Contre-indications relatives(13,14)
  • TSA double ou multiple (prothèse cribiforme) ;
  • Absence de bord rétro-aortique ;
  • Poids < 20 kg ;
  • Contre-indication médicamenteuse (aspirine, AVK).

Rôle de l’échocardiographie : Echocardiographie transthoracique (ETT) / Echocardiographie transœsophagienne (ETO)

  • Confirmation du diagnostic et du type de CIA ;
  • Évaluation préalable à la fermeture : indication, taille, bords et hauteur du septum ;
  • Contrôle per-procédure ;
  • Évaluation et suivi post-procédure.
  1. Confirmation du diagnostic et du type de CIA(12,15)
Figure 3: Indice Auriculaire Relatif – The Relative Atrial Index (RAI)
Figure 4: Types de CIA: A et B Ostium secundum, C Ostium Primum, D Sinus venosus

Évaluation préalable à la fermeture(16,17,18)

  •  Indication: En mesurant la taille du ventricule droit, la pression pulmonaire et le rapport de débit gauche à droite.
  • Taille: Évaluation multi-plans ETT / ETO (CIA circulaire ou ovale).
Figure 5: Evaluation de la CIA en multiplans
  • Berges : La fermeture percutanée de la CIA nécessite 5 mm sur chaque berge.

Le bord aortique est le seul à ne pas être essentiel car la prothèse peut être immédiatement placée sur l’aorte (Aspect en Tour Eiffel : voir figure 7).

  • Hauteur du septum: Le choix de la taille de la prothèse est basé sur le diamètre maximal du  défaut, qui est multiplié par 1,2 (classiquement, nous ajoutons 2 à 4 mm).

Le diamètre obtenu correspond au disque central de rétention de la prothèse, qui est débordé de 7 à 8mm (selon la taille et le fabricant de la prothèse) de chaque côté par le disque auriculaire gauche.

Figure 7: Taille de la prothèse et septum

Procédure de fermeture percutanée

  1. Procédure(19,20):

La procédure est réalisée soit sous anesthésie locale et utilisation de l’ETT ou anesthésie générale et ETO (pour les premières procédures et l’enfant).

La veine fémorale est ponctionnée puis l’héparine est injectée (100 UI/Kg).

Le cathéter MPA permet de placer un guide 0,035’’ 260 cm (rigide) dans la veine pulmonaire supérieure gauche à travers la CIA.

Le ballon de calibration peut être glissé sur ce guide pour mesurer le diamètre étiré de la CIA.

Figure 8: Ballon de calibration et diamètre étiré de la CIA

La gaine de CIA est ensuite introduite dans la veine pulmonaire et une prothèse type double ombrelle en Nitinol (alliage de nickel et Titane à mémoire de forme) de taille adaptée à l’orifice est vissée sur sa tige et retirée dans sa chambre sous purge afin de la débuller, puis ramenée à la partie distale de la gaine.

Figure 9: Préparation de la prothèse CIA

Le disque auriculaire gauche est déployé et ramené par traction du système jusqu’à ce qu’il entre en contact avec le septum, puis le disque auriculaire droit est libéré, prenant ainsi en sandwich le septum entre les deux disques.

Figure 10: Déploiement de la prothèse CIA

Le contrôle échocardiographique est effectué pour confirmer le positionnement correct de la prothèse, qui est libérée par rotation de la tige dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.

Figure 11: Contrôle échographique de la position de la prothèse CIA

Le système de largage est finalement retiré et une compression manuelle est effectuée.

  • Suivi(20, 21)
  • 48 heures d’hospitalisation ;
  • Aspirine pendant 6 mois (ou anticoagulation 3 mois + Aspirine aux doses antiagrégantes 3 mois > 50 ans) ;
  • Contrôle au premier, troisième, sixième et douzième mois post-procédure avec un examen clinique à la recherche d’une arythmie ou et d’un souffle mitral pouvant faire évoquer une migration du dispositif ou un conflit avec la valve mitrale et une échocardiographie afin de confirmer le bon positionnement de la prothèse, ainsi que de l’absence de fuite résiduelle intra ou paraprothétique.
  • Prophylaxie d’Osler pendant 6 mois en cas d’infection bactérienne.
SignesChirurgiePercutanéeP
Mortalité00
Age4.55.6< 0.0001
InfectionOdds Ratio 3.73< 0.0001
ComplicationsOdds Ratio 6.66< 0.0001
Tableau 2 : Ooi yk et al. Etude comparant fermeture percutanée et chirurgie CIA.

Résultats(22,23)

Succès dans 95 % avec réduction de la classe NYHA (< 3 mois) et diminution significative du volume VD (< 6 mois).

Il n’y a pas d’études randomisées VS chirurgie, mais certains articles ont comparé la fermeture percutanée et la technique chirurgicale comme Ooi YK et al. en 2016 (tableau 2), étude qui a comparé 4606 procédures percutanées et 3159 chirurgies de CIA, ne montrant aucune différence de mortalité entre les deux techniques de fermeture mais de meilleurs résultats en faveur de la fermeture percutanée (infection et complications).

  • Parmi les complications on peut citer(19,20):
  • Le risque lié à l’anesthésie générale et le risque infectieux sont exceptionnels ;
  • La migration et le risque thromboembolique sont rares ;
  • Le risque traumatique est rare mais grave: perforation cardiaque avec tamponnade (1/1000, prothèse > 30 mm, absence de bord aortique).
  • Technique de fermeture chez une patiente avec CIA OS associée à une continuité azygos de la veine cave inférieure

Cas clinique

Il s’agit d’une patiente âgée de 32 ans avec désir de grossesse, candidate à une fermeture percutanée d’une CIA OS de 20 – 21 mm avec dilatation des cavités droites, pression systolique pulmonaire à 40 mmHg et bonnes berges.

Figure 12: Evaluation de la CIA OS

  • Matériel

Introducteur 6 Fr femoral.

Guide 0.035’’ 145 cm en J.

Guide 0.035’’ 260 cm rigide.

Sonde diagnostic MPA 5Fr.

Ballon de calibration.

Prothèse CIA N° 26 (HeartR Lifetech©).

Delivery system 12 Fr.

Produit de contraste Ultravist 300.

Figure 13 : Delivery system livré avec la prothèse de CIA (consommable nécessaire pour l’implantation de la prothèse de CIA contenant : la tige, la gaine avec son dilatateur ainsi que la chambre de la prothèse munie d’un robinet hémostatique).

  • Technique

Nous avons commencé la procédure sous anesthésie locale, nous avons ponctionné la veine fémorale droite avec un introducteur de 6 Fr, puis nous avons introduit un cathéter MPA, qui a dessiné un trajet inhabituel avec une boucle derrière l’oreillette droite pour rejoindre la veine cave supérieure, puis l’oreillette droite.

Figure 14: Trajet anormal du guide 0.035’’ en angiographie

Face à ce trajet, nous avons suspecté une association avec une continuité azygos de la veine cave inférieure, rendant impossible la procédure de fermeture percutanée via l’approche fémorale.

Nous avons interrompu la procédure et confirmé le diagnostic avec un angioscanner.

Figure 15: Angioscanner confirmant l’interruption de la VCI

Cette association est très rare (moins de 0,1/1000 naissances) rendant l’accès fémoral impossible et la fermeture percutanée peu probable (24).

Figure 16 : OS ASD avec continuation azygos

Nous avons proposé une fermeture chirurgicale mais nous avons été confrontés au refus catégorique d’accepter la chirurgie par la patiente.

Une revue de la littérature nous confirme que l’accès à la fermeture percutanée des CIA par la veine jugulaire interne est possible (07 cas décrits)(25,26,27).

Nous avons donc réalisé une échographie de la jugulaire en position Trendlenburg confirmant son bon calibre.

Figure 17 : Échographie jugulaire en position de Trendelenburg.

Nous nous sommes redirigés vers la salle de cathétérisme un mois après la première tentative, la patiente a été mise sous sédation générale, intubée et ventilée, afin de pouvoir guider la procédure par ETT et ETO.

Nous avons ponctionné la veine jugulaire interne en position de Trendelenburg et puis nous avons injecté 5000 unités d’héparine.

Nous avons positionné la patiente sur la table de cathétérisme dans la position habituelle (tête haute) et nous avons placé, en plus de la table d’instruments habituellement à droite du patient, une deuxième table d’instruments à la tête du patient formant un L avec la première table afin de manipuler le delivery system en toute sécurité.

Nous avons commencé par traverser la CIA très facilement via la MPA et nous avons positionné le guide rigide de 0,035” dans les veines pulmonaires supérieure puis inférieure gauche, mais à chaque fois l’angle avec lequel le ballon de calibration traverse la CIA était défavorable ramenant le guide 0,035” dans l’oreillette droite.

Nous avons alors décidé de mettre le guide dans l’aorte (à travers la CIA, puis dans l’OG puis le VG et enfin dans l’aorte descendante le plus loin possible) afin d’augmenter le support.

Dès lors, le reste de la procédure est devenu simple.

Figure 18 : Ballon de calibration, guide dans l’aorte descendante

Nous avons réintroduit le ballon de calibration donnant un diamètre étiré de la CIA à 23 mm (mesure confirmée par angiographie et échocardiographie ETT/ETO) fixant notre choix sur une prothèse de 26 mm qui nécessite un septum d’une hauteur de 40 mm (26 + 2 x 7) qui était exactement la hauteur du septum de notre patiente.

Figure 19 : Mesure de la CIA, ballon de calibration et longueur septale

Nous avons ensuite introduit la gaine 12 Fr de la veine jugulaire interne et préparé la prothèse dans sa chambre comme décrit précédemment dans le présent document.

Le transport, le déploiement et la libération de la prothèse étaient réalisés sous contrôle angiographique et échocardiographique.

Pour cela, nous avons commencé par mettre le delivery system à travers la valve mitrale afin d’augmenter le support et de stabiliser le système, puis nous avons poussé la prothèse jusqu’à la fin de sa gaine, puis nous avons tout retiré dans l’oreillette gauche (pour éviter de piéger la prothèse dans les cordages mitraux) pour déployer le disque distal, mis en contact avec le septum puis le disque proximal pour ainsi prendre en sandwich le septum entre les deux disques.

Après avoir confirmé le positionnement correct de la prothèse et l’absence de conflit avec les valves auriculo-ventriculaires (en particulier la valve mitrale), les veines pulmonaires et la veine cave supérieure, nous avons libéré avec succès la prothèse par rotation anti-horaire de sa tige.

Figure 20: Déploiement de la prothèse CIA
Figure 21 : Déploiement de la prothèse sous Echocardiographie transthoracique et transoesophagienne

Nous avons envisagé d’utiliser un dispositif de fermeture fémorale (Femoseal©) pour fermer l’accès veineux, mais n’ayant pas d’expérience avec ce dispositif sur l’accès veineux, nous avons choisi d’effectuer une simple compression manuelle prolongée avant de réveiller et d’extuber la patiente.

La patiente a ensuite été transférée en salle de réveil pendant 6 heures et ramenée dans la chambre normale le même jour.

Résultat et évolution

Les suites étaient favorables chez notre patiente avec apparition d’un hématome au site de ponction et d’une faible compression sur le plexus brachial avec anesthésie et parésie du membre supérieur droit qui a régressé 3 jours après.

La patiente est sortie trois jours plus tard et mise sous aspirine pendant 6 mois.

Le contrôle 7 jours, 1 mois et 3 mois après, a montré la disparition totale des troubles neurologiques du membre supérieur droit et le positionnement correct de la prothèse.

Figure 22: Contrôle échocardiographique à J3

Discussion

Nous avons décrit aussi fidèlement que possible la séquence des événements chez la patiente car les cas décrits dans la littérature n’ont pas couvert toutes les difficultés rencontrées lors de cette procédure inhabituelle.

Au début, nous avons considéré la cure chirurgicale qui est une attitude raisonnable pour cette patiente à faible risque chirurgical, mais après avoir été confronté au refus catégorique de la patiente et après avoir examiné la faisabilité d’une fermeture percutanée, nous avons changé de stratégie.

Nous avons opté pour une anesthésie générale et une intubation afin de réduire le stress en salle de cathétérisme (stress du patient et de l’équipe soignante) et de faciliter l’orientation de la procédure par ETO.

Nous n’effectuons presque plus d’ETO pour les procédures de fermeture de CIA; l’ETT seule suffit (sauf pour les enfants et dans les anatomies complexes).

Nous avons été confrontés à un manque de support lors de la mise en place du guide dans les veines pulmonaires comme décrit dans la procédure classique de fermeture de CIA c’est pourquoi nous l’avons placé dans l’aorte, cela nous a donné une bonne stabilité pour poursuivre la procédure avec succès.

Nous avons probablement sous-estimé le risque de complication au site de ponction qui aurait pu être évité soit en mettant un dispositif de suture vasculaire, soit en effectuant une compression plus prolongée (mais qui aurait nécessité la prolongation de l’intubation de la patiente).

Conclusion

La fermeture percutanée est le traitement de référence pour TSA ostium secundum; les prothèses actuelles sont bien adaptées.

Les résultats immédiats et à moyen terme sont meilleurs que la chirurgie avec un taux de complications plus faible.

En cas de CIA ostium secundum associée à une continuité azygos de la veine cave inférieure, la veine jugulaire interne droite reste une voie raisonnable; cela nécessite une discussion et une préparation rigoureuse de la part de toute l’équipe, mais aussi une discussion avec le patient.

Ce que nous savons

  • L’association de la CIA Ostium secundum à une continuation azygos de la veine cave inférieure, est très rare (moins de 0,1/1000 naissances) rendant l’accès fémoral impossible et la fermeture percutanée peu probable.
  • Peu de cas cliniques dans la littérature ont décrit la fermeture de la veine jugulaire interne.

Ce que ce cas clinique ajoute

  • L’anesthésie générale nous semble être une attitude rassurante.
  • Le déroulement de la procédure est similaire aux procédures conventionnelles avec des particularités liées à l’approche supérieure.
  • La gestion du point de ponction dans cette situation reste délicate et nécessite une grande concentration.

Consentement éclairé : la patiente a consenti au partage et à la publication des images de son cas et de sa procédure sous couvert d’anonymat.

Liste des abréviations

ASD : Atrial septal defect

CIA: Communication interauriculaire

ETO : Echocardiographie transoesophagienne

ETT : Echocardiographie transthoracique

MPA : Multipurpose A

OS: Ostium secundum

TEE : Transesophageal echocardiography

TTE : Transthoracic echocardiography

Références

  1. Van der Linde D, Konings EE, Slager MA, Witsenburg M, Helbing WA, Takkenberg JJ, Roos-Hesselink JW. Birth prevalence of congenital heart disease worldwide: a systematic review and meta-analysis. J Am Coll Cardiol. 2011 Nov 15; 58(21):2241-7.
  2. Naqvi N, McCarthy KP, Ho SY. Anatomy of the atrial septum and interatrial communications. J Thorac Dis. 2018 Sep; 10(Suppl 24):S2837-S2847. 
  3. Mai CT, Isenburg JL, Canfield MA, et al. National Birth Defects Prevention Network. National population-based estimates for major birth defects, 2010-2014. Birth Defects Res 2019;1–16.https://doi.org/10.1002/bdr2.1589
  4. Kloesel B, DiNardo JA, Body SC. Cardiac Embryology and Molecular Mechanisms of Congenital Heart Disease: A Primer for Anesthesiologists. Anesth Analg. 2016 sep; 123(3):551-69.
  5. Anderson, R. H., Brown, N. A., & Webb, S. (2002). Development and structure of the atrial septum. Heart (British Cardiac Society), 88(1), 104–110. https://doi.org/10.1136/heart.88.1.104
  6. Schott JJ, Benson DW, Basson CT, Pease W, Silberbach GM, Moak JP, Maron BJ, Seidman CE, Seidman JG. Congenital heart disease caused by mutations in the transcription factor NKX2-5. Science. 1998; 281: 108–111.
  7. Gary Webb and Michael A. Gatzoulis. Atrial Septal Defects in the Adult. Circulation. October, 2006; 114(15): http://circ. ahajournals.org/ content/114/15/1645.
  8. Sarkozy A, Conti E, Neri C, et al.: Spectrum of atrial septal defects associated with mutations of NKX2.5 and GATA4 transcription factors. Journal of Medical Genetics 2005;42:e16
  9. Le Gloan, L., Legendre, A., Iserin, L., & Ladouceur, M. (2018). Pathophysiology and natural history of atrial septal defect. Journal of thoracic disease, 10 (Suppl 24), S2854–S2863. https://doi.org/10.21037/jtd.2018.02.80
  10. Campbell M. Natural history of atrial septal defect. Br Heart J. 1970 Nov; 32(6):820-6. doi: 10.1136/hrt.32.6.820. PMID: 5212356; PMCID: PMC487420.
  11. Naik RJ, Shah NC. Teenage heart murmurs. Pediatr Clin North Am. 2014 Feb; 61(1):1-16. 
  12. Martin SS, Shapiro EP, Mukherjee M. Atrial septal defects – clinical manifestations, echo assessment, and intervention. Clin Med Insights Cardiol. 2014; 8 (Suppl 1):93-8.
  13. Baumgartner H, De Backer J, et al. 2020 ESC Guidelines for the management of adult congenital heart disease. Eur Heart J 2020. doi/10.1093/eurheartj/ehaa554.
  14. Warnes CA, Williams RG, Bashore TM, Child JS, Connolly HM, Dearani JA, Del Nido P, Fasules JW, Graham TP, Hijazi ZM, Hunt SA, King ME, Landzberg MJ, Miner PD, Radford MJ, Walsh EP, Webb GD. ACC/AHA 2008 Guidelines for the Management of Adults with Congenital Heart Disease: Executive Summary: a report of the ACC/AHA Task Force on Practice Guidelines (writing committee to develop guidelines for the management of adults with congenital heart disease). Circulation. 2008 Dec 02; 118(23):2395-451.
  15. Natalie F.A. KellyDarren L. WaltersLisa A. HouriganDarryl J. BurstowGregory M. Scalia. Congenital Heart Disease: The Relative Atrial Index (RAI)—A Novel, Simple, Reliable, and Robust Transthoracic Echocardiographic Indicator of Atrial Defects. Journal of the American Society of Echocardiography 2010 : 233 : 275-281. DI 10.1016/j.echo.2009.11.014
  16. Rana B. S. (2018). Echocardiography guidance of atrial septal defect closure. Journal of thoracic disease, 10(Suppl 24), S2899–S2908. https://doi.org/10.21037/jtd.2018.07. 126
  17. Teo, Karen S L et al. “Assessment of atrial septal defects in adults comparing cardiovascular magnetic resonance with transoesophageal echocardiography.” Journal of cardiovascular magnetic resonance: official journal of the Society for Cardiovascular Magnetic Resonance vol. 12,1 44. 22 Jul. 2010, doi:10.1186/1532-429X-12-44
  18. Cooke JC, Gelman JS, Harper RW. Echocardiologists’ role in the deployment of the Amplatzer atrial septal occluder device in adults. J Am Soc Echocardiogr. 2001; 14:588–594. doi: 10.1067/mje.2001.113364.
  19. Chan KC, Godman MJ, Walsh K, Wilson N, Redington A, Gibbs JL. Transcatheter closure of atrial septal defect and interatrial communications with a new self expanding nitinol double disc device (Amplatzer septal occluder): multicentre UK.
  20. Harper RW, Mottram PM, McGaw DJ. Closure of secundum atrial septal defects with the Amplatzer septal occluder device: techniques and problems. Catheter Cardiovasc Interv. 2002;57:508–524. doi: 10.1002/ccd.10353.
  21. Yang MC, Wu JR. Recent review of transcatheter closure of atrial septal defect. Kaohsiung J Med Sci. 2018 Jul; 34(7):363-369. 
  22. Du ZD, Hijazi ZM, Kleinman CS, Silverman NH, Larntz K. Comparison between transcatheter and surgical closure of secundum atrial septal defect in children and adults: results of a multicenter nonrandomized trial. J Am Coll Cardiol. 2002; 39:1836–1844. doi: 10.1016/S0735-1097(02)01862-4. Du ZD, Hijazi ZM, Kleinman CS, Silverman NH, Larntz K. Comparison between transcatheter and surgical closure of secundum atrial septal defect in children and adults: results of a multicenter nonrandomized trial. J Am Coll Cardiol. 2002; 39:1836–1844. doi: 10.1016/S0735-1097(02)01862-4.
  23. Ooi YK, Kelleman M, Ehrlich A, Glanville M, Porter A, Kim D, Kogon B, Oster ME. Transcatheter Versus Surgical Closure of Atrial Septal Defects in Children: A Value Comparison. JACC Cardiovasc Interv. 2016 Jan 11; 9(1):79-86. doi: 10.1016/j.jcin.2015.09.028. PMID: 26762915.
  24. Boffa GM, Chioin R, Stritoni P, Daliento L, Congedo E, Sperandeo V, Scognamiglio R. Azygos or hemiazygos continuation of the inferior vena cava. An angiographic findings of 10 cases (author’s transl). G Ital Cardiol. 1980; 10(8):1063-8. Italian. PMID: 7461348.
  25. Seshagiri RD, Patnaik AN, Srinivas B. Percutaneous closure of atrial septal defect via transjugular approach with Blockaid device in a patient with interrupted inferior vena cava. Cardiovasc Interv Ther. 2013 Jan; 28(1):63-5. doi: 10.1007/s12928-012-0113-4. Epub 2012 Jul 19. PMID: 22810920.
  26. Oliveira EC, Moura MAG, Almeida JA, Ribeiro ALP, Nascimento BR. Percutaneous closure of ostium secundum atrial septal defect using left internal jugular vein access in a child with situs inversus and absence of inferior caval vein. Cardiol Young. 2019 Oct; 29(10):1310-1312. doi: 10.1017/S1047951119002099. Epub 2019 Sep 2. PMID: 31475660.
  27. Ozdemir E et al. Transjugular closure of ASD in a patient with interrupted inferior vena cava. Int J Cardiovasc Acad 2018; 4:15-8.

Télécharger PDF

TAVI état de l’art et expérience locale du CHU Mustapha

O. AIT MOKHTAR®, A. AZZOUZ®, M. BAOUNI®, A. AZAZA®, M. SALEM®, M. KARA®, A. SIK®, N. DAHIMENE®, A. MAKHLOUFI®, A. AMROUCHE®, S. OUABDESSELAM®, K. MESKOURI¹, K. BELDJOUDI², A. MASSIF³, M. SAIDANE®, S. BENKHEDDA®

® : Service de Cardiologie, CHU Mustapha, Alger.

¹ : Service de Chirurgie Thoracique, CHU Mustapha, Alger.

² : Service de Réanimation, CHU Mustapha, Alger.

³ : Service de Radiologie, CHU Mustapha, Alger.

Résumé : : L’implantation de valve aortique par voie percutanée est actuellement considérée la technique de choix pour le traitement des rétrécissements aortiques chez le sujet âgé de plus de 75 ans, indépendamment du niveau de risque chirurgical. Elle peut être proposée également chez les sujets moins âgés lorsque le risque opératoire chirurgical est élevé, dans cette situation se pose alors le problème de la durabilité des valves et aussi l’accès aux coronaires dans le futur, qui peut s’avérer difficile puisque la valve gène l’accès aux ostia coronaires, chez ces patients à haut risque de pathologie coronaire. Dans les pays développés, on pense déjà au TAVI dans TAVI, ce qui va permettre de proposer cette technique à des sujets plus jeunes avec une durabilité prolongée. En Algérie, on assiste aux premiers pas du TAVI, ce retard est en grande partie en rapport avec un coût exorbitant de la valve et l’absence pour l’instant de remboursement de cette technique.  On exposera dans cet article notre série de patients traités au service de Cardiologie du CHU Mustapha.

Mots-clés : TAVI, rétrécissement aortique.

Abstract : Transcatheter aortic valve implantation is currently considered the technique of choice for the treatment of aortic stenosis in subjects over the age of 75, regardless of the level of risk. It can also be proposed in younger subjects when the surgical operative risk is high, in this situation the problem then arises of the durability of the valves and also the access to the coronaries in the future in these patients at high risk of coronary pathology. In developed countries, we are already thinking of TAVI in TAVI, which will make it possible to offer this technique to younger subjects with extended durability. In Algeria, we are witnessing the first steps of TAVI, this delay is largely related to the exorbitant cost of the valve and the absence for the moment of reimbursement of these procedures. We will present in this article our series of patients treated in the Cardiology department of the CHU Mustapha.

Key-words : TAVI, aortic stenosis.

Introduction

Le TAVI (transcatheter aortic valve implantation) représente l’implantation ou le remplacement de la valve aortique par voie percutanée, la première implantation humaine a été réalisée par le Pr Alain Cribier en France en 2003. Il a fallu plusieurs années pour valider cette technique par des études cliniques. Elle est actuellement considérée la technique de choix pour le traitement des rétrécissements aortiques chez le sujet âgé de plus de 75 ans, indépendamment du niveau de risque. Il peut également être proposé chez les sujets moins âgés lorsque le risque opératoire chirurgical est élevé(1), dans cette situation se pose alors le problème de la durabilité des valves et aussi l’accès aux coronaires dans le futur chez ces patients à haut risque de pathologie coronaire.

Indications actuelles du TAVI versus chirurgie

La Société Européenne de Cardiologie (ESC) dans les recommandations sur les valvulopathies de 2021, propose le TAVI comme premier choix chez les sujets de plus de 75 ans quel que soit le risque chirurgical estimé par le score STS/PROM ou Euroscore II ; pour les patients de moins de 75 ans, à faible risque opératoire (STS/PROM ou Euroscore II < 4 %), la chirurgie est recommandée. Pour les autres patients, c’est-à-dire les patients de moins de 75 ans avec un risque opératoire qui n’est pas faible, le choix doit être discuté en Heart team. Le rationnel du cut-off de 75 ans est double, le premier est que les études qui ont montré la supériorité du TAVI ont inclus des patients dont la moyenne d’âge était de 74 ans, le second est que l’espérance de vie des patients ayant bénéficié d’un remplacement valvulaire aortique est de 10 ans, ce qui correspond globalement à la durabilité des valves TAVI. 

Le Collège Américain de Cardiologie (ACC) et l’Association Américaine des maladies du Cœur (AHA) dans leurs recommandations communes sur les valvulopathies émises en 2020, préconise le TAVI chez les patients de plus de 80 ans ou les patients avec une espérance de vie de moins de 10 ans(2). Alors que le choix est laissé à la Heart team et le patient quand l’âge est plus de 65 ans avec une anatomie favorable pour la TAVI. Enfin les patients avec un très haut risque chirurgical sont orientés vers un TAVI (tableau 1).

Tableau 1 : Recommandations internationales des indications TAVI vs SAVR.

ACC : American College of Cardiology, AHA: American Heart Association, ESC : Société Européenne de Cardiologie, EACTS : Association Européenne de Chirurgie Cardio-thoracique.

Un screening par angioscanner est indispensable afin de confirmer la faisabilité du TAVI par voie fémorale en visualisant la perméabilité et les diamètres de l’axe ilio-fémoral et aortique, il est établi une supériorité du TAVI versus le remplacement valvulaire aortique par voie chirurgicale en cas d’accès fémoral (3). La bicuspidie n’est pas une contre-indication au TAVI mais pose certains problèmes de sizing de l’anneau et des difficultés techniques de pose de la valve avec précision avec un risque de jump lors du largage. La mesure de la hauteur des coronaires évalue le risque d’occlusion (hauteur de moins de 10 mm), une hauteur de la cusp supérieure à la hauteur de l’ostium coronaire, un sinus étroit, des calcifications massives des valves, sont prédictifs d’occlusion coronaire à tenir en compte lors du choix entre TAVI et chirurgie.

Des calcifications importantes de la chambre de chasse du ventricule gauche est un facteur de rupture de l’anneau qui est rare mais gravissime de l’ordre de 0,2 %(1).

Une aorte porcelaine est un facteur de difficulté dans les deux cas, mais en faveur du TAVI.

Enfin une coronarographie doit être réalisée, en cas de lésions diffuses, la chirurgie est donc recommandée.

Durabilité et performance hémodynamique des valves TAVI

Une des questions qui peuvent préoccuper les cardiologues est la durabilité des valves TAVI surtout avec l’extension des indications aux patients à bas risque. En effet, grâce aux preuves apportées par les études PARTNER 3 (4) et EVOLUT LOW RISK (5), la technique a connu un grand essor parmi des patients qui constituaient il y’a quelques années une indication privilégiée au remplacement valvulaire chirurgical. C’est ainsi que plusieurs registres ont permis le suivi de ces patients afin de d’identifier une éventuelle dégénérescence ou un dysfonctionnement de prothèse. Jusqu’à cette année 2023, les seules données rapportées étaient recueillies de registres nationaux ou d’études avec une moyenne de suivi inférieure à 5 ans. Le plus connu des registres est le registre britannique TAVI 2007 – 2011 selon lequel 241 patients (79,3 ans, 46 % de femmes) ont été suivis sur une médiane de 5.8 ans. Parmi eux 149 patients (64 %) ont été traités par valve auto expandable et 80 (34,7 %) par valve sur ballon. Le gradient transaortique maximal ainsi que la présence d’une fuite intra prothétique (témoin d’une dégénérescence) ont été rapportés. L’incidence des dégénérescences sévères était inférieure à 1 %. Ce n’est qu’en 2020 que l’étude NOTION (6) est venue abattre le dernier des remparts du remplacement valvulaire chirurgical. Avec un design multicentrique et prospectif, cette étude avait pour objectif de comparer de façon randomisée le TAVI et le remplacement valvulaire aortique chirurgical (SAVR) chez les sujets de plus de 70 ans. Les résultats ont démontré après un suivi de 8 ans, non seulement l’absence de différences concernant le critère de jugement primaire (décès toutes causes, AVC ou infarctus du myocarde à 1an) mais une meilleure performance hémodynamique de la valve TAVI comparé au SAVR. La durabilité des valves n’était pas différente entre les deux groupes et était même meilleure si on excluait les patients avec mismatch (7). Les mêmes résultats ont été observés en ce qui concerne la défaillance de bio-prothèse. A noter, que la valve investiguée fut la Corevalve de Medtronic, une bio-prothèse de première génération. On peut espérer des résultats encore plus spectaculaires avec les valves de dernière génération surtout avec un design supra annulaire. 

D’une manière intéressante, dans l’étude Evolute Low Risk(5), qui a comparé TAVI vs SAVR dans une population de bas risque chirurgical, a retrouvé que  l’incidence d’un mismatch modéré ou sévère (défini comme VARC 3) était plus importante dans le SAVR (25.1 % vs 10.6 %, p < 0.001).

Autre indication du TAVI qui connait un intérêt grandissant est la stratégie Valve in Valve pour le traitement de la dégénérescence isolée d’une bio-prothèse aortique ou même d’une bio-prothèse TAVI (TAVI in TAVI). Choix séduisant pour cette population de malades qui pour la plupart présentent un risque chirurgical élevé rendant une stratégie de chirurgie rédux risquée.

Résultats des études cliniques 

Au cours des 20 dernières années, neuf études randomisées ont été réalisées avec des critères d’évaluation primaires cliniques auprès de 9291 patientes et patients, ce qui a mené à établir de manière exemplaire l’évidence concernant le TAVI par comparaison directe avec la SAVR. Une synthèse des données de toutes les études randomisées montre, sur une période allant jusqu’à 2 ans, un avantage de survie modéré (TAVI trans-fémorale vs SAVR: hazard ratio [HR] 0,83, intervalle de confiance [IC] à 95 % 0,72 – 0,94, p = 0,032) ainsi qu’un taux plus faible d’accidents vasculaires cérébraux (HR 0,81, IC à 95 % 0,68 – 0,98, p = 0,028) en faveur de TAVI transfémorale, qui ont été constamment observés indépendamment du risque chirurgical. Tandis que le risque de complications des accès vasculaires, d’insuffisance aortique et d’implantation d’un stimulateur cardiaque est accru après un TAVI, la fréquence d’hémorragies sévères, la nouvelle survenue d’une fibrillation atriale et d’insuffisance rénale sévère est réduite (8).

Deux études récentes se sont intéressées aux patients à faible risque, l’étude PARTNER 3(4) qui a testé les valves à ballonnet et qui a inclus 1000 patients dont la moyenne d’âge était de 73 ans et un risque moyen STS score de 1,9 %. Le TAVI était supérieur à la chirurgie en termes de critère primaire associant décès, accident vasculaire cérébral (AVC) et réhospitalisation à 1 an (8.1% vs 15.5 %, p < 0.001). La survenue d’AVC à 30 jours était moins fréquente dans le groupe TAVI (0.6 % vs 2.5 % p = 0.02), il était de même pour le critère associant décès et AVC (1 % vs 3.3 % p = 0.01).

Une autre étude Evolut Low Risk(5), utilisant des valves supra annulaires à auto expansion, a inclus 1414 patients dont la moyenne d’âge est de 74.1 ans et un STS score bas à 2 %.

A trois ans, le critère combiné englobant mortalité globale ou AVC invalidant était de 7,4 % vs 10.4 %, p = 0.051 pour le TAVI et la chirurgie respectivement. Le taux d’implantation de pace maker était plus élevé dans le groupe TAVI (23.2 % vs 9.1 % p < 0.001), alors que le taux de fibrillation atrial récente était plus élevé dans le groupe chirurgie (40 % vs 13.1 % p < 0.001).

  1. Expérience du service de Cardiologie du CHU Mustapha 

Malgré que la technique TAVI a plus de 20 ans, elle est pratiquée en Algérie d’une manière très timide en raison de son coût considéré élevé. Les premiers TAVI ont été réalisés en 2016, mais il s’agissait d’implantations sporadiques. Aucun centre n’est certifié jusqu’à l’année 2022 avec 3 centres seulement en Algérie (le service de Cardiologie du CHU Mustapha, le service de Cardiologie du CHU d’Oran et la Clinique El Azhar à Alger).

But de l’étude : L’objectif de notre étude est de décrire les caractéristiques cliniques, échocardiographiques et de suivi des patients ayant bénéficié d’un TAVI au service de Cardiologie du CHU Mustapha.

  • Matériels et méthodes 

Etude prospective observationnelle et descriptive, ayant inclus des patients consécutifs : traités par TAVI par Acurate Neo 2 (Boston) ou Evolut R (Medtronic). Les caractéristiques démographiques, cliniques et échocardiographiques de base et de suivi sont rapportées prospectivement. Les patients ont bénéficié d’une échocardiographie et un d’un ECG à la sortie, à 3 mois puis chaque 6 mois.

  • Résultats 

Du mois d’octobre 2021 au mois de mars 2023, avec un suivi moyen de 354 jours, nous avons réalisé 19 implantations de valve TAVI, 15 avec l’Acurate Neo 2 et 4 implantations avec l’Evolut R. La moyenne d’âge était de 79.5 ans, 13 (68 %) femmes et 6 (32 %) hommes avec un Euroscor II moyen de 5.94 %. En termes de facteurs de risque cardiovasculaires : 12 (63 %) sont diabétiques, 14 (74 %) présentent des dyslipidémies et 15 (79 %) sont hypertendus. On note une incidence d’insuffisance rénale chronique (définie par une clearance à la créatinine < 60 %) 11 (65 %). 3 (16 %) sont coronariens dont 2 patients ont bénéficié d’une angioplastie pré-TAVI et 1 patient traité médicalement (tableau 2).

Le gradient moyen était de 56,8 mm Hg +/- 17,8. La fraction d’éjection moyenne était conservée 63,5 % avec des extrêmes (32 % – 70 %). Le diamètre de l’anneau dérivé du périmètre moyen était de 23,11mm+/- 2.9 mm.

Tableau 2 : Caractéristiques cliniques et échocardiographiques des patients : DFG : débit de filtration glomérulaire, FE : fraction d’éjection

 moyenne (écart-type)médiane [Q25-75]minmaxn
Age (ans)79.5 (7.03)80.0 [77.5; 82.5]64.095.019
DFG (ml/mn/1,73m²57.4 (32.1)50.0 [33.0; 69.0]19.012617
Créatininémie (mg/ml)13.6 (6.43)12.0 [10.0; 16.0]5.0026.017
EuroscoreII (%)5.94 (3.53)4.90 [3.47; 6.95]2.0012.019
FE (%)63.5 (6.04)65.0 [63.5; 67.2]32.070.019
Gradient moyen (mmHg)56.8 (17.8)54.5 [42.8; 61.0]40.010816
STRAIN %12.7 (4.05)12.0 [10.4; 12.8]8.5022.611
Vitesse maximale m/sec4.84 (0.621)4.90 [4.36; 5.10]4.006.6019

Les complications per interventionnelles sont survenues chez 4 patients, avec 3 complications vasculaires à type d’occlusion du point de ponction en rapport avec l’utilisation du système de fermeture Proglide (Abbott), 2 ont été gérées par stenting de la fémorale commune et la 3e occlusion par voie chirurgicale (ablation du fil de suture du Proglide plus thrombectomie de la fémorale), les suites des complications des accès ont été favorables. La dernière complication observée était un accident vasculaire hémorragique qui a entrainé le décès du patient 1 mois après.

Un patient a présenté un bloc auriculo-ventriculaire complet qui a nécessité la mise en place d’un stimulateur triple chambre, puisque le patient avait une dysfonction ventriculaire gauche sévère.

Le gradient moyen en post opératoire immédiat était de 11 mmHg +/-7, aucune fuite para-prothétique modérée ou sévère n’a été observée.

Durant le suivi qui est en moyenne de 354 jours, une patiente a présenté un AVC hémorragique, par ailleurs aucune réhospitalisation n’a été enregistrée chez les autres patients.

  • Discussion 

Malgré les indications larges du TAVI, notre série comporte essentiellement des patients âgés avec une moyenne d’âge de 79.5 ans et un risque chirurgical intermédiaire. Cela peut être expliqué par des raisons médico-économiques en rapport avec le coût de la prothèse qui reste élevé et l’absence de processus de financement spécifique et de remboursement de ce type d’interventions en Algérie. L’introduction de la technique est très timide puisque le nombre de valves implantées en Algérie ne dépasse pas les 50 par an, selon des sources collectées auprès de l’industrie, alors que le nombre de TAVI réalisés dans les pays développés peut atteindre 293/million d’habitants (1). Les études médico-économiques ont montré la supériorité du TAVI par rapport à la chirurgie à moyen terme (9), mais le problème du remboursement reste un problème entier même dans certains pays développés comme la Belgique et la Suisse.

En termes de résultats cliniques, nous avons observé 2 (10.5 %) évènements majeurs en 354 jours, ce qui est comparable aux résultats de l’étude PARTNER 2, qui a inclus des patients à risque intermédiaire avec 12,5 % d’AVC ou décès à 1 an (3). Il est important de mentionner, que le décès enregistré dans notre série était en rapport avec un AVC hémorragique en rapport très probablement avec une double anti-agrégation plaquettaire rendue indispensable après une angioplastie coronaire pré-TAVI. Les complications vasculaires (15,7 %) sont aussi similaires avec les résultats de l’étude PARTNER 2 avec 15,2 %(3). Le taux d’implantation de pace maker était faible dans notre série 1 (5.2 %) en raison de l’utilisation prépondérante de l’Acurate Neo 2 (Boston) qui a une force radiale faible et donc moins de compression sur les voies de conduction (10).

Conclusion 

Le TAVI est actuellement indiqué quel que soit le risque chirurgical, il est recommandé chez le sujet âgé. Les premiers pas de cette technique en Algérie sont encourageants, le problème du coût et du remboursement de la prothèse reste entier et sa résolution permettrait une meilleure prise en charge des patients.

Références 

  1. Vahanian A, Beyersdorf F, Praz F, Milojevic M, Baldus S, Bauersachs J, et al.; ESC/EACTS Scientific Document Group. 2021 ESC/EACTS Guidelines for the management of valvular heart disease. Eur Heart J. 2022;43(7):561–632.
  2. Catherine M. Otto, Rick A. Nishimura et al. 2020 ACC/AHA guidelines for the management of patients with valvular heart disease ; The Journal of Thoracic and Cardiovascular Surgery8 May 2021
  3. Martin B Leon, Craig R. Smith. Michael J Mack et al. Transcatheter or Surgical Aortic-Valve Replacement in Intermediate-Risk Patients. N Engl J Med 2016; 374:1609-1620.
  4. Michael J. Mack, M.D. Martin B. Leon et al. Transcatheter Aortic-Valve Replacement with a Balloon-Expandable Valve in Low-Risk Patients. N Engl J Med 2019; 380:1695-1705.
  5. John K. Forrest, G. Michael Deeb, Steven Jet al. Three-Year Outcomes After Transcatheter or Surgical Aortic Valve Replacement in Low-Risk Patients with Aortic Stenosis. J Am Coll Cardiol. Mar 05, 2023. Epublished DOI: 10.1016/j.jacc.2023.02.017
  6. Hans Gustav Hørsted Thyregod, Nikolaj Ihlemann et al. Five-Year Clinical and Echocardiographic Outcomes From the NOTION Randomized Clinical Trial in Patients at Lower Surgical Risk. doi.org/10.1161/CIRCULATIONAHA.118.036606 Circulation. 2019; 139:2714–2723.
  7. Capodanno D, Standardized definitions of structural deterioration and valve failure in assessing long-term durability of transcatheter and surgical aortic bioprosthetic valves: a consensus statement from the European Association of Percutaneous Cardiovascular Interventions (EAPCI) endorsed by the European Society of Cardiology (ESC) and the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). Eur J Cardiothorac Surg. 2017 Sep 1;52(3):408-417.
  8. Siontis GC, Overtchouk P, Cahill TJ, et al. Transcatheter aortic valve implantation vs. surgical aortic valve replacement for treatment of symptomatic severe aortic stenosis: an updated meta-analysis. Eur Heart J. 2019;40(38):3143–53.
  9. Azraai M, Gao L, Ajani AE et al. Cost-Effectiveness of Transcatheter Aortic Valve Intervention (TAVI) Compared to Surgical Aortic Valve Replacement (SAVR) in Low- to Intermediate-Surgical-Risk Patients. Cardiovasc Revasc Med. 2020 Sep;21(9):1164-1168. doi: 10.1016/j. carrev.2020.01.009. Epub 2020 Jan 15.
  10. Choudhury T, Solomonica A, Bagur R. The ACURATE neo transcatheter aortic valve system..Expert Rev Med Devices. 2018 Oct;15(10):693-699. doi: 10.1080/17434440.2018.1526675.PMID: 30256687

Télécharger PDF

Ischémie myocardique, entre athérome, tortuosité et fistule coronaro-camérale

M. Boukheloua1, A. Baali2, M. Berrehal3, A. Alloueche4, D. Nibouche; (1,3,4,5) Service de Cardiologie, CHU Hussein Dey, Alger, (2) Service de Radiologie, CHU Hussein Dey, Alger.

Résumé : Introduction : L’ischémie myocardique est un phénomène pathologique très répandu dans la population générale sous différentes présentations (aigue ou chronique), elle constitue par ses conséquences la première cause de mortalité dans le monde. Dans sa forme la plus classique, cette ischémie est secondaire à un déséquilibre entre apport et besoins en oxygène suite à une réduction du calibre des artères coronaires d’origine athéroscléreuse. Dans une proportion plus faible, ce déséquilibre est dû à une autre atteinte (spasme, microcirculation, fistule coronaro-camérale…). Ces étiologies de l’ischémie myocardique peuvent être associées aggravant ainsi le pronostic et rendant la décision thérapeutique plus difficile. Présentation du cas : Nous rapportant ici le cas d’un patient âgé de 75 ans, diabétique et hypertendu hospitalisé pour une aggravation récente d’un angor d’effort (angor instable). L’examen clinique est sans particularité et en dehors d’un discret courant de lésion sous-endocardique en inférieur avec aspect des QRS fragmentés à l’électrocardiogramme, le reste des examens sont sans anomalies. La coronarographie réalisée objective une artère interventriculaire antérieure très tortueuse contournant l’apex et se jetant dans le ventricule gauche par une fistule à gros débit, cette artère présente une sténose serrée sur son corps. Ces résultats sont confirmés par l’angioscanner coronaire et l’IRM cardiaque. Les questions à se poser sont la part de chaque élément (sténose, tortuosité et fistule) dans cette ischémie myocardique et le moyen optimal de prise en charge. Nous avons décidé de laisser le patient sous traitement médical optimal, étant donné que l’artère est très tortueuse et donc l’angioplastie est difficile surtout en distalité et que cette sténose distale juste avant la fistule protège la coronaire d’un vol coronaire. L’évolution est bonne sans réapparition de l’ischémie. Conclusion :  L’association de plusieurs lésions, sténose athéroscléreuse, tortuosité, fistule… crée des conditions compliquées dans lesquelles une bonne compréhension du mécanisme permet d’adopter une attitude thérapeutique la plus efficace et surtout sûre.

Mots-clés :  Angor d’effort, artère coronaire tortueuse, sténose athéroscléreuse, fistule coronaro-camérale.

Abstract: Introduction: Myocardial ischemia is a very common pathological phenomenon in the general population with different presentations (acute or chronic), it constitutes by its consequences the first cause of mortality in the world. In its most classic form, this ischemia is secondary to an imbalance between oxygen supply and requirements following an atherosclerotic reduction in the caliber of the coronary arteries. In a smaller proportion, this imbalance is due to another disorder (spasm, microcirculation, coronaro-cameral fistula…). These etiologies of myocardial ischemia can be associated, thus worsening the prognosis and making the therapeutic decision more difficult. Presentation of the case: we report here the case of a 75-year-old patient, diabetic and hypertensive, hospitalized for a recent worsening of effort angina (unstable angina). The clinical examination is unremarkable, and apart from a discrete current of subendocardial lesion in the lower part with appearance of the QRS fragmented on the electrocardiogram, the rest of the examinations are without abnormalities. The coronary angiography performed shows a very tortuous anterior descending artery bypassing the apex and flowing into the left ventricle through a high-flow fistula, this artery presents a tight stenosis on its body. These results are confirmed by coronary CT angiography and cardiac MRI. The questions to be asked are the share of each element (stenosis, tortuosity and fistula) in this myocardial ischemia and the optimal means of management. We decided to leave the patient under optimal medical treatment, since the artery is very tortuous, so angioplasty is difficult, especially distally, and this distal stenosis just before the fistula protects the coronary from coronary theft. The evolution is good without reappearance of ischemia. Conclusion: The association of several lesions, atherosclerotic stenosis, tortuosity, fistula… creates complicated conditions in which a good understanding of the mechanism makes it possible to adopt the most effective and above all safe therapeutic attitude.

Key-words: Angina of effort, tortuous coronary artery, atherosclerotic stenosis, coronaro-cameral fistula.

Introduction 

Les fistules coronaires sont de rares anomalies congénitales ou acquises au cours desquelles il existe un passage de sang des coronaires vers une cavité cardiaque sans passage par la microcirculation (1) ; décrites pour la première fois par KRAUS en 1865 (2), elles sont le plus souvent de découverte fortuite et sans conséquence hémodynamique (3). Elles peuvent néanmoins entraîner des répercussions hémodynamiques imposant un traitement percutané ou parfois chirurgical (4). Nous rapportons le cas d’un homme âgé de 75 ans, hypertendu et diabétique, hospitalisé en cardiologie pour prise en charge d’un angor d’effort dont l’exploration a retrouvé un réseau artériel coronaire athéromateux avec un trajet coronaire très tortueux des artères interventriculaires antérieure (IVA) et postérieure (IVP) se déversant directement dans le ventricule gauche par une fistule coronaro-camérale.

Observation 

M. T.D. âgé de 75 ans, hypertendu, diabétique, consulte pour une symptomatologie à type d’angor d’effort apparu il y a 6 mois, devenant de plus en plus fréquent depuis deux mois. A l’admission, le patient est en bon état hémodynamiquement, présentant une douleur thoracique à type de constriction empêchant le patient de continuer l’effort. L’examen général et cardiovasculaire est sans particularités, sans signes d’insuffisance cardiaque droite ou gauche, sans souffle à l’auscultation cardiaque. L’électrocardiogramme per critique retrouve un discret courant de lésion sous-endocardique en inférieur avec aspect des QRS fragmentés. Un dosage des troponines a été réalisé revenant normal. Son score de Grace est de 138 points. L’échocardiographie a retrouvé une bonne fonction ventriculaire gauche, une cinétique myocardique homogène, une absence d’anomalies valvulaires ou de dysfonction ventriculaire droite.

La coronarographie réalisée dans son bilan d’exploration a retrouvé une artère interventriculaire antérieure très tortueuse avec plusieurs courbes aiguës, siège d’une sténose angiographiquement intermédiaire sur son segment moyen, cette IVA se prolonge à la base du cœur et donne naissance au réseau droit effectif et se termine probablement vers le sinus coronaire, juste avant son déversement dans le sinus coronaire, une remarquable sténose angiographiquement serrée. La coronaire droite est rudimentaire et l’artère circonflexe est également peu développée.

L’exploration de cet aspect coronarographique peu fréquent nous a conduit à réaliser une IRM cardiaque ayant objectivé l’aspect de cardiopathie ischémique dans le territoire de la circonflexe, mais sans fournir plus de détails concernant la fistule coronaro-camérale.

 

Figure 1 : Coronarographie sous deux incidences (A et B) qui nous montrent le trajet très tortueux de l’IVA qui contourne l’apex pour se transformer en l’équivalent d’une coronaire droite qui se jette ensuite dans le ventricule gauche
A : Incidence OAG 10°/ crâniale 40°   
B : Incidence OAG 25°/ crâniale 40°

Nous avons complété notre exploration par la réalisation d’un scanner coronaire objectivant un aspect très tortueux de l’IVA et de l’artère interventriculaire postérieure (IVP), cette dernière se terminant en bon calibre avec la partie inféro–basale du ventricule gauche à travers un pertuis de 4 mm.

Figure 2: Scanner coronaire :                                                                                                
La lésion coronaire coupable relevant d’un traitement médical uniquement et la fistule coronaire étant sans retentissement hémodynamique, il a été décidé de maintenir le traitement de la cardiopathie ischémique avec surveillance et follow up.

Le patient est suivi en consultation et depuis qu’il a été mis sous traitement optimal, il ne présente plus de symptômes, de même les échocardiographies de contrôle n’ont pas montré de retentissement de cette fistule sur les cavités cardiaques. 

Discussion 

Les fistules coronaires sont des communications anormales entre une artère coronaire et une cavité réceptrice, sans passage du sang à travers la microcirculation capillaire. Leur incidence est de 0.09 % dans la population générale(3) et représentent 0.3 % des cardiopathies congénitales(3) et 14 % des anomalies de naissance des coronaires (5). La majorité des fistules coronaires prennent naissance à partir de la coronaire gauche (69 %) contre 31 % prenant naissance à partir de la coronaire droite et seules 4 % prennent origine à partir de l’artère circonflexe(3).

Sur le plan anatomique, on distingue deux types de fistules coronaires selon le site de drainage, les fistules coronaro-camérales où le site de drainage est représenté par l’une des 4 cavités cardiaques, le plus souvent le ventricule droit dans 41 % des cas ou dans l’oreillette droite dans 26 % des cas, en revanche, le drainage dans l’une des cavités gauches est plus rare avec 3 % de fistules se drainant dans le ventricule gauche ; les fistules ayant pour site de drainage l’un des gros vaisseaux médiastinaux, sont dites coronaro-artérioveineuses et se drainent le plus souvent dans l’artère pulmonaire (17 % des cas) (6).

Figure 3: Fistules coronaro-camérales.

Dans les fistules coronaro-camérales, la communication peut se faire directement entre la lumière de la coronaire et celle de la cavité cardiaque, on parle alors de fistules artério-luminales, ou se faire à travers un réseau de sinusoïdes, on parle alors de fistules artério-sinusoïdales(3). Bien que le plus souvent congénitales (90 % des cas)(7), les fistules coronaires peuvent être acquises secondairement à une irradiation thoracique, un infarctus du myocarde, une angioplastie, une chirurgie cardiaque associée aux coronaires ou une vascularite(3,8). L’origine embryologique des fistules congénitales est expliquée par l’absence d’oblitération des sinusoïdes censées nourrir le myocarde primitif, qui est relié au cœur tubulaire primitif(3,7).

Sur le plan physiopathologique, le shunt de la microcirculation va créer une augmentation de la précharge de la cavité réceptrice, créant de ce fait une augmentation des pressions de remplissage qui va se traduire, en cas de déversement dans une cavité du cœur droit, par une hypertension pulmonaire et par une insuffisance cardiaque gauche en cas de fistule se déversant dans le ventricule gauche(9). D’autre part, ce shunt va créer une ischémie myocardique par phénomène de vol coronaire, d’où l’angor d’effort.

Bien que la majorité des fistules soient asymptomatiques et sans retentissement hémodynamique, le motif de consultation le plus fréquent amenant à leur découverte est un souffle systolo-diastolique découvert à la naissance, ainsi que des anomalies à l’ECG. On peut également retrouver des signes d’insuffisance cardiaque droite ou gauche, principalement une dyspnée d’effort, de même qu’on peut retrouver un angor d’effort, des troubles du rythme et de la conduction, une fibrillation atriale par dilatation de l’oreillette gauche et même des régurgitations valvulaires par défaillance du muscle papillaire. Les complications rencontrées sont principalement dues à l’ischémie myocardique, à l’insuffisance cardiaque, aux troubles du rythme, ainsi qu’au risque d’endocardite infectieuse qui impose une prophylaxie rigoureuse dès la découverte de la fistule.

Les fistules coronaires sont également définies par leur segment d’origine, les fistules naissant à partir du tiers proximal du vaisseau d’origine sont dites de Type A de la classification de Sakakibara et al.(29), celles naissant des deux tiers distaux du vaisseau sont du Type B de la classification de Sakakibara ; cette classification a un intérêt particulier au moment de la chirurgie étant donné que les fistules de Type A ont généralement un trajet plus tortueux et sont moins accessibles à une fermeture chirurgicale (1).

Bien que souvent découvertes fortuitement, au cours de coronarographies (0.5 % des cas) ou lors de scanners coronaires (0.9 % des cas)(3), le diagnostic des fistules coronaires se fait par un large arsenal d’examens complémentaires qui diffèrent par leur accessibilité, leur caractère invasif ou pas et leur capacité de détection et de caractérisation des fistules. Si la coronarographie reste le gold standard en matière d’exploration du réseau coronaire, permettant à la fois d’étudier l’origine, le trajet, la morphologie et le site de terminaison des fistules et permettant en un seul temps de porter un traitement percutané si indiqué, l’exploration par scanner coronaire a néanmoins gagné beaucoup de terrain dans l’exploration des fistules. En effet, il permet une meilleure visualisation du trajet de la fistule, une imagerie en 3 dimensions, alors que la coronarographie reste une projection en 2D, l’étude des rapports avec les structures adjacentes et une meilleure caractérisation des fistules complexes comportant plus d’un site de drainage tout en restant une méthode d’exploration non invasive(10). L’IRM cardiaque est également une alternative émergente, particulièrement utile chez l’enfant de par sa meilleure exploration d’éventuelles cardiopathies congénitales associées et de par l’absence d’exposition aux Rayons X(11). L’échocardiographie reste utile dans le suivi des patients porteurs de fistules et dans la recherche de retentissement sur les cavités cardiaques imposant une cure de cette fistule (3,10–12).

Les tortuosités coronaires sont définies par la présence de plus de trois courbures successives entre 90 et 180 % sur le trajet d’une artère coronaire épicardique majeure de plus de 2 mm de diamètre(13). Bien que souvent associées à l’âge avancé des patients et à l’HTA, elles sont souvent associées à d’autres anomalies congénitales des artères coronaires(14). Elles font souvent le lit de lésions d’athérosclérose par l’augmentation de la turbulence du flux sanguin à l’origine d’une augmentation des forces de cisaillement au sein de la paroi endothéliale. Cette même augmentation des forces de cisaillement est à l’origine des phénomènes de dissection coronaire spontanée fréquemment retrouvés sur des artères tortueuses. Cette anomalie de la circulation du flux intracoronaire est également responsable d’une ischémie myocardique en aval du segment tortueux, s’aggravant à mesure que l’angle de courbure est plus aigu et que la distance entre deux courbures est plus petite, comme cela a été démontré sur des tests hémodynamiques(15,16)

IV. Traitement

L’indication du traitement va dépendre essentiellement de la taille de la fistule et de la présence de symptômes. Son mode de traitement va dépendre de l’origine de la fistule, de son trajet, de son degré de tortuosité et des comorbidités du patient. Bien que la fermeture spontanée soit rare, elle reste néanmoins possible dans 1 – 2 % des cas.

Les fistules de taille réduite sans retentissement fonctionnel ni hémodynamique ne nécessitent pas de traitement mis à part une antiaggrégation plaquettaire et une prophylaxie de l’endocardite infectieuse. Selon les recommandations de la Société Américaine de Cardiologie (AHA) sur les cardiopathies congénitales, l’intervention sur les fistules de gros calibre est nécessaire quels que soient les symptômes alors que les fistules de taille modérée ne nécessitent un traitement qu’en cas de retentissement(17). Les recommandations de la Société Européenne de Cardiologie rejoignent cette optique où les fistules coronaires ne portent d’indication à la fermeture qu’en cas de symptômes ou de complications(18). Le traitement chirurgical est indiqué devant les fistules larges, complexes, associées à des coronaires tortueuses ou anévrysmales. Alors que le traitement percutané sera indiqué en cas de fistule simple, proximale (Sakakibara Type A) avec un seul site de drainage et un vaisseau non tortueux.

L’appréciation du degré de sténose coronaire peut se faire par mesure du flux de réserve coronaire (FFR) et est recommandé en cas de sténoses d’artères épicardiques supérieures à 50 %, quoique cette mesure peut être surestimée en cas de tortuosités sévères, comme c’est le cas chez notre patient (19, 20). De plus, la présence de tortuosités coronaires sévères peut conduire à une altération du débit coronaire induisant de ce fait une ischémie coronaire, comme cela a été attesté par de multiples essais cliniques où une ischémie myocardique symptomatique et prouvée par imagerie fonctionnelle a été associée à la présence de coronaires tortueuses en l’absence de lésions d’athérosclérose significatives(14,15,21). D’autre part, un segment coronaire tortueux induit l’augmentation des forces hémodynamiques de cisaillement intracoronaire prédisposant à la formation de plaques d’athérosclérose, de rupture de plaque, voire de dissection intra coronaire spontanée(15).

La fermeture percutanée peut se faire par coils, ballons largables, stents couverts, omberelles, occulders et vascular plugs(3,22–26,26,27). Néanmoins, la décision d’une fermeture de fistule coronaire doit relever d’une discussion multidisciplinaire comprenant cardiologues, cardiologues interventionnels et chirurgiens cardiaques, étant donné le haut risque de complications faisant suite à une ligature chirurgicale de fistules coronaires, le principal risque étant celui de décès par infarctus du myocarde précoce ou par tamponnade(26). La fermeture percutanée comporte quant à elle le risque d’embolisation du matériel, d’infarctus du myocarde, en plus des complications inhérentes à toute intervention endo-coronaire, à fortiori sur un réseau tortueux ou comprenant des lésions d’athérosclérose pouvant provoquer des dissections coronaires lors du cathétérisme(26,28).

V. Conclusion 

Bien que souvent de découverte fortuite et sans retentissement, les fistules coronaires sont souvent la cause d’une ischémie coronaire par phénomène de vol coronaire du fait de la tortuosité du trajet coronaire auquel elles sont associées. L’occlusion d’une fistule coronaire qu’elle soit chirurgicale ou interventionnelle doit résulter d’une décision multidisciplinaire prenant en considération l’intérêt d’une fermeture et le risque inhérent à chaque procédure, à fortiori lorsqu’elle s’accompagne d’une tortuosité coronaire augmentant le risque de toute procédure interventionnelle et majorant l’ischémie myocardique.

Références 

  1. Ali M, Kassem KM, Osei K, Effat M. Coronary artery fistulae. J Thromb Thrombolysis. août 2019;48(2):345‑51.
  2. Zeina A-R. Coronary-pulmonary artery fistula diagnosed by multidetector computed tomography. Postgrad Med J. 1 juill 2006; 82(969):e15‑e15.
  3. Yun G, Nam TH, Chun EJ. Coronary Artery Fistulas: Pathophysiology, Imaging Findings, and Management. RadioGraphics. mai 2018;38(3):688‑703.
  4. Tiritilli A, Iaria P, Viard P, Sayah S, Benali T, Detienne J-P, et al. Les fistules coronaires, un problème d’actualité : approche clinique et considérations thérapeutiques. Ann Cardiol Angéiologie. févr 2016;65(1):31‑7.
  5. Shyam Sunder KR, Balakrishnan KG, Tharakan JA, Titus T, Pillai VRK, Francis B, et al. Coronary artery fistula in children and adults: a review of 25 cases with long-term observations. Int J Cardiol. janv 1997;58(1):47‑53.
  6. Sharma A, Pandey NN, Kumar S. Imaging of coronary artery fistulas by multidetector CT angiography using third generation dual source CT scanner. Clin Imaging. janv 2019;53:89‑96.
  7. Ogden JA. Congenital Anomalies of the Coronary Arteries. Am J Cardiol. 1970; 25:6.
  8. Said SAM, El Gamal MIH, Van Werf TD. Coronary arteriovenous fistulas: Collective review and management of six new cases-changing etiology, presentation, and treatment strategy. Clin Cardiol. sept 1997;20(9):748‑52.
  9. Mangukia CV. Coronary Artery Fistula. Ann Thorac Surg. juin 2012; 93(6):2084‑92.
  10. Davin L, Gach O, Martinez C, Bruyère P-J, Radermecker M, Grenade T, et al. La tomodensitométrie cardiaque dans la mise au point préopératoire d’une anomalie congénitale d’une artère coronaire. Ann Cardiol Angéiologie. avr 2009;58(2):122‑4.
  11. Parga JR, Ikari NM, Bustamante LNP, Rochitte CE, de Ávila LFR, Oliveira SA. MRI evaluation of congenital coronary artery fistulae. Br J Radiol. juin 2004;77(918):508‑11.
  12. Dawn B, Talley JD, Prince CR, Hoque A, Morris GT, Xenopoulos NP, et al. Two-dimensional and Doppler transesophageal echocardiographic delineation and flow characterization of anomalous coronary arteries in adults. J Am Soc Echocardiogr. déc 2003;16(12):1274‑86.
  13. Eleid MF, Guddeti RR, Tweet MS, Lerman A, Singh M, Best PJ, et al. Coronary Artery Tortuosity in Spontaneous Coronary Artery Dissection: Angiographic Characteristics and Clinical Implications. Circ Cardiovasc Interv. oct 2014;7(5):656‑62.
  14. Kahe F, Sharfaei S, Pitliya A, Jafarizade M, Seifirad S, Habibi S, et al. Coronary artery tortuosity: a narrative review. Coron Artery Dis. mars 2020; 31(2):187‑92.
  15. Buradi A, Mahalingam A. Impact of coronary tortuosity on the artery hemodynamics. Biocybern Biomed Eng. janv 2020; 40(1):126‑47.
  16. Song J, Kouidri S, Bakir F. Numerical study on flow topology and hemodynamics in tortuous coronary artery with symmetrical and asymmetrical stenosis. Biocybern Biomed Eng. janv 2021; 41(1):142‑55.
  17. Stout KK, Daniels CJ, Aboulhosn JA, Bozkurt B, Broberg CS, Colman JM, et al. 2018 AHA/ACC Guideline for the Management of Adults With Congenital Heart Disease: A Report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines. Circulation [Internet]. 2 avr 2019 [cité 29 août 2021];139(14). Disponible sur: https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/CIR.0000000000000603
  18. Baumgartner H, De Backer J, Babu-Narayan SV, Budts W, Chessa M, Diller G-P, et al. 2020 ESC Guidelines for the management of adult congenital heart disease. Eur Heart J. 11 févr 2021; 42(6):563‑645.
  19. Li Y, Zhang X, Dai Q, Ma G. Coronary flow reserve and microcirculatory resistance in patients with coronary tortuosity and without atherosclerosis. J Int Med Res. sept 2020;48(9):030006052095506.
  20. Liu J, Zhang L, Xu H. Coronary Tortuosity Overestimate The FFR & nbsp; Measurement In Stenotic Coronary Artery Model [Internet]. In Review; 2021 janv [cité 18 sept 2021]. Disponible sur: https://www.researchsquare.com/article/rs-144020/v1
  21. Gaibazzi N, Rigo F, Reverberi C. Severe Coronary Tortuosity or Myocardial Bridging in Patients With Chest Pain, Normal Coronary Arteries, and Reversible Myocardial Perfusion Defects. Am J Cardiol. oct 2011;108(7):973‑8.
  22. Gowda RM, Vasavada BC, Khan IA. Coronary artery fistulas: Clinical and therapeutic considerations. Int J Cardiol. févr 2006;107(1):7‑10.
  23. Buccheri D, Chirco PR, Geraci S, Caramanno G, Cortese B. Coronary Artery Fistulae: Anatomy, Diagnosis and Management Strategies. Heart Lung Circ. août 2018; 27(8):940‑51.
  24. Mavroudis C, Backer CL, Rocchini AP, Muster AJ, Gevitz M. Coronary artery fistulas in infants and children: A surgical review and discussion of coil embolization. Ann Thorac Surg. mai 1997;63(5):1235‑42.
  25. Oto A, Aytemir K, Çil B, Peynircioğlu B, Yorgun H, Canpolat U, et al. Percutaneous Closure of Coronary Artery Fistulae in Adults with Intermediate Term Follow-Up Results: PERCUTANEOUS CAF CLOSURE IN ADULTS. J Intervent Cardiol. juin 2011;24(3):216‑22.
  26. Armsby LR, Keane JF, Sherwood MC, Forbess JM, Perry SB, Lock JE. Management of coronary artery fistulae. J Am Coll Cardiol. Mars 2002; 39(6):1026‑32.
  27. Zhu X-Y, Zhang D-Z, Han X-M, Cui C-S, Sheng X-T, Wang Q-G, et al. Transcatheter Closure of Congenital Coronary Artery Fistulae: Immediate and Long-Term Follow-Up Results. Clin Cardiol. sept 2009;32(9):506‑12.
  28. Said SM, Burkhart HM, Schaff HV, Connolly HM, Phillips SD, Suri RM, et al. Late outcome of repair of congenital coronary artery fistulas—a word of caution. J Thorac Cardiovasc Surg. févr 2013; 145(2):455‑60.
  29. Sakakibara S, Yokoyama M, Takao A, Nogi M, Gomi H. Coronary arteriovenous fistula. Nine operated cases. Am Heart J. 1966;72(3):307–314.

Télécharger PDF

Le rôle de l’épigénétique dans la maladie coronaire

A.  Amrani-Midouna,b , N. Laredjc ,  F. Boukerchec  , T. Djebailic, L. Zouli c, A. Djelloulc, M. Djeltic, H. Aoumeur;   

a Département de Biotechnologie, Faculté des Sciences de la Nature et de la Vie, Université d’Oran 1 Ahmed Benbella, Algérie,

b Laboratoire de Biochimie Médicale et de Biologie Moléculaire, Faculté de Médecine, Université d’Oran 1 Ahmed Benbella, Algérie,

c Service de Cardiologie, Faculté de Médecine, Centre Hospitalo-Universitaire d’Oran, Université d’Oran 1 Ahmed Benbella, Algérie.

Résumé : La maladie cardiovasculaire, en particulier la maladie coronaire, est la principale cause de décès dans le monde. Bien que de nombreux facteurs génétiques aient été identifiés pour contribuer au risque de développer une maladie coronaire, il est maintenant reconnu que l’environnement joue également un rôle important. Pour explorer cette interaction complexe entre la génétique et l’environnement, les chercheurs se tournent vers l’épigénétique, en se concentrant sur la méthylation de l’ADN. Cette régulation épigénétique des gènes est de plus en plus reconnue comme jouant un rôle crucial dans les maladies cardiovasculaires, y compris la maladie coronaire. Dans cette revue, nous allons présenter une synthèse des travaux récents de recherche qui se sont penchés sur le rôle potentiel du statut de méthylation de l’ADN dans le développement de la maladie coronaire.

Mots-clés : Maladie cardiovasculaire, épigénétique, méthylation de l’ADN, maladie coronaire.

Abstract: Cardiovascular disease (CVD), and specifically coronary artery disease (CAD), remains the leading cause of mortality worldwide. Although many genetic factors have been identified to contribute to the risk of developing CAD, the etiology and pathophysiology of complex diseases such as CAD are determined not only by genetic factors but also by the interaction between genetic and environmental factors. Therefore, researchers are now exploring the epigenome, a biological interface at which genetics and the environment can interact. DNA methylation is the primary mode of epigenetic gene regulation and is increasingly recognized as playing an important role in CVD. Thus, in this brief review, we aim to summarize the main recent studies on the potential contribution of DNA methylation status to the onset of CAD.

Key-words: Cardiovascular disease, epigenetics, DNA methylation, coronary artery disease.

Introduction

Les maladies cardiovasculaires sont la principale cause de morbidité et de mortalité dans le monde. Le nombre de décès attribuables aux maladies cardiovasculaires en 2014 a été estimé par l’OMS à 17,5 millions, soit 31 % de tous les décès dans le monde [1]. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, les décès liés aux maladies cardiovasculaires représentent plus des trois quarts des décès. Malgré les progrès considérables dans le diagnostic et le traitement des maladies cardiovasculaires (MCV), elles sont encore considérées comme un problème de santé publique. La maladie coronarienne (MC) est la forme la plus courante des MCV. Elle est principalement causée par le rétrécissement progressif de la lumière des artères coronaires dû au développement de plaques athéromateuses, un processus connu sous le nom d’athérosclérose [2]. En conséquence, une sténose ou une thrombose coronaire peut survenir, entraînant une angine de poitrine et/ou un infarctus du myocarde (IM). L’athérosclérose est la principale cause de la MC; c’est une maladie inflammatoire produisant principalement des cytokines pro-inflammatoires [3]. De nombreux facteurs de risque tels que l’âge avancé, le sexe masculin et les antécédents familiaux de maladie cardiaque ischémique ont été identifiés comme des facteurs de risque non modifiables, tandis que le tabagisme, l’hypertension artérielle (HTA), le diabète sucré, la dyslipidémie, l’obésité et la sédentarité ont été identifiés comme des facteurs de risque modifiables [4]. Néanmoins, la MC est modulée par une interaction entre les facteurs environnementaux et les gènes [2]. En effet, la notion de l’héritabilité de la maladie coronaire a été soulevée depuis les années 1950 [5]. Récemment, l’héritabilité quantifiée de la MC utilisant des approches génomiques à l’échelle du génome a été estimée entre 40 à 50 % [6].

Il existe de nombreuses stratégies de traitement de la MC telles que la revascularisation, qui est la pierre angulaire dans le traitement de la MC symptomatique. Cependant, la revascularisation d’une ou deux lésions vasculaires dans le syndrome coronarien chronique tend à améliorer les symptômes des patients sans bénéfice prouvé à long terme pour la survie [7]. De plus, de nombreuses études ont signalé des variations de la résistance aux médicaments dans le traitement de la MC [8].

En raison du manque de stratégies efficaces de traitement pour arrêter la progression de l’athérosclérose et des mécanismes pathophysiologiques sous-jacents inconnus du syndrome coronarien aigu (SCA) y compris les interactions gènes-environnement, de nombreuses études ont commencé à explorer d’autres aspects impliqués dans l’apparition et le développement du SCA.

En effet, des études récentes ont rapporté que le mécanisme épigénétique est considéré comme un lien important entre la variabilité génotypique et phénotypique dans les maladies cardiovasculaires. Les mécanismes épigénétiques sont définis comme la façon dont les gènes et l’environnement interagissent et peuvent réguler l’expression des gènes pour contrôler un phénotype associé (figure 1). Aussi, les modifications épigénétiques sont mesurables [9] et peuvent être modulées à tout stade de la vie par des stimuli environnementaux, tels que l’âge, les médicaments et la nutrition.

Ces modifications épigénétiques incluent la méthylation de l’ADN, la modification des histones et la régulation des ARN non codants, y compris les mi-ARN et les ARN non codants longs [10]. De manière intéressante, des études importantes ont rapporté que les modifications épigénétiques peuvent être inversées, ce qui fait des gènes et des protéines comme de nouvelles cibles pour le traitement des maladies cardiovasculaires. Ainsi, les marqueurs épigénétiques peuvent être utilisés comme biomarqueurs cardiovasculaires pour le diagnostic, le traitement et la prédiction des MCV. Dans la présente revue, nous mettons en évidence des données récentes sur la contribution potentielle des mécanismes épigénétiques, y compris l’ADN, dans le développement du SCA.

Figure 1: Epigenetic mechanisms. 

La méthylation de l’ADN 

La méthylation de l’ADN est la principale forme épigénétique de régulation de l’expression des gènes chez les mammifères. Il s’agit d’un type de processus épigénétique par lequel un groupe méthyle de la S- adénosylméthionine (SAM) est ajouté à la position 5′-d’une cytosine, formant la 5-méthylcytosine. Il est principalement présent dans les régions contenant un grand nombre de dinucléotides cytosine 5′-guanine (CpG) dans les promoteurs. De manière importante, 70 % de tous les dinucléotides CpG du génome sont méthylés. Par conséquent, la transcription des gènes peut être désactivée si le CpG est méthylé. L’état de méthylation des gènes est maintenu par des enzymes telles que les ADN méthyltransférases (DNMT) et les déméthylases de l’ADN, dont l’expression est régulée au niveau transcriptionnel et post-transcriptionnel. Il existe trois principales DNMT telles que DNMT1 et DNMT3 avec deux isoformes majeures, DNMT3a et DNMT3b [11] (figure 2).

DNMT1 possède un grand domaine régulateur N-terminal (NTD), qui couvre les deux tiers de la molécule et un grand domaine catalytique C-terminal (CD), qui contient tous les motifs essentiels des ADN méthyltransférases actives de type C5. Notamment, il joue un rôle important dans la réparation de la méthylation de l’ADN en imitant le motif de méthylation d’origine avant la réplication [12]. En ce qui concerne les deux isoformes de DNMT3 également connues sous le nom de novo DNMT, elles ajoutent des groupes méthyle aux cytosines de l’ADN non méthylé et peuvent créer un nouveau motif de méthylation pour l’ADN inchangé.

Figure 2: DNA methylation mechanism.

La méthylation de l’ADN et la maladie coronaire 

Plusieurs études ont rapporté que la méthylation de l’ADN joue un rôle important dans la maladie coronarienne. En fait, l’évaluation de l’état anormal de méthylation des gènes candidats peut être utilisée comme un biomarqueur important pour évaluer la progression de la maladie cardiovasculaire. La méthylation de l’ADN peut être détectée grâce aux avancées des nouvelles technologies telles que les mic-puces à ADN et les approches de séquençage au bisulfite, où il est possible d’évaluer des centaines de milliers de CpG le long du génome dans la population. En effet, les méthylations à des sites spécifiques de cytosine-phosphate-guanine (CpG) ont été associées à plusieurs maladies dans les études d’association épigénomique à l’échelle du génome [Epigenetic Wide Association Studies (EWAS)]. Les EWAS sont utilisées pour examiner les variants épigénétiques à l’échelle du génome (principalement la méthylation de l’ADN au niveau des CpG) pour détecter les différences qui sont statistiquement associées à des phénotypes d’intérêt. Plusieurs études ont rapporté que la méthylation de l’ADN est associée aux facteurs de risque de CVD et cardiométaboliques.

Notamment, certaines études antérieures ont évalué l’association entre la maladie coronarienne incidente (MCi) et les niveaux de méthylation de l’ADN dans le génome, où ils ont rapporté que l’hypométhylation des éléments nucléaires interspersés longs-1 (LINEs-1) dans le sang est associée à la MCi. De même, Kim et al. ont exploré le niveau de méthylation de l’élément répétitif ALU et Satellite 2 (AS), où ils ont trouvé que la méthylation d’AS dans les leucocytes du sang périphérique était plus élevée chez les hommes atteints de MCi.

Dans le même spectre, Agha et al. [19] ont rapporté qu’une étude portant sur un échantillon de 11 461 personnes dans neuf cohortes de population des États-Unis et d’Europe, a révélé que des différences de méthylation de l’ADN de leucocytes sanguins à 52 locus CpG étaient étroitement associées à une incidence de maladies coronariennes (MC). De plus, Westerman et al. [20] ont rapporté chez des sujets féminins de différentes origines (comprenant 1009 cas de MCi et 2587 sujets de réplication d’origine européenne, dont 55 % étaient des femmes), plusieurs associations épigénétiques avec une incidence de maladies cardiovasculaires, y compris une méthylation de l’ADN dans trois gènes des régions SLC9A1, SLC1A5 et TNRC6C. Les auteurs ont découvert après analyse de la randomisation mendélienne sur quatre locus CpG avec des loci de caractères quantitatifs de méthylation (meQTLs) dans ces régions, qu’un locus CpG dans SLC1A5 est lié à une incidence de maladies coronariennes [20]. De même, Kennel et al. [21] ont montré que SLC1A5, un transporteur important pour la glutamine et autres acides aminés neutres, est réduit dans l’insuffisance cardiaque et est influencé par les signaux inflammatoires. De plus, dans une récente étude sur les maladies coronariennes avec une approche de méthylation d’ADN à l’échelle de tout le génome, Navas-Acien et al. [22] ont rapporté que la méthylation de l’ADN était associée aux MC au-delà des facteurs traditionnels associés aux maladies cardiovasculaires, avec une signature épigénomique complexe dans les populations. De plus, Palou-Marquez et al. [23] ont rapporté que quatre facteurs latents indépendants (9, 19, 21 – uniquement chez les femmes et 27), entraînés par la méthylation de l’ADN, étaient associés à des maladies cardiovasculaires indépendamment des facteurs de risque classiques. Ils ont également constaté que trois des gènes inclus dans le facteur 27 étaient également présents dans un facteur identifié comme étant associé à l’infarctus du myocarde (CDC42BPB, MAN2A2 et RPTOR). Aussi, récemment, Luo et al. [24] ont réalisé une analyse intégrative de données de méthylation d’ADN et d’expression de l’ARN à partir de modèles de souris ayant un infarctus du myocarde (IDM) aigu à différents stades pour identifier des altérations épigénétiques clés dans l’IDM aigu.

Les auteurs ont trouvé une corrélation entre le stade de développement de l’infarctus du myocarde (IDM) et la modification d’un grand nombre de sites de méthylation pendant ce stade. De plus, ils ont identifié cinq gènes candidats (Ptpn6, Csf1r, Col6a1, Cyba et Map3k14) associés à l’IDM par la régulation de la méthylation de l’ADN.

Le traitement de la maladie coronarienne (MC) : Voie des inhibiteurs de la méthylation de l’ADN :

Les inhibiteurs de la méthylation de l’ADN (DNMTI) ou les épi-médicaments jouent un rôle crucial dans le traitement de la MC en régulant le statut de méthylation des gènes ciblés (tableau 1). Cependant, ce domaine est encore nouveau et pourrait offrir des résultats prometteurs en raison de la réversibilité du statut de méthylation de l’ADN.

Tableau 1: Médicaments épigénétiques pour le traitement des maladies coronariennes

MaladiesMédicaments épigenetiquesGénes ciblesRéférences
Athérosclérose, syndrome coronarien aiguRG108DNMT1, DNMT3a[25, 26]
Athérosclérose, syndrome coronarien aigu5-AZa-2-deoxycytidineERa, ERb, COL15A1[27, 28]
Athérosclérose, syndrome coronarien aiguAcetylsalicylic acidABCA1[29]
  • Conclusion

Les études épigénétiques constituent une voie prometteuse pour comprendre les mécanismes moléculaires des maladies. Cependant, il y a un manque d’information sur le lien potentiel entre la méthylation de l’ADN et la maladie coronarienne. Ainsi, dans cette brève revue, nous avons essayé de nous concentrer sur les principales découvertes récentes concernant l’implication potentielle de la méthylation de l’ADN dans l’étiologie de la MC. Nous avons également rapporté un aperçu sur certains médicaments épigénétiques utilisés dans le traitement de la MC à savoir : RG108, 5-AzaD, et Acetylsalicylic acid. D’autres études sur le rôle d’autres aspects de l’épigénétique tels que la méthylation et l’acétylation des histones, les micro-ARN et les ARN non codants longs, sont nécessaires pour déterminer les signatures épigénomiques liées à la MC, ce qui pourrait contribuer à une meilleure compréhension de leurs mécanismes et à la définition de nouvelles cibles thérapeutiques et stratégies préventives.

Références

  1. Roth, G.A., et al., Global Burden of Cardiovascular Diseases and Risk Factors, 1990–2019: Update From the GBD 2019 Study. Journal of the American College of Cardiology, 2020. 76(25): p. 2982-3021.
  2. Hansson, G.K., Inflammation, atherosclerosis, and coronary artery disease. N Engl J Med, 2005. 352(16): p. 1685-95.
  3. Frostegard, J., et al., Cytokine expression in advanced human atherosclerotic plaques: dominance of pro-inflammatory (Th1) and macrophage-stimulating cytokines. Atherosclerosis, 1999. 145(1): p. 33-43.
  4. Longmore, J.M., et al., Oxford handbook of clinical medicine. Ninth edition. ed. 2014, Oxford: Oxford University Press. x, 902 pages.
  5. Gertler, M.M., S.M. Garn, and P.D. White, Young candidates for coronary heart disease. J Am Med Assoc, 1951. 147(7): p. 621-5.
  6. Khera, A.V. and S. Kathiresan, Genetics of coronary artery disease: discovery, biology and clinical translation. Nat Rev Genet, 2017. 18(6): p. 331-344.
  7. Duan, L., et al., Epigenetic mechanisms in coronary artery disease: The current state and prospects. Trends Cardiovasc Med, 2018. 28(5): p. 311-319.
  8. Mahmood, A., et al., Drugs Resistance in Heart Diseases, in Biochemistry of Drug Resistance, S. Ahmed, et al., Editors. 2021, Springer International Publishing: Cham. p. 295-334.
  9. Stephens, K.E., et al., Epigenetic regulation and measurement of epigenetic changes. Biol Res Nurs, 2013. 15(4): p. 373-81.
  10. Shi, Y., et al., Epigenetic regulation in cardiovascular disease: mechanisms and advances in clinical trials. Signal Transduction and Targeted Therapy, 2022. 7(1): p. 200.
  11. Xie, S., et al., Cloning, expression and chromosome locations of the human DNMT3 gene family. Gene, 1999. 236(1): p. 87-95.
  12. Mortusewicz, O., et al., Recruitment of DNA methyltransferase I to DNA repair sites. Proc Natl Acad Sci U S A, 2005. 102(25): p. 8905-9.
  13. Reed, Z.E., et al., The association of DNA methylation with body mass index: distinguishing between predictors and biomarkers. Clin Epigenetics, 2020. 12(1): p. 50.
  14. Hedman, A.K., et al., Epigenetic Patterns in Blood Associated With Lipid Traits Predict Incident Coronary Heart Disease Events and Are Enriched for Results From Genome-Wide Association Studies. Circ Cardiovasc Genet, 2017. 10(1): p. e001487.
  15. Richard, M.A., et al., DNA Methylation Analysis Identifies Loci for Blood Pressure Regulation. Am J Hum Genet, 2017. 101(6): p. 888-902.
  16. Wei, L., et al., LINE-1 hypomethylation is associated with the risk of coronary heart disease in Chinese population. Arquivos brasileiros de cardiologia, 2014. 102(5): p. 481-488.
  17. Guarrera, S., et al., Gene-specific DNA methylation profiles and LINE-1 hypomethylation are associated with myocardial infarction risk. Clin Epigenetics, 2015. 7: p. 133.
  18. Kim, M., et al., DNA Methylation as a Biomarker for Cardiovascular Disease Risk. PLOS ONE, 2010. 5(3): p. e9692.
  19. Agha, G., et al., Blood Leukocyte DNA Methylation Predicts Risk of Future Myocardial Infarction and Coronary Heart Disease. Circulation, 2019. 140(8): p. 645-657.
  20. Westerman, K., et al., DNA methylation modules associate with incident cardiovascular disease and cumulative risk factor exposure. Clin Epigenetics, 2019. 11(1): p. 142.
  21. Kennel, P.J., et al., Impairment of Myocardial Glutamine Homeostasis Induced By Suppression of the Amino Acid Carrier SLC1A5 in Failing Myocardium. Circ Heart Fail, 2019. 12(12): p. e006336.
  22. Navas-Acien, A., et al., Blood DNA Methylation and Incident Coronary Heart Disease: Evidence From the Strong Heart Study. JAMA Cardiol, 2021. 6(11): p. 1237-1246.
  23. Palou-Marquez, G., et al., DNA methylation and gene expression integration in cardiovascular disease. Clin Epigenetics, 2021. 13(1): p. 75.
  24. Luo, X., et al., Integrative analysis of DNA methylation and gene expression reveals key molecular signatures in acute myocardial infarction. Clinical Epigenetics, 2022. 14(1): p. 46.
  25. Jaiswal, S., et al., Clonal Hematopoiesis and Risk of Atherosclerotic Cardiovascular Disease. N Engl J Med, 2017. 377(2): p. 111-121.
  26. Yu, J., et al., DNMT1-PPARgamma pathway in macrophages regulates chronic inflammation and atherosclerosis development in mice. Sci Rep, 2016. 6: p. 30053.
  27. Kim, J., et al., Epigenetic changes in estrogen receptor beta gene in atherosclerotic cardiovascular tissues and in-vitro vascular senescence. Biochim Biophys Acta, 2007. 1772(1): p. 72-80.
  28. Connelly, J.J., et al., Epigenetic regulation of COL15A1 in smooth muscle cell replicative aging and atherosclerosis. Hum Mol Genet, 2013. 22(25): p. 5107-20.
  29. Guay, S.P., et al., Acetylsalicylic acid, aging and coronary artery disease are associated with ABCA1 DNA methylation in men. Clin Epigenetics, 2014. 6(1): p. 14.

Télécharger PDF

Phénomène du No Reflow : quelles méthodes diagnostiques ?

M. A. Bouraghda1, Y. Bououdina 1, M. A. Bouzid ², M. Chettibi ²; (1) Service de Cardiologie du Centre Hospitalo-Universitaire Frantz Fanon, Blida, Algérie (2) Service de Cardiologie du Centre Hospitalo-Universitaire Issad Hassani, Alger, Algérie

Résumé : Les syndromes coronaires aigus représentent l’une des principales causes de mortalité dans le monde. L’avènement des thrombolytiques, puis des stents coronaires, permettant le rétablissement de la perméabilité de l’artère, a changé le cours de la maladie. Toutefois, malgré une recanalisation même rapide de l’artère, le myocarde ischémié demeure non perfusé dans environ 40 % des cas. Ce phénomène est appelé no reflow. Décrit depuis les années 60, le no reflow implique de multiples mécanismes dont l’obstruction microcirculatoire, des troubles de la vasomotricité et une réaction inflammatoire. Malgré la reperméabilisation coronaire, la présence d’un no reflow va engendrer un remodelage négatif du ventricule gauche et aggraver le pronostic du patient. Détecté précocement, l’adjonction de traitement anti-thrombotique ou de vasodilatateurs intra-coronaires pendant la coronarographie, peut réduire le phénomène. Dans cette revue, nous analyserons les différents mécanismes physiopathologiques impliqués dans le no reflow, ses facteurs de risque et nous décrirons ses différents moyens de diagnostic.

Mots-clés : No reflow, syndrome coronaire aigu, reperfusion, diagnostic.

Abstract : Ischemic heart disease and myocardial infarction are a leading cause of death worldwide. The advent of thrombolytics, then coronary stents, allowing the restoration of artery patency, changed the course of the disease. However, despite even rapid recanalization of the artery, the ischemic myocardium remains non perfused in 40 % of the cases. This phenomenon is called no reflow. Described since the 1960s, no reflow involves multiple mechanisms including microcirculatory obstruction, vasomotor disorders and an inflammatory reaction. Despite coronary repermeabilization, the presence of no reflow is associated to negative remodeling of the left ventricle and worst prognosis. Detected early, the addition of antithrombotic treatment or intracoronary vasodilators during coronary angiography can reduce the phenomenon. In this review, we will analyse the different pathophysiological mechanisms involved in no reflow, its risk factors, and we will describe its different diagnostic tools.

Keys-words: No reflow, acute coronary syndrome, reperfusion, diagnosis.

Introduction 

Le syndrome coronaire aigu avec sus décalage du segment ST (SCA ST+) est la complication la plus redoutée de l’athérosclérose coronaire. La reperméabilisation complète et rapide de l’artère est la pierre angulaire de la prise en charge, afin de lever l’ischémie et limiter la nécrose myocardique (1). Depuis plusieurs décennies, d’immenses progrès étaient réalisés afin de diminuer la mortalité liée au SCA ST+, d’une part par la mise en place de systèmes d’urgence pour faciliter et accélérer la prise en charge du patient et d’autre part par le développement des traitements pharmacologiques et des techniques de reperfusion (2). A cet effet, l’angioplastie coronaire est le gold standard du traitement, permettant une désobstruction mécanique et effective de l’artère coupable. Cependant, la revascularisation de l’artère coupable n’est pas toujours synonyme de reperfusion myocardique. En effet, malgré une revascularisation dans les délais impartis, près de 40 % des patients présentent un défaut de perfusion myocardique, malgré l’absence de sténose résiduelle au niveau de l’artère épicardique. Cette complication appelée « no reflow » est due à une obstruction à l’étage microcirculatoire. Ce phénomène n’est pas nouveau, les 1éres observations du no reflow ont été d’abord faites au niveau rénal, cérébral, puis au niveau cardiaque en 1966 par l’équipe de Krug and al. (5). Ces derniers ont pu alors constater sur le modèle animal, qu’après une occlusion temporaire de l’artère coronaire il persistait un defect perfusionnel au niveau des couches sous endocardiques et ce, même après levée de l’obstruction (5,6). Ce n’est que dans les années 90 que ce phénomène a été mis en évidence chez l’être humain, constatant que le no reflow était associé à un infarctus de taille plus conséquente, une plus grande fréquence de dysfonction ventriculaire gauche et un plus mauvais pronostic. De ce fait, une détection précoce du no reflow, permettrait de mettre en place des mesures préventives afin de limiter la taille du territoire non perfusé. L’évaluation du no reflow peut être réalisée par des méthodes invasives ou non invasives qui permettront d’explorer le degré d’obstruction de la microcirculation.

Épidémiologie et facteurs de risque 

L’incidence du no reflow varie de façon substantielle selon les études et selon les méthodes diagnostiques utilisées, allant de 5 à 65 % lorsque des imageries de pointe telle que l’imagerie par résonnance magnétique était utilisée (3, 4, 12).  Cette incidence non négligeable a suscité l’intérêt de la recherche, afin d’identifier les sujets à risque. Parmi les facteurs de risque du no reflow, nous retrouvons des facteurs liés au patient et d’autres liés au contexte ischémique.

Parmi les facteurs liés au patient, les premiers retrouvés sont l’âge avancé, ainsi que les différents facteurs de risque cardiovasculaire dont principalement le diabète (8, 12). Les effets délétères sur la microcirculation du diabète sont bien connus. Cette hyperglycémie chronique va accélérer l’athérosclérose coronaire et altérer la fonction endothéliale, favorisant la vasoconstriction et la thrombose. Bien au-delà du contexte chronique, l’hyperglycémie aigue de stress au décours d’un syndrome coronaire aigu est associée au no reflow (11).  D’autres facteurs de risque cardiovasculaire tels que l’hypertension artérielle, les dyslipidémies, menant à une dysfonction microvasculaire, peuvent prédisposer au no reflow.

La récurrence des facteurs comme l’âge, le diabète et l’hypertension artérielle chez ces patients, a suggéré l’utilisation de scores tel que le CHA2DS2-VASC connu pour l’évaluation du risque thromboembolique dans la fibrillation atriale, comme prédicteur du no reflow. Une étude portant sur plus de 2375 patients, a rapporté qu’un score supérieur ou égal à 2 était prédicteur d’un no reflow, avec une sensibilité de 66 % et une spécificité de 59 % (9,10).  Cependant, les résultats de cette étude rétrospective, contrastent avec des résultats négatifs d’autres travaux prospectifs. L’explication pourrait résider dans le fait que le no reflow est un phénomène complexe impliquant d’autres facteurs liés à l’évènement ischémique intervenant dans sa genèse. En effet, ce phénomène peut survenir au cours des procédures de stenting électif (appelé alors no reflow interventionnel) mais plus fréquemment lors des syndromes coronaires aigus (appelé no reflow de reperfusion) en particulier avec sus décalage du segment ST (16). La durée de l’ischémie avant revascularisation et l’étendue du territoire à risque semblent jouer un rôle clé (13). Ainsi, plus la lésion est proximale plus le territoire à risque est étendu, ce qui explique que des lésions de l’artère interventriculaire antérieure ou du tronc commun gauche sont souvent retrouvées dans les facteurs associés au no reflow (12). Enfin, la présence d’une charge thrombotique importante et le stenting direct favorisent les micro-embolisations de la microcirculation.

Physiopathologie

Le no reflow est défini par la présence d’un défaut de perfusion myocardique malgré une artère épicardique recanalisée. Bien que le sujet suscite l’intérêt de la recherche depuis plus de 60 ans, le phénomène reste incomplètement élucidé. En effet, la circulation coronaire présente une anatomie particulière. Elle est formée par des artères épicardiques (de diamètre > 400 µm) qui sont des artères de conductance de faible résistance et la microcirculation formée de pré artérioles, artérioles et capillaires et est responsable des résistances à l’écoulement du sang. Les artères épicardiques qui sont le siège de la thrombose dans l’infarctus du myocarde ne représentent que 5 à 10 % de l’arbre coronaire. De ce fait, malgré la recanalisation de l’artère coupable, il peut persister un défaut de perfusion lié à l’atteinte de cette microcirculation.

Il est actuellement admis que le no reflow est la conséquence de trois mécanismes, à savoir : les lésions d’ischémie, les lésions de reperfusion et les micro-embolisations. A l’ensemble de ces 3 mécanismes, s’ajoute une susceptibilité individuelle qui est d’une part liée au profil de risque du patient (diabète, tabagisme…) et d’autre part à une prédisposition génétique (3).

  1. Les lésions d’ischémie 

Les premières études faites sur le cœur animal, ont procédé à l’occlusion temporaire de l’artère coronaire épicardique à l’aide d’un clamp, avec une durée de clampage variable allant de 30 minutes, 90 minutes jusqu’à plusieurs heures. Lors de la levée du clamp, de la Thioflavine S, un colorant connu pour marquer les cellules endothéliales, était injecté. L’étude anatomopathologique a permis de mettre en évidence dans le territoire dépendant de cette artère : de la nécrose cellulaire d’autant plus importante que la durée de l’ischémie était longue, ainsi que des lésions de la micro-circulation.  En effet, ces observations ont montré que la phase d’ischémie engendre en 1er lieu une lésion des cellules endothéliales avec l’apparition de protrusions endothéliales, puis par l’augmentation de la perméabilité cellulaire entrainant une accumulation extravasculaire de cellules sanguines. Cette dernière associée à l’œdème des cellules myocytes va induire une obstruction microvasculaire par compression notamment dans leur portion intra myocardique (14). Parallèlement, cette ischémie entraine une dysfonction endothéliale avec une altération de la production d’oxyde nitrique (NO), menant à une vasoconstriction ainsi qu’une activation de molécules adhésives pro thrombotiques (17,18, 19).

  • Les lésions de reperfusion

La restauration du flux sanguin au niveau de l’artère épicardique va entrainer l’afflux de sang au niveau des vaisseaux déjà lésés. Ceci aura pour conséquence l’apparition de foyers d’hémorragie interstitielle et la migration de leucocytes et de plaquettes dans un environnement pro inflammatoire et pro thrombotique, marqué par la production de substances vasoconstrictrices telle que le Thromboxane A2. L’activation des leucocytes va engendrer la production de radicaux libres aggravant les lésions endothéliales, l’œdème interstitiel, qui, associée à l’hémorragie interstitielle, va majorer la compression extravasculaire (20).

  • Les micro-embolisations

L’embolisation de thrombis dans la microcirculation à partir de la lésion thrombotique de l’artère épicardique est l’un des principaux acteurs du no reflow. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’un stenting direct est réalisé en présence d’une charge thrombotique importante. Ces micro thrombis vont alors majorer l’obstruction de la micro-circulation déjà obstruée par compression extra vasculaire liée à l’œdème et l’hémorragie interstitielle, ainsi que par les amas de leucocytes et plaquettes formant des plugs. L’obstruction microcirculatoire associée à la vasoconstriction induite par la dysfonction endothéliale vont augmenter les résistances microvasculaires (21).

De ce fait, le no reflow associe des altérations organiques et fonctionnelles de la microcirculation ce qui explique son caractère dynamique notamment durant les premières 24h. On distingue par ailleurs, le no reflow transitoire, récupérant progressivement une bonne perfusion myocardique et le no reflow persistant. La distinction entre les deux réside sur le plan physiopathologique dans la prédominance d’altérations fonctionnelles réversibles (vasoconstriction, œdème interstitiel) dans le no reflow transitoire (15).

Figure 1 : Principaux mécanismes physiopathologiques impliqués dans le no reflow (3)

No reflow implications pronostiques

La présence d’un no reflow va impacter négativement sur le pronostic à court et à long terme du patient. En effet, deux patients présentant un infarctus dans le même territoire, revascularisé dans les mêmes délais, ne seront pas égaux en termes de pronostic si l’un des deux présente un no reflow. En intra hospitalier, une série portant sur 3205 patients avec un SCA ST+, a retrouvé que les patients avec un no reflow avaient un risque majoré d’arythmies ventriculaires majeures (23.1 vs. 9.3 %), d’insuffisance cardiaque aigue (32.1 vs. 8.7 %) et de mortalité intra hospitalière (10.8 vs. 2.9 %) avec un p < 0.0001 (22). Sur le moyen et long terme, le no reflow est associé à une mauvaise récupération de la fraction d’éjection, d’évolution vers l’insuffisance cardiaque chronique et une mortalité plus élevée (22, 23). En effet, dans une analyse poolée des données de 7 essais randomisés, le suivi de 1655 patients avec SCA ST+ revascularisés par angioplastie, a permis de montrer que la présence d’une obstruction microvasculaire en IRM (retrouvée chez 56 % de la population de l’étude), était associée aux décès toute cause (HR 1.14, IC 95 % 1.09 -1.10, p < 0.0001) et aux hospitalisations pour insuffisance cardiaque (HR 1.08, IC 95 % 1.05-1.12, p < 0.0001). Ces données sont également retrouvées dans un registre coréen multicentrique ayant inclus plus de 4329 patients, qui rapporte une mortalité toute cause plus élevée dans le groupe no reflow (hazard ratio [HR] 1.98, 95% confidence interval [CI] 1.08-3.65, p=0.028) (23)

Le diagnostic

Le diagnostic du no reflow repose sur l’exploration de la microcirculation, qui représente environ 90 % de la circulation coronaire. Ce diagnostic peut être fait au cours de la coronarographie, ou à l’aide d’examens non invasifs.

Méthodes non invasives 

  1. L’électrocardiogramme 

Probablement l’outil le plus simple et le plus accessible pour le diagnostic du no reflow. La résolution du segment ST est bien corrélée à la reperméabilisation de l’artère épicardique. Une régression du ST est considérée comme totale si elle est supérieure à 70 %.  En effet, une résolution de moins de 70 % évaluée à 60 minutes après recanalisation est associée à la mortalité toute cause avec un odds ratio 0.43, IC 95 % 0.19 – 0.97, p = 0.04, aux MACCE (Major Adverse Cardiovascular and Cerebrovascular Events) avec un odds ratio 0.35, IC 95 % 0.19 – 0.65 p < 0.01 (24).

Tout en étant peu coûteux et répétable, l’électrocardiogramme présente une sensibilité et une spécificité satisfaisantes de l’ordre de 77 et 91 % pour le diagnostic du no reflow. Une résolution incomplète du segment ST avec à un blush myocardique de grade 0 ou 1 est associée à la mortalité à long terme chez les patients avec infarctus du myocarde (25).

Les avantages qu’offre l’analyse du segment ST dans l’évaluation de la reperfusion myocardique ont permis son utilisation dans des essais randomisés évaluant la prise en charge moderne des SCA ST+, tel que l’essai ATLANTIC. En effet, cette étude évaluant l’intérêt de l’administration pré-hospitalière du Ticagrelor par rapport à son administration en salle de cathétérisme, dans la reperfusion coronaire chez 1862 patients avec SCA ST+, a retenu comme critère de jugement primaire la résolution du segment ST > 70 % associée à l’obtention d’un flux TIMI de grade 3 (26).

D’autres critères électrocardiographiques ont été étudiés dans le no reflow tels que la distorsion de la partie terminale du complexe QRS (appelée également ischémie de grade 3) associée au dommage myocardique évalué en IRM ainsi qu’aux évènements cardiovasculaires indésirables majeurs (MACE) à 1 an (27).

  • L’échocardiographie 

L’échocardiographie est un examen systématique chez tous les patients avec infarctus du myocarde, et possède plusieurs atouts pour l’étude du ventricule gauche dont l’accessibilité et le faible coût. Dans le cadre de l’exploration du no reflow, on s’intéressera à l’échocardiographie de contraste et à l’étude non invasive de la réserve coronaire.

     L’échocardiographie de contraste :

L’étude du contraste myocardique (ECM) repose sur l’injection intra-veineuse de microbulles de rhéologie similaire à celle des globules rouges. Ces microbulles, dont la taille est < 8 µm, sont composées d’air ou de gaz, entourées d’une coque protéique, glucidique ou lipidique qui stabilise la bulle. La distribution en taille de ces microbulles est très homogène. L’opacification microvasculaire myocardique par l’injection de ses microbulles, renseigne sur l’intégrité de la microcirculation et le volume sanguin myocardique, essentiellement composé de capillaires. Il existe à ce jour peu d’études réalisées en phase aigue d’infarctus en utilisant l’ECM et leurs résultats sont assez décevants. Parmi ces études, celle de Kamp où l’ECM a été réalisée avant une angioplastie coronaire chez des patients en infarctus du myocarde. L’échographie n’avait permis de détecter un défaut segmentaire de perfusion que chez la moitié des patients ayant une artère occluse (28). Une autre étude a montré que le score de contraste dans la zone de l’infarctus, 12 à 24 heures après la phase aigue, permet de prédire l’évolution de la cinétique dans le territoire de l’infarctus de façon plus fiable que la résolution du segment ST , ou que des scores angiographiques comme le corrected TIMI Frame Count ( CTFC) ou le blush myocardique(29). Outre les résultats mitigés sur l’intérêt de l’ECM dans le no reflow, son utilisation en pratique courante est limitée par la longue courbe d’apprentissage et une reproductibilité incertaine.

  • L’étude du flux coronaire par l’échodoppler transthoracique 

L’étude du doppler coronaire par échodoppler transthoracique est une technique maintenant connue depuis plus de 20 ans. Elle permet non seulement l’étude du flux de repos mais également l’étude du flux en état d’hyperhemie maximale évaluant ainsi la réserve coronaire. En pratique, cet examen a plusieurs intérêts, dont : la recherche de sténose coronaire significative couplée ou non à une échographie de stress, le suivi après angioplastie, l’évaluation du retentissement fonctionnel de sténoses coronaires intermédiaires et enfin le no reflow (30). En effet, le flux coronaire à l’état basal normal est un flux biphasique à prédominance diastolique. Dans le no reflow, l’étude du flux coronaire à l’état de base prend un aspect typique caractérisé par un temps de décélération diastolique court (≤ 600 ms), un reflux systolique précoce, une composante systolique absente ou très amortie (31). Cet aspect d’abord étudié au doppler intra coronaire, a été corrélé à l’étendue de l’obstruction microvasculaire, à la taille de l’infarctus et à l’extension transmurale de la nécrose, évaluées par IRM cardiaque chez les patients avec un infarctus du myocarde (31, 32). La mise en évidence de ce même aspect caractéristique en écho doppler transthoracique de repos a permis de l’associer à la présence d’un no reflow, au remodelage inverse du ventricule gauche et à une plus grande mortalité intra hospitalière (32). Des études récentes ont retrouvé une corrélation significative entre la présence et la persistance d’un reflux systolique précoce et le remodelage adverse du ventricule gauche (-0.62 ± 4.0mm vs + 5.06  ± 3.4mm p = 0.003) ainsi qu’à la survenue d’évènements cardiovasculaires indésirables majeurs (3.3 % vs 19.1 % P = 0.02) (33).

La recherche de l’aspect de no reflow à l’état de base offre l’avantage d’être rapide et faisable sans risque chez la majorité des patients. Toutefois des précautions doivent être prises, cette mesure ne doit pas être faite chez les patients avec une fréquence cardiaque trop élevée (30).

L’étude de la réserve coronaire, évaluée par le rapport entre le pic de vitesse diastolique sous adénosine sur le flux de repos,  permet d’évaluer la qualité de la reperfusion myocardique. La présence d’une réserve coronaire supérieure à 1.7 prédit une récupération de la fonction VG globale à distance avec une bonne spécificité. L’évaluation de la réserve coronaire reste limitée aux patients stables, vu la nécessité d’administrer un agent vasodilatateur. Elle doit être réalisée de préférence le 1er jour post revascularisation, afin d’éviter l‘hyperhémie post reperfusion immédiate (34).

Image 2 : Doppler de l’artère interventriculaire antérieure. A gauche, flux doppler couleur de l’IVA distale ; à droite, flux coronaire correspondant en doppler pulsé, biphasique, à nette prédominance diastolique (26).
  • L’imagerie nucléaire

L’imagerie nucléaire par ses différentes modalités, à savoir la SPECT (Single-Photon Emission Computed Tomography) et la PET (Positron Emission Tomography), est l’une des méthodes les plus couramment utilisées pour l’étude de la composante fonctionnelle de la cardiopathie ischémique. La SPECT permet à l’aide de radio traceurs, (Thallium 201 ou technétium 99) d’évaluer la perfusion myocardique. En effet, les cardiomyocytes perfusés vont extraire les radiotraceurs et émettre ainsi des photons proportionnellement à la perfusion myocardique. L’absence d’extraction du radiotraceur va signer le no reflow. L’étude du phénomène de no reflow par l’imagerie nucléaire remonte aux années 80 (35) et a permis de montrer que chez des patients avec infarctus antérieur évoluant depuis moins de 3 heures, une scintigraphie au thallium ou au technétium réalisée avant puis après reperméabilisation (par thrombolyse systémique ou intra coronaire), retrouvait des défects perfusionnels qui ne s’amélioraient pas malgré la recanalisation de l’artère coupable (36).

La PET est une technique d’imagerie moléculaire, offrant l’avantage d’explorer la perfusion du myocarde ainsi que son statut métabolique. Un no reflow étant diagnostiqué par un flux sanguin myocardique inférieur à 50 % dans le territoire de l’artère coupable. La PET offre l’avantage de pouvoir mesurer le débit sanguin coronaire au repos, puis en hyperhémie permet la mesure de la réserve coronaire. En pratique courante, la PET au 18 F-Fluorodéoxyglucose (FDG) tient surtout son intérêt dans la recherche de viabilité, car elle permet d’étudier à la fois la perfusion et l’activité métabolique du myocarde. La viabilité myocardique est alors reconnue comme une zone de mismatch perfusion-métabolisme, c’est-à-dire une zone présentant une perfusion diminuée mais avec une activité métabolique conservée.

  •  L’imagerie par résonnance magnétique 

L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) cardiaque, prend une place prépondérante en imagerie cardiaque par sa grande caractérisation tissulaire. Dans le diagnostic non invasif du no reflow, elle se place en chef de file des examens permettant d’objectiver cette obstruction micro-vasculaire. En effet, le degré d’obstruction micro-vasculaire détecté par IRM est corrélé à un plus mauvais pronostic, aux hospitalisations pour insuffisance cardiaque et au remodelage adverse du ventricule gauche (37).

Ce diagnostic se fait à l’aide de chélate de gadolinium, un agent de contraste paramagnétique injecté au cours de l’examen par une seringue électrique. Au sein du myocarde normal, ce produit arrive au niveau vasculaire puis interstitiel d’où il est rapidement éliminé en 1 à 2 minutes. Dans le myocarde infarci, son élimination est beaucoup plus lente de l’ordre de 30 minutes.

Deux séquences sont alors possibles pour l’évaluation du no reflow : une séquence précoce dite de 1er passage, faite simultanément avec l’injection de gadolinium et une séquence tardive faite 10 à 15 minutes après l’injection du produit de contraste. Aux séquences de 1er passage, on observe un ralentissement de la prise de contraste myocardique sur les 3 premières minutes suivant l’injection de gadolinium ce qui se traduit par une zone d’hyposignal au niveau des zones de no reflow par rapport au reste du myocarde.

Dans les séquences de rehaussement tardif, il n’y a pas de prise de contraste au centre de la nécrose en raison de l’obstruction de la microvascularisation par les débris nécrotiques. Le contraste ne peut y diffuser, par contre le territoire infarci prend du contraste et apparait en hyper signal. Ce territoire de no reflow apparaît alors comme une zone ne fixant pas le contraste au centre de la cicatrice rehaussée.

La question de la séquence de choix pour le diagnostic de l’obstruction micro-vasculaire reste débattue. Les séquences de rehaussement tardif seraient moins sensibles par la possible diffusion du produit de contraste dans les petits territoires de no reflow à partir des régions avoisinantes à la microcirculation intègre, pouvant de ce fait sous-estimer le degré de no reflow.

Quant au timing de l’IRM, au vu des changements dans la taille de l’œdème et de l’infarctus se produisant dans les premières 48 heures, il serait préférable de réaliser l’examen entre les 3e et 7e jours (38).

Image 3 : Coupe long axe (à gauche) et petit axe (à droite) en IRM cardiaque d’un patient avec infarctus du myocarde dans le territoire inférieur. Le rehaussement tardif au gadolinium (contour rouge) en hyper-signal, au sein duquel il existe une plage d’hypo-signal correspondant à un no reflow (contour jaune) (3).

Méthodes invasives

  1. Flux TIMI :

Décrite pour la première fois en 1985 au sein de l’étude Thrombolysis In Myocardial Infarction (TIMI) Trial, le grade TIMI est maintenant une méthode angiographique largement utilisée pour évaluer la qualité de la recanalisation de l’artère coupable (39). L’hypothèse étant que la fluidité du contraste dans l’artère épicardique reflète la circulation coronaire spontanée, la perfusion myocardique et de ce fait, le succès de la revascularisation. Ce score est côté de 0 à 3, le TIMI 0 correspond à une obstruction coronaire totale, le TIMI 1 à un flux très ralenti avec opacification incomplète de l’artère, le TIMI 2 à une opacification complète de l’artère mais avec un flux ralenti et le TIMI 3 à un flux normal. La présence d’un flux TIMI 3 contrastant avec une résolution complète du sus décalage à 60 minutes après la procédure signe le no reflow.

Dans l’étude TEAM-2 les patients bénéficiant d’une thrombolyse par Streptokinase, l’obtention précoce d’un flux TIMI 3 était corrélée à une diminution du pic de biomarqueurs, des marqueurs électriques de l’infarctus ainsi qu’à une plus faible mortalité hospitalière.

Par ailleurs, la présence d’un flux TIMI 2 était associée à un pronostic presque aussi mauvais que les patients avec un échec de reperfusion (TIMI 0 et 1) (40).

L’évaluation du flux coronaire par le grade TIMI bien que rapide et facile d’utilisation, présente toutefois des limites. Le caractère visuel de cette méthode la rendant subjective et sujet à une grande variabilité inter observateurs et d’autres paramètres plus objectifs ont été mis au point tel que le TIMI frame count ou le Corrected TIMI Frame Count (CTFC) (41).

  • Le TIMI Frame count et le Corrected TIMI Frame Count :

Le grade de flux TIMI étant un paramétre semi quantitatif et subjectif, le TIMI frame count et le CTFC ont été developpés afin d’offrir au cardiologue interventionnel un paramètre quantitatif et objectif pour évaluer le succès de la qualité de la reperfusion. Ces paramètres reposent sur le nombre d’images cinés nécessaires pour que le produit de contraste atteigne les marqueurs distaux standardisés dans les artères épicardiques. Le CTFC est ajusté pour les différences de longueur des artères. Le CTFC est corrélé à la qualité du flux coronaire et à la mortalité intra hospitalière.

L’intérêt diagnostic et pronostic du CTFC a été évalué dans une étude portant sur 1248 patients thrombolysés pour infarctus du myocarde. Dans cette étude, un cut off de 40 a permis de distinguer les patients avec un flux TIMI 3 (CTFC < 40) d’un flux TIMI 2 (CTFC ≥ 40). La mortalité intra hospitalière était de 6.2 % chez les patients avec un CTFC ≥ 40, alors qu’elle n’était que de 2.8 % chez les patients avec un CTFC < 40 (p = 0.003). Par ailleurs, même chez les patients avec un flux TIMI 3, le CTFC apportait une information pronostique additionnelle. En effet, les patients avec un CTFC très bas ≤ 20 avaient un bien meilleur pronostic que ceux avec un CTFC > 20 (p = 0.17) (41,43).

Le grade du blush myocardique est une méthode semi quantitative, reposant sur l’évaluation visuelle de la prise de contraste du myocarde du territoire de l’artère coupable, par rapport à celui dépendant d’une artère non coupable. La classification du score du blush myocardique est établie en 4 grades, avec le grade 0 correspondant à l’absence de prise de contraste et le grade 3 correspondant à un blush similaire à celui du myocarde de l’artère non coupable. Un blush myocardique de grade 0 à 1, a été retrouvé jusqu’à 30 % des patients avec un flux TIMI 3 mettant en exergue les limites de cette dernière méthode dans l’appréciation de la perfusion myocardique. Dans une étude portant sur 2118 patients, évaluant la valeur pronostique du blush myocardique pour prédire la mortalité à un an, chez les 1763 patients avec un flux TIMI 3, la mortalité à une année était à 17 % chez les patients avec un blush de grade 0, alors qu’elle était de seulement 4 % chez les patients avec un blush de grade 3 (P < 0.001) (42).

  • TIMI- Myocardial Perfusion Grade (MPG) :

Développé par l’équipe de Gibson and al., le TIMI-MPG est utilisé pour mesurer le remplissage et la clairance du produit de contraste au sein du myocarde. Il se décline également en 3 grades : grade 0 (pas de perfusion tissulaire apparente), grade 1 (blush myocardique présent mais sans lavage), grade 2 (blush myocardique avec lavage lent) et grade 3 (blush myocardique qui se lave avant 3 cycles cardiaques). Le système TIMI-MPG se focalise sur la durée du blush associée à son intensité, alors que le MBG ne s’intéresse qu’à l’intensité de ce blush.

Dans une étude évaluant l’étendue de l’obstruction microvasculaire après un infarctus par méthodes invasives par le TIMI-MPG et non invasives par IRM cardiaque, le score TIMI-MPG était le mieux corrélé au degré d’obstruction évalué en IRM. D’un point de vue pronostic, le suivi à 2 ans de 753 patients thrombolysés pour infarctus du myocarde, a montré qu’un score TIMI-MPG à 2/3 était associé à une baisse de la mortalité à 2 ans, et apportait une valeur ajoutée en termes de pronostic y compris chez les patients en flux TIMI 3 (44).

L’équipement des salles de cardiologie interventionnelle de guides coronaires de pression munis d’un système de thermodilution, permettent d’évaluer l’atteinte de la microcirculation en mesurant l’indice de résistance microcirculatoire (IMR) ou la CFR (Coronary Flow Reserve) qui calcule la réserve coronaire.

Tout comme la réserve coronaire évaluée par méthode non invasive, la mesure invasive est définie par le rapport du flux sanguin en état d’hyperhémie maximale sur le flux sanguin coronaire au repos. Cette mesure fonctionnelle intègre la totalité du lit artériel épicardique et microcirculatoire. Une altération de la microcirculation est objectivée par un temps de décélération inférieur à 600 ms, associé ou non à la présence d’un reflux systolique. Cet aspect est associé à une mortalité intra hospitalière plus élevée (45-46).  

L’index de résistances microvasculaires calculé lors de la même procédure évalue le degré d’atteinte de la microcirculation. Dans une étude évaluant l’intérêt pronostic de l’IMR après une angioplastie primaire chez 253 patients, la présence d’une IMR > 40 était un prédicteur indépendant de décès et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (HR 2.2 ; P = 0.026) (47).

Prise en charge du no reflow 

A ce jour, la prise en charge du no reflow reste peu codifiée et aucune thérapeutique n’a montré sa supériorité dans le traitement de ce phénomène.

Plusieurs traitements sont actuellement utilisés en se basant sur les différents axes physiopathologiques du no reflow. Parmi ces traitements, les vasodilatateurs coronaires administrés seuls ou en combinaison. L’adénosine, puissant vasodilatateur via la stimulation des récepteurs A2, possède également des propriétés anti oxydantes, inhibitrice de la migration et de l’adhésion des neutrophiles et des plaquettes. L’essai REOPEN AMI, a comparé l’injection intra coronaire d’adénosine ou de nitroprussiate versus placebo, chez des patients en STEMI bénéficiant d’une angioplastie primaire. Le critère de jugement principal était la résolution du ST > 70 % à 90 mn après l’angioplastie, le critère de jugement secondaire était l’incidence de l’obstruction microvasculaire évaluée par flux TIMI et le blush myocardique. La résolution du ST est survenue chez 71 % des patients ayant reçu de l’adénosine (p = 0.009), avec une amélioration de l’obstruction microvasculaire (18 % dans le bras adénosine versus 30 % dans le bras placebo). Toutefois, il n’y avait pas de différence en termes de pronostic entre les 3 bras (48).

L’utilisation d’inhibiteur calcique en intra coronaire tel que le vérapamil a montré un bénéfice chez les patients avec no reflow. Une méta analyse portant sur 539 patients, a objectivé une baisse de l’incidence du no reflow chez les patients recevant le vérapamil intra coronaire, avec une amélioration du flux TIMI, du CTFC ainsi qu’une réduction des évenements cardio vasculaires majeurs indésirables (relative risk 0.56, 95 % confidence interval 0.33-0.95) (49).

Le nitroprussiate de sodium, aux propriétés vasodilatatrices associé à un effet inhibiteur de l’agrégation plaquettaire a été étudié à cet effet. Dans une étude incluant 162 patients avec STEMI, recevant le Tirofiban seul ou Tirofiban avec nitroprusside, le bras recevant le vasodilatateur avait une amélioration des marqueurs de no reflow tels que le CTFC et la résolution du segment ST, ainsi que moins d’évènements cardiovasculaires majeurs (50).

L’agrégation plaquettaire et l’embolisation distale jouant un rôle important dans la physiopathologie du no relfow, l’adjonction d’un antiagrégant plaquettaire tels que les inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa, semble être une solution prometteuse. En effet, dans une étude portant sur 154 patients avec infarctus du myocarde, le traitement par Abciximab intra coronaire avait objectivé une réduction de la taille de l’infarctus sur l’IRM réalisée à J2 (51).

Plus récemment, une méta analyse portant sur la sécurité et l’efficacité de l’urokinase intra coronaire chez 1797 patients avec STEMI, a montré une réduction de l’incidence des MACE  (risk ratio (RR), 0.68; 95 % CI, 0.56 – 0.82, P < 0.0001) , du CTFC ( SMD, -0.45; 95 % CI, -0.62 – -0.28; P < 0.00001) ainsi que du TIMI perfusion grade TIMI myocardial perfusion grade 3 (RR: 1.39, 95 % CI: 1.12-1.74, P = 0.004) (52).

La meilleure prise en charge du no reflow reste actuellement sa prévention, qui passe par des mesures telles que la prise en charge de l’hyperglycémie et du stress au cours du syndrome coronaire aigu. Par ailleurs, l’utilisation d’autres thérapeutiques telles que les statines semblent avoir un effet bénéfique. Dans l’étude STATIN STEMI, le pré traitement par forte dose de statine avant angioplastie, réduisait l’obstrcution microvasculaire évaluée par blush myocardique par le CTFC (26.9 ± 12.3 vs. 34.1 ± 19.0, p = 0.01) (53).

Enfin, le recours à la thrombo aspiration devant une charge thrombotique importante au cours de la coronarographie, impacte favorablement sur le pronostic des patients comme démontré dans l’Essai ATTEMPT (Analysis of Trials on Thrombectomy in Acute Myocardial Infarction Based on Individual Patient Data) (54, 55).

Conclusion 

Le no reflow est un enjeu majeur de la prise en charge des patients avec infarctus du myocarde. Bien que la revascularisation de l’artère coupable soit la base de la prise en charge, la présence d’une obstruction microvasculaire, va venir ternir le pronostic de ces patients, en altérant le remodelage ventriculaire, majorant le risque de complications post infarctus et de décès cardiovasculaires. Les méthodes diagnostiques du no reflow sont nombreuses, différant en coût, en accessibilité, en sensibilité et en spécificité. Les outils les plus couramment utilisés actuellement sont la résolution du segment ST, ainsi que l’évaluation angiographique du flux coronaire et notamment par le grade du flux TIMI. Ce dernier système est le plus répandu et malgré sa facilité d’utilisation, il a montré ses limites dans l’évaluation de l’obstruction microvasculaire et est supplanté par d’autres paramètres tels que le CTFC. Dans l’évaluation non invasive, l’IRM cardiaque se place en 1ére ligne dans le diagnostic du no reflow, permettant une évaluation précise de l’étendue de l’obstruction, de la taille finale de l’infarctus et apporte une valeur pronostique additionnelle. Toutefois, elle demeure coûteuse et rarement disponible dans tous les centres, contrairement à l’échocardiographie. L’accessibilité et la simplicité de cet examen met en avant l’utilisation de paramètres simples tels que le doppler de l’IVA, fait au lit du malade et permettant de reconnaitre un pattern de repos spécifique au no reflow.  

Bien que l’impact négatif du no reflow dans les suites de l’infarctus soit bien connu, sa prise en charge diagnostique et thérapeutique est encore à ce jour peu codifiée. Peu de thérapeutiques ont montré un réel impact sur la réduction de l’obstruction microvasculaire. Ceci est probablement du à la complexité physiopathologique de ce phénoméne.  

De futures études seront nécessaires afin d’identifier les voies spécifiques d’apparition du no reflow et développer des thérapeutiques plus efficaces.

Références 

  1. D. Brosh, A.R. Assali, A. Mager, A. Porter, D. Hasdai, I. Teplitsky, et al., Effect of no- reflow during primary percutaneous coronary intervention for acute myocardial in- farction on six-month mortality, Am. J. Cardiol. 99 (2007) 442–445.
  2. C.W. Hamm, J.P. Bassand, S. Agewall, J. Bax, E. Boersma, H. Bueno, et al., ESC guide- lines for the management of acute coronary syndromes in patients presenting with- out persistent ST-segment elevation: the Task Force for the management of acute coronary syndromes (ACS) in patients presenting without persistent ST-segment el- evation, Eur. Heart J. 32 (2011) 2999–3054.
  3. Durante A, Camici PG. Novel insights into an “old” phenomenon: the no reflow. Int J Cardiol 2015;187:273–80.
  4. Bouleti C, Mewton N, Germain S. The no-reflow phenomenon: state of the art. Arch Cardiovasc Dis 2015;108:661–74.
  1. Krug A, Du Mesnil de Rochemont, Korb G. Blood supply of the myocardium after temporary coronary occlusion. Circ Res. 1966;19(1):57-62.
  2. Kloner RA, Ganote CE, Jennings RB. The “no-reflow” phenomenon after temporary coronary occlusion in the dog. J Clin Invest. 1974;54(6):1496-1508. doi:10.1172/JCI107898.
  3. J.-P. Collet, G. Montalescot, The acute reperfusion management of STEMI in patients with impaired glucose tolerance and type 2 diabetes, Diabetes Vasc. Dis. Res. 2 (2005) 136–143
  4. M.F. Di Carli, J. Janisse, G. Grunberger, J. Ager, Role of chronic hyperglycemia in the pathogenesis of coronary microvascular dysfunction in diabetes, J. Am. Coll. Cardiol. 41 (2003) 1387–1393
  5. Abdul Hakeem Shaikh, Rajesh Kumar and al, CHADS2 -VASc score, a simple clinical tool for early prediction of no-reflow phenomenon in patients undergoing emergency percutaneous coronary revascularization, J Cardiovasc Thorac Res 2022;14(2):122-127
  6. G. Ndrepepa, K. Tiroch, D. Keta, M. Fusaro, M. Seyfarth, J. Pache, et al., Predictive factors and impact of no reflow after primary percutaneous coronary intervention in patients with acute myocardial infarction, Circ. Cardiovasc. Interv. 3 (2010) 27–33.
  7. K. Iwakura, H. Ito, M. Ikushima, S. Kawano, A. Okamura, K. Asano, et al., Association between hyperglycemia and the no-reflow phenomenon in patients with acute myocardial infarction, J. Am. Coll. Cardiol. 41 (2003) 1–7.
  8. M. Chettibi, S. Benghezel, S. Bertal, R. Nedjar, M.A. Bouraghda, M.T.C. Bouafia , No reflow : quels facteurs prédictifs ? Annales de cardiologie et d’Angéiologie 64 (2015) 472-480.
  9. B.K. Nallamothu, E.H. Bradley, H.M. Krumholz, Time to treatment in primary percu- taneous coronary intervention, N. Engl. J. Med. 357 (2007) 1631–1638.
  10. O. Turschner, J. D’hooge, C. Dommke, P. Claus, E. Verbeken, I. De Scheerder, et al., The sequential changes in myocardial thickness and thickening which occur during acute transmural infarction, infarct reperfusion and the resultant expression of re- perfusion injury, Eur. Heart J. 25 (2004) 794–803.
  11. L. Galiuto, A. Lombardo, A. Maseri, L. Santoro, I. Porto, D. Cianflone, et al., Temporal evolution and functional outcome of no reflow: sustained and spontaneously reversible patterns following successful coronary recanalisation, Heart 89 (2003) 731–737.
  12. P.G.Camici,F.Crea,Coronary microvascular dysfunction,N.Engl.J.Med.356(2007) 830–840.
  13. R. Bolli, M.O. Jeroudi, B.S. Patel, C.M. DuBose, E.K. Lai, R. Roberts, et al., Direct evi- dence that oxygen-derived free radicals contribute to postischemic myocardial dys- function in the intact dog, Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A. 86 (1989) 4695–4699.
  14. T.Reffelmann,R.A.Kloner,Theno-reflow phenomenon:a basic mechanism of myocardial ischemia and reperfusion, Basic Res. Cardiol. 101 (2006) 359–372.
  15. Engler RL, Schmid-Schönbein GW, Pavelec RS. Leukocyte capillary plugging in myocardial ischemia and reperfusion in the dog. Am J Pathol 1983;111(1):98–111
  16. M.C.Fishbein,J.Y-Rit,U.Lando,K.Kanmatsuse,J.C.Mercier,W.Ganz,The relationship of vascular injury and myocardial hemorrhage to necrosis after reperfusion, Circulation 62 (1980) 1274–1279.
  17. A. Skyschally, K. Leineweber, P. Gres, M. Haude, R. Erbel, G. Heusch, Coronary microembolization, Basic Res. Cardiol. 101 (2006) 373–382.
  18. Onur Tasar, Arzu Karabay, Vecih Oduncu, Cevat Kirma, Predictors and outcomes of no-reflow phenomenon in patients with acute ST-segment elevation myocardial infarction undergoing primary percutaneous coronary intervention, Coron Art Dis.2019 Jun;30(4) 270-276.
  19. De Waha S, Patel MR, Granger CB, Ohman EM, Maehara A, Eitel I, Ben-Yehuda O, Jenkins P, Thiele H, Stone GW. Relationship between microvascular obstruction and adverse events following primary percutaneous coronary intervention for ST-segment elevation myocardial infarction: an individual patient data pooled analysis from seven randomized trials. Eur Heart J 38: 3502–3510, 2017
  20. Enrico Fabris, Arnoud van ’t Hof, Christian W Hamm, Frédéric Lapostolle, Jens F Lassen, Shaun G Goodman, Jurriën M ten Berg, Leonardo Bolognese, Angel Cequier, Mohamed Chettibi, Christopher J Hammett, Kurt Huber, Magnus Janzon, Béla Merkely, Robert F Storey, Uwe Zeymer, Warren J Cantor, Anne Tsatsaris, Mathieu Kerneis, Abdourahmane Diallo, Eric Vicaut, Gilles Montalescot, for the ATLANTIC investigators, Clinical impact and predictors of complete ST segment resolution after primary percutaneous coronary intervention: A subanalysis of the ATLANTIC Trial, European Heart Journal. Acute Cardiovascular Care, Volume 8, Issue 3, 1 April 2019, Pages 208–217
  21. Haager PK, Christott P, Heussen N, Lepper W, Hanrath P, Hoffmann R. Prediction of clinical outcome after mechanical revascularization in acute myocardial infarction by markers of myo- cardial reperfusion. J Am Coll Cardiol. 2003;41(4):532–8
  22. Montalescot G, van ‘t Hof AW, Bolognese L, Cantor WJ, Cequier A, Chettibi M, Collet JP, Goodman SG, Hammett CJ, Huber K, Janzon M, Lapostolle F, Lassen JF, Licour M, Merkely B, Salhi N, Silvain J, Storey RF, Ten Berg JM, Tsatsaris A, Zeymer U, Vicaut E, Hamm CW; ATLANTIC Investigators. Effect of Pre-Hospital Ticagrelor During the First 24 h After Primary Percutaneous Coronary Intervention in Patients With ST-Segment Elevation Myocardial Infarction: The ATLANTIC-H²⁴ Analysis. JACC Cardiovasc Interv. 2016 Apr 11;9(7):646-56. doi: 10.1016/j.jcin.2015.12.024. Epub 2016 Mar 5. PMID: 26952907
  23. Rommel KP, Badarnih H, Desch S, et al. QRS complex distortion (Grade 3 ischaemia) as a predictor of myocardial damage assessed by cardiac magnetic resonance imaging and clinical prognosis in patients with ST-elevation myocardial infarction. Eur Heart J Cardiovasc Imaging 2016;17:194—202.
  24. Galiuto L, Garramone B, Scara A, et al. The extent of microvascular damage during myocardial contrast echocardiography is superior to other known indexes of post-infarct reperfusion in predicting left ventricular remodeling: results of the multicen- ter AMICI study. J Am Coll Cardiol 2008;51:552—9.
  25. Dwivedi G, Janardhanan R, Hayat SA, Lim TK, Greaves K, Senior R. Relationship between myocardial perfusion with myocardial contrast echocardiography and function early after acute myocardial infarction for the prediction of late recovery of function. Int J Cardiol 2010;140:169—74.
  26. Meimoun P, Malaquin D, Benali T and al. Non-invasive coronary flow reserve after successful primary angioplasty for acute anterior myocardial infarction is an inde- pendent predictor of left ventricular recovery and in-hospital cardiac events. J Am Soc Echocardiogr, 2009; 22: 1071-1079
  27. Nohtomi Y, Takeuchi M, Nagasawa K et al. Persistence of systolic coronary flow reversal predicts irreversible dysfunction after reperfused anterior myocardial infarction. Heart, 2003; 89: 382-388.
  28. Alexander Hirsch, Robin Nijveldt, Joost D.E. Haeck, Relation Between the Assessment of Microvascular Injury by Cardiovascular Magnetic Resonance and Coronary Doppler Flow Velocity Measurements in Patients With Acute Anterior Wall Myocardial Infarction, JACC, vol 51, issue 23, 2008, 2230-2238.
  29. Shingo Watanabe, Michio Usui, Clinical significance of early systolic reverse flow in left anterior descending coronary artery on transthoracic echocardiography in patients with acute myocardial infarction, Echocardiography. 2021; 38: 440-445
  30. Nozomi Watanabe, Noninvasive assessment of coronary blood flow by transthoracic Doppler echocardiography: basic to practical use in the emergency room, J Echocardiography, 2017M 15(2), 49-56
  31. Schofer J, Montz R, Mathey DG. Scintigraphic evidence of the ‘‘no reflow’’ phenomenon in human beings after coronary thrombolysis. J Am Coll Cardiol 1985;5:593—8.
  32. Kondo M, Nakano A, Saito D, Shimono Y. Assessment of ‘‘microvascular no-reflow phenomenon’’ using technetium- 99m macroaggregated albumin scintigraphy in patients with acute myocardial infarction. J Am Coll Cardiol 1998;32:898—903.
  33. Dennis T. L. Wong, Michael C. H. Leung, and al. Cardiac magnetic resonance derived late microvascular obstruction assessment post ST-segment elevation myocardial infarction is the best predictor of left ventricular function: a comparison of angiographic and cardiac magnetic resonance derived measurements. The international Journal of Cardiovascular imaging 28, 1971-1981 (2012)
  34. Symons R, Pontone G, Schwitter J, et al. Long-term incremental prognostic value of cardiovascular magnetic resonance after ST-segment elevation myocardial infarction: a study of the col- laborative registry on CMR in STEMI. JACC Cardiovasc Imaging 2017.
  35. Chesebro JH, Knatterud G, Roberts R, et al. Thrombolysis in Myocardial Infarction (TIMI) Trial, Phase I: A comparison between intravenous tissue plasminogen activator and intravenous streptokinase. Clinical findings through hospital discharge. Circulation. 1987;76(1):142-154
  36. Karagounis L, Sorensen SG, Menlove RL, Moreno F, Anderson JL. Does thrombolysis in myocardial infarction (TIMI) perfusion grade 2 represent a mostly patent artery or a mostly occluded artery? Enzymatic and electrocardiographic evidence from the TEAM-2 study. Second Multicenter Thrombolysis Trial of Eminase in Acute Myocardial Infarction. J Am Coll Cardiol. 1992;19(1):1-10
  37. C. Michael Gibson, Christopher P. Cannon, William L. Daley. TIMI Frame Count A Quantitative Method of Assessing Coronary Artery Flow. Circulation. 1996;93:879–888
  38. Marthe A. Kampinga, Maarten W. N. Nijsten and al, Is the Myocardial Blush Grade Scored by the Operator During Primary Percutaneous Coronary Intervention of Prognostic Value in Patients With ST-Elevation Myocardial Infarction in Routine Clinical Practice? Circulation: Cardiovascular Interventions. 2010;3:216–223
  39. C. Michael Gibson, Sabina A. Murphy, and al, relationship between TIMI Frame Count and clinical outcomes after thrombolytic administration, Circulation. 1999;99:1945–1950
  40. C. Michael Gibson, Christopher P. Cannon, and al. Relationship of the TIMI Myocardial Perfusion Grades, Flow Grades, Frame Count, and Percutaneous Coronary Intervention to Long-Term Outcomes After Thrombolytic Administration in Acute Myocardial Infarction. Circulation. Circulation. 2002;105:1909–1913
  41. Yamamuro A, Akasaka T, Tamita K, et al. Coronary flow velocity pattern immediately after percutaneous coronary intervention as a predictor of complications and in-hospital survival after acute myocardial infarction. Circulation 2002;106:3051—6.
  42. William F. Fearin, Adrian F. Low, Andy S, and al. Prognostic Value of the Index of Microcirculatory Resistance Measured After Primary Percutaneous Coronary Intervention. Circulation. 2013;127:2436–2441
  43. Yamamuro A, Akasaka T, Tamita K, et al. Coronary flow velocity pattern immediately after percutaneous coronary intervention as a predictor of complications and in-hospital survival after acute myocardial infarction. Circulation 2002;106:3051—6
  44. Su Q, Li L, Liu Y. Short-term effect of verapamil on coronary no-reflow associated with percutaneous coronary intervention in patients with acute coronary syndrome: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Clin Cardiol 2013;36:E11—6.
  45. Yu-Jun Zhao, Xiang- Hua Fu, Dong Ying Wang, Intracoronary fixed dose of nitroprusside via thrombus aspiration catheter for the prevention of the no-reflow phenomenon following primary percutaneous coronary intervention in acute myocardial infarction. Exp Ther Med. 2013 Aug; 6(2): 479-484.
  46. H. Thiele, K. Schindler, J. Friedenberger, I. Eitel, G. Fürnau, E. Grebe, et al., Intracoronary compared with intravenous bolus abciximab application in patients with ST-elevation myocardial infarction undergoing primary percutaneous coro- nary intervention: the randomized Leipzig immediate percutaneous coronary inter- vention abciximab IV, Circulation 118 (2008) 49–57.
  47. A.S. Petronio, M. De Carlo, N. Ciabatti, G. Amoroso, U. Limbruno, C. Palagi, et al., Left ventricular remodeling after primary coronary angioplasty in patients treated with abciximab or intracoronary adenosine, Am. Heart J. 150 (2005) 1015.
  48. Gang Fan, Xiang-Ge Wu, and al., Safety and efficacy of intracoronary recombinant human prourokinase administration in patients with acute myocardial infarction and ST‑segment elevation: A meta‑analysis of randomized controlled trials. Exp Ther Med 2022 Nov 30;25(1): 40
  49. Jung- Sun Kim, Jaedeok Kim, Donghoon Choi, and al. Efficacy of High-Dose Atorvastatin Loading Before Primary Percutaneous Coronary Intervention in ST-Segment Elevation Myocardial Infarction: The STATIN STEMI Trial. JACC: cardiovascular interventions, Vol 3, Issue 3, March 2010, 332-339.
  50. Svilaas T, Vlaar PJ, van der Horst IC, et al. Thrombus aspiration during primary percutaneous coronary intervention. N Engl J Med 2008;358: 557–67.
  51. De Vita M, Burzotta F, Biondi-Zoccai GG, et al. Individual patient-date meta-analysis comparing clinical outcome in patients with ST-elevation myocardial infarction treated with percutaneous coronary intervention with or without prior thrombectomy. ATTEMPT study: a pooled Analysis of Trials on Thrombectomy in Acute Myocardial infarction based on individual patient data. Vasc Heath Risk Manag 2009;5:243-7

Télécharger PDF

Quels patients atteints d’embolie pulmonaire peuvent bénéficier d’une prise en charge ambulatoire ?

Y. Benchabi, M. R. Boussa, A. Boudaoudi ; Service de Cardiologie, CHU Benbadis Constantine.

Résumé : Dans la pratique clinique de routine, dans la plupart des pays, les patients atteints d’embolie pulmonaire (EP) sont hospitalisés pour une surveillance clinique et pour commencer l’administration des anticoagulants bien que les essais cliniques et les lignes directrices des sociétés savantes recommandent le traitement en toute sécurité en ambulatoire des patients atteints d’une EP stable c’est à dire à faible risque de mortalité précoce. L’identification de ces patients est rendue possible grâce à l’utilisation de scores, qui sont souvent très utiles, cependant le jugement clinique est toujours nécessaire. Les traitements ambulatoires présentent de nombreux avantages : amélioration de la qualité de vie, augmentation de l’activité physique et sociale et réduction des coûts d’hospitalisation et des soins de santé. L’objectif de cet article est de passer en revue les preuves de la faisabilité et la sécurité de la prise en charge ambulatoire de l’embolie pulmonaire stable.

Mots-clés : Embolie pulmonaire, stratification du risque de mortalité, PESI, sPESI, critères HESTIA, traitement ambulatoire.

Abstract: In routine clinical practice, in most countries, patients with pulmonary embolism (PE) are hospitalized for clinical monitoring and to begin anticoagulant administration although clinical trials and scientific society guidelines recommend treatment in safely in outpatient settings for patients with stable PE, at low risk of early mortality. The identification of these patients is made possible through the use of scores, which are often very useful, however clinical judgment is still necessary. Outpatient treatments have many benefits: improved quality of life, increased physical and social activity, and reduced hospitalization and health care costs. The objective of this article is to review the evidence for the feasibility and safety of outpatient management of stable pulmonary embolism.Key-words: Pulmonary embolism, mortality risk stratification, PESI, sPESI, HESTIA criteria, outpatient treatment.

Introduction

L’incidence de l’embolie pulmonaire (EP) a été estimée en Europe à 296 000 cas/an en 2004, soit 98 cas/10 000 personnes-année. La mortalité de l’embolie pulmonaire non traitée est de l’ordre de 30 à 40 % alors qu’elle est inférieure à 15 % voire 8 % lorsqu’une prise en charge thérapeutique adéquate est entreprise ; elle ne semble pas diminuer malgré les progrès réalisés en matière de diagnostic et de prophylaxie.

Les essais cliniques et les lignes directrices des sociétés savantes recommandent le traitement en toute sécurité en ambulatoire des patients atteints d’une EP stable c’est à dire à faible risque de mortalité précoce.

Il faut rappeler que la prise en charge ambulatoire de ces patients implique d’abord leur identification grâce à l’utilisation de scores et une surveillance clinique accrue, qui devrait être organisée avant que le patient ne quitte le service d’urgence.

En effet, ces traitements ambulatoires présentent de nombreux avantages : amélioration de la qualité de vie, augmentation de l’activité physique et sociale et réduction des coûts d’hospitalisation et des soins de santé.

II. Les preuves de la sécurité de prise en charge ambulatoire, que disent les études cliniques ?

Toutes les études ont pris le soin d’exclure les patients présentant une instabilité hémodynamique, les patients présentant des comorbidités graves nécessitant une hospitalisation ou à risque avéré d’aggraver le pronostic et les patients qui n’avaient pas l’observance nécessaire et dont l’environnement familial et social ne permettait pas de suivre le traitement à domicile. Dans l’ensemble, l’évolution à 90 jours a été favorable et les résultats semblent prometteurs.

La dernière en date est l’étude HOME-PE, une étude prospective randomisée, en ouvert, comparant deux stratégies de tri pour le traitement ambulatoire des patients atteints d’embolie pulmonaire avec 1974 patients enrôlés, de 2017 à 2019, dans 26 centres de 4 pays européens (France, Belgique, Pays-Bas et Suisse). 

Le critère de jugement principal était un composite incluant les récidives thrombo-emboliques (embolie pulmonaire et/ou thrombose veineuse profonde), les saignements majeurs et les décès toutes causes confondues dans les 30 jours.

Au cours des trente jours de suivi, il a été observé un faible taux d’événements indésirables, similaire chez les patients pris en charge à domicile : 1 décès est survenu dans chaque bras (patients atteints d’un cancer métastatique et en soins palliatifs).

Cette étude a conclu que le traitement ambulatoire de l’embolie pulmonaire à bas risque est possible et sécurisé dans une structure de soins organisée et spécialisée dans la prise en charge de l’embolie pulmonaire.

III. Quels sont les outils de stratification du risque de mortalité précoce à 30 jours d’une EP ?

Le Pulmonary Embolism Severity Index (PESI) est un score clinique élaboré pour quantifier le risque de mortalité à 30 jours, toutes causes confondues, à la suite d’une EP symptomatique (voir tableau 1). La fiabilité de l’utilisation du score PESI pour la sélection des patients à très faible risque de décès et potentiellement éligibles à un traitement ambulatoire, a été évaluée dans l’étude Out patient Treatment of Pulmonary Embolism (OTPE).

Le score PESI prend en considération 11 critères pondérés de façon variable (tableau 1) rendant son utilisation assez complexe en pratique clinique dans un service d’urgences. Ce score a été simplifié (sPESI), incluant seulement 6 variables (tableau 1). En effet, ce score conservait l’aptitude à identifier les patients à faible risque lorsqu’il a été évalué chez 7106 patients du registre RIETE (Registro informatizado de la Enfermedad Thromboembólica).

Lepatient à faible risque est défini comme un patient avec un PESI de 0 et une échocardiographie qui exclut un dysfonctionnement ventriculaire droit. Il faut rappeler que la prise en charge des patients externes implique une surveillance clinique accrue, qui devrait être organisée avant que le patient ne quitte le service d’urgences. En plus de l’utilisation de scores, qui sont souvent très utiles, le jugement clinique est toujours nécessaire.

Le score sPESI est largement utilisé dans la communauté médicale grâce à sa simplicité, mais il a des limites puisqu’il n’intègre pas certains items médicosociaux (tels que l’isolement et la compréhension générale de la maladie) ou liés aux modalités du traitement anticoagulant (par exemple, l’insuffisance rénale sévère nécessitant le recours à l’héparine non fractionnée et une situation à risque hémorragique), pourtant décisifs lorsque le traitement ambulatoire est envisagé.

Ainsi, les critères HESTIA ont été proposés (tableau 2) pour identifier les patients présentant une EP pouvant être traitée à domicile. Il s’agit d’une checklist de 11 items pouvant être utilisée au lit du patient et soigneusement renseignée. Un patient était considéré éligible à un traitement ambulatoire par la règle HESTIA s’il ne présentait aucun de ses 11 critères. Ces critères ont permis de sélectionner une population à faible risque de récurrence d’événement thromboembolique veineux (2,0 %), d’hémorragie majeure (0,7 %) et de mortalité (1,0 %) dans une étude prospective multicentrique réalisée aux Pays-Bas chez 297 patients.

IV.  Ce que suggèrent les recommandations européennes ?

Selon les recommandations de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) sur l’embolie pulmonaire 2019,une fois le diagnostic de l’EP est confirmé, il est recommandé de stratifier le risque de mortalité précoce (à l’hôpital ou dans les 30 jours) (classe I,B), une sortie précoce et une poursuite du traitement à domicile doivent être envisagées chez les patients qui ont une EP à bas risque et soigneusement sélectionnés si une prise en charge à domicile et un traitement anticoagulant peuvent être assurés correctement (classe IIa, A).

V. Ce qu’il faut retenir

La faisabilité de la prise en charge en ambulatoire et en toute sécurité d’une EP est rendue possible grâce au développement des algorithmes de stratification du risque qui ont été affinés et simplifiés (sPESI ou HESTIA) pour identifier les patients à faible risque de mortalité précoce. Cette attitude est soutenue par de grands essais randomisés et les études de cohortes prospectives, cependant elle doit être associée au jugement implicite du praticien.

Avec l’avènement des anticoagulants oraux directs, qui ont permis de simplifier la prise en charge thérapeutique initiale, une proportion significative de ces patients peuvent bénéficier de cette prise en charge.

Date de soumission : 07 mai 2023.

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêt.

Références 

  1. Is it time for home treatment of pulmonary embolism? Mareike Lankeit, Stavros Konstantinides. European Respiratory Journal 2012 40: 742-749; DOI: 10.1183/09031936.00216811
  2. Pulmonary embolism home treatment: What GP want?
  3. Ambulatory management of pulmonary embolism: a pragmatic evaluation M J Kovacs  1 J D HawelJ F RekmanA Lazo-Langner. PMID: 20626624 DOI: 10.1111/j.1538-7836.2010.03981.x
  4. Embolie pulmonaire – Quand proposer un traitement ambulatoire ? Pr Victor Aboyans cardio online
  5. J. Catella-Chatron1, O. Sanchez2,3,4, P. Mismetti1,4,5, L. Bertoletti1,4,5. Prise en charge ambulatoire de l’embolie pulmonaire. Home treatment of pulmonary embolism
  6. Cohen A.T., Agnelli G., Anderson F.A., Arcelus J.I., Bergqvist D., Brecht J.G., et al.Venous thromboembolism in Europe. The number of VTE events and associated
    morbidity and mortality. Thromb Haemost. 2007 ; 98 : 756-64.
  7. Recommandations de la Société européenne de cardiologie sur l’embolie pulmonaire ESC 2019

Télécharger PDF

Le Jeûne du mois de Ramadan et les maladies cardio-vasculaires

O. AIT MOKHTAR, S. BENKHEDDA, N. BRAHMI,

Service de Cardiologie, CHU Mustapha, Alger.

Résumé : Le mois sacré du Ramadan constitue une période charnière du calendrier musulman. Le changement du mode de vie des patients suivis pour maladie cardiovasculaire durant cette période constitue un défi auquel est confrontée la cardiologie. Malgré cela, peu d’études scientifiques se sont penchées sur le sujet. Cet article tente, sur la base d’une revue de littérature sur le sujet, de proposer un plan de gestion des patients atteints de maladie cardiovasculaire durant le mois du Ramadan. Diviser les malades en haut risque (chez qui le jeûne doit être proscrit), risque modéré (chez qui la possibilité du jeûne est à discuter au cas par cas) et faible risque (jeûne autorisé) permet une prise en charge systématisée et standardisée. Néanmoins, tous les patients suivis pour maladies cardiovasculaires devraient bénéficier d’une consultation dédiée à l’éducation thérapeutique avant le mois du Ramadan. Durant celle-ci, les conditions devant faire interrompre le jeûne doivent être citées et explicitées. L’objectif étant de concilier les pratiques religieuses du mois sacré du Ramadan avec une gestion optimale des maladies cardiovasculaires des patients.

Mots-clés : Ramadan, jeûne, cardiologie, maladie cardiovasculaire, éducation thérapeutique.

Abstract : The holy month of Ramadan is a pivotal period in the Muslim calendar. The change in lifestyle of patients followed for cardiovascular disease during this period is a challenge facing cardiology. Despite this, few scientific studies have looked into the subject. This article attempts, on the basis of a literature review on the subject, to propose a management plan for patients with cardiovascular disease during the month of Ramadan. Dividing patients into high risk (in whom fasting must be prohibited), moderate risk (in whom the possibility of fasting is to be discussed on a case-by-case basis) and low risk (fasting authorized) allows systematized and standardized management. Nevertheless, all patients followed for cardiovascular diseases should benefit from a consultation dedicated to therapeutic education before the month of Ramadan. During this time, the conditions for interrupting the fast must be mentioned and explained. The aim is to reconcile the religious practices of the holy month of Ramadan with optimal management of patients’ cardiovascular diseases.

Key-words : Ramadan, fasting, cardiology, cardiovascular disease, therapeutic education.

Introduction 

Les maladies cardiovasculaires constituent un problème majeur de santé publique avec une prévalence de plus en plus importante du fait du vieillissement de la population et de l’occidentalisation du mode de vie. L’Algérie est, par ailleurs, classée par les recommandations de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) comme une région à très haut risque cardiovasculaire [[1]].

Le Ramadan représente une période sacrée de 29 à 30 jours pendant laquelle les musulmans doivent s’astreindre à l’abstinence (jeûne strict, etc.) entre le lever et le coucher du soleil, sont exemptés du jeûne les patients en voyage ou présentant une contre-indication médicale [[2]]. La durée du jeûne varie d’une année à l’autre en fonction du calendrier lunaire et il est estimé qu’en Algérie, en 2023, la durée sera de plus de 15 heures [[3]]. La question de la faisabilité et de la pertinence du jeûne des patients suivis en cardiologie constitue une problématique à laquelle nous sommes régulièrement confrontés.

Le changement du rythme de vie, surtout l’alimentation, ainsi que le stress engendré par le jeûne durant le mois sacré du Ramadan peut, dans certains cas, constituer un « trigger » de déstabilisation des pathologies cardiovasculaires[[4]].

Si des recommandations internationales concernant la gestion du diabète et de l’insuffisance rénale durant le mois sacré du Ramadan ont été élaborées, des recommandations internationales spécifiques portant sur les autres pathologies cardiovasculaires font toujours défaut[4, [5], [6]].

Nous noterons, par ailleurs, l’absence d’études randomisées et le peu d’études prospectives, majoritairement de faible puissance, concernant le sujet[4, [7]].                          

Nous tenterons à travers cet article de faire le point sur chaque pathologie cardiovasculaire à laquelle est confronté le cardiologue en proposant une approche pratique que nous essaierons de résumer de façon claire à la lumière des données actualisées de la science disponible.

Nous proposons une approche standardisée en stratifiant le risque de chaque pathologie cardio-vasculaire en trois groupes (4, 6, 7) :

  • Haut risque (jeûne proscrit) : population chez laquelle le jeûne est médicalement contre-indiqué.
  • Risque modéré (jeûne non recommandé) : population chez laquelle le jeûne présente un risque significatif et de ce fait, la faisabilité du jeûne dans ce cas doit être discuté au cas par cas.
  • Faible risque (jeûne autorisé) : population chez laquelle le jeûne ne représente pas un sur-risque d’évènements cardio-vasculaires ou d’effets indésirables.

Tout patient présentant une comorbidité cardio-vasculaire devrait bénéficier d’une consultation de base un mois avant le début du Ramadan pendant laquelle le risque du jeûne est évalué et communiqué au patient et la décision concernant le jeûne prise en prenant en considération le type de pathologie et son évolution[4,7]. Le niveau socio-économique, le soutien familial ainsi que le degré d’observance du traitement et des recommandations médicales doivent également être pris en considération.

A noter, que les patients suivis en cardiologie présentent souvent des comorbidités qui peuvent conduire à discuter l’impact du jeûne chez ces patients. C’est à travers ces cas fréquents de pratique quotidienne que ressort l’intérêt d’une concertation multidisciplinaire entre praticiens sur le sujet[4, 6, [8], [9], [10]].

Par ailleurs, les périodes de jeûne hors-Ramadan (telles que Achoura et Arafat), peuvent constituer des épreuves et des tests concernant la tolérance des patients vis-à-vis du jeûne [4].

L’objectif de cette étude est de proposer des lignes directrices concernant la pertinence du jeûne durant le mois du Ramadan chez les patients suivis en cardiologie.

Matériels et méthodes 

Nous avons fait une recherche bibliographique sur PubMed et Embase en utilisant les mots clés « fasting », « Ramadan », « cardiovascular disease », « heart failure », « hypertension », « cardiac surgery », « valvular heart disease » et « atrial fibrillation ».

Nous avons également pris en considération les guidelines de l’ESC les plus récents spécifiques à chaque thème.

Les résultats de cette recherche ont été présentés sous forme de synthèse au colloque hebdomadaire du service de Cardiologie A2 du CHU Mustapha où les différentes remarques et commentaires ont été prises en considération pour la rédaction de cet article.

Résultats 

  1. Hypertension artérielle 

La prévalence de l’HTA en Algérie est estimée à 35 % de la population [[11], [12]]. Il s’agit de la pathologie cardio-vasculaire la plus fréquente [[13]].

Quelques études observationnelles et prospectives abordant le sujet du jeûne chez les hypertendus mettent en évidence une tendance à la diminution des chiffres tensionnels ainsi qu’une tendance à un meilleur contrôle de l’HTA [[14], [15], [16]].

Dans une étude observationnelle, les patients sous traitement antihypertenseur diurétique étaient moins susceptibles de présenter des effets indésirables durant le jeûne. Cependant, ceci doit être nuancé vu le climat chaud de nos régions, la durée du jeûne et donc le risque de déshydratation notamment chez les sujets âgés et fragiles [14].

A noter, par ailleurs, que dans une étude observationnelle, seulement 42 % des patients interrogés ont été bien observants vis-à-vis de leur traitement habituel [12].

Une bonne hydratation est recommandée durant les heures de non-jeûne (apports à personnaliser selon l’état général du patient, son âge et ses comorbidités) [4, 7].                         

Chez les patients sous traitement antihypertenseur en plusieurs prises, le switch vers des molécules de même classe à prise unique et vers des associations fixes est conseillé et ceci au moins un mois avant le début du Ramadan. La prise des traitements antihypertenseurs est recommandée le soir à distance de l’Iftar ou heure de rupture du jeûne (après la prière d’El Icha par exemple) sauf pour les traitements diurétiques dont la prise est recommandée le matin (au Sohour ou repas pris avant l’aube) pour éviter les réveils nocturnes [7].

Tableau 1: Stratification du risque du jeûne chez les patients hypertendus

FAIBLE RISQUERISQUE MODEREHAUT RISQUE
Patient hypertendu controlé* sous régime ou avec thérapie à 1 ou 2 prise(s).PIC tensionnel (>180/110) dans le mois précédant le mois du Ramadan (ou durant celui-ci)   PATIENTS de plus de 60 ans sous traitement diurétique.   PATIENT sous thérapie à 3 prises ou plus.    Urgence hypertensive dans le mois précédant le mois du Ramadan (ou durant celui-ci)
*La notion de contrôle est à relativiser selon l’appréciation du médecin traitant.

Syndromes coronaires 

Deux études observationnelles, portant sur des patients avec syndrome coronaire chronique, ont rapporté la faisabilité du jeûne durant le Ramadan dans cette population, qui n’était pas associé à un sur-risque de morbi-mortalité [notamment ceux avec fraction d’éjection (FE) conservée] [[17]].

Dans une étude prospective de Temizhan publiée en 1999, il a été observé que le jeûne du mois de Ramadan ne semblait pas être associé à un sur-risque de syndrome coronaire aigu [[18], [19]].

Dans des études statistiques non publiées du service de Cardiologie A2 du CHU Mustapha sur la période 2020-2023, la période du Ramadan n’était pas associée à une augmentation significative de l’incidence des hospitalisations pour syndrome coronaire aigu.

En revanche, Amine and al. ont montré dans une étude récente de 2020, que le jeûne du mois de Ramadan était associé à une augmentation significative de l’incidence des événements cardiovasculaires dans les trois mois suivant une revascularisation coronaire percutanée [[20]].

Les traitements anti-aggrégants plaquettaires doivent idéalement être pris au milieu du repas de l’Iftar pour atténuer l’irritation digestive [[21]].

Tableau 2: Stratification du risque du jeûne chez les patients suivis pour syndrome coronaire

FAIBLE RISQUERISQUE MODEREHAUT RISQUE
Syndrome coronaire chronique stable*.Syndrome coronaire aigu non revascularisé dans les 3 mois.  Angioplastie coronaire (ou périphérique) percutanée dans les 3 mois.
*Angor d’effort CCS I à III avec FE > 35 %.

  • Insuffisance cardiaque 

Dans une étude observationnelle, Abazid constate que 92 % des patients suivis pour insuffisance cardiaque à FE < 40 % n’ont pas présenté d’aggravation de leur symptômes durant le jeûne du mois de Ramadan sous «surveillance rapprochée» (les modalités de cette dernière étant, cependant, non précisées) [[22]].

Une étude rétrospective sur 10 ans de Al Suwaidi et al. n’a pas non plus retrouvé d’augmentation significative des hospitalisations durant le Ramadan chez des patients suivis pour insuffisance cardiaque [[23]].

Les facteurs associés à une mauvaise tolérance du jeûne du mois de Ramadan sont les suivants [4, 20, 21] :

  • Cardiomyopathie non-ischémique.
  • Mauvaise observance des règles hygiéno-diététiques.
  • Mauvaise observance des médicaments.

Un consensus d’experts portant sur les inhibiteurs des SGLT-2 s’est accordé sur les points suivants [[24]] :

  • L’initiation doit être faite au minimum 1 mois avant le début du Ramadan.
  • Les apports hydriques doivent être augmentés durant les heures de non-jeûne.
  • L’indication d’éventuels traitements hypoglycémiants doit être revue.
  • Une attention particulière doit être portée sur les sujets âgés, sous diurétiques de l’anse et ceux connus pour néphropathie chronique.

Aucune publication se penchant sur les insuffisants cardiaques à FE conservée et le jeûne du mois de Ramadan n’a été retrouvée, les recommandations à ce sujet sont faites par extrapolation de l’insuffisance cardiaque à FE réduite [47].

Aucune publication se penchant sur les patients valvulaires ou souffrants d’Hypertension pulmonaire et le jeûne du mois de Ramadan n’a été retrouvée, les recommandations à ce sujet sont faites de façon empirique [7].

Selon les recommandations de l’ESC de 2014 relatives à la Cardiomyopathie hypertrophique (CMH) les patients présentant une CMH obstructive doivent éviter tout risque de déshydratation afin de prévenir d’éventuelles complications potentiellement mortelles comme les syncopes. Les recommandations de l’ESC de 2020 relatives aux cardiopathies congénitales de l’adulte préconisent d’éviter la déshydratation chez ces sujets notamment ceux porteurs d’une cardiopathie congénitale cyanogène [[25], [26]].

Des apports hydriques totaux de 1500 à 2000 ml (total des ingestions) sont recommandés durant la période de non-jeûne chez la majorité des patients, à adapter selon la diurèse et la saison. Les patients doivent, par ailleurs, être informés de la nécessité de prendre leur poids quotidiennement, à heure fixe, afin d’observer tout éventuel début de congestion ou de déshydratation pour adapter le régime et les traitements diurétiques [[27], [28]].

La prise des inhibiteurs du Système Rénine-Angiotensine Aldostérone (SRAA) et des bêtabloquants est recommandée le soir à distance de l’Iftar (après la prière d’El Icha par exemple). Il est recommandé de prendre les diurétiques et les inhibiteurs des minéralocorticoïdes le matin (au Sohour) pour éviter les réveils nocturnes [7].

Il est bien entendu que le jeûne est contre indiqué en cas d’insuffisance cardiaque aigue ou avancée.

Tableau 3: Stratification du risque du jeûne chez les patients suivis pour insuffisance cardiaque

FAIBLE RISQUERISQUE MODEREHAUT RISQUE
Insuffisance cardiaque stable* avec FE > 35 %.Valvulopathie sévère asymptomatique avec PAPS IT < 50 MMHG.Insuffisance cardiaque stable* (ou dysfonction VG) avec FE < 35 %.Valvulopathie sévère symptomatique avec PAPS IT < 50 MMHG.    Dyspnée NYHA III ou IV.Hospitalisation pour insuffisance cardiaque (ou nécessité de diurétiques en IV) dans les 6 mois.Capacité fonctionnelle très altérée. (TM 6 MIN < 300M ou VO2MAX < 14 ML/KG/MIN).HTP sévère**.CMH obstructive***.Cardiopathie congénitale cyanogène non opérée.
* Symptômes inchangés depuis plus d’un mois, ** Définie pour des raisons pratiques comme une HTP symptomatique classée WHO III à IV ou avec PAPS sur flux d’IT > 50 mmHg, *** Définie par un gradient de la chambre de chasse ou médio-ventriculaire spontané ou provoqué > 50 mmHg.

  • Arythmies 

Une étude de Kahraman et al. a rapporté une augmentation de la charge des Extrasystoles ventriculaires (ESV) (asymptomatiques) chez les patients ayant jeûné durant le mois du Ramadan [[29]].

Par ailleurs, les recommandations de l’ESC de 2022 portant sur la gestion des arythmies ventriculaires insistent sur la nécessité d’éviter les troubles électrolytiques chez les patients porteurs d’un syndrome de QT long. Les troubles électrolytiques (notamment l’hypokaliémie) peuvent servir de «trigger» pour les arythmies ventriculaires [[30]].

Les perturbations du sommeil, ainsi que les modifications du régime alimentaire durant le Ramadan, peuvent augmenter l’incidence des épisodes de fibrillation atriale [[31]].

Dans une étude publiée en 2021, chez des patients porteurs d’une fibrillation atriale, la prise d’Anticoagulants Oraux Directs (AOD) en double prise représentait un risque majeur pouvant occasionner un changement du mode d’anticoagulation, l’hospitalisation et la survenue d’évènements thromboemboliques ou hémorragiques du fait du switch[[32]].

Aucune donnée de la littérature n’a abordé le jeûne du mois de Ramadan chez les patients porteurs d’un pacemaker. Nous pensons néanmoins que le jeûne des patients porteurs de pacemaker dépend essentiellement de l’équilibre hydro-électrolytique et des comorbidités sous-jacentes. Par conséquent, les patients porteurs d’un Défibrillateur Automatique Implantable (DAI) ou d’un pacemaker triple chambre (thérapie de resynchronisation cardiaque ou CRT) semblent être à plus haut risque du fait de la sévérité des cardiopathies et arythmies ayant motivé leur implantation [4].

Il peut être envisagé, chez les patients prévoyant de jeûner le mois du Ramadan, de faire un switch depuis un AOD à double prise vers un AOD à prise unique [ 7].

A noter, que concernant rivaroxaban, l’ingestion doit être faite au milieu d’un repas (nous proposons l’Iftar) afin d’optimiser son absorption digestive [[33]].

Tableau 4: Stratification du risque du jeûne chez les patients suivis pour troubles du rythme ou de la conduction

FAIBLE RISQUERISQUE MODEREHAUT RISQUE
Porteurs d’un holter implantable.Porteurs d’un pacemaker mono ou double-chambre.TSV OU FA contrôlées*.Porteurs d’un CRT.Arythmies ventriculaires contrôlées*.FA sous anticoagulants.    Porteurs d’un DAI.Porteurs d’une cardiopathie arythmogéne.Porteurs d’une pathologie congénitale prédisposant à la mort subite. TSV OU FA non contrôlées*.
* La notion de contrôle est à relativiser selon l’appréciation du médecin traitant

  • Chirurgie cardiaque 

Le premier mois suivant une chirurgie cardiaque est caractérisé par l’inflammation et la cicatrisation dans le cadre de la convalescence. Le bon déroulement de ces phénomènes dépend d’un bon équilibre hydro-électrolytique et d’une bonne alimentation. De ce fait, le jeûne est à déconseiller durant cette période [7 [34] [35]].

Après le premier mois, l’évolution du patient dépend essentiellement de ses comorbidités et de son état général, pour rejoindre progressivement un risque proche de la population cardiologique générale à partir du troisième mois.

L’effet du jeûne du mois de Ramadan sur la pharmacodynamie des Antivitamines K (AVK) et de ce fait sur les valeurs l’International Normalized Ratio (INR), ainsi que la mauvaise observance durant le Ramadan peuvent avoir des effets négatifs sur le contrôle de l’INR. De ce fait, un contrôle de l’INR à J15 du mois de Ramadan est conseillé chez les patients sous AVK avec INR stable [7]. Un contrôle bihebdomadaire nous semble approprié chez les patients avec INR labile et patients porteurs de prothèses mécaniques. Les anticoagulants doivent être pris à heure fixe.

Tableau 5: Stratification du risque du jeûne chez les patients opérés du coeur

FAIBLE RISQUERISQUE MODEREHAUT RISQUE
Chirurgie cardiaque après 3 mois  Chirurgie cardiaque entre 1 et 3 mois.Porteurs de prothèses mécaniquesChirurgie cardiaque après 3 mois.  
  • Recommandations d’hygiène de vie chez les patients observant le jeûne du mois de Ramadan [7, 25, [36]] 

Il est recommandé d’adopter un régime alimentaire associant une alimentation saine et équilibrée, l’arrêt du tabac et une activité physique adaptée.

  1. Alimentation 
  • Des repas équilibrés et diversifiés sont recommandés, assurant la couverture des besoins nutritionnels du patient, en privilégiant un régime de type méditerranéen riche en fruits, légumes et graisses insaturées, tout en limitant la consommation de viande rouge et de graisses saturées (ex. fritures).
  • Un régime hyposodé (apports < 5 g/J) est recommandé.
  • Des apports hydriques satisfaisants (1.5-2 L/J à adapter selon l’état de congestion du patient et ses comorbidités) de boissons non sucrées à répartir sur les heures de non-jeûne, sont recommandés.
  • Il est par ailleurs conseillé de limiter la consommation de thé et de café du fait de leur effet diurétique pouvant augmenter le risque de déshydratation.
  • Chez les patients sous AVK, une restriction de la consommation des légumes verts et le maintien d’un régime aussi «stable» que possible durant le jeûne du mois de Ramadan est à préconiser.
  • Une répartition équilibrée des apports hydriques et énergétiques sur les heures de non-jeûne en 2 repas (Iftar et Sohour) et une collation en cours de soirée, est recommandée.
  • Activité physique 

Il est recommandé de maintenir une activité physique régulière durant le Ramadan.

Un programme de 30 minutes de marche (ex. aller-retour vers la mosquée) après l’Iftar ainsi que la récitation des prières (Tarawih), peuvent être considérés comme une activité physique satisfaisante.

  • Arrêt du tabac

Le jeûne du mois de Ramadan constitue une opportunité pour tout fumeur d’arrêter la consommation tabagique.

Prévoir une consultation anti-tabac avant le Ramadan chez les fumeurs désirant réaliser un sevrage, peut constituer une option pertinente.

  • Critères devant indiquer la suspension du jeûne [7] 
  • Lipothymie, syncope, angor de repos, aggravation de la dyspnée ;
  • Palpitations (notamment chez les patients suivis pour arythmie ou porteurs d’une cardiopathie prédisposant aux arythmies) ;
  • Hypotension symptomatique avec PAS < 90 mmHg ;
  • Symptômes d’hypoglycémie ;
  • Glycémie < 0.7 g/l et > 3 g/l. ;
  • Augmentation de la créatinine de plus de 30 %.

Figure 1: Algorithme proposé pour la prise en charge du jeûne du mois de Ramadan chez les patients suivis pour maladie cardiovasculaire

Conclusion 

La prise en charge des patients atteints de maladies cardiovasculaires pendant le mois du Ramadan nécessite une approche individualisée, basée sur une évaluation rigoureuse du risque avant le début de la période du jeûne, ainsi que sur une surveillance médicale étroite durant celui-ci.

La surveillance régulière des patients pendant le Ramadan est essentielle pour ajuster les traitements, évaluer la tolérance au jeûne et prévenir les complications. En parallèle, il est important d’encourager une alimentation saine, une hydratation adéquate et une activité physique proportionnée à l’état de santé du patient.

En travaillant en étroite collaboration avec les patients, les cardiologues et les professionnels de la santé doivent aider à concilier les pratiques religieuses avec la gestion optimale des maladies cardiovasculaires.

Références 

  1. VISSEREN FLJ, MACH F, et al., «2021 ESC Guideline on cardiovascular disease prevention in clinical practice» European Heart Journal, pp. 3227-3337, 2021.
  2. «Ramadan» [En ligne]. Available: https://fr.wkipedia.org/wiki/Ramadan.
  3. «Imsak Iftar à Alger» 2023. [En ligne]. Available: https://www.algerie-meteo.com.
  4. AKHTAR AM, et al., «Ramadan fasting: recommendations for patients with cardiovascular disease» Heart, pp. 258-265, 2021.
  5. AHMAD S, CHOWDHURY TA, «Fasting during Ramadan in people with chronic kidney disease: a review of the literature» Ther Adv Endocrinol Metab., p. 10, 2019.
  6. IDF-DAR, «Diabetes and Ramadan: practical guidelines 2021» 2021.
  7. ZAKHAMA L, HAMMAMI R et al., «Management of patients with cardiovascular diseases during Ramadan » Tunis Med., pp. 358-373, 2022
  8. GHOURI N, HUSSAIN S, MOHAMMED R, «Diabetes, driving and fasting during the interplay between secular and religious law» BMJ Open Diabetes Res Care, p. 6(1):e000520, 2018.
  9. R. R, «Part 1 – what invalidates fasting related to the throat in light of modern medicine» al Balagh Academy publication paper, 2020.
  10. BIMA, «British Islamic Medical association Ramadan rapid review» 2020.
  11. S. Benkhedda, A. Chibane, M. Temmar, S. Latreche, D.M. Ziari, K. Merad Hypertension in Algeria: an epidemiological overview: P3. 377 Journal of Hypertension 22, S396
  12. M. Temmar, C. Labat, S. Benkhedda, M. Charifi, F. Thomas Prevalence and determinants of hypertension in the Algerian Sahara, Journal of Hypertension 25 (11), 2218-2226
  13. MSPRH, OMS, «Enquête nationale sur la mesure du poids des facteurs de risque des Maladies Non Transmissibles selon l’approche STEPwise de l’OMS» 2018.
  14. H. M. Aslan M, «Compliance and drug therapy in fasting Moslem patients» J Clin Hosp Pharm, pp. 11:5-321, 1986.
  15. Eldeeb AA, Mahmoud MA, Ibrahim AB, et al., «Effect of Ramadan fasting on arterial stiffness parameters among Egyptian hypertensive patients with and without chronic kidney disease» Saudi J Kidney Dis Transpl, pp. 31:582-8, 2020.
  16. Aslan S, Riza Demir A, Kahraman S, et al., «The effect of Ramadan fasting on ambulatory blood pressure in treated hypertensive patients using diuretics» Blood Press Monit, pp. 25:195-200, 2020.
  17. Khafaji HARH, Bener A, Osman M, et al., «The impact of diurnal fasting during Ramadan on the lipid profile, hs-CRP, and serum leptin in stable cardiac patients.» Vasc Health Risk Manag, pp. 8:7-14, 2012.
  18. Mousavi M, «Ramadan fast in patients with coronary artery disease» Iran Red Crescent Med J, p. 16:e7887, 2014.
  19. Temizhan A, «Is there any effect of Ramadan fasting on acute coronary heart disease events?» Int J Cardiol, pp. 70:53-149, 1999.
  20. Amin OA, Alaarag A, «The safety of Ramadan fasting following percutaneous coronary intervention» BMC Cadiovasc Disord, p. 20:489, 2020.
  21. NEUMANN FJ, SOUSA UVA M, et al., «2018 ESC/EACTS Guidelines on myocardial revascularisation» European Heart Journal, pp. 40:87-165, 2019.
  22. Abazid RM, Khalaf HH, Sakr HI, et al., «Effect of Ramadan fasting on the symptoms of chronic heart failure» Saudi Med J, pp. 39:395-400, 2019.
  23. Al Suwaidi J, Bener A, Hajar HA, et al., «Does hospitalization for congestive heart failure occur more frequently in Ramadan: a population-based» Int J Cardiol, pp. 96:21-217, 2004.
  24. Hassanein M, Bashier A, Randeree H, et al., «Use of SGLT2 inhibitors during Ramadan: an expert panel statement» Diab Res Clin Pract, p. 169:108465, 2020.
  25. ELLIOTT PM et al., «2014 ESC Guidelines on diagnosis and management of hypertrophic cardiomyopathy» European Heart Journal, pp. 35:3227-3337, 2014.
  26. BAUMGARTNER H, DE BACKER J et al., «2020 ESC Guidelines for the management of adult congenital heart disease» European Heart Journal, pp. 42:563-645, 2020.
  27. JAARSMA T et al., «Self-care of heart failure patients: practical management recommendations from the Heart Failure Association of the European Society of Cardiology» European Heart Journal, pp. 23:157-174, 2021.
  28. Mc DONAGH TA, METRA M, et al., «2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure» European Heart Journal, pp. 00:1-128, 2021.
  29. Kahraman S, Dogan A, «Ventricular arrhythmia linked to long intermittent fasting» J Electrocardiol, pp. 58:7-125, 2020.
  30. ZEPPENFELD K, TFELT-HANSEN J et al., «2022 ESC Guidelines for the management of patients with ventricular arrythmias and the prevention of sudden cardiac death» European Heart Journal, pp. 00:1-130, 2022.
  31. January CT, Wann LS, Calkins H, et al, «2019 AHA/ACC/HRS focused update of the 2014 AHA/ACC/HRS guideline for the management of patients with atrial fibrillation» Circulation, pp. 140:51-125, 2019.
  32. Batarfi A, Alenezi H, Alshehri A, et al., «Patient-guided modifications of oral anticoagulant drug during Ramadan fasting: a cross-sectional study» J Thromb Thrombolysis, pp. 51:485-93, 2021.
  33. STEFFEL J et al., «2021 European Heart Rhythm Association Practical Guide on the Use of Non-Vitamin K Antagonist Oral Anticoagulants in Patients with Atrial Fibrillation» Europace, pp. 23:1612-1676, 2021.
  34. PACHA MC, PACHA HC, «The cardiac patient in Ramadan» Avicenna J Med, pp. 06(02):33-6, 2016.
  35. CHAMSI-PACHA H, AHMED WH, AL-SHAIBI KF, «The cardiac patient during Ramadan and Hajj» J Saudi Heart Assoc, pp. 26(4):212-5, 2014.
  36. Pelliccia A, Sharma S, et al., «2020 Guidelines on sports cardiology and exercise in patients with cardiovascular disease» European Heart Journal, pp. 42:17-96, 2020.

Télécharger PDF

                                                          

                                                          

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cardiomyopathie du péripartum : State-of-the-art

I. AFALFIZ, A. KACHENOURA; Service de Cardiologie, Centre Hospitalo-Universitaire Khelil Amrane, Béjaïa, Algérie.

Résumé : La cardiomyopathie du péripartum (CMPP) est une forme d‘insuffisance cardiaque (IC) définie par une fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) inférieure à 45 %, sans aucune cause identifiable, pouvant se développer chez une femme durant le dernier mois de grossesse ou dans les mois qui suivent l’accouchement. Son incidence est plus élevée chez les femmes de race noire, chez les parturientes dont l’âge maternel est avancé, lorsque des troubles hypertensifs de la grossesse sont observés, ou lors de grossesses multiples. Les symptômes de l’IC sont compatibles avec ceux d’une grossesse normale, ce qui entraîne souvent un retard de diagnostic et une survenue de complications évitables. Le diagnostic est posé à l’échocardiographie. La prise en charge est similaire à celle d’une IC à fraction d’éjection réduite. Les molécules prescrites doivent être prises en considération compte tenu de l’état de gestation ainsi que de l’allaitement. L’évolution est variable, nous pouvons observer une récupération complète, une IC persistante, des arythmies, des événements thromboemboliques et rarement le décès. Une grossesse ultérieure comporte un risque accru de rechute, voire de décès, notamment en cas de récupération myocardique incomplète. Des avancées scientifiques concernant la physiopathologie, le traitement optimal, l’impact de l’utilisation de la bromocriptine et la durée du traitement après récupération, sont très attendus.

Mots-clés :  

Abstract : Peripartum cardiomyopathy is a form of heart failure defined by a decrease in left ventricular systolic function of less than FEVG 45 %, without any identifiable cause, occurring in pregnant women during the last month of pregnancy or in the months following delivery. Its incidence is higher in black women and in parturients of advanced maternal age, with hypertensive disorders of pregnancy, or multiple pregnancies. The symptoms of heart failure are compatible with those of a normal pregnancy, often leading to delayed diagnosis and avoidable complications. Diagnosis is made by echocardiography, and management is similar to that of heart failure with reduced ejection fraction, with considerations to be made regarding the molecules prescribed, taking into account gestational status as well as breastfeeding. The progression is variable and include complete recovery, persistent heart failure, arrhythmias, thromboembolic events and rarely death. A subsequent pregnancy carries an increased risk of relapse or even death, particularly in cases of incomplete myocardial recovery. Scientific advances concerning pathophysiology, optimal treatment, impact of bromocriptine use, long-term results and duration of treatment after recovery, are still needed.

Key-words : Cardiomyopathy, peripartum, heart failure, ejection fraction, optimal traitement, bromocriptine, prognosis, myocardial recovery, relapse, death. 

Définition

En 2010, le groupe d’étude sur la CMPP, la Heart Failure Association (HFA) filiale de la Société européenne de cardiologie (ESC), a défini consensuellement la CMPP comme une IC secondaire à un dysfonctionnement systolique du VG survenant vers la fin de la grossesse ou dans les mois qui suivent l’accouchement, lorsqu’aucune autre cause d’IC n’est retrouvée (figure 1). Les Critères diagnostic indiquent que la FEVG est inférieure à 45 % et qu’il peut y avoir ou non une dilatation ventriculaire [1].

La HFA a donc révisé la définition de la CMPP en élargissant les délais diagnostiques. Ainsi, la notion retenue de dernier mois de grossesse et 5 mois du post partum n’est plus d’actualité. Cependant, il est à noter que la plupart des femmes présentent une IC dans le mois suivant l’accouchement [2].

Figure 1 : Définition de la cardiomyopathie du péripartum selon le groupe d’étude sur la CMPP de l’HFA [1]

Epidémiologie

Bien que les données factuelles issues d’essais cliniques randomisés soient rares, le registre mondial prospectif et observationnel en cours sur la CMPP dans le cadre du programme de recherche EURObservational research Programme (EORP), 739 patientes ont été recrutées provenant de plus de 49 pays d’Europe, d’Afrique, d’Asie-Pacifique et du Moyen-Orient, sur une période de 6 ans. Ce registre constitue la plus grande base de données à ce jour, ce registre étudie la présentation clinique, la prise en charge et les résultats des patientes atteintes de CMPP dont les premiers résultats à 6 mois ont été publiés en 2020 dans l’European Heart Journal [3].

Les estimations mondiales de l’incidence de la CMPP varient selon les pays et groupes ethniques, avec des rapports allant jusqu’à 1/100 accouchements au Nigeria et 1/300 accouchements à Haïti, contrastant avec l’incidence au Japon qui est de 1/20 000 accouchements [4].

La tendance générale est à l’augmentation, en raison de l’augmentation de l’âge maternel, des taux accrus de grossesses multi fœtales dues aux techniques de fertilité contemporaines et peut-être à une meilleure reconnaissance de la maladie. De nombreux cas peuvent être méconnus et la véritable incidence est inconnue [4].

Physiopathologie

L’étiologie de la CMPP n’est pas entièrement comprise et est probablement multifactorielle. Les mécanismes suggérés mais non prouvés pour le développement de la CMPP comprennent les carences nutritionnelles, la myocardite virale et les processus auto-immuns [5].

Le stress hémodynamique de la grossesse a été suggéré comme une étiologie potentielle. Cependant, les modifications cardiovasculaires maximales surviennent au cours du deuxième trimestre, période durant laquelle la plupart des femmes atteintes d’une maladie cardiaque préexistante développent une IC symptomatique. En revanche, la majorité des femmes atteintes de CMPP développe des symptômes en fin de grossesse ou dans le post partum [5]. Plus récemment, deux modèles animaux ont permis de retenir l’idée d’un désordre vasculo-hormonal comme hypothèse de la physiopathologie de la CMPP [6].

Lors d’une grossesse normale, un mécanisme de défense antioxydant efficace dans le cœur maternel, en fin de grossesse et durant la période du post-partum, semble crucial et constitue un marqueur de l’augmentation de l’oxydation cellulaire, culminant au dernier trimestre [6,7]. Des données expérimentales dans un modèle murin de CMPP suggèrent que des mécanismes de défense antioxydants défectueux pourraient être responsables du développement de la CMPP par une augmentation du stress oxydatif qui stimule la libération de la cathepsine D dont le rôle principal est le clivage de la prolactine en fragment de prolactine de 16 kDa. Ce dernier présente des propriétés vasculotoxiques et pro-apoptotiques et cause un dysfonctionnement vasculaire et myocardique [7].

En fin de gestation, se produit également la sécrétion placentaire de tyrosine kinase1 de type Fms soluble (sFlt1), qui est un antagoniste du VEGF et du facteur de croissance placentaire. Les taux de sFlt1 sont nettement élevés chez les femmes atteintes de pré-éclampsie et de grossesses multiples, ce qui explique probablement en partie l’importance de la pré-éclampsie comme facteur de risque de la CMPP [6].

La prédisposition génétique à sa part dans la physiopathologie, car dans une étude portant sur 172 patientes atteintes de CMPP, le séquençage ciblé de 43 gènes connus pour être associés à la CMD a révélé une prévalence de 15 % de variants tronquants (c’est-à-dire, non-sens, faux-sens) dont deux tiers intéressent le gène TTN, qui code pour la titine, un composant des sarcomères dans les muscles cardiaques et squelettiques, sa prévalence est de 13 % dans la race noire contre 9 % dans la race caucasienne [8].

En résumé, deux modèles de souris et des données épidémiologiques soutiennent l’idée que la CMPP est en grande partie une maladie vasculaire, déclenchée par le milieu hormonal du péripartum chez des gestantes avec une prédisposition génétique (figure 2).

Figure 2 : Hypothèse vasculo-hormonale et génétique dans la physiopathologie de la CMPP[6].

Facteurs de risque

Plusieurs facteurs de risque (FDR) ont été associés à la CMPP. Ainsi, l’incidence de la CMPP est plus élevée chez les femmes d’ascendance africaine, la PPCM survient 3 à 16 fois plus souvent chez les femmes afro-américaines que chez les femmes blanches (9).

Dans les séries américaines, la pré-éclampsie et l’hypertension sont fortement associées à la CMPP, les grossesses multi gestationnelles sont également signalées dans 7 à 14,5 % des cas [10].

L’âge maternel avancé semble aussi être associé à la CMPP. La CMPP survient chez des femmes âgées de plus de 30 ans dans 50 % des cas. Le diabète, le tabagisme ainsi que la malnutrition sont aussi des facteurs associés [10].

Présentation clinique

La majorité des femmes atteintes de CMPP sont diagnostiquées après l’accouchement, généralement au cours du premier mois du post-partum [2]. Les symptômes d’une IC sont souvent confondus avec ceux d’une grossesse normale, expliquant des retards fréquents de diagnostic [3,11]. La plupart des femmes présentent des signes et des symptômes d’IC, notamment un essoufflement à l’effort, une fatigue, une dyspnée paroxystique nocturne, un œdème et une oppression thoracique. L’examen physique révèle souvent une tachycardie, une turgescence des jugulaires, des râles pulmonaires et des œdèmes périphériques. Une minorité de patientes présentent un choc cardiogénique, des arythmies sévères et des complications thromboemboliques [11, 12] (figure 3).

Figure 3 : Résultats à 6 mois du registre observationnel EORP [12].

Diagnostic clinique

Une échocardiographie doit être effectuée devant tout cas suspect de CMPP car la FEVG est généralement inférieure à 45 % [13]. En plus d’un dysfonctionnement systolique, l’échocardiogramme peut mettre en évidence une dilatation et/ou un dysfonctionnement du ventricule droit, une régurgitation mitrale et/ou tricuspide fonctionnelle, une hypertension pulmonaire. Un thrombus intracardiaque peut survenir dans 17 % des cas et l’apex du VG doit être clairement visualisé, en particulier lorsque la FEVG est sévèrement réduite [14].

Les taux de peptide natriurétique (BNP) et le NT pro-BNP, qui ne changent pas de manière significative pendant une grossesse normale et peuvent être légèrement élevés dans le cadre d’une pré-éclampsie, sont généralement nettement élevés dans la CMPP et sont d’une grande fiabilité pour le diagnostic [15,16,19].

Diagnostic différentiel

La CMPP est un diagnostic d’exclusion, d’autant qu’il n’existe aucun examen complémentaire spécifique pour confirmer le diagnostic. De ce fait, une anamnèse minutieuse est nécessaire pour identifier et éliminer d’autres causes d’IC. Il s’agit notamment de rechercher un antécédent de néoplasie même dans le jeune âge avec prise de chimiothérapie potentiellement cardiotoxique, une cardiopathie valvulaire ou congénitale préexistante, ainsi que des désordres hypertensifs. Des cas de syndrome aigu de Takotsubo ont été signalés au cours du dernier trimestre ou après un accouchement d’urgence, ces derniers nécessitent une évaluation minutieuse pour les différencier de la CMPP[15,16].

Complications

Les complications sont représentées par celles retrouvées au cours d’une IC à FEVG altérée, en plus du risque accru de complications thromboemboliques qui sont de l’ordre de 7 % selon les résultats à six mois du registre EORP [12].

La CMPP est une maladie avec une morbidité et une mortalité maternelles et néonatales importantes. Le taux de mortalité maternelle varie considérablement de 0 à 30 %, selon l’origine ethnique et la région géographique. 

Le registre mondial EORP rapporte une mortalité à 6 mois de 6 %, dont 42 % sont dues à une IC et 30 % à une mort subite. Ainsi, parmi les pays qui ont participé à ce registre, nous retrouvons la Turquie avec un taux de mortalité de 15 à 30 % et l’Afrique du Sud dont le taux de mortalité est de 12 à 28 %. La mortalité précoce observée dans la phase aiguë est souvent due à une IC aigue, à une arythmie maligne et aux événements thromboemboliques. La mortalité ultérieure est principalement due à la détérioration de la fonction VG [12].    

Prise en charge thérapeutique

La prise en charge des patientes atteintes de CMPP rejoint globalement celle de l’IC en prenant en considération certains aspects à savoir, le statut de la patiente qui peut être en gestation ou allaitante et ce, en plus de la gestion de deux autres volets, en premier l’anticoagulation exigée par l’importance du risque de complications thromboemboliques et en second celle du volet neurohormonal représentée par la Bromocriptine, qui n’est encore qu’au stade expérimental [11,14,17]

A. Traitement médical de l’IC

Les traitements de l’IC à type d’inhibiteur du système rénine angiotensine, les antagonistes des récepteurs de l’aldostérone, les inhibiteurs des SGLT2, le sacubitril-valsartan, l’ivabradine, sont contre-indiqués pendant la grossesse et représentent un danger pour la sécurité du fœtus. Néanmoins les bétabloquants, les diurétiques de l’anse, l’hydralazine, les nitrates et la digoxine peuvent être utilisés mais avec précautions [11,14,17].

Après l’accouchement, la plupart des médicaments indiqués dans l’IC sont compatibles avec l’allaitement. Nous citerons comme IEC le captopril et l’énalapril et comme bêta-bloquant le tartrate de métoprolol [5,14,17].

B. Traitement anticoagulant

En raison d’une forte prévalence d’accidents thromboemboliques [11,12,14,17,19], de thrombi intra-ventriculaire gauche chez les femmes souffrant de CMPP [11] et de l’état d’hypercoagulabilité de la grossesse et du post-partum précoce, l’anticoagulation à dose curative est recommandée par les sociétés américaines et européennes de cardiologie en classe I, en cas de présence d’un thrombus intracardiaque ou d’un événement thromboembolique ou d’une FA permanente ou paroxystique [14, 17].

L’anticoagulation peut être envisagée chez les femmes avec une FEVG très abaissée dans le cadre d’une IC ​​aiguë causée par la CMPP, en particulier dans les 6 à 8 premières semaines du post-partum, période durant laquelle l’hypercoagulabilité est la plus prononcée [14, 7].

L’anticoagulation est suggérée par l’American Heart Association lorsque la FEVG est inférieure à 30 % [17], alors que la Société Européenne de Cardiologie suggère l’utilisation d’anticoagulants en prenant une FEVG inférieure à 35 % comme seuil [14]. L’anticoagulation dans cette indication précise doit être au moins à dose prophylactique.

Les AVK et l’héparine de bas poids moléculaire sont deux molécules considérées comme sûres pendant la période d’allaitement. Les anticoagulants oraux directs n’ont pas été étudiés durant la grossesse ou l’allaitement et sont généralement à éviter.

C. Traitement neurohormonal

Une première étude pilote réalisée en Afrique du Sud par l’équipe de Karen Sliwa a suggéré que l’ajout de bromocriptine au traitement médical optimal de l’IC est associé à une plus grande amélioration de la FEVG et à un taux plus faible du critère composite de décès et d’évènements indésirables à 6 mois [19, 20].  Plus récemment, les auteurs d’un essai randomisé de deux régimes différents de bromocriptine (1 semaine chez 27 patientes contre 8 semaines chez 31 patientes) en Allemagne, ont rapporté des résultats similaires dans les deux groupes [19].  Ces chercheurs ont rapporté une association entre la bromocriptine et les résultats favorables, mais l’absence d’un groupe témoin n’ayant pas reçu de la bromocriptine rend les résultats non concluants. Ainsi, l’efficacité et l’innocuité de la bromocriptine pour le traitement de la CMPP restent actuellement incertaines. D’autres essais randomisés contrôlés par placebo sont nécessaires pour définir l’efficacité de cette thérapie. Néanmoins, les sociétés américaines et européennes de Cardiologie suggèrent de l’utiliser chez les patientes avec FEVG abaissée avec un niveau de preuve relativement faible (classe IIb).

Les Thérapies essentielles retenues pour les patientes atteintes de CMPP aiguë ont été résumées sous l’étiquette BOARD : bromocriptine, thérapies orales pour l’IC, anticoagulants, agents vaso-relaxants et diurétiques. Ce protocole a été publié pour la première fois dans l’European Heart Journal en 2019 et adopté dans les recommandations de l’AHA et ACC de 2022 [14, 17, 19](figure 4).

La bromocriptine (2,5 mg une fois par jour) pendant au moins une semaine peut être envisagée en classe IIb, dans les cas non compliqués avec un seuil de FEVG inférieur à 35 %, tandis qu’un traitement prolongé (2,5 mg deux fois par jour pendant 2 semaines, puis 2,5 mg une fois par jour pendant 6 semaines) peut être envisagé chez les patientes présentant une FE inférieure à 25 % et/ou un choc cardiogénique. Le traitement par la bromocriptine doit toujours être associé à une anticoagulation, au moins aux posologies prophylactiques [14, 17, 18, 19, 20].

Figure 4 : Etiquette BOARD résumant le traitement des patientes atteintes de CMPP [19].

D. Durée du traitement

Le traitement médicamenteux combiné et optimisé de l’IC doit être maintenu chez toutes les patientes   jusqu’à récupération complète de la fonction myocardique et pendant au moins 12 à 24 mois après la récupération complète de la fonction VG. Après une guérison complète, la durée pendant laquelle le traitement médical doit être poursuivi est inconnue.  

Si la patiente envisage une grossesse ultérieure (à la suite d’un processus de prise de décision en connaissance de cause quant au risque substantiel de récidive et de mortalité), le traitement médicamenteux peut être arrêté sous surveillance étroite pendant environ 6 mois avant de permettre une conception et une grossesse [17].

CMPP et contraception 

La contraception doit être discutée au moment du diagnostic ou avant la sortie de l’hôpital. L’utilisation de contraceptifs hormonaux combinés contenants des œstrogènes et des progestatifs devrait être évitée en raison du risque accru de complications thromboemboliques.

Les dispositifs intra-utérins (DIU libérant du cuivre et des progestatifs) sont des méthodes contraceptives très efficaces et durables qui n’augmentent pas le risque thromboembolique. Les méthodes contraceptives de barrière ne sont pas recommandées en raison de leur taux d’échec élevé [14, 17].

CMPP et allaitement

La CMPP a souvent constitué une contre-indication à l’allaitement en raison des exigences métaboliques et de la stimulation de la prolactine. Le rationnel est que l’arrêt de la lactation permet un traitement sûr avec tous les médicaments établis pour l’IC (recommandation de classe IIb) [14]. Ces patientes présentent très souvent une IC sévère empêchant l’allaitement, avec des FEVG très abaissées, les rendant potentiellement éligibles à un traitement à base de bromocriptine. 

L’allaitement est toléré par de nombreuses femmes atteintes de CMPP en raison de leur hémodynamique stable. L’Organisation Mondiale de la Santé indique que l’allaitement maternel confère également des avantages physiques et psychologiques importants aux nourrissons et aux mères, en particulier dans les pays en développement [21].

Pronostic

Bien que le pronostic des patientes atteintes de CMPP soit plus favorable par rapport aux autres cardiomyopathies, les résultats (en particulier la récupération de la fonction VG et la mortalité) diffèrent significativement à l’échelle mondiale en fonction des groupes raciaux, de la région géographique et de la durée du suivi. Ainsi, l’ethnie afro-américaine est fortement associée à des taux de récupération plus faibles et plus longs, à des résultats plus défavorables ainsi qu’à une mortalité plus élevée [3, 11].

Une FEVG initiale inférieure à 30 %, une dilatation marquée du VG (diamètre télédiastolique du VG ≥ 60 mm) et une atteinte du VD sont associées à des résultats indésirables. Parmi les divers facteurs pronostiques qui ont été étudiés, la FEVG au moment du diagnostic est le prédicteur le plus fiable d’événements indésirables ou de récupération à long terme [14, 17, 18].

La plupart des études chez les patientes atteintes de CMPP n’ont rapporté que la fonction VG lors d’un suivi de 6 mois. Le rétablissement complet (principalement défini comme FEVG > 50 à 55 %) varie largement en fonction de l’ethnie et de la région géographique. Les études prospectives et les registres qui incluent des patientes avec un suivi supérieur ou égal à 12 mois rapportent des taux relativement élevés de récupération de la fonction VG chez les patientes atteintes de CMPP. L’étude multicentrique IPAC (Investigations of Pregnancy-Associated Cardiomyopathy) a analysé 100 femmes américaines atteintes de CMPP, la récupération de la FEVG a été observée chez 72 % des femmes après 12 mois de suivi [22]

Dans une série turque, la récupération de la FEVG est présente dans 47,6 %. Il est important de noter que plus de 50 % des patientes qui se rétablissent l’ont été au-delà de 12 mois après le diagnostic initial. Dans le registre international observationnel EORP, le taux de récupération myocardique complète est de 46 % [12].

CMPP et grossesses ultérieures

Les grossesses ultérieures chez les femmes ayant déjà eu une CMPP sont associées à un taux considérable de récidive, de décès maternel et à des issues fœtales indésirables [14, 17, 18, 19, 20, 22]. Le déterminant pronostique le plus fort est la FEVG inférieure à 50 % avant une grossesse ultérieure [18, 22].  Lorsque la FEVG reste inférieure à 50 – 55 % donc une récupération myocardique incomplète, une grossesse ultérieure doit être déconseillée. Même avec une FEVG normalisée, des conseils sont nécessaires en raison d’une récidive potentielle, avec une prise en charge multi-disciplinaire experte [18, 19, 20, 22].

Conclusion

La cardiomyopathie du péripartum est une maladie rare et potentiellement mortelle. Bien que différentes hypothèses génétiques, vasculo-hormonales, inflammatoires et immunologiques aient été discutées, les mécanismes pathogéniques exacts sont encore incomplètement compris. Son pronostic est très variable et sa forme clinique peut aller d’une IC légère à sévère. Un peu moins de la moitié des patientes présenteront une récupération de la FEVG dans les 6 mois suivant le diagnostic, mais la récupération complète peut être retardée. Bien que le rôle de la bromocriptine soit prometteur en matière de récupération myocardique, des essais cliniques randomisés sont encore nécessaires.

Liste des abréviations :

ACC : American College of Cardiology

AVK : Anti-vitamine K

CMD : Cardiomyopathie dilatée

CMPP : Cardiomyopathie du péripartum

ESC : European Society of Cardiology

EORP : EURObservational Research Programme

FA : Fibrillation atriale

FEVG : Fraction d’éjection du VG

HFA : Heart Failure Association

IC : Insuffisance cardiaque

VD : Ventricule gauche

VG : Ventricule droit

Date de soumission : 08 novembre 2023.

Références

  1.  Sliwa K et al. Current state of knowledge on etiology, diagnosis, managment and therapy of peripartum cardiomyopathy. A position statement from the heart failure association of the ESC working group of PPCM. Eur J heart failure 2010 ; 12 : 767 -778
  2.  Elkayam U, et al. Clinical caracteristics of peripartum cardiomyopathy in the united states : Diagnosis, prognosis and management. J Am Coll Cardiol. Août 2011, 58 (7) 659-670.
  3.  K. Sliwa. Registre ESC EORP, European Heart Journal, Volume 41, Numéro 39, 14 octobre 2020, Pages 3787–3797
  4.  Honigberg MC, Givertz MM. Peripartum cardiomyopathy. BMJ. 2019 Jan 30;364:k5287. doi: 10.1136/bmj.k5287. PMID: 30700415.
  5. Melinda Davis et al, Peripartum Cardiomyopathy, state of the art review. JACC vol 2020, N° 2
  6. Natalie A. Bello, Molecular mechanisms of peripartum cardiomyopathy: A vascular/hormonal hypothesis, Trends in Cardiovascular Medicine, Volume 25, Issue 6,2015,Pages 499-504,
  7. Denise Hilfiker-Kleine et al., Cell 128, 589–600, February 9, 2007.
  8. Ames S. et al. Shared Genetic Predisposition in Peripartum and Dilated Cardiomyopathies for the IMAC-2 and IPAC Investigators* NEngl J Med 2016; 374:233-241
  9. Dhaval Kolte et al, Journal of the American Heart Association. 201410 Lisa M. Mielniczuk, et al, Frequency of Peripartum Cardiomyopathy, The American Journal of Cardiology, Volume 97, Issue 12,2006, Pages 1765-176
  10. Natalie Bello, The Relationship Between Pre-Eclampsia and Peripartum Cardiomyopathy: A Systematic Review and Meta-Analysis, Journal of the American College of Cardiology, Volume 62, Issue 18,2013,Pages 1715-1723
  11. Ruys TP and al. Heart failure in pregnant women with cardiac disease : Data from the ROPAC. Heart 2014 ; 100 : 231-238
  12. Eur Heart J, Volume 41, Issue 39, 14 October 2020, Pages 3787–3797
  13. Briasoulis A, Mocanu M, Marinescu K, et al. Longitudinal systolic strain profiles and outcomes in peripartum cardiomyopathy. Echocardiography 2016;33:1354–60.
  14. Vera Regitz-Zagrosek and al. 2018 ESC Guidelines for the management of cardiovascular diseases during pregnancy. European Heart Journal (2018) 39, 3165–3241
  15. Resnik JL, Hong C, Resnik R, et al. Evaluation of B-type natriuretic peptide (BNP) levels in normal and preeclamptic women. Am J Obstet Gynecol 2005;193:450–4.
  16. Hameed AB, Chan K, Ghamsary M, Elkayam U. Longitudinal changes in the B-type natriuretic peptide levels in normal pregnancy and postpartum. Clin Cardiol 2009;32:E60–2.
  17. Paul A. Heidenreich, and al. 2022 AHA/ACC/HFSA Guideline for the Management of Heart Failure. Journal of the American College of Cardiology Vol . 79 N°. 17, 2022.
  18. Hilfiker-kleiner et al. Bromocriptine for the treatment of PPCM : A muti centre randomized study. European heaurt journal 2017 ; 38 : 2671-2679.
  19. Johann Bauersachs ans al. Physiopathology, diagnosis and management of PPCM : position statement from the Heart Failure association of the ESC. European J of Heart Failure, Vol 21, Issue: 7, Pages: 827-843, First published: 27 June 2019, DOI: (10.1002/ejhf.1493)
  20. K. Silwaand al. Evaluation of Bromocriptine in the treatment of acute severe peripartum cardiomyopathy : a proof-of- concept pilot study. Circulation. 2010;121:1465–1473
  21. Koczo et al. Breastfeeding, cellular immune activation and myocardial recovery in PPCM. J Am Coll Cardiol Basic Trans Science : 2019 4(3) 291-3000
  22. Mc Namara D, Elkayam U, Alharethi R et al. Clinical outcomes of the CMPP in north america. J Am Coll Cardiol. Août 2015, 66 (8) 905-914

Télécharger PDF

Précautions à prendre avant de prescrire une statine

L. MANAMANI ;Service de Cardiologie, CHU ANNABA.

Résumé : L’usage des statines est largement répandu, que ce soit en prévention primaire ou secondaire des maladies vasculaires. Il est recommandé de prescrire une statine à forte dose jusqu’à la dose maximale tolérée afin d’atteindre la cible LDL-cholestérol du groupe spécifique de risque cardiovasculaire de la personne. Certaines précautions sont à prendre et qui se justifient avant l’instauration d’un traitement par statine pour une meilleure gestion de notre prescription, une bonne tolérance et une observance thérapeutique tels que : la recherche d’une hypercholestérolémie secondaire, reconnaître les facteurs de risque de développer des effets secondaires, les interactions médicamenteuses et demander les bilans nécessaires.

Mots-clés : Statine, tolérance, gestion de prescription.

Abstract: The use of statins is widespread, whether for primary or secondary prevention of vascular diseases. It is recommended to prescribe a high-dose statin up to the maximum tolerated dose in order to reach the LDL-cholesterol target of the person’s specific cardiovascular risk group. Certain precautions are to be taken and which are justified before the initiation of statin treatment for better management of our prescription, good tolerance and therapeutic compliance such as: the search for secondary hypercholesterolemia, recognizing the risk factors for develop side effects, drug interactions and request the necessary check-ups.

Key-words:  Statin, tolerance, prescription management.

L’usage des statines est largement répandu, que ce soit en prévention primaire ou secondaire des maladies vasculaires.

Il est recommandé de prescrire une statine à forte dose jusqu’à la dose maximale tolérée afin d’atteindre la cible LDL-cholestérol du groupe spécifique de risque cardiovasculaire de la personne.

Le LDL-cholestérol reste la principale cible thérapeutique et l’analyse du LDL-C est recommandée comme principale méthode d’analyse des lipides pour le dépistage, le diagnostic et la prise en charge.

Certaines précautions à prendre se justifient avant la prescription d’une statine, à savoir :

1.Eliminer une hypercholestérolémie secondaire

Les causes les plus fréquemment décrites sont : l’Hypothyroïdie, la Cholestase, le Syndrome néphrotique, la prise de médicaments tels que les immunosuppresseurs et les corticostéroïdes, la grossesse, le syndrome de Cushing et l’anorexie mentale (1).

2. Ne pas surprescrire ou sous-prescrire les statines

L’évaluation du risque cardiovasculaire constitue le préalable indispensable à la prise de décision permettant de commencer ou non un traitement par hypolipémiant. L’évaluation globale systématique du risque cardiovasculaire est recommandée chez les individus présentant au moins un facteur de risque majeur. L’évaluation du risque cardiovasculaire chez les individus apparemment sains doit passer par l’utilisation des scores : SCORE2 avant 70 ans et SCORE2-OP à partir de 70 ans.

Les patients avec athérosclérose établie, diabète, insuffisance rénale chronique, hypertension artérielle ou dyslipidémie génétique, doivent être considérés comme à haut ou très haut risque cardiovasculaire.

Les seuils de Risque absolus et d’intervention sont à moduler selon l’âge « Eviter une prescription abusive de statine chez les sujets âgés et ne pas traiter les sujets jeunes ».

Les seuils sont plus bas chez les sujets jeunes. L’âge étant un « driver majeur » du risque cardiovasculaire ; mais le bénéfice du traitement des facteurs de risque sur toute la vie est plus important chez les plus jeunes.

En dehors des facteurs de risque cardiovasculaire conventionnels, certaines pathologies modifient le risque coronarien et devraient être recherchées, nécessitant une prise en charge spécifique, telles que: l’isolement social, le stress psycho-social, l’inflammation chronique, les troubles psychiatriques majeurs, le VIH, la fibrillation atriale, l’hypertrophie ventriculaire gauche, le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) et la stéatose hépatique non alcoolique (2).

3. Les modifications du mode de vie

Une optimisation du mode de vie est recommandée pour diminuer le risque cardiovasculaire :

  • Régime méditerranéen ou équivalent :  Consommer des fruits et des légumes crus et cuits, préférer les lentilles, haricots, fèves, petits pois…  Les poissons et la volaille (sans peau) sont recommandés par rapport au bœuf, fruits de mer ou encore crustacés. Éviter les fritures et privilégier les modes de cuisson : cuire à la vapeur, griller ou bouillir.
  • Ne pas prendre de pamplemousse (jus et fruit) qui interagit avec deux statines : la simvastatine et l’atorvastatine, pouvant exposer à un risque de surdosage et une augmentation des effets indésirables.
  • Diminution de la consommation d’alcool
  • Sevrage tabagique
  • Activité physique
  • Réduction du poids (IMC 18-25 à < 30 Kg/m2 ou Tour de taille < 88 cm chez la femme et < 102 cm chez l’homme)
  • Un temps de sommeil suffisant (6 – 8 heures/nuit) (3)

4. Adaptation de la dose de statine

Le choix du traitement pharmacologique repose sur l’évaluation de l’écart entre les taux de LDL-cholestérol (LDL-c) du patient et ses objectifs théoriques.

Les objectifs thérapeutiques en termes de LDL-C n’ont pas changé entre guidelines ESC 2019 et ESC 2021.

Les objectifs de LDL-C sont modulés selon le niveau de risque.

Chez les sujets ayant une maladie cardiovasculaire athéromateuse avérée, l’objectif thérapeutique est de ramener le niveau de LDL-C au-dessous de 0,70 g/l (et une baisse d’au moins 50 %). Chez les sujets étant particulièrement à haut risque (par exemple ceux ayant des évènements récurrents), ce seuil doit être abaissé à 0,55 g/l voir inférieur à 0,40 g/l en cas de deuxième événement cardiovasculaire en deux ans (4, 5).

Ainsi, si l’objectif est d’atteindre une diminution de 50 % du LDL et si le LDL de base était proche de 0,55 g/l, il faudra proposer d’emblée une statine puissante à sa dose maximale disponible ; mais si le LDL de base est supérieur au double de la valeur cible, l’ajout d’Ezétimibe devra être envisagé d’emblée.

Il y a intérêt de choisir une statine puissante (atorvastatine ou rosuvastatine), de titrer la posologie et/ou d’ajouter de l’Ezétimibe (ou un inhibiteur de la PCSK9) chez le patient à très haut risque cardiovasculaire.

En termes de baisse des taux de cholestérol, l’efficacité des statines reste assez variable selon les individus (il y a des patients identifiés “hyper-répondeurs” et des patients identifiés “mauvais répondeurs”).

En pratique, il faudrait débuter avec une molécule puissante mais à faible dose, du fait de la dose-dépendance des effets secondaires.

5. Existe-t-il un risque à faire baisser le LDL-C aussi bas ?

De nombreuses données suggèrent que plus le LDL est abaissé, plus la réduction du risque est importante, en particulier en prévention secondaire.

Des taux de cholestérol très bas sont observés chez les nourrissons/ jeunes enfants et dans certaines populations adultes, sans dommages particuliers.

Des études disponibles (FOURIER, ODYSSEY) rapportent que les inhibiteurs de la PCSK9, en association avec une statine, permettent de réduire les taux de LDL < 50 mg/dl sans effets indésirables apparents(6).

6. Qui risque de développer des effets secondaires avec les statines ?

Il faut identifier les facteurs pouvant favoriser le risque de développer des effets secondaires avec les statines :

  • Facteurs liés au patient : Age avancé (> 80 ans), sexe féminin, faible indice de masse corporelle (≤ 21), maladies chroniques telles que l’hypothyroïdie non traitée, l’insuffisance rénale et l’insuffisance hépatique chronique et la consommation excessive d’alcool.
  • Facteurs liés au traitement : Dose élevée des statines, interactions médicamenteuses (voir ci-après), ajout d’autres hypolipémiants (tels que l’acide nicotinique ou fibrates), dysfonction hépatique (élévation des enzymes hépatiques de plus de trois fois la limite supérieure normale), le diabète et la myopathie (7).
  1. L’augmentation du risque de diabète avec les statines doit-elle limiter leur utilisation ?

Les patients diabétiques de type 2 ont un risque accru de développer une maladie cardiovasculaire.

Les statines réduisent le risque relatif de complications cardiovasculaires de façon comparable chez les personnes avec et sans diabète.

Les statines augmentent légèrement l’incidence de nouveaux cas de diabète de l’ordre de 10 %. Cette augmentation n’est observée que chez les personnes prédisposées (famille, obésité, syndrome métabolique), pour lesquels des conseils et une surveillance s’imposent.

– Le rapport bénéfice/risque reste largement en faveur de la prescription d’une statine (NNT/NNH) : 5 infarctus ou décès évités pour 250 patients traités pendant 4 ans avec statine et réduction du LDL à 40 mg/dl ; contre 1 nouveau cas de diabète pour 250 patients traités pendant 4 ans avec statine (8).

  • Quelle est la relation statines-cancers selon les données les plus récentes ?

Des études épidémiologiques ont investigué les relations entre les taux bas de cholestérol et le risque de cancer.

Les statines ont été un moment, suspectées d’aggraver le risque de cancer, ce qui annihilerait leur effet positif de protection CV.

Certaines études ont montré un effet protecteur des statines sur le développement des cancers (prostate notamment).

Les études et méta-analyses les plus récentes suggèrent un effet neutre des statines vis-à-vis du développement ou de la progression d’un cancer et de la mortalité associée (8).

  • Quel est l’impact des statines sur le fonctionnement du cerveau ?

Le cerveau est un organe riche en lipides, d’où l’hypothèse d’un effet potentiellement nocif des statines sur le fonctionnement cérébral.

Les accidents vasculaires cérébraux (ischémiques) représentent une complication importante de l’athérothrombose, dont l’incidence peut être diminuée par les statines.

Les statines ne sont pas associées à des troubles cognitifs, que ce soit chez les sujets jeunes ou âgés.

Les effets des statines sur la prévention de la maladie d’Alzheimer restent controversés (8).

7.  Ne pas méconnaitre les interactions médicamenteuses

Nous observons une augmentation de l’effet de toxicité des statines (surtout pour la Lovastatine, l’Atorvastatine et la Simvastatine) en présence de : l’Amiodarone, la dronédarone ; les macrolides (clarithromycine, azithromycine, érythromycine et télithromycine) ; les antifongiques (fluconazole, itraconazole et kétoconazole, voriconazole) ; le Diclofénac ; les Cyclosporines et les bloqueurs des canaux calciques (diltiazem, vérapamil) (4).

Les médicaments à risque potentiel d’interagir avec les statines, métabolisés par le CYP3A4,
conduisent à un risque accru de myopathie et de rhabdomyolyse.

8. Quelques définitions à connaître ?

Il faut différencier myalgie vs myopathie vs rhabdomyolyse, afin d’authentifier la réalité de l’effet indésirable :

Myalgie : douleur musculaire sans élévation de la créatine Kinase.

Myopathie : terme général faisant référence à une pathologie des muscles.

Rhabdomyolyse : symptômes musculaires avec une élévation significative des CK (> 10x la limite supérieure normale) et une élévation de la créatinine (en général avec des urines brunes et la myoglobine dans les urines) (9).

9. Quels bilans biologiques demander ?  Pourquoi ?

  1. Monitoring des CPK

Le monitoring des CPK n’est pas conseillé avant l’initiation de la statine, sauf dans les situations à risque suivantes : douleurs musculaires préexistantes, insuffisance rénale modérée à sévère, hypothyroïdie, antécédents personnels ou familiaux de maladie musculaire génétique, abus d’alcool, âge supérieur à 70 ans, d’autant plus qu’il existe d’autres facteurs de risque musculaire.

Si le taux de CK initial est > 5× la norme, il est recommandé de ne pas instaurer de traitement médicamenteux et de contrôler de nouveau les enzymes musculaires (7).

  • Surveillance hépatique [Alanine Aminotransférase (ALAT)]

Le dosage devra se faire avant le traitement et 8 semaines après le début du traitement médicamenteux ou après toute augmentation de la posologie, ensuite tous les ans si ALAT < 3 × N (normale).

Si ALAT ≥ 3 × N, arrêter la statine ou réduire la posologie, contrôler les enzymes hépatiques après 4 à 6 semaines et réintroduire prudemment le traitement lorsque les ALAT sont revenues à une valeur normale (7).

  • Efficacité de la prise en charge

Après avoir débuté la prise en charge, un bilan lipidique est recommandé dans un délai de 12 à 24 semaines pour les niveaux de risque cardiovasculaire faible et modéré et de 8 à 12 semaines pour les niveaux de risque cardiovasculaire élevé et très élevé.

Par la suite, un bilan lipidique est recommandé 8 à 12 semaines après chaque adaptation du traitement, jusqu’à obtention des valeurs cibles.

Dès que la concentration de cholestérol cible est atteinte, une consultation annuelle est recommandée avec bilan, permettant : d’aborder l’adhésion au traitement et aux changements du mode de vie et la gestion des facteurs de risque cardiovasculaire.

L’intensification du traitement hypolipémiant est à envisager en cas de réponse thérapeutique insuffisante malgré une prise en charge bien suivie (7).

10. Est-ce dangereux d’arrêter de prendre des statines ?

L’Analyse des données de santé de 120 173 patients, âgés de 75 ans, entre 2012 et 2014, sous statines en prévention primaire depuis au moins 2 ans, retrouve que 17 204 (14,3 %) ont arrêté leurs statines et 5 396 (4,5 %) ont été hospitalisés pour un problème cardiovasculaire. Chez les personnes ayant arrêté leur traitement, le risque d’hospitalisation était de 33 % plus important. « Ces patients ont présenté 2,5 événements cardiovasculaires supplémentaires pour 100 personnes » (10).

Conclusion

L’Estimation du risque cardiovasculaire reste un temps capital dans la décision thérapeutique, de même que l’identification de la cible de LDL-C selon le niveau de risque.

Les statines restent une des principales armes thérapeutiques dont nous disposons sans omettre les changements d’habitude de vie pour lesquels il faut impliquer le patient.

Il reste important de se poser un certain nombre de questions et de réaliser certains bilans pour une meilleure gestion de notre prescription.

02 grands challenges : la cible de LDL-C et la bonne tolérance et observance thérapeutique.

Références

  1. A. Fredenrich. Dyslipidémies secondaires – 18/12/09 [10-368-F-10] – Doi : 10.1016/S1155-1941(10)51265-4
  2. 2021 ESC Guidelines on CVD prevention in clinical practice. Frank L.J. Visseren et al. Eur Heart J 2021
  3. Pearson GJ, et al.2021 CCS Guidelines for the Management of Dyslipidemia for the Prevention of Cardiovascular Disease in the Adult. CIC. 2021;0(0). Doi: 10.1016/j.cjca.2021.03.016
  4. Mach F, Baigent C, Catapano AL, Koskinas KC, Casula M, Badimon L, et al. 2019 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidemias: lipid modification to reduce cardiovascular risk. Eur Heart J. 2020 Jan 1 ;41(1) :111–88
  5. Prévention et traitement selon les guidelines ESC 2019 sur la prise en charge des dyslipidémies. Adapté de Zeitouni al. 2019 ESC/EAS Guidelines for management of dyslipidemia: strengths and limitations. Eur. Heart J. – Cardiovasc. Pharmacother.
  6. Furtado, Remo, Giugliano, Robert. 2020/02/05. What Lessons Have We Learned and What Remains to be Clarified for PCSK9 Inhibitors? A Review of FOURIER and ODYSSEY Outcomes Trials. 0.1007/s40119-020-00163 – Cardiology and therapy-
  7. RUSHGQ Gestion des dyslipidémies en UCDG 2022
  8. O.S. Descamps et al. Les nouvelles recommandations européennes pour le traitement des dyslipidémies en prévention cardiovasculaire. Rev Med Liège 2012 ; 67 :3 :118-127
  9. Christine Brosteaux, Juan Ruiz, Thierry Buclin, Thierry Kuntzer, Nicolas Rodondi Rev Med Suisse 2010 ; volume 6.510-517
  10. https://www.inserm.fr/magazine/inserm-magazine-n46. 25/06/2020

Télécharger PDF