Marqueurs tumoraux : Utilité en cancérologie et en pratique clinique

Les marqueurs tumoraux sont des substances présentes dans le sang (ou éventuellement les urines), des malades cancéreux de façon anormale, et qui signent de façon plus ou moins spécifique la présence de cancer

04 Août 2018

F. Hadjarab, K. bouzid,
Centre Pierre & Marie Curie, Alger.

Résumé

Les marqueurs tumoraux sont des substances présentes dans le sang (ou éventuellement les urines), des malades cancéreux de façon anormale, et qui signent de façon plus ou moins spécifique la présence de cancer. Cet examen peut s’avérer utile à différentes étapes de la prise en charge : du diagnostic du cancer à l’évaluation de l’efficacité du traitement, ou encore lors du suivi des patients, et permet ainsi d’estimer le risque de récidive. Dans cet article nous aborderons les marqueurs tumoraux, ainsi les tumeurs concernées pour chacun d’eux et leur utilité en pratique clinique ; ainsi que l’expérience du service d’oncologie médicale concernant les marqueurs tumoraux utilisés dans le cancer de l’ovaire notamment les CA125 et CA199.

Mots-clés :

Marqueurs tumoraux, diagnostic du cancer, suivi, rechute.

Abstract

Tumor markers are substances abnormally present in the blood (or possibly the urine), of cancer patients, which indicates more or less specifically the presence of cancer. This test can be useful at different stages of the treatment: from the diagnosis of the cancer to the evaluation of the effectiveness of the treatment, or during the follow-up of the patients, and thus makes it possible to estimate the risk of relapse. In this article we will discuss the tumor markers, the tumors involved for each of them and their usefulness in clinical practice; as well as the experience of the medical oncology department concer- ning tumor markers used in ovarian cancer, in particular CA125 and CA199.

Key-words :

Tumor markers, cancer diagnosis, follow-up, relapse.

Introduction

Les marqueurs tumoraux sont des substances présentes dans le sang (ou éventuellement les urines) des malades cancéreux de façon anormale, et qui signent de façon plus ou moins spécifique la présence de cancer. Mais ils peuvent aussi être fabriqués par le corps lorsqu’une tumeur se développe, ou par les cellules cancéreuses elles-mêmes. Les marqueurs tumoraux peuvent êtres spécifiques à certains cancers, ou communs à différents cancers. Il faut savoir que le dosage de certains marqueurs tumoraux peut être élevé sans mise en évidence systématique d’une affection cancéreuse sous-jacente.

Ces analyses sont souvent complétées par différents examens pour confirmer le diagnostic d’un cancer comme l’échographie, le scanner, l’I.R.M., la scintigraphie, la radiographie ; parfois la fibroscopie et l’indispensable biopsie.

Comment détecter les marqueurs tumoraux

Les marqueurs tumoraux sont habituellement détectés dans le sang, dans les urines, dans les tumeurs et autres tissus du corps, à l’occasion d’un bilan biologique.

Utilité du dosage des marqueurs tumoraux

Le dosage des marqueurs tumoraux peut être utile à différents stades de la prise en charge d’un cancer : pour son dépistage, son diagnostic, la détermination du son stade (propagation) ou de son pronostic (agressivité de la tumeur). Il est également utile pour choisir et surveiller le traitement, évaluer son efficacité (réponse) ou encore pour estimer le risque de récidive.

A. Pour dépister la maladie ?

L’utilisation d’un marqueur pour le dépistage n’est guère envisageable. Même un marqueur très sensible (90 %) et très spécifique (90 %) ne permet pas en effet, une détection efficace.

Actuellement, une telle attitude n’est recommandée pour aucune pathologie, compte tenu des risques encourus par les sujets bien portants inutilement testés et du coût d’une telle attitude. Le dosage du PSA au cours du cancer de la prostate fait peut-être exception.

Le dosage de certains marqueurs tumoraux pourrait avoir un intérêt pour la détection précoce d’un cancer chez les populations à haut risque, comme par exemple le dosage de la thyrocalcitonine dans les cancers médullaires de la glande thyroïde, ou la mesure de l’AFP pour détecter la survenue d’un cancer du foie (hépato carcinome) chez des patients souffrant de cirrhose.

B. Pour diagnostiquer la maladie ?

Un dosage élevé d’un marqueur tumoral ne sert pas à faire le diagnostic de cancer. Aucune équipe médicale ne mettra en place un traitement uniquement basé sur une élévation du taux de marqueurs tumoraux en dehors de cas très précis.

Dans un contexte clinique évocateur comme une grosse prostate, des lésions osseuses, l’élévation du PSA est importante pour le diagnostic de cancer de la prostate.

Chez un homme jeune, l’existence de métastases gan- Foie glionnaires ou pulmonaires, un dosage élevé d’AFP ou de bêta-HCG est évocateur d’un cancer du testicule. AFP Testicule

C. Pour préciser le pronostic de la maladie ?

Le dosage des marqueurs tumoraux a un intérêt certain. Ovaire Il permet de juger l’importance de l’extension tumorale et parfois faire le diagnostic d’une extension de la mala- CA 125 Endomètre die non encore visible en imagerie médicale. CA 15-3 Sein 1

<p À titre d’exemple, le dosage des marqueurs tumoraux est important dans le suivi du cancer du testicule et pour affirmer sa guérison. p>

D. Évaluer l’efficacité des traitements ?

C’est un bon moyen, simple, pour suivre l’efficacité du traitement mis en œuvre.

La connaissance de l’évolution du taux de marqueurs tumoraux est importante. Une normalisation du taux des marqueurs tumoraux, lorsqu’il était élevé, après untraitement local (chirurgie) est un argument pour dire que la tumeur a été complètement enlevée.

E. Pour le suivi après traitement afin de détecter précocement une rechute éventuelle ?

Le dosage des marqueurs tumoraux est utile car une élévation précède en moyenne de 6 mois l’apparition de lésions visibles.

Cette élévation constitue souvent le premier signe de rechute avant les signes cliniques et d’imagerie médicale

Cette information est très importante pour certaines localisations comme le cancer du testicule ou le cancer

de la thyroïde, car l’instauration rapide d’un traitement approprié permet d’obtenir une guérison.

F. La répétition des dosages :

Il n’a pas encore démontré s’il est utile de traiter les malades au moment de leur rechute biologique ou au moment de leur rechute clinique.

Comme nous ne savons pas quelle est la meilleure attitude, il n’est pas sûr que l’attitude trop fréquemment rencontrée de doser très régulièrement les marqueurs, à chaque visite de surveillance, soit vraiment utile ; ni sur le plan de la thérapeutique, ni sur le plan psychologique.

La surveillance clinique est souvent suffisante.

Tableau 1 : Utilité des marqueurs tumoraux/Localisations tumorales

G. Variations des marqueurs tumoraux selon le stade

Le niveau du marqueur reflète en général, la masse tumorale : le taux est plus constamment augmenté au cours des formes évoluées qu’au cours des formes débutantes, et il augmente avec la progression de la maladie.

L’élévation très importante de l’ACE1 est en rapport avec le stade des cancers coliques : un taux bas fait présager une évolution locale, un taux élevé fait craindre la présence de métastases ganglionnaires voire d’une métastase hépatique. Cette notion est utilisée au cours de la discussion du traitement des cancers de la prostate, apparemment localisés. Un taux élevé de PSA fait craindre une atteinte tumorale. Au delà de 30 ng/ml, il est peu probable que le cancer soit limité à la prostate.

marqueurs tumoraux 2Tableau2:Variationsdesmarqueurstumoraux

marqueurs tumoraux 3Tableau 3 : Variations des marqueurs tumoraux PSA ACE selon le stade selon le stade et score de Gleason.

H. Valeur pronostique initiale des marqueurs tumoraux :

Le niveau initial d’un certain nombre de marqueurs, possède un certaine valeur pronostique.

Chez les patients atteints d’un cancer métastatique de la prostate, le taux initial avant hormonothérapie permet d’évaluer les possibilités de rémission. De même, le taux initial du dosage de la b-HCG et des a-fœto-protéine dans les tumeurs du testicule avec métastases est un facteur de pronostic important.

I. Valeur pronostique évolutive des marqueurs tumoraux :

Un facteur important de pronostic est la diminution du taux du marqueur en cours de traitement.

Dans les adénocarcinomes de l’ovaire, une absence de retour à la normale du Ca 125 après 3 cures de chimiothérapie signe une résistance à la chimiothérapie.

Une chute trop lente de la -HCG ou de l’AFP dans les tumeurs testiculaires prédit un non succès de la chimiothérapie.

J. Prédiction de la rechute des marqueurs tumoraux :

L’étude prolongée des taux de Ca 125 permet de prédire la rechute des cancers de l’ovaire, 6 mois à un an avant l’apparition des signes cliniques.

Les difficultés psychologiques engendrées par les varia- tions non significatives du Ca 125 peuvent pousser à une attitude de non-dosage systématique. Ainsi, l’utilité de la prédiction de la rechute est discutable.

Bien que sur le plan pratique, nous ayons remarqué que pour les tumeurs sécrétantes (séreuses), dès qu’il y a réascension des CA125, quelques mois après, les lésions de rechutes apparaitront à l’imagerie (TDM ou IRM).

Caractéristiques des marqueurs tumoraux

Le marqueur idéal devrait avoir une capacité de discri- mination complète grâce à d’excellentes spécificité et sensibilité, permettant des valeurs prédictives positives et négatives maximales. Il devrait également avoir un faible coût. Mais ce marqueur idéal n’existe pas !

La sensibilité d’un test est la probabilité que ce test soit positif si la personne est atteinte de la maladie,

La spécificité d’un test est la probabilité que ce test soit négatif si la personne testée est indemne de la maladie,

La valeur prédictive positive (VPP) est la probabilité positive que le patient, dont le test est positif, soit effectivement malade,

La valeur prédictive négative (VPN) est la probabilité négative que le patient, dont le test est négatif, ne soit pas malade.

Les principaux marqueurs tumoraux :

Parmi les marqueurs utilisés couramment en oncologie, on distingue les marqueurs dits «classiques», pour la plupart, des protéines sériques et les marqueurs moléculaires tissulaires. Schéma montrant marqueurs tumoraux selon localisation tumorale.

marqueurs tumoraux 5Tableau 4 : Marqueurs classiques utiles au suivi thérapeutique en situation métastatique.

A. Marqueurs tumoraux classiques

marqueurs tumoraux 4a. Antigène prostatique spécifique (PSA) :

L’antigène prostatique spécifique (APS) est une protéine naturellement fabriquée par les cellules de la prostate.

Un dosage sanguin permet de mesurer la quantité d’APS dans le sang. Il est utile au dépistage du cancer de la prostate en présence de facteurs de risques (âge, antécédents) ou de symptômes évocateurs. Il présente également un intérêt pour évaluer l’efficacité du traitement et surveil- ler une éventuelle récidive. À noter que seulement 1 homme sur 4 dont le taux de PSA est anormal est atteint du cancer de la prostate. Son taux doit être inférieur à 2,5 nanogrammes/ml. Le taux n’est significatif qu’au-dessus de 15 à 20 nanogrammes.

b. Gonadotrophine chorionique humaine (HCG) :

Cette hormone est produite naturellement par le placenta lors de la grossesse. Elle est aussi fabriquée par certaines cellules cancéreuses. Le dosage de la gonadotrophine chorionique humaine (HCG ou BHCG) participe au diagnostic de certains cancers.

Elle est augmentée au cours de tumeurs trophoblastiques gestationnelles, de tumeurs placentaires et de tumeurs testiculaires non séminomateuses (choriocarcinomes), et le cancer de l’ovaire (tumeur germinale). Ce dosage aide également à évaluer l’efficacité thérapeutique du traitement.

La demi-vie plasmatique de la b-HCG est de 36 à 48 heures, permettant de suivre de près l’évolution sous traitement. Hors grossesse, le taux normal, d’HCG se situe à moins de 5 unités internationales/litre.

c. Alfa-fœtoprotéine :

L’alpha-fœtoprotéine (ou AFP) C’est une a1-globuline pro- duite par le foie fœtal, le tractus intestinal et le sac vitellin.

La protéine est normalement présente dans la circulation fœtale, et semble jouer le même rôle que celui de l’albumine chez l’adulte. Son taux doit être inférieur à 8 nanogrammes/ml.

Le taux significatif est au-dessus de 8 à 10 nanogrammes/ml.

Son dosage permet d’étayer le diagnostic de cancers digestifs (cancer du foie – le carcinome hépatocellulaire – ou métastase au foie, cancer de l’estomac, cancer du pancréas, cancer des canaux biliaires) ; d’un cancer de l’ovaire (les tumeurs germinales comme les tumeurs vitellines), ou d’un cancer des testicules.

d. Antigène carbohydrate 19-9 (CA19-9) :

L’Antigène carbohydrate est une protéine présente chez les adultes en bonne santé dans le foie, le pancréas, les poumons et la vésicule biliaire. La présence du CA 19-9 en quantité supérieure à la normale dans le sang n’est pas forcément synonyme de cancer.

Elle peut également permettre le diagnostic d’affections bénignes comme : une inflammation du pancréas ou de la vésicule biliaire, des calculs biliaires, une cirrhose ou une hépatite, une fibrose kystique. Son taux doit être inférieur à 37 UI/ml mais n’est significatif qu’au-dessus de 60 UI/ml.

Son dosage permet d’étayer le diagnostic de cancers digestifs (du pancréas, surtout lorsque le cancer est avancé) ; du foie, le cancer colorectal, le cancer de l’estomac ou des canaux biliaires) ; les cancers gynécologiques comme celui de l’ovaire, de l’utérus, du sein, et le cancer du poumon.

e. Antigène tumoral 15-3 (CA15-3) :

LE CA15-3 est un marqueur assez spécifique du can- cer du sein. Son taux peut néanmoins être augmenté en présence d’autres cancers : cancers de l’ovaire, du foie et parfois du poumon. Le dosage sanguin du CA15-3 est généralement réalisé pour vérifier l’efficacité thérapeutique du traitement du cancer du sein, ou dépister une récidive après la mise en œuvre du traitement.

Cette protéine sert essentiellement au dépistage et au suivi du cancer du sein. L’augmentation de son taux peut être due à des affections bénignes comme l’endométriose, un kyste du sein ou des ovaires, des troubles du foie. Le CA15-3 sert au diagnostic et au suivi du cancer du sein, du cancer de l’ovaire, du cancer des poumons, des cancers digestifs (pancréas, estomac, et foie). Son taux doit être inférieur à 30 UI/ml. Le taux significatif est au-dessus de 30 UI/ml.

f. Antigène tumoral 125 (CA125)

Le dosage sanguin du CA125 est prescrit pour le suivi des cancers de l’ovaire afin de vérifier la réponse au traitement et dépister une récidive après le traitement. Il peut également être prescrit si une patiente présente des signes évoquant une autre affection cancéreuse.

Son taux doit être inférieur à 35 UI/ml, mais n’est significatif qu’au-dessus de 40 UI/ml. Le CA125 permet d’aiguiller vers un diagnostic notamment les cancers gynécologiques (cancer des ovaires : c’est l’un des marqueurs de référence pour plusieurs types de tumeurs de l’ovaire), les tumeurs de l’utérus et du col de l’utérus, du sein ; mais aussi des cancers digestifs : cancer de l’estomac, cancer colorectal, cancer du foie) ; ou encore cancer du poumon, et vers certaines pathologies bénignes.

marqueurs tumoraux 6Tableau 5 : CA125/Tissuetpathologiescancéreuses

marqueurs tumoraux 7Tableau 6 : CA125 et pathologies bénignes et cancéreuses

g. Antigène carcino-embyonnaire (ACE)

C’est une glycoprotéine retrouvée dans le tractus alimentaire, le foie et le pancréas du fœtus entre le 2ème et le 6ème mois de la vie intra-utérine. Le dosage de l’ACE est principalement prescrit pour aider au diagnostic du cancer colorectal et surveiller la réponse au traitement.

Son taux doit être inférieur à 5 nanogrammes/ml. Le taux n’est significatif qu’au-dessus de 10 à 20 nanogrammes/ml, les néoplasies concernés sont les cancers digestifs (cancer colorectal, c’est l’un des marqueurs de référence pour certaines tumeurs du côlon, du cancer de l’estomac, du cancer du pancréas, du cancer du foie).

Un taux anormalement élevé d’ACE ne signifie pas forcément « cancer ».

Le taux d’ACE peut en effet augmenter en cas d’affections bénignes comme des troubles du foie, une maladie pulmonaire chronique, une colite ou une inflammation de l’intestin, ou encore une inflammation du pancréas. Autres cancers (cancer de la thyroïde, cancer des ovaires et du sein, cancer de la vessie).

h. Le CA50 :

C’est un marqueur des tumeurs du tube digestif, de l’ovaire, et de l’utérus. Son taux doit être inférieur à 15 UI/ml. Le taux significatif est au dessus de 15 UI/ml.

i. Le CA549 :

C’est un marqueur de certains cancers du sein. Son taux doit être inférieur à 12 UI/ml et il est significatif au- dessus de 12UI/ml.

j. La Thyrocalcitonine

Produite par la thyroïde, elle est fabriquée en excès dans certaines maladies, dont le cancer médullaire de la thyroïde. Sa mesure contribue au diagnostic de ce cancer, mais permet également de juger de l’efficacité de son traitement ou de la survenue de rechute, les cancers concernées sont le cancer médullaire de la thyroïde, les métastases osseuses hypercalcémiantes ou sécrétion ectopique (par une tumeur du sein, du poumon, de l’intestin, du pancréas, phéochromocytome, tumeur de la surrénale) ; le cancer hépatique ou la cirrhose du foie, l’insulinome (tumeur neuroendocrine du pancréas), VIPome une tumeur neuroendocrine très rare (en anglais VIP pour « vasoactive intestinal peptide »). Les taux normaux sont < 10 ng/L. En cas d’insuffisance rénale, les résultats doivent être inférieurs à 50 ng/L. Après injection de pentagastrine (et une fonction rénale normale), les concentrations doivent être inférieurs à 30 ng/L.

k. Les productions ectopiques d’hormone

Les cancers du poumon, et notamment la forme dite à petites cellules, sont souvent associés à la production ec- topique d’hormone : ACTH, calcitonine, ADH. Il s’agit, le plus souvent, de fragments protéiques sans fonction hormonale (sauf l’ADH produisant un syndrome d’hyponatrémie avec œdème).

l. Les phosphatases acides prostatiques

Fabriquées par les cellules normales prostatiques, elles sont élevées lors de la diffusion métastatique. Leur rôle, comme marqueur, a beaucoup perdu de son intérêt depuis la mise en évidence du PSA (cf. plus loin). Les phosphatases acides prostatiques ont un taux qui doit être inférieurs à 3 ng/ml. Le taux n’est significatif qu’au dessus de 5 à 10 ng/ml.

m. Les phosphatases alcalines

Il existe un certain nombre d’isoenzymes : foie, os, placenta, qui sont souvent augmentés en cas de métastases hépatiques ou osseuses.

n. L’isoenzyme placentaire

Elle est retrouvée dans certaines tumeurs ovariennes ou testiculaires.

o. La lacticodeshydrogénase (LDH)

Il s’agit en principe d’une enzyme musculaire, mais son élévation est retrouvée en cas de lymphome ou de métastases pulmonaires.

p. L’énolase neurone spécifique (NSE)

Cette enzyme est assez souvent élevée dans le plasma des malades atteints de cancer du poumon à petites cellules. Son taux doit être au-dessous de 15 ng/ml. Le taux significatif est au-dessus de 15 ng/ml.

q. Le TPA (Tissu Peptide Antigène) monoclonal

C’est un nouveau marqueur intéressant dans le suivi des malades atteints de cancer du sein, du poumon et de la vessie.

r. Enfin un nouveau marqueur (CYFRA 21-1),

C’est le plus sensible dans le cancer pulmonaire. Sa sensibilité est meilleure que l’ACE et le NSE, son taux est corrélé à la taille de la tumeur et à la progression de la maladie. La persistance du taux de CYFRA 21-1 après un traitement est significative de la présence de métastases.

Ce marqueur peut être retrouvé à des taux faibles dans certaines maladies : cirrhoses, hépatites, affections gynécologiques, insuffisance rénale chronique, et dans des affections pulmonaires bénignes. Le taux normal est inférieur à 33 microgrammes/litre.

B. Marqueurs moléculaires tissulaires

La carcinogenèse est un processus compliqué qui implique le dysfonctionnement d’un ou plusieurs composants cellulaires. Leur identification donne naissance à des marqueurs moléculaires tissulaires. Ces marqueurs, dont le nombre ne cesse d’augmenter, sont le fruit des remarquables progrès en biologie cellulaire.

A l’état physiologique, une cellule reçoit des informations de son environnement grâce à l’interaction entre des récepteurs transmembranaires et leurs ligands (molécules extracellulaires).

Cette information est transmise au noyau des cellules par l’intermédiaire de multiples protéines organisées en cascades intracellulaires dans ce qui est appelé les voies de signalisation intracellulaire.

Ces protéines transmettent l’information grâce à leur activité enzymatique de type kinase, c’est à dire leur propriété de catalyser le transfert d’un groupe phosphate de l’ATP (adénosine triphosphate) sur la tyrosine (on parle alors de tyrosine kinase) ou la sérine ou thréonine (on parle de sérine thréonine kinase) d’autres protéines en aval de la cascade (figure 1).

Dans une cellule tumorale, l’activité des récepteurs transmembranaires ou des protéines intracellulaires peut être augmentée par surexpression ou mutation, créant des conditions propices à la prolifération de la cellule, à sa survie, ou encore induisant des propriétés d’invasion ou de métastatisation (figure 2).

Toutes ces anomalies deviennent autant de marqueurs moléculaires potentiels et donc potentiellement des facteurs pronostiques ou prédictifs, ainsi que des cibles thérapeutiques. Nous allons prendre comme exemple la famille des récepteurs du facteur de croissance épidermique (EGFR).

Cette famille comprend quatre types de récepteurs transmembranaires avec activité de tyrosine kinase : EGFR (cErbB1), Her2/neu (cErbB2), Her3 (cErbB3) et Her4(cErbB1)

marqueurs tumoraux 8Figure 1 : Récepteurs à activité enzymatique de type kinase et cascade de signalisation

marqueurs tumoraux 9 Figure 2 : Voie de signalisation EGFR/KRAS/BRAF et ses mutations cancérigènes

a. Epidermal growth factor receptor (EGFR) :

L’EGFR peut être surexprimé dans de nombreux cancers solides comme les cancers du poumon non à petites cellules (NSCLC), les cancers colorectaux et ceux de la sphère ORL. C’est un marqueur prédictif de réponse aux thérapies ciblées le visant, telles que les anticorps monoclonaux cétuximab ou panitumumab pour le cancer colorectal. L’activité de l’EGFR peut aussi être augmentée par une mutation de son gène.

Ainsi, entre 10 et 15 % des patients caucasiens et 40 % des patients asiatiques atteints de NSCLC (souvent des non fumeurs) présentent à leur surface un récepteur EGFR muté. Cette mutation permet une auto activation du récepteur et de sa voie de signalisation (indépendamment d’un ligand) ou son activation par d’autres ligands, amenant à la prolifération anarchique de la cellule.

Plusieurs médicaments, appelés inhibiteurs des tyrosines kinases, permettent de bloquer ce mécanisme. Deux sont déjà commercialisés : le géfitinib (Iressa®) et l’erlotinib (Tarceva®).

L’étude européenne EURTAC a comparé les effets de l’erlotinib à ceux d’une chimiothérapie classique dans les cancers du poumon avancés et non opérables. La médiane de survie sans progression, c’est à dire le temps pendant lequel la maladie est contrôlée, était de 5,2 mois sous chimiothérapie et de 9,7 mois sous erlotinib.

Cela représente une diminution du risque de progression de 63% grâce à l’erlotinib. Cette étude a donc montré que l’erlotinib, donné en première intention chez les porteurs de la mutation EGFR, contrôle mieux la maladie que la chimiothérapie classique.

L’apparition de résistances en cours de traitement ou l’absence primaire de réponse aux thérapies ciblées contre l’EGFR ont poussé la recherche vers les voies de signalisation cytoplasmiques en aval de l’EGFR. Ainsi, dans la voie RAS/RAF/MAPK, on a identifié des mutations activatrices du KRAS ou BRAF dans respectivement 40 et 20 % des carcinomes coliques et dans 40 et 2 % des NSCLC.

Elles confèrent une résistance de ces cancers aux traitements anti EGFR. Ces deux mutations sont mutuellement exclusives, ce qui implique que la mutation BRAF ne sera testée qu’en cas d’absence de mutation KRAS.

b. Human epidermal growth factor receptor-2 (Her2/neu)

Le Her2/neu est surexprimé dans 20 à 25% des carci- nomes mammaires. Il est associé au comportement agressif de ces cancers qui deviennent rapidement métastatiques et dont la survie globale est réduite. L’altération du Her2 peut être mise en évidence par la recherche d’une surexpression par immunohistochimie (IHC) ou en évaluant l’amplification de son gène par des techniques d’hybridation in situ (FISH) sur du tissu tumoral.

Plusieurs médicaments ont été développés pour cibler Her2. Le premier d’entre eux est l’anticorps monoclonal trastuzumab (Herceptin®).

En association avec la chimiothérapie, cet anticorps améliore très nettement le devenir des patientes souffrant de cancer du sein Her2r, que ce soit aux stades localisés ou en situation métastatique.

Plus récemment, d’autres molécules ciblant Her2 ont démontré leur efficacité comme les anticorps monoclonaux pertuzumab, le TDM1 (qui est une combinaison du trastuzumab avec une chimiothérapie) ou encore le lapatinib, un inhibiteur des tyrosines kinases agissant sur le versant intracellulaire du récepteur. Une fraction des cancers gastriques exprime également Her2, rendant attractive l’utilisation du trastuzumab. En situation métastatique, l’étude de phase III ToGA a démontré un taux de réponses supérieur (47 % vs 35 %) et une survie médiane prolongée (13,8 mois vs 11,1 mois) pour les patients traités par la combinaison trastuzumab et chimiothérapie traditionnelle à base de 5FU et cisplatine.

marqueurs tumoraux 10Tableau 7 : Principaux bio marqueurs utilisés en oncologie

Conclusion

Les marqueurs tumoraux des cancers sont nombreux. Ils jouent un rôle important dans la surveillance des cancers au cours du traitement et durant leur suivi à long terme. Ils constituent une aide au diagnostic pour certains cancers (prostate, tumeurs germinales ovarienne et testiculaire, choriocarcinome, hépatocarcinome). Ils sont aussi parfois des facteurs pronostiques et/ou prédictifs.

La meilleure compréhension des voies de la carcinogenèse permet une classification moléculaire des cancers et le développement de thérapies ciblées. Cependant leur intérêt dans le dépistage et le diagnostic reste limité du fait de leur spécificité qui n’est jamais absolue.

Date de soumission :

04 Août 2018.

Liens d’intérêts :

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts

Références :

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Intérêt du suivi thérapeutique pharmacologique (STP)des médicaments antiépileptiques

L’épilepsie est la deuxième pathologie neurologique la plus fréquemment rencontrée touchant plus de 50 millions de personnes dans le monde, dont 350.000 en Algérie.

10 Février 2018

A. YAmoun (1, 2) , mA. Kerdoun (1, 2)
S. BenBoudiAf (1, 2), f. BouchAlA (1, 2),
r. BelilitA (2), e. rAdjAh (2)

(1) Service de Toxicologie, CHU Saadna Abdenour, Sétif
(2) Laboratoire de Toxicologie, Faculté de Médecine
Université Ferhat Abbas 1, Sétif.

Résumé

L’épilepsie est la deuxième pathologie neurologique la plus fréquemment rencontrée touchant plus de 50 millions de personnes dans le monde, dont 350.000 en Algérie. Elle constitue un problème majeur de santé publique. Ces dernières années de plus en plus de médicaments antiépileptiques ont été découverts, s’ajoutant aux anciennes molécules, permettant ainsi aux patients et aux médecins d’avoir de nombreuses options pour traiter les épilepsies. Le Suivi Thérapeutique Pharmacologique (STP) est une spécialité clinique consistant à mesurer la concentration sanguine des médicaments à des intervalles déterminés pour maintenir une concentration constante dans la circulation sanguine du patient, optimisant ainsi les schémas posologiques individuels. L’intérêt est de permettre une surveillance précise des substances ayant une fenêtre thérapeutique étroite, des médicaments ayant une variabilité pharmacocinétique marquée, des médicaments pour lesquels les concentrations cibles sont difficiles à surveiller et des médicaments connus pour provoquer des effets thérapeutiques et indésirables. Le suivi thérapeutique des médicaments antiépileptiques est justifié car ils répondent à ces critères. Il est recommandé chaque fois qu’il y a changement de posologie, co-prescription ou échec thérapeutique. Le but du suivi thérapeutique pharmacologique des médicaments antiépileptiques est d’individualiser les schémas thérapeutiques pour obtenir la réponse optimale avec une toxicité minimale. Cependant, une prescription rationnelle du STP, une collaboration avec les analystes et une éducation sanitaire des patients épilep- tiques sont recommandées pour un bénéfice optimal.

Mots-clés :

Suivi thérapeutique pharmacologique, antiépileptiques, objectif.

Abstract

Epilepsy is the second most common neurological pathology affecting more than 50 million people worldwide, including 350,000 in Algeria. It is a major public health problem. In recent years more and more antiepileptic drugs have been discove- red, adding to the old drugs, allowing patients and doctors to have many options for treating epilepsy. Therapeutic drug monitoring (TDM) is the clinical practice of measuring specific drugs at designated intervals to maintain a constant concentration in a patient’s bloodstream, thereby optimizing individual dosage regimens. The interest is to enable accurate monitoring of substances with narrow therapeutic ranges, drugs with marked pharmacokinetic variability, medications for which target concentrations are difficult to monitor, and drugs known to cause therapeutic and adverse effects. The therapeutic drug monitoring of antiepileptic drugs is justified because they meet these criteria. It is recommended whenever there is a change of dosage, co-prescription or therapeutic escape. The goal of antiepileptic drugs monitoring is to individualize therapeutic regimens to achieve the optimal response with minimal toxicity. However, a rational prescription of the TDM, a collaboration with analysts and a health education of the epilep- tic patients is recommended for optimal benefit.

Key-words :

Therapeutic drug monitoring, antiepileptic drugs, purpose.

Introduction

L’épilepsie est la deuxième pathologie neurologique la plus fréquemment rencontrée [1], touchant plus de 50 millions de personnes dans le monde, dont 350.000 en Algérie [2]. Elle constitue un problème majeur de santé publique de par les conséquences médicales, sociales, culturelles et économiques qu’elle entraine, à la fois pour les malades épileptiques que pour la société [3].

Ces dernières années, de plus en plus de médicaments antiépileptiques ont été découverts, s’ajoutant aux anciennes molécules, permettant ainsi aux patients et aux médecins d’avoir de nombreuses options pour traiter les épilepsies.

Actuellement plus des trois quarts des cas (75 %) peuvent être contrôlés de manière satisfaisante avec ces médicaments [4].

La plupart de ces antiépileptiques (AE) ont une marge thérapeutique étroite et une variabilité Pharmacocinétique importante [5] d’où la nécessité de procéder à la mesure de leurs concentrations dans les liquides biologiques ou « Suivi Thérapeutique Pharmacologique » à chaque fois qu’il y a modification posologique, co- prescription ou échappement thérapeutique.

Le suivi thérapeutique pharmacologique est une spécialité clinique multidisciplinaire dont l’objectif est d’améliorer les soins aux patients, en ajustant de manière individuelle la dose de certains médicaments [6].

Définition de l’épilepsie

En 2005 un groupe de travail de l’International League Against Epilepsy (ILAE) (Ligue internationale contre l’épilepsie), a formulé une définition conceptuelle de la «crise épileptique» et de «l’épilepsie» : L’épilepsie est un trouble cérébral caractérisé par une prédisposition durable à générer des crises épileptiques et par les conséquences neurobiologiques, cognitives, psychologiques et sociales de cette affection.

Une crise épileptique est la présence transitoire de signes et/ou symptômes dus à une activité neuronale excessive ou synchrone anormale dans le cerveau. Elle résulte de décharges électriques excessives dans un groupe de cellules cérébrales. Ces décharges peuvent se produire dans une seule partie du cerveau (crises partielles), ou se propager aux différentes autres parties (crises généralisées).

Les crises peuvent varier en intensité, allant de brèves pertes d’attention ou de petites secousses musculaires à des convulsions sévères et prolongées. Leur fréquence est également variable, de moins d’une fois par an à plusieurs fois par jour [7].

Physiopathologie de l’épilepsie

Toute lésion importante des structures corticales peut déclencher des crises. Une tumeur, un accident vasculaire cérébral, une hémorragie, une infection ou un traumatisme peuvent être en cause.

Chez plus des deux tiers des patients, une étiologie évidente ne peut être identifiée. La plupart des épilepsies d’origine génétique définie sont dues à des anomalies des canaux membranaires. Seules quelques-unes des causes génétiques connues de l’épilepsie sont des anomalies des neurotransmetteurs [8].

Médicaments antiépileptiques

Les médicaments antiépileptiques (MAE) ou anticonvulsivants, sont des médicaments utilisés dans le traitement de l’épilepsie. Ils préviennent en grande partie la survenue de nouvelles crises chez le patient épileptique, ou modifient l’allure de la crise ou les composants psychiques qui peuvent accompagner la maladie [9].

Il existe plusieurs classifications des MAE selon différents critères, ainsi les médicaments antiépileptiques commercialisés peuvent être classés :

A. En fonction de leur date de mise sur le marché :

On distingue les antiépileptiques de première et de nouvelle génération :

  • Molécules d’ancienne génération ou classique : barbituriques (primidone, phénobarbital), benzodiazépines, carbamazépine, éthosuximide, phénytoïne, valproate de sodium.
  • Molécules de nouvelle génération : gabapentine, lamotrigine, lévétiracétam, lacosamide, oxcarbazépine, prégabaline, tiagabine, topiramate, zonisamide [10].

B. En fonction de leur efficacité

Antiépileptiques majeurs :

Ils suppriment la majorité des crises lorsqu’ils sont employés seuls (en monothérapie). Exemples : Phénobarbital, Phénytoïne, Acide valproïque …

Antiépileptiques mineurs :

Ils peuvent agir seuls mais ils sont plus efficaces en association (polythérapie). Exemples : Vigabatrin, lamotrigine…

C. En fonction du spectre d’efficacité :

Antiépileptiques à spectre large :

  • Efficaces dans un grand nombre de syndromes, qu’ils soient épilepsie avec crises partielles ou épilepsie avec crises généralisés.
  • Ces antiépileptiques constituent le traitement de choix lorsqu’il existe une incertitude diagnostique, ce qui est fréquent au début de la maladie. Ces molécules sont le valproate, topiramate, lévétiracétam, zonisamide (12).
Antiépileptiques à spectre étroit :

Médicaments qui ne sont efficaces que dans quelques types de syndrome comme l’étosuxemide qui agit sur les épilepsies absences, ou la carbamazepine, phenobarbital, phenytoine, oxcarbazépine, lacosamide, gabapentine et prégabaline, qui traitent les crises partielles mais sont inefficaces ou peuvent même aggraver les crises généralisés (12).

Antiépileptiques d’urgence :

Sont les benzodiazépines telles que le diazépam, le clonazépam, le clobazam et le nitrazépam. Ils ont des indications restreintes à leur utilisation chronique (11).

Suivi thérapeutique pharmacologique (STP) des antiépileptiques

A. Définition

Selon l’Association internationale de suivi thérapeutique pharmacologique et de toxicologie clinique (IATDM- CT), le suivi thérapeutique pharmacologique est une spécialité clinique multidisciplinaire dont l’objectif est d’améliorer les soins aux patients en ajustant de manière individuelle la dose de certains médicaments (ceux pour lesquels l’expérience clinique ou les essais cliniques ont montré que cette pratique était bénéfique au patient),soit chez tous les patients, soit dans des populations 2 particulières.

Il repose a priori sur des informations pharmacogénétiques, démographiques et cliniques et a posteriori sur la mesure des concentrations sanguines du médicament (suivi pharmacocinétique) ou de composés endogènes de substitution ou de paramètres biologiques d’effet (suivi pharmacodynamique) [6].

Le suivi thérapeutique des médicaments par dosages sanguins représente un moyen d’augmenter la sécurité et l’efficacité de certains traitements, quand l’adaptation des posologies est délicate (marge thérapeutique étroite, effets difficilement mesurables). Cette approche ne remplace pas le suivi clinique, mais peut le compléter par des données objectives [11].

B. Critères pour l’utilité du STP

Le suivi et plus particulièrement le contrôle des concentrations ne présente un intérêt thérapeutique que si les critères suivants s’appliquent [12] :

a. Clinique :
  • Absence de signes d’efficacité clinique ou de toxicité facilement mesurables et/ou interprétables à court terme.
  • Durée de la thérapie suffisante pour que les patients puissent bénéficier d’un programme de TDM.
b. Pharmacocinétiques :
  • Disponibilité de données pharmacocinétiques sur le médicament,
  • Paramètres pharmacocinétiques individuels peu prévisibles (variabilité intrinsèque ou facteurs confondants)
  • Existence d’une relation entre la dose administrée et les concentrations sanguines sujette à d’importantes variations inter et intra-individuelles.
c. Pharmacodynamiques :
  • Connaissances pharmacodynamiques adéquates sur le médicament,
  • Existence d’une relation claire, réversible et consistante entre les concentrations sanguines en médicament et l’effet thérapeutique ou la toxicité
  • Présence d’un index thérapeutique faible. La marge

ou zone thérapeutique (figure 1) est un concept important du STP. Elle est à comprendre comme la marge des concentrations plasmatiques qui est associée à un degré élevé d’efficacité thérapeutique et un risque bas de toxicité chez la majorité des patients. On parle d’une marge thérapeutique étroite, si les deux limites sont proches.

d. Analytique :

Disponibilité de méthodes analytiques fiables, précises, et reproductibles à un coût supportable.

C. Intérêt du STP dans le traitement antiépileptique

L’apport pour le clinicien du dosage des médicaments antiépileptiques dans le plasma peut s’expliquer par quelques constats [13] :

  • La relation concentration plasmatique/effets cliniques est assez nette pour la plupart des médicaments antiépileptiques. L’observation d’un grand nombre de patients a permis de déterminer pour chaque antiépileptique, avec plus ou moins de précision, une zone indicative de concentrations efficaces. Ces observations constituent une aide précieuse au traitement, permettant d’amener directement les concentrations dans la zone efficace et donc d’être plus rapidement efficace. Ceci est très important puisque l’effet thérapeutique recherché (diminution du nombre de crises par unité de temps), est souvent long et difficile à apprécier, les crises chez certains patients pouvant être très espacées dans le temps. II est important de préciser que la zone thérapeutique optimale n’est qu’une indication approximative basée sur une observation statistique et qu’il convient de traiter le patient et non le taux sanguin.
  • A l’exception de l’acide valproïque, de l’éthosuximide et des benzodiazépines, les médicaments antiépileptiques ont un index thérapeutique réduit.
  • La toxicité est directement liée aux concentrations plasmatiques.
  • D’un point de vue pharmacocinétique, il a été noté pour certains médicaments antiépileptiques que les concentrations plasmatiques n’augmentent pas toujours de façon proportionnelle avec l’augmentation de la dose.
  • Lorsque le traitement nécessite l’association de plusieurs antiépileptiques, ou que d’autres médicaments sont utilisés simultanément, les dosages plasmatiques peuvent aider à gérer dans de meilleures conditions d’éventuelles interactions médicamenteuses complexes.

De même, certains paramètres physiopathologiques, comme l’état des fonctions rénales et hépatiques, sont à prendre en compte car ils peuvent avoir une forte influence sur les concentrations plasmatiques.

Indication du STP pour les médicaments antiépileptiques

Le dosage des concentrations plasmatiques des antiépileptiques apporte souvent des renseignements cliniques utiles dans les situations suivantes [14] :

  • En début de traitement pour ajuster la dose administrée : il sera nécessaire d’effectuer le dosage quand la concentration sera à l’équilibre ;
  • En cas de modification de la dose, ou d’une co-prescription : la modification de la dose, même mineure, peut entraîner une très forte variation des concentrations plasmatiques (ex. : la phénytoïne).

Les associations de médicaments peuvent également accroître les concentrations.

Des dosages seront de nouveau effectués quand les concentrations plasmatiques sont à l’équilibre ;

  • En cas d’échec du traitement : ceci est important pour connaître la raison de la résistance au traitement. Il est possible de cette manière de savoir si la résistance est due à une non observance du traitement par le patient ou à une métabolisation très rapide ; à moins qu’il ne s’agisse d’une réelle inefficacité d’origine pharmacologique
  • En cas d’intoxication : quand un sujet développe des signes ou des symptômes d’une intoxication, le dosage des concentrations plasmatiques permet de savoir si l’antiépileptique est imputé
  • En cas d’affection intercurrente ou de modification physiologique (ex : la grossesse) : la cinétique des anticonvulsivants peut être modifiée
  • En contrôle de routine : ceci permet de connaître la concentration plasmatique efficace pour un patient donné et constituer une référence individuelle en cas de problèmes ultérieurs. Chez un adulte bien équilibré, les dosages de routine ne doivent pas excéder 1 à 2 dosages par an. Pour que ces dosages soient efficaces, il est nécessaire de les rapporter au poids, à l’âge, au sexe, à la thérapeutique associée et au temps écoulé entre la dernière prise et le prélèvement.

Paramètres pharmacocinétiques à prendre en considération

Pic plasmatique ou concentration maximale (C ) :

Plus forte concentration plasmatique en principe ac obtenue après administration du médicament [15].

Concentration minimale (C ) :

La plus faible concentration réellement obtenue entre deux administrations [15].

Taux résiduel (Crés) :

La concentration plasmatique obtenue à la fin d’un intervalle d’administration d’un médicament soit juste avant la prise suivante de celui- ci quelle que soit la voie d’administration et après avoir atteint un état d’équilibre « steady state » [15].

L’aire sous la courbe ASC ou AUC « Area Under Curve » :

Correspond à l’intégrale de la concentration plasmatique sur un intervalle de temps défini. Son principal intérêt est de permettre la mesure de la biodisponibilité d’un médicament [16].

État d’équilibre :

L’état d’équilibre des concentrations plasmatiques d’un principe actif est défini comme un état de stabilité des concentrations moyennes évoluant entre deux limites C max et C min si les apports du médicament compensent les quantités éliminées. Théoriquement cet état, est atteint au bout de 6 demi-vies lorsque leur administration se fait toutes les demi-vies et pour une même dose [17].

F. Protocole du STP des médicaments antiépileptiques

La décision d’individualiser le traitement à partir d’un dosage de médicament antiépileptique n’a de sens que si des données correctes sont obtenues lors du TDM. Ceci ne dépend pas uniquement de l’analyse et du laboratoire, mais aussi des étapes préalables.

Phase pré-analytique :

La phase pré-analytique est précédée par la décision de la thérapie médicamenteuse, le régime thérapeutique et l’administration du médicament. Elle se termine avec le transport de l’échantillon. Avant de demander un dosage, il est alors nécessaire de se demander quelle est la probabilité du patient d’être dans une situation clinique où le STP peut apporter une plus value au traitement, respectivement, d’avoir besoin d’une adaptation du régime thérapeutique. La réponse définit l’indication du STP. Si le STP est indiqué, il faut décider quel(s) test(s) apporte(nt) une bonne information [18].

a. Demande d’analyse

Récolte souvent des informations sur le patient, le prélèvement et le traitement :

    • Date et heure exacte du prélèvement
    • Date et heure exacte de la dernière prise de médicament
    • Schéma posologique actuel (dose, fréquence, voie d’administration)
    • Date de début de traitement ou du dernier changement posologique
    • Données démographiques (âge, poids, taille, sexe, grossesse)
    • Données médicales (indication au traitement, insuffisances d’organes éliminateurs)
    • Co médications, consommation de tabac ou d’alcool
    • Indication au dosage (inefficacité, toxicité, etc.)
    • Identité du prescripteur (à qui adresser l’interprétation)

Ces informations sont très utiles voire indispensables pour interpréter correctement le résultat et répondre au questionnement clinique [12].

b. Prélèvement

Le prélèvement pour un STP est soumis à certaines contraintes, puisque la concentration du médicament dépend fortement du moment du prélèvement par rapport au début du traitement et la dernière administration, mais aussi de la voie d’administration et de la formulation galénique.

En règle générale, tout échantillon devra être recueilli au moment où le maximum d’informations utiles pourront être rassemblées. Ainsi, les prélèvements seront réalisés lorsque l’état d’équilibre est atteint, c’est-à-dire cinq à sept demi vies après le début du traitement ou après la dernière modification posologique.

En effet, c’est à ce moment que la détermination des concentrations plasmatiques en médicament fournit le plus de renseignements utiles à la personnalisation de la posologie. Le choix d’une mesure de concentration maximale ou minimale dépend du médicament.

Un dosage effectué trop tôt va sous-estimer la concentration à l’équilibre et peut conduire à de fausses conclusions [19].

L’analyse se fait généralement dans le sérum, parfois dans le plasma ou le sang complet. Une matrice alternative est la salive qui a l’avantage d’être non invasif et économique, elle est documentée entre autres pour la phénytoïne et la carbamazépine. Le choix est guidé par la technique analytique et les caractéristiques de la substance. D’autres facteurs pouvant influencer la concentration mesurée sont le matériel pour le prélèvement de l’échantillon (tube, bouchon) et les conditions de trans- port et de stockage [18].

Pour le dosage des antiépileptiques, le sang est prélevé dans un tube sans gel séparateur, sec ou hépariné. Oxalate et EDTA sont acceptables s’ils sont compatibles avec la méthode de dosage.

L’échantillon est de préférence conservé à 2 – 8°C avant l’acheminement proprement dit, qui peut se faire à température ambiante. Au laboratoire, l’échantillon subit un prétraitement : centrifugation et séparation du sérum ou du plasma. Pour un dosage différé, la conservation doit se faire à 2 – 8°C pendant 1 semaine, -20°C si au-delà [20].

Phase analytique

La phase analytique commence avec la préparation de l’échantillon (centrifugation, ultrafiltration pour le dosage de la fraction libre) et se termine avec la vérification du résultat.

Les méthodes analytiques utilisées pour le STP sont essentiellement les méthodes immunologiques, et chromatographiques (notamment LC/UV, LC/MS et LC/MSMS).

Les méthodes immunologiques sont souvent choisies pour les médicaments dosés couramment parce qu’elles présentent plusieurs avantages : le résultat est obtenu dans un délai très court, la demande en expertise technique est faible et le degré d’automatisation est haut ce qui permet facilement d’en disposer 24/24 heures [18].

Phase post-analytique

Cette phase commence avec la communication du résultat et se termine avec la réponse au questionnement clinique et l’effet sur la prise en charge du patient.

La communication du résultat peut contenir, à côté du résultat lui-même, différentes informations supplémentaires en fonction de l’organisation du STP dans l’institution : la marge thérapeutique (idéalement pour la population et pour l’indication spécifique), un commentaire d’interprétation et des questions spécifiques, voire une proposition d’adaptation posologique et de suivi du traitement.

Après validation analytique du dosage, le praticien reçoit du laboratoire le résultat (exemple : 3,5 mg/l) et les marges thérapeutiques correspondant à la méthode utilisée (exemple : 0,8-2,0 mg/l). Comme pour d’autres résultats de laboratoires spécialisés, une interprétation clinique se doit d’apporter une valeur ajoutée au praticien.

Outre l’interprétation du résultat, certains aspects supplémentaires sont à prendre en compte.

Le résultat obtenu a toujours une certaine imprécision qui est liée à la variabilité analytique et pré-analytique. Cette dernière est fonction de la précision pharmaceutique (dose administrée), des conditions de l’administration, du prélèvement, etc.

D’un point de vue pharmacocinétique, l’adaptation d’une posologie se fonde sur la connaissance des carac- téristiques usuelles du médicament dosé (paramètres décrivant l’absorption, la distribution, la liaison protéinique, la clairance hépatique ou rénale), mais aussi de leur variabilité et des facteurs les influençant.

Parmi les plus fréquents de ces facteurs figurent les variables démographiques (âge, sexe, poids, taille), les modifications physiopathologiques (insuffisances rénale ou hépatique, autres comorbidités), les interactions médicamenteuses, la nourriture, les conditions particulières (pédiatrie, grossesse, obésité) et les polymorphismes pharmacogénétiques (dont le rôle est de mieux en mieux apprécié).

suivi therapeutique pharmacologique 2

Conclusion

Le but du Suivi Thérapeutique Pharmacologique des médicaments antiépileptiques est d’individualiser les schémas thérapeutiques pour obtenir la réponse optimale avec une toxicité minimale. Cependant, une prescription rationnelle du STP, une collaboration avec les analystes et une éducation sanitaire des patients épileptiques est recommandée pour un bénéfice optimal.

Date de soumission :

10 Février 2018.

Liens d’intérêts :

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

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Hypovitaminose D du nouveau-né et du jeune nourrisson

Les métabolismes phosphocalciques du fœtus et de la mère sont fortement intriques : toute anomalie de ce métabolisme chez la mère peut retentir chez le fœtus avec des conséquences à la naissance,

13 Avril 2018

O. Drali (¹), M. arab (²), N. laMDjaDaNi (3)
H. berraH (¹), Z. GuecHi (²), Z. arraDa (¹)

(1) Service de Pédiatrie B
(2) Unité de Biochimie. Laboratoire central
(3) Service d’épidémiologie et de statistiques
CHU Nafissa Hammoud, Hussein Dey, Alger

Résumé

Les métabolismes phosphocalciques du fœtus et de la mère sont fortement intriqués : toute anomalie de ce métabolisme chez la mère peut retentir chez le fœtus avec des conséquences à la naissance. Le déficit maternel en vitamine D est l’une des étiologies de l’hypocalcémie néonatale, cause devenue fréquente y compris dans notre région à fort ensoleillement, vu les habitudes alimentaires et les coutumes vestimentaires. Nous nous proposons, à travers cette étude, d’analyser le profil épidémiologique, les caractéristiques cliniques et biologiques d’une série de nouveau-nés et de leurs mères ; et de déterminer les facteurs de risque d’une hypovitaminose D (Couple Mère- enfant).

Mots-clés :

Déficit en 25 OHD, hypocalcémie, grossesse, nouveau né, mère.

Abstract

The phosphocalcic metabolism of the fetus and the mother are strongly entangled: any abnormality of this metabolism in the mother can resonate in the fetus with consequences at birth. Maternal vitamin D deficiency is one of the etiologies of neonatal hypocalcemia, a cause that has become common, including in our region with strong sunshine exposition due to dietary habits and dress habits. Through this study, we propose to analyse the epidemiological profile, the clinical and biological characteristics of a series of newborns and their mothers and to determine the risk factors for hypovitaminosis D (mother-child pair).

Key-words :

25 OHD deficiency, hypocalcemia, pregnancy, newborn, Mother

Introduction

De nombreuses études récentes ont montré qu’il existe une carence pandémique en vitamine D chez les femmes enceintes pouvant entraîner des conséquences non négligeables autant pour la mère que pour son nouveau-né.

Objectifs

Attirer l’attention sur l’hypovitaminose D maternelle comme cause d’hypocalcémie néonatale et discuter la prévention par la supplémentation en Vitamine D durant la grossesse

Matériels et méthodes

Nous avons réalisé une étude prospective, descriptive et analytique entre le 1 Mars 2014 et le 31 Novembre 2016 qui a concerné les patients hospitalisés dans notre service pour convulsions par hypocalcémie, par carence en vitamine D maternelle.

Critères d’inclusion

  • Patients hospitalisés pour hypocalcémie symptomatique par carence en vitamine D, secondaire à une hypovitaminose D maternelle
  • Nouveau-né à terme et eutrophique

Critères d’exclusion

  • Autres etiologies d’hypocalcémie
  • Prise médicamenteuse ou antécédents pathologiques chez les mères pouvant interférer avec le métabolisme phosphocalcique

Organisation de l’étude

1.Évaluation des apports en vitamine D chez les mères par :

a.L’évaluation de la synthèse cutanée en vitamine D, appréciée par :
  • La durée d’exposition solaire définie en minutes par jour (OMS)
  • Les parties du corps exposées au soleil : visage, mains, bras, jambes
b.L’évaluation des apports alimentaire en vitamine D : Enquête diététique
  • Consommation en lait et autres produits laitiers (yaourt, fromage, beurre), poisson gras (sardines, thon, anchois) et œufs.
  • Une table de composition des aliments a été utilisée pour évaluer la teneur de ces aliments en vitamine D. Le total est exprimé en UI.

Les données cliniques (antécédents, enquête diététique, exposition solaire, examen clinique) et biologiques (calcémie, phosphorémie, albuminémie, créatinémie,vitamine D totale et PTH) de la mère et de l’enfant étaient recueillies sur une fiche technique. Les normes retenus pour l’évaluation de nos résultats : recommandations internationales.

L’exploitation statistique était réalisée sur le logiciel SPSS version 22.

Résultats

Nous avons colligé 35 cas avec un sex-ratio à 1.3, dont la moyenne d’âge était de 29 jours, la médiane était de 27 jours avec des extrêmes de 15 à 60 jours de vie.

Tous les patients étaient nés à terme et eutrophiques, les patients âgés de plus de 30 jours avaient reçu leur première dose de supplémentation en vitamine D selon le schéma national de prévention du rachitisme carentiel.

On notait aucune prise médicamenteuse ou antécédents pathologiques chez les mères.

Le tableau clinique était dominé par des convulsions et une hyper excitabilité. Les examens paracliniques ont révélé une hypocalcémie sévère dans tous les cas (le taux moyen de la calcémie était de 55 mg/ml chez nos patients).

 tableau clinique  calcemie

L’exploration étiologique de l’hypocalcémie néonatale a mis en évidence une hypocalcémie maternelle, toutes les mères présentaient sur le plan clinique une asthénie et des douleurs osseuses chroniques.

radiographie membresSur le plan biologique, une calcémie basse (calcémie moyenne : 60 mg/ml) ainsi qu’un taux de PTH augmenté chez 100 % des patientes (moyenne de la PTH=102 pg/ml).

Par ailleurs on notait des signes d’ostéopénie aux différents examens radiologiques.

L’exploration étiologique de cette hypocalcémie avait mis en évidence une carence sévère en vitamine D chez tous les enfants et leurs mères (taux de 25 OHD totale inférieur à 5 ng/ml).

Le dosage de la creéatinémie (5,7 ± 2,4 mg/ml), de l’albunémie (46 ± 5,5 mg/ml), de la phosphorémie (71,7 ± 7,7 mg/ml), et de la parathormone (30,9 ± 14,6 pg/ml), sont revenus sont anomalies.

Les facteurs de risque d’une hypovitaminose D maternelle identifiés étaient la faible exposition solaire, le port de vêtements couvrants et la carence nutritionnelle.

 saison  duree exposition solaire  apports alimentaires
 phytotype meres  vetements couvrantes

Le traitement a consisté en une calcithérapie avec supplémentation en vitamine D chez les enfants et leurs mères. On notait une bonne évolution avec correction des désordres biologiques.

Discussion

La vitamine D connaît depuis quelque temps, un spectaculaire regain d’intérêt, en raison de ses effets osseux « classiques », mais également extra-osseux (1,2). La vitamine D provient à 80–90 % de la biosynthèse cutanée sous l’effet du rayonnement ultraviolet. Seuls 10–20 % de la vitamine D proviennent d’une source exogène, via l’absorption d’aliments riches en vitamine D. Cette synthèse cutanée dépend, notamment, des conditions d’environnement (l’utilisation de crèmes solaires, habitudes vestimentaires), de la pigmentation de la peau, de l’âge (3), du poids (les sujets en surpoids ont un taux plus faible, lié au stockage de la vitamine D dans le tissu adipeux) (4,5), de la saison et de la latitude. En dessus de la latitude 33°

Nord (d’une ligne passant par le nord de l’Algérie), on considère qu’il n’est pas possible de synthétiser de la vitamine D par une exposition au soleil durant 1 à 6 mois de l’année en particulier en hiver. L’apport exogène dépend du type d’alimentation mais aussi des habitudes régionales (6).

Jusqu’à une époque récente, la concentration minimale satisfaisante en vitamine D était définie comme celle permettant de prévenir la survenue du rachitisme carentiel chez l’enfant et de l’ostéomalacie chez l’adulte, soit environ 8 ng/ml (20 nmol/l) (7).

C’est en 2010 que la plupart des experts internationaux s’accordent pour fixer chez l’adulte les valeurs limites. Un taux entre 20 et 30 ng/ml (50 et 75 nmol/ml) est considéré comme une « insuffisance », un taux entre 10 et 20 ng/ml (25 et 50 nmol/l), comme un « déficit » ; et inférieur ou égal à 10 ng/ml(≤ 25 nmol/ml) en vitamine D, comme seuil de « carence », en dessous duquel le risque de conséquences pathologiques osseuses à court terme est significatif.

Pour l’enfant, il n’y a pas de consensus et on considère qu’une concentration sérique minimale de 20 ng/ml est nécessaire (8).

Quel que soit le seuil utilisé, toutes les études démontrent une forte prévalence de l’insuffisance en vitamine D, estimée entre 30 à 80 %, et ce, dans différentes populations et sous des latitudes variées (6,9,10).

Chez le nouveau-né, le statut vitaminique dépend entièrement de celui de la mère. Les réserves maternelles de vitamine D peuvent soutenir les exigences du nourrisson pendant les 6 premières semaines de vie, seulement si le statut de la vitamine D chez la mère était suffisant à la fin de la grossesse, ce qui n’est souvent pas le cas.

Un déficit en vitamine D a été bien mis en évidence chez les femmes enceintes au terme de leur grossesse, surtout quand le dernier trimestre de la grossesse se déroule en hiver et au début du printemps (11,14), même dans des villes aussi ensoleillées que Marseille (15) ou Nice (16) ou lorsque les femmes sont obligées de rester alitées durant leur grossesse et n’ont pas reçu une supplémentation suffisante. En Irlande du Nord, 75% des femmes enceintes avaient une insuffisance en vitamine D et 16 % une carence (17). En Norvège, une étude multicentrique, incluant 86 femmes enceintes immigrées, originaires du Pakistan, de la Turquie et de la somalie, 57 % des femmes avaient un taux de vitamine D inférieur à 25 nmol/l et 15% moins de 12nmol/l (18).

Des études ont montré une relation entre ce mauvais statut vitaminique D et la fréquence des accidents d’hypocalcémie néonatale tardive, ou même précoce (19,20).

Bassir, dans son étude, réalisée en 2001, a trouvé dans une population de femmes enceintes iraniennes des taux circulants très bas ou nuls de 25(OH) D plasmatique dans 80 % de la population étudiée (57 femmes). Les nouveau-nés avaient des taux bas ou indétectables avec des signes biologiques d’ostéomalacie (élévation de la PTH circulante et des phosphatases alcalines) ; de plus l’adaptation néonatale du métabolisme calcique est perturbée avec une hypocalcémie néonatale sévère et durable (21).

En Jordanie, pays ensoleillé, une étude nationale (22), réa- lisée sur 2.013 femmes en âge de procréer, une carence (

En Algérie ; au cours des années soixante, le rachitisme carentiel était une cause importante de morbidité et de mortalité, notamment du fait de ses complications respiratoires. Le rachitisme était observé chez un enfant sur trois, de moins de 3 ans, dans les enquêtes nationales réalisées en 1963 et 1965. En 1973, Si Ahmed (23), avait noté une incidence radiologique du rachitisme de 33 % chez les enfants âgés de 3 à 23 mois. Une année plustard Chouakri trouvait une incidence de 49 %, dans le même groupe d’âge au niveau de la cité de Fougeroux (Bouzareah).

Dès l’indépendance en 1962, parmi les stratégies de prévention adoptées, la plus importante consistait à administrer 1 ampoule de 600.000 UI de vitamine D à 1, 6, 12, et 18 mois. L’instruction ministérielle 841 du 21 décembre 1998, fixe à l’âge de 1 et 6 mois, la prise systématique d’une dose de 200.000 UI, pour lutter contre le rachitisme (25).

La stratégie de prévention actuellement suivie semble satisfaisante, dans la mesure où l’on n’observe pratiquement plus de rachitisme carentiel dans notre pays, cependant il existe très peu d’études concernant l’évaluation du statut vitaminique D chez l’enfant sain, Drali (26) a retrouvé lors d’une étude entre le 1er juillet et le 1er septembre 2012 au niveau de la PMI du CHU Hussein Dey lors d’un rappel vaccinal, que 21% des enfants avaient un déficit, et 21 % une insuffisance en vitamine D. Akrour (27) a trouvé une prévalence du déficit en vitamine D de 21 %, chez 165 nourrissons âgés de 1 à 23 mois hospitalisés dans le service de pédiatrie de Blida en 2012.

Pour évaluer le statut vitaminique D des enfants d’âge

préscolaire, de la commune d’Hussein Dey, Drali a réalisée une étude transversale entre le 1er mars 2014 et le 1er mars 2016. Sur les 1.016 enfants âgés entre 9 mois et 5 ans révolus. 60,3% étaient en situation de déficit en vitamine D, 90% des nourrissons présentaient un déficit en vitamine D durant la saison automno-hivernale (28). Aucune étude n’a été réalisée en Algérie concernant la prévalence de l’insuffisance en vitamine D chez les nouveau-nés et leurs mères d’autant plus que les femmes ne sont pas supplémentés en vitamine D au cours de la grossesse dans notre pays.

Conclusion

Il faut penser à une hypovitaminose D néonatale et maternelle en cas d’hypocalcémie néonatale. Le déficit en vitamine D chez l’enfant est très probablement sous estimé dans notre pays. Une supplémentation systématique doit être mise en place au 3ème trimestre de la grossesse afin de maintenir un statut vitaminique maternel adéquat et un statut fœtal optimal, vu les besoins métaboliques accrus pour la croissance intra-utérine du fœtus.

Date de soumission :

13 Avril 2018

Liens d’intérêts :

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références
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  24. Chouakri O. Étude de la fréquence du rachitisme en zone urbaine. Thèse de doctorat en médecine, Alger 1974.
  25. Instruction ministérielle 841 du 21 décembre 1998 : Prévention du rachitisme carentiel
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Kyste hydatique mésentérique primitif

L’hydatidose, parasitose provoquée par Echinococcus granulosus, est localisée le plus souvent au foie et au poumon (70 % et 20 % respectivement)

03 Juillet 2018

K.S. BouK’Hil, D. BeKKat-BerKani
W. MeSSaDi, H. rezKi, n. CHerif,

Service de Pédiatrie B
CHU Issaad Hassani, Beni-Messous, Alger.

Résumé :

L’hydatidose, parasitose provoquée par Echinococcus granulosus, est localisée le plus souvent au foie et au poumon (70 % et 20 % respectivement). L’hydatidose péritonéale, qu’elle soit secondaire ou primitive, reste rare, représentant 5 à 16 % des cas de kyste hydatique, en grande partie secondaires à la rupture (spontanée, traumatique ou iatrogène) d’un kyste hydatique hépatique. Le kyste hydatique primitif est très rare. Dans cet article, l’auteur présente un cas de kyste hydatique mésentérique primitif révélé par des douleurs abdominales chroniques.

Mots-clés

Échinococcose, hydatidose, kyste hydatique, hépatique, mésentérique.

Abstract

Hydatid disease, mostly caused by Echinococcus granulosus is a common parasitic infestation of the liver. Most common sites are liver (70%) and lungs (25%). Intraperitoneal hydatid cyst is found in 13% and it is usually secondary to rupture of primary hepatic cyst. Primary hydatid cyst in mesentery is very rare. In this article, the author presents a case of primary mesenteric hydatid cyst with chronic pain in lower abdomen.

Key-words

Echinococcosis, Hydatidosis, Hydatid cyst, Hepatic, Mesenteric.

Introduction

L’hydatidose ou échinococcose est une helminthiase provoquée par le développement accidentel chez l’homme de la forme larvaire d’un cestode, Echinococcus granulosus. Cette infection parasitaire sévit de façon endémique dans de nombreux pays du bassin méditerranéen dont l’Algérie.

Cette hydatidose est localisée le plus souvent au foie et au poumon (70 % et 20 % respectivement), mais la maladie peut affecter n’importe quel organe [1] : rate, rein, pancréas, cerveau, ovaire, mésentère, vertèbres, tissus mous… Dans cet article, nous rapportons, une forme exceptionnelle de kyste hydatique mésentérique primitif chez un enfant, et précisons, à la lumière de cette observation, les caractéristiques épidémiologiques, les manifestations cliniques ainsi que la place des différentes modalités de prise en charge thérapeutique de l’hydatidose péritonéale.

Observation

G. Abdelmalek, âgé de 07 ans, demeurant en région rurale, a été admis le 22 mai 2012 pour des douleurs abdominales, évoluant depuis 02 mois, associées à une distension localisée au flanc droit.

Une notion de contact avec des chiens a été retrouvée à l’interrogatoire. L’examen a montré une masse ovalaire, mesurant 70 x 40 mm, siégeant au flanc droit, rénitente, mate à la percussion, indolore. Le reste de l’examen était sans anomalie.

L’échographie abdominale a révélé au niveau du flanc droit une masse bien limitée, grossièrement ovalaire, à paroi partiellement calcifiée, hétérogène par la présence d’un contenu hyperéchogène rubané délimitant quelques zones liquidiennes rappelant probablement des membranes décollées, évoquant un kyste hydatique au stade de décollement membranaire (figure 1).

La tomodensitométrie abdominale a montré une formation kystique arrondie, mesurant 35 x 42 x 38 mm, entourée d’une paroi partiellement calcifiée, non rehaussée après le contraste, avec décollement membranaire antéro-externe. Son contenu est hétérodense, à prédominance liquidienne. Elle est limitée en arrière et en dehors par le psoas et les muscles iliaques avec un liseré de séparation, en avant et en dedans par la paroi abdominale et les anses digestives avec un angle de raccordement aigu.

La graisse péri-lésionnelle est respectée et le foie est homogène, de taille normale (figure 2).

Les sérologies hydatiques étaient positives (1/160ème). Le diagnostic de kyste hydatique mésentérique primitif a été évoqué.

Une laparotomie a permis l’exérèse d’une masse de 08 cm de grand axe, adhérente aux plans profonds. Le foie, le pancréas, la rate et les autres organes étaient sans anomalie.Kyste hydatique 2

Les suites opératoires étaient simples. L’étude anatomo-pathologique a confirmé le diagnostic de kyste hydatique. Aucun traitement médical n’a été administré.

Après un recul de 12 mois, on notait une nette amélioration de l’état général de l’enfant.

On ne notait pas de douleurs abdominales, ni de troubles du transit. L’abdomen est souple. Le contrôle échographique est sans anomalie.

Discussion

Le kyste hydatique est une infection parasitaire, fréquente dans les pays du bassin méditerranéen, due à une larve de tænia du genre Echinococcus, notamment E. granulosus granulosus.

La maladie est provoquée par l’ingestion d’œufs du parasite provenant du chien, hôte définitif habituel du tænia.

Dans l’organisme de l’hôte intermédiaire, le plus souvent des herbivores comme les moutons, les œufs ingérés se transforment en larves puis passent la muqueuse jéjunale pour rejoindre les veinules et les lymphatiques pariétaux. Les deux tiers seront arrêtés au niveau du filtre hépatique, un quart au niveau du filtre pulmonaire et 10 % passeront dans la circulation systémique et pourront infecter d’autres organes.

Les larves qui auront survécu aux défenses de l’organisme se transformeront en kystes qui présentent deux couches : la membrane proligère, interne à partir de laquelle apparaissent les vésicules filles et une couche fibroblastique externe correspondant à la réaction de l’organisme, qui se calcifie dans 40 % des cas. Lorsque l’hôte définitif ingère des viscères provenant d’un hôte intermédiaire, le cycle est achevé. L’homme, accidentellement, devient un hôte intermédiaire quand il entre en contact avec un hôte définitif (habituellement les chiens domestiques), ou s’il ingère des légumes ou de l’eau contaminée par les larves [2].

La localisation la plus fréquente du kyste hydatique est ainsi le foie (59-75 %), puisqu’il constitue le premier et le plus large filtre des embryons parasitaires migrant de l’intestin vers la circulation portale. Les autres localisations sont par ordre de fréquence : les poumons (27 %), les reins (3 %), les os (1-4 %) et le cerveau (1-2 %) [3].

L’hydatidose péritonéale, qu’elle soit secondaire ou primitive, reste rare, représentant 5 à 16 % des cas de kyste hydatique [4], en grande partie secondaire à la rupture (spontanée, traumatique ou iatrogène) d’un kyste hydatique hépatique ou splénique primitif [5].

Les kystes hydatiques péritonéaux primitifs ne représentent, quant à eux, que 2 % des localisations abdominales.

Balik et al [6], dans une étude rétrospective de 27 patients opérés entre 1981 et 1999 pour kyste hydatique abdominal, retrouvent 19 patients (70,4 %) présentant une double localisation hépatique et extrahépatique.

Seuls 8 patients (20,6 %) avaient une localisation extrahépatique isolée : rate (3 patients), pancréas (2 patients), glandes surrénales (4 patients), mésentère (1 patient), mésocôlon (5 patients), ovaire (1 patient).

Un kyste péritonéal peut être considéré comme primitif quand aucun autre kyste n’est retrouvé. Sa physiopathologie reste imparfaitement élucidée. Plusieurs hypothèses essaient d’expliquer ces atteintes péritonéales primitives : celle qui semble la plus convaincante est la diffusion de l’embryon du parasite directement au niveau péritonéal en court-circuitant le foie et le pou- mon du fait de l’existence d’anastomose ou shunt entre la circulation pré et post-capillaire [7], cela pouvant être à l’origine du développement d’un kyste unique ou multiple.

La symptomatologie clinique est variable et le plus souvent non spécifique, liée à la localisation et à la taille du kyste. Dans une série de 27 cas, Balik et al [8] rapporte que 21 patients (77%) étaient asymptomatiques.

Pour El-Mansari [9], la douleur abdominale est le premier signe de l’hydatidose péritonéale, alors que pour Makni et al [10], l’affection peut se manifester par une augmentation du volume abdominal, une masse abdominale, un ictère rétentionnel.

Pour établir le diagnostic, les tests sérologiques et l’imagerie sont les principaux outils. L’échographie et la tomodensitométrie sont les méthodes de choix.

Elles permettent de préciser la localisation, la taille, le nombre du ou des kystes avec une très bonne sensibilité et spécificité [11]. L’échographie semble être le gold-standard pour le diagnostic.

Les signes échographiques les plus caractéristiques du kyste hydatique sont la présence d’un ou plusieurs kystes péritonéaux, localisés préférentiellement en région déclive. Le contenu de ces kystes est anéchogène ou peu échogène, la membrane proligère pouvant être visualisée au sein du kyste quand elle est détachée (signe du serpent).

Des vésicules filles peuvent être visualisées et des localisations hépatiques, spléniques aideront à évoquer le diagnostic. La tomodensitométrie, néanmoins, devra toujours être réalisée avant tout acte chirurgical, particulièrement en cas de localisation inhabituelle de la maladie [9].

Elle permettra de visualiser un ou plusieurs kystes de densité habituellement hydrique. Les vésicules filles se disposent en couronne à l’intérieur du kyste, pouvant lui donner une apparence multiloculaire. Si la membrane proligère se détache, elle peut être visible au sein du kyste (signe du serpent). L’IRM, pour sa part, est utile quand le kyste hydatique est localisé au niveau du pancréas ou en cas d’autres lésions kystiques (pseudo-kystes, cystadénome mucineux …) de nature non-infectieuse [12].

Les examens biologiques se résument à la sérologie hydatique. Elle est d’un grand apport diagnostique en cas de positivité. L’association de deux techniques sérologiques complémentaires, l’une quantitative (immunofluorescence – ELISA), l’autre qualitative (immunoélectrophorèse – hémagglutination) a une sensibilité d’environ 90 % avec une spécificité satisfaisante.

Toutefois les localisations extra-hépatiques peuvent mettre la sérologie en défaut [13].

Le traitement reste avant tout chirurgical. En effet, selon les recommandations de l’OMS, les localisations péritonéales sont une indication chirurgicale de choix, notamment pour les kystes hydatiques volumineux et symptomatiques [16].

La voie d’abord doit être large et facilement agrandie à la demande suivant les constatations peropératoires.

L’utilisation de solutions scolicides (sérum salé hypertonique, povidone iodine, eau oxygénée …) doit être la règle pour éviter la dissémination des scolex dans la cavité péritonéale et stériliser les kystes. Après ponction et stérilisation du kyste hydatique, on traite la cavité résiduelle par kystectomie, périkystectomie, péri-kystorésection ou omentectomie chaque fois que possible.

Le traitement médical, quant à lui, constitue un adjuvant utile au traitement chirurgical.

L’efficacité pré et/ou post-opératoire de l’albendazole ou du mébendazole a été soulignée par certains auteurs.

Selon Gil-Grande et al [14], son utilisation préopératoire permettrait de réduire le risque de récidive et simplifierait la résection du kyste. Polat et al [15], pour leur part, rapporte aussi que l’utilisation pré et post-opératoire de l’albendazole préviendrait le risque de récidive, en particulier en cas de déversement du contenu du kyste dans la cavité abdominale lors de l’acte chirurgical.

Toutefois, jusqu’à récemment, aucun consensus précis n’a été établi pour ce qui est des modalités et de la durée du traitement médical de l’hydatidose péritonéale [16].

Conclusion

L’hydatidose péritonéale primitive est une infection parasitaire rare, même dans les pays d’endémie, le plus souvent secondaire à une hydatidose hépatique.

Facile à reconnaître à l’échographie et à la tomodensitométrie, son traitement est encore jusqu’à présent chirurgical. Le traitement chirurgical permet l’exérèse du kyste hydatique alors que le traitement médical est utilisé pour éviter les récidives.

Date de soumission

03 Juillet 2018

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts

Références

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Hypertrichose généralisée chez l’enfant

L’hypertrichose généralisée chez l’enfant est une affection rare. Nous rapportons ici un cas d’un adénome cortisolique secrétant.

31 Mai 2018

N. Belhamri, G. el mGhari, N. el aNsari,
Service d’endocrinologie, diabétologie, maladies métaboliques et nutrition
CHU Mohamed VI, Laboratoire PCIM, FMPM, Marrakech, Maroc

Résumé :

L’hypertrichose généralisée chez l’enfant est une affection rare. Nous rapportons ici un cas d’un adénome cortisolique sécrétant. L’objectif de cette observation est de montrer la réalité de cette affection chez l’enfant malgré sa rareté, sa prise en charge diagnostique et thérapeutique et ses modalités évolutives. Il s’agit de l’enfant N.Y 12 ans présentant un volumineux adénome cortisolique gauche diagnostiqué à l’occasion d’un bilan d’une hypertrichose généralisée avec un tableau de pseudo puberté précoce , suspecté à l’ échographie et confirmé par un scanner. La surrénalectomie gauche avec le traitement médical à base d’hydrocortisone donne de bons résultats à court terme. Cette observation a permis d’illustrer l’intérêt de l’échographie comme examen de première intention et du scanner comme examen de confirmation. Mais la certitude reste histologique même si la limite entre la bénignité et la malignité reste parfois floue. La surrénalectomie par voie conventionnelle constitue l’essentiel du traitement. L’évolution est incertaine et le pronostic est bon.

Mots-clés

Enfant, hypertrichose, adfant, hypertrichos, surrénalectomie

Abstract

Generalized hypertrichosis in children is a rare disease. We report here a case of a cortisol secreting adenoma. The objective of this study is to show the reality of this pathology in children despite its scarcity, its diagnostic and therapeutic management and its evolutionary modalities. This is a 12 years old child with a large left cortisol adenoma revealed by a generalized hypertrichosis with a pseudo early puberty, suspected by ultrasound and confirmed by a CT scan. Left adrenalectomy under hydrocortisone gives good results in short term. This observation illustrated the interest of ultrasound as a first- line examination and CT scan as a confirmatory examination. But certainty remains histological even if the limit between benignity and malignancy sometimes remains unclear. Conventional adrenalectomy is the mainstay of treatment. The evolution is uncertain and the prognosis is good.

Key-words

Child, hypertrichosis, cortical adenoma, adrenalectomy

Introduction

L’adénome surrénalien est une tumeur bénigne du cortex surrénal, rare chez l’enfant il représente 0,2% des tumeurs pédiatriques avec un ratio de 1,5 chez les filles, et s’intègre parfois dans le cadre de syndromes de prédisposition comme les syndromes de Li et Fraumeni ou de Beckwith-Wiedemann.

Les signes cliniques évocateurs sont le plus fréquemment endocriniens, présents dans 90% des cas, l’hyper-sécrétion hormonale est faite de cortisol, d’androgènes, d’œstrogènes et plus rarement, d’aldostérone.

Des symptômes de virilisation sont le plus fréquemment observés et peuvent être associés ou non à un syndrome de Cushing. L’hypertension artérielle (HTA) par hyper- sécrétion d’aldostérone est plus rare.

Nous rapportons ici le cas d’un enfant de 12 ans, suivi pour un adénome cortisolique volumineux sécrétant, révélé par un syndrome de cushing, une hypertrichose généralisée avec une pseudo-puberté précoce.

Notre objectif est de montrer la réalité de cette affection chez l’enfant malgré sa rareté, sa prise en charge diagnostique et thérapeutique et ses modalités évolutives.

Observation

L’enfant N. Younes âgé de 12 ans, cinquième d’une fratrie de six, originaire et habitant à Tinghir , sans couverture sociale.

Hospitalisé le 06/09/17 au service d’endocrinologie pour bilan étiologique d’une pseudo-puberté précoce avec une hypertrichose généralisée.

Le début remonte à 18 mois avant l’admission par l’installation d’une obésité facio-tronculaire associée à une hypertrichose généralisée, le tout évoluant dans un contexte d’apyrexie et de conservation de l’état général.

À l’examen :
enfant ralenti, facies déprimé, TA = 150/80 mmhg , GC = 0,9g/dl , poids = 61 kg (+ 3 DS) , taille = 1,49 m (M), IMC = 27 kg/m2 , une hypertrichose sévère généralisée, Tanner P5 G3 avec des testicules de taille normal de 15 ml selon l’orchidomètre de Prader et une verge de 6 cm. Érythrose faciale avec des vergetures pourpres. Pas de signe de neurofibromatose cutanée. Le reste de l’examen est sans particularité.

hypertrichose generalisee 2
hypertrichose generalisee 3

 

Figure 1 : Signe clinique avant intervention.

Bilan biologique

Une cortisolémie de 8 h après freinage minute à 22 ug/dl, 2 CLU = augmenté à 2,5 fois la normale en regard d’une créatinurie normale.

hypertrichose generalisee 4hypertrichose generalisee 5

Figure 2 : Cycle du cortisol avec courbe de croissance.

A l’hypophysogramme : ACTH < 5 pg/ml, 17OHP après Synacthène < 650 ng/dl, SDHEA, delta- androstènedione n’ont pas été évalués malheureusement par manque de réactif, FSH = 0,1 UI/L, LH = 0,1 UI/L, Testostérone = 15 ug/L, T SH = 1,69 uIU/ml, T4l = 10,86 pmol/l, Prolactinémie = 69,39 ng/ml.

Bilan radiologique

Échographie testiculaire

Les deux testicules sont de taille normale, homogènes, de contours réguliers et normo vascularisés au doppler couleur, avec un kyste de la tête epididymaire droite.

hypertrichose generalisee 6
hypertrichose generalisee 7

 

Figure 3 : Echographie testiculaire.

TDM surrénalienne

Masse surrénalienne droite 5,41 * 3,2 * 4,73 cm spontanément hypodense avec une densité spontanée de 45UH, siège de multiples calcifications, rehaussée discrètement au temps portal après injection du PDC (temps portal : 60 UH et au temps tardif : 53 UH), dont le wash-out relatif est égal à 11 %.

En conclusion

Cc masse surrénalienne droite pouvant être en rapport avec un cortico-surrénalome vu le contexte.

hypertrichose generalisee 8
hypertrichose generalisee 9

Figure 4 : Image scannographique en faveur d’un corticosurenalome.

Concernant le bilan biologique de retentissement, il avait un bilan phosphocalcique normal, un bilan métabolique : lipidique et glycémique correcte. L’échographie transthoracique : cardiomyopathie, hypertrophie à hypertrophie ventriculaire concentrique modérée.

La prise en charge avait consisté en une surrénalectomie droite par voie coelioscopique après une préparation médicale. Les suites opératoires ont été particulièrement simples avec une insuffisance corticotrope transitoire. Mis sous hydrocortisone à la dose 10mg/m²/j avec une bonne amélioration et un complément de prise en charge psychologique et nutritionnelle.

Résultats anatomopathologiques

hypertrichose generalisee 10Aspect morphologique en faveur d’un adénome cortico-surrénalien remanié, sans signes histologiques évidents de malignité, score de Weiss entre 1-2.
L’évolution après la chirurgie était favorable.

Discussion

Le syndrome de Cushing est une pathologie rare chez l’enfant, les signes cliniques sont différents de ceux retrouvés chez l’adulte, il compromet souvent la croissance et la puberté.

C’est une pathologie grave par son retentissement physique et psychique et par ses complications.

Sa gravité est encore plus importante durant la phase de transition. L’adolescent, n’ayant pas encore terminé sa croissance est fragilisé sur le plan psychologique, soucieux de son aspect physique et de son avenir.

Chez l’adolescent et l’enfant, on retrouve des difficultés diagnostiques. Le tableau clinique est souvent atypique, ce qui peut induire un retard diagnostique.

La présentation clinique surrénalienne est différente. C’est la virilisation du patient qui fait évoquer le diagnostic plus que le syndrome de Cushing.

L’adénome surrénalien mérite donc une attention parce que l’évolution peut être greffée d’une mortalité et d’une morbidité dont la prévention passe par un diagnostic précoce.

Le traitement du syndrome de Cushing chez l‘enfant a quelques particularités.

Les enjeux de cette phase de transition sont la reprise de la croissance, le développement pubertaire, la fertilité ainsi que la restauration de la masse osseuse et la correction du syndrome métabolique.

La sécrétion hormonale des adénomes cortisoliques bénins, dits « purs » est en fait le plus souvent mixte. Une production modérée d’androgènes ne peut donc pas être considérée comme un marqueur de malignité.

Le mécanisme de cette sécrétion mixte (adénomes développés aux dépens de la zone fasciculée mais capables de produire des androgènes ? Ou adénome développés aux dépens des zones fasciculée et réticulée ?

Chez l’enfant, la majorité des adénomes cortisoliques sont de type sécrétant, tandis que seules moins de 50 % de ces tumeurs apparaissent fonctionnelles chez l’adulte.

Dans plus de 90 % des cas les signes cliniques évocateurs de l’adénome surrénalien sont le plus fréquemment endocriniens faits le plus souvent d’un syndrome de cushing.

Le tableau clinique est celui d’une pseudo-puberté précoce avec hypertrophie de la verge qui est constante.

Notre patient avait une verge de 6 cm, le volume des testicules reste normal pour l’âge, ce qui oriente vers une pathologie de la surrénale.

Modification de la croissance

L’excès des androgènes entraine une accélération de la croissance staturale et pondérale et de la maturation osseuse. Le plus souvent, la taille des enfants est supérieure à la moyenne normale de leur âge, la maturation osseuse est accélérée, l’âge osseux est avancé par rapport à l’âge chronologique.

Dans notre cas, la taille est normale, ceci est expliqué selon certains auteurs par l’action conjuguée des androgènes et des corticoïdes. La tumeur surrénalienne est plutôt l’apanage d’enfants plus jeunes. Son pronostic est péjoratif.

Conclusion

Cette observation a permis d’illustrer un cas particulier d’adénome cortisolique révélé par une hypertrichose généralisée avec une pseudo-puberté précoce.

Même si la limite entre la bénignité et la malignité reste parfois floue, la surrénalectomie par voie conventionnelle constitue l’essentiel du traitement. L’évolution est incertaine et le pronostic est bon.

Date de soumission

31 Mai 2018.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

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La douleur du tétraplégique et du paraplégique

La tétraplégie et la paraplégie sont des pathologies qui entrainent des douleurs d’intensité variable, qui peuvent être de multiples origines principalement : neuropathique et nociceptive.

07 Octobre 2018

A. HAmeg, D. KADi, m. ADerKicHi
CHU Nedir Mohamed, Tizi Ouzou

Résumé :

La tétraplégie et la paraplégie sont des pathologies qui entrainent des douleurs d’intensité variable, qui peuvent être de multiples origines principalement : neuropathique et nociceptive. Ces douleurs retardent la récupération motrice des patients au début, puis au stade de handicap entravent lourdement leur qualité de vie ; sachant que pour la plupart d’entre eux, la durée de vie est pratiquement égale à celle d’un sujet normal.

Le diagnostic, l’évaluation de l’intensité et la prise en charge précoce et spécifique de ces douleurs est une prérogative des médecins rééducateurs tout au long du suivi de ces patients, afin d’optimiser la récupération au début, puis pour amortir le retentissement de ces douleurs sur leur qualité de vie, déjà altérée par le handicap.

Mots-clés :

Douleur, tétraplégie, paraplégie, récupération, qualité de vie.

Abstract

Tetraplegia and paraplegia are pathologies that cause pain of varying intensity, which can be of multiple origins mainly : neuropathic and nociceptive. These pains delay patient’s motor recovery at the beginning, then at the handicap stage, which hamper their quality of life; knowing that for most of them, life expectancy is almost equal to that of a normal subject. Diagnosis, evaluation of the intensity and the early and specific management of these pains is a prerogative of the doctors rehabilitators throughout the follow-up of these patients, in order to optimize the recovery at the beginning then to amortize the repercussion of these pains on their quality of life, already impaired by the handicap.

Key-words :

Pain, quadriplegia, paraplegia, recovery, quality of life.

Introduction

La tétraplégie et la paraplégie sont des pathologies entrainant une paralysie des membres suite à une lésion touchant la moelle épinière. A ce déficit moteur s’associent des troubles de la sensibilité à l’origine de sensations douloureuses ressenties par les patients.

La douleur est définie selon l’OMS : « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable en rapport à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle ou décrite en ces termes. »

Elle est le plus souvent retrouvée chez le paraplégique et le tétraplégique, et peut être d’origine neuropathique, nociceptive, viscérale ou mixte.

C’est une complication majeure, car un nombre non négligeable de patients échangeraient une récupération motrice, sexuelle ou viscérale contre un soulagement de leur douleur.

La prise en charge doit être précoce et adaptée, car elle affecte la récupération motrice, le sommeil, les activités de la vie quotidienne et la réinsertion socioprofessionnelle.

Intérêt de l’étude

L’objectif de notre étude est d’individualiser les douleurs les plus fréquemment retrouvées chez le paraplégique et le tétraplégique et d’évaluer le retentissement de ces douleurs sur la récupération de la fonction motrice.

Types de douleurs

  • Douleur neuropathique :

    C’est une douleur qui est la conséquence directe d’une lésion ou d’une maladie touchant le système somatosensoriel. Elle peut être d’origine centrale : lésion de la moelle épinière, sclérose en plaque ; ou périphérique : sciatique, neuropathie diabétique.

    Physiopathologie :
    Terminologie de la douleur neuropathique :

    Allodynie : douleur causée par un stimulus qui normalement ne produit pas de douleur.

    Analgésie : absence de douleur en réponse à une stimulation qui normalement aurait été douloureuse. Anesthésie douloureuse : douleur ressentie dans une zone ou région d’anesthésie.

    Causalgie : syndrome combinant une douleur continue à type de brulure, une allodynie et une hyperpathie après une lésion nerveuse traumatique, souvent associée à un dysfonctionnement vasomoteur, sudoral et ultérieurement des troubles trophiques.

    Dysesthésie : sensation anormale et désagréable qui peut être spontanée ou provoquée.

    Hyperalgésie : réponse exagérée à une stimulation qui normalement est douloureuse.

    Hyperesthésie : sensibilité exagérée à une stimulation, à l’exception des systèmes sensoriels spécifiques.

    Hyperpathie : syndrome douloureux caractérisé par une réponse exagérée à un stimulus, qui est répétitif et dont le seuil est augmenté.

    Hypoalgésie : diminution de la douleur évoquée par un stimulus normalement douloureux.

    Hypoesthésie : diminution de la sensibilité à une stimulation exception faite des systèmes sensoriels spécifiques.

    Paresthésie : sensation anormale, non désagréable, qui peut être spontanée ou provoquée.

    Diagnostic de la douleur neuropathique :

    Les douleurs neuropathiques sont caractérisées par l’association d’un ensemble de symptômes et de signes communs à plusieurs étiologies touchant le système nerveux, ce qui justifie d’en faire une entité à part entière. Elles ont la particularité d’apparaître après un délai variable, parfois retardé après la lésion en cause contrairement aux douleurs nociceptives qui sont de survenue immédiate.

    Ainsi, en pratique, le diagnostic du caractère neuropathique d’une douleur repose avant tout sur un interrogatoire et un examen clinique bien conduits : L’interrogatoire recherche tout d’abord une sémiologie douloureuse particulière qui comporte des associations variées de plusieurs symptômes comprenant des douleurs spontanées et provoquées ainsi que des sensations anormales douloureuses.

    Les douleurs spontanées peuvent être continues et décrites comme superficielles (telles les sensations de brûlure, de froid douloureux) ou comme profondes (telles les sensations d’étau, de crampes).

    Il peut aussi exister une composante paroxystique à type de décharge électrique, ou coup de poignard.

    Outre les douleurs spontanées, le patient rapporte souvent des douleurs provoquées par des stimulations thermiques ou mécaniques. De même, les symptômes douloureux peuvent être accompagnés de paresthésies (sensations anormales non douloureuses) telles que des fourmillements, picotements, démangeaisons ou engourdissements.

    Ces sensations anormales sont appelées dysesthésies lorsqu’elles sont rapportées comme étant désagréables par le patient. Il faut rechercher à l’interrogatoire un contexte éventuel de lésion ou de maladie du système nerveux.

    L’examen clinique recherche l’association de signes neurologiques, avec notamment la recherche de déficit thermo-algique, sensitif ou moteur dans un territoire donné.

    De même, on recherche une allodynie (douleur en réponse à une stimulation normalement non douloureuse), ou hyperalgésie (exagération de la douleur en réponse à une stimulation normalement peu douloureuse) au frottement, à la pression ou au chaud. La topographie des douleurs et des déficits oriente le diagnostic.

    L’utilisation d’un outil diagnostique peut, à ce stade, aider à déceler une douleur neuropathique.

    Il existe plusieurs outils validés chez l’adulte. Parmi eux, on retient le questionnaire de dépistage DN4.

    DN4 : questionnaire de dépistage (Douleur Neuropathique en 4 questions) qui comporte 10 items répartis en 4 séries de questions. Les deux premières questions reposent sur l’interrogatoire visant à rechercher la présence de sept symptômes spécifiques dans le même territoire (brûlure, froid douloureux, décharges électriques, fourmillements, picotements, engourdissement, démangeaisons).

    Les deux dernières questions s’appuient sur un examen clinique visant à rechercher une hypoesthésie tactile fine (avec un monofilament de Von Frey de 10 g), une hypoalgésie à la piqûre (avec une épingle à bout mousse), et une allodynie au frottement.

    Ce questionnaire est rapide d’utilisation. Si le score est égal ou supérieur à 4 sur 10, il permet de dépister une douleur neuropathique avec une sensibilité de 83 % et une spécificité de 90 %.

    Il est par ailleurs possible de réaliser le dépistage par le questionnaire DN4 en utilisant uniquement les items portant sur l’interrogatoire : le score est alors calculé sur 7 items, et il est positif s’il est égal ou supérieur à 3 sur 7 avec une sensibilité de 78 % et une spécificité de 81 %.douleur du tetraplegique2

    Traitement

    Il existe un traitement médicamenteux et un traitement non médicamenteux.

    Traitement médicamenteux :

    Les douleurs neuropathiques ne sont pas ou peu calmées par les antalgiques de palier 1 tels que le paracétamol ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). D’autres classes thérapeutiques doivent être proposées.

    1. Les antidépresseurs tricycliques :

      L’efficacité des antidépresseurs tricycliques est largement établie dans les douleurs neuropathiques périphériques, notamment dans la neuropathie douloureuse du diabète et la douleur post-zostérienne, qui ont été particulièrement étudiées car considérées comme des modèles d’étude des douleurs neuropathiques. Ces traitements agissent essentiellement sur les systèmes de modulations de la douleur, en particulier sur les contrôles inhibiteurs descendants noradrénergiques. Ils ont également des propriétés stabilisatrices de membrane et probablement des effets directs sur les récepteurs bêta2 adrénergiques.

      La plupart de ces molécules possèdent une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les douleurs neuropathiques : amytriptyline (Laroxyl®), clomipramine (Anafranil®), imipramine (Tofranil®).

    2. Les antiépileptiques

      L’efficacité de la prégabaline (Lyrica®) et de la gabapentine (Neurontin®) a également été étudiée dans le cadre des douleurs neuropathiques du diabète et des douleurs post-zostériennes. La gabapentine possède l’AMM pour les douleurs neuropathiques périphériques alors que la prégabaline la possède pour les douleurs périphériques et centrales. Ces traitements agissent vraisemblablement en réduisant le phénomène de sensibilisation centrale par leur action sur une sous-unité des canaux calciques mais peuvent aussi avoir un effet sur les contrôles modulateurs de la douleur.

    3. Les antidépresseurs inhibiteurs de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (ISRNA)

      L’efficacité des antidépresseurs ISRNA, venlafaxine (Effexor®) et duloxétine (Cymbalta®), est établie dans le traitement des neuropathies périphériques liées au diabète. On note trois essais contrôlés multicentriques positifs pour la duloxétine. Seule la duloxétine bénéficie d’une AMM dans le traitement de la douleur neuropathique périphérique diabétique. Ces traitements agissent en renforçant les inhibiteurs descendants monoaminergiques de la douleur.

    4. L’emplâtre de lidocaïne

      L’emplâtre de lidocaïne (Versatis®) possède une AMM européenne, et est re- commandée en première intention pour le traitement de la douleur post-zostérienne. En effet, son efficacité sur ces douleurs a été établie par Binder en 2009, et une petite étude a confirmé son efficacité dans d’autres lésions nerveuses périphériques.

    5. Le tramadol

      Est considéré comme un traitement de recours en cas d’échec aux antidépresseurs ou aux antiépileptiques dans les douleurs neuropathiques. Son efficacité a été démontrée essentiellement sur les douleurs liées aux polyneuropathies. Compte tenu de son efficacité sur les douleurs par excès de nociception, ce traitement peut également représenter une aide dans le traitement des douleurs mixtes associant des mécanismes neuropathiques et nociceptifs comme par exemple les lombosciatiques.

    6. Les opioïdes forts

      L’efficacité des opioïdes forts (oxycodone, morphine, méthadone) est établie sur la douleur neuropathique notamment diabétique et post-zostérienne. Des études ont montré que les opioïdes forts sont efficaces sur les douleurs neuropathiques à des doses allant de 10 à 120mg/jour pour l’oxycodone (mo- lécule la plus étudiée). Cependant, les doses nécessaires pour obtenir cette efficacité semblent plus élevées pour la douleur neuropathique que pour la douleur inflammatoire. La prescription des opioïdes forts doit être réservée aux échecs des autres traitements disponibles.

    Traitement non médicamenteux

    • La neurostimulation transcutanée : NSTC ou TENS (transcutaneous electrical nerve stimulation) peut être utilisée en première intention chez des patients présentant des douleurs neuropathiques périphériques, dont la zone douloureuse est limitée et dont le déficit sensitif tactile est modéré du fait de la nécessité de percevoir des paresthésies pour l’obtention d’un effet antalgique. Elle renforce les contrôles inhibiteurs métamériques de la douleur. Les cibles sont les nerfs sensitifs périphériques.
    • Comme pour toutes les douleurs chroniques, les psychothérapies sont importantes comptes tenus de la co-morbidité anxio-dépressive fréquente, et des difficultés d’adaptation à la douleur.
      La thérapie cognitivo-comportementale est la plus recon- nue en matière de douleur chronique.
    • De même, l’hypnose peut avoir un effet sur la modu- lation douloureuse, sur la focalisation excessive sur la douleur ou sur les troubles émotionnels associés à la douleur.
    • Enfin, l’acupuncture peut être un appoint intéressant chez les patients neurotoniques ou anxieux, en limitant les phénomènes de renforcement de la douleur liés au stress mais également en intervenant dans le contrôle segmentaire de la douleur par stimulation des nerfs sensitifs.

Douleur nociceptive

C’est une douleur consécutive à une lésion liée à une surutilisation des structures osseuses, ligamentaires, musculaires ou articulaires.

Elle est en général d’allure mécanique, de niveau lésionnel ou sous lésionnel.

Physiopathologie

La lésion va entrainer une libération de prostaglandine puis de substance P qui va créer un œdème avec libération de bradykinine, d’où activation des nocirécépteurs.

Évaluation de la douleur nociceptivedouleur du tetraplegique3

Elle se fait par l’échelle visuelle analogique de la douleur ; (EVA dou- leur) : C’est une réglette graduée de 0 à 10 qui permet au patient de chiffrer l’intensité de sa douleur. Le 0 correspond à l’absence de douleur et le 10 correspond à une douleur maximale.

Traitement :

Les antalgiques classés selon les 3 paliers de l’OMS :

  • Palier 1 : analgésiques périphériques pour les douleurs légères.
  • Palier 2 : opioïdes faibles pour les douleurs modérées.
  • Palier 3 : opioïdes forts pour les douleurs intenses.

Douleur viscérale

Elle provient des récepteurs situés dans les organes des cavités thoraciques et abdominales. C’est une douleur sourde, brûlante ou déchirante. Elle est déclenchée par l’étirement extrême des tissus, substances chimiques irritantes, spasme musculaire.

Matériel et méthodes :

Notre étude s’est portée sur 40 patients (paraplégique- tétraplégique), hospitalisés au service de MPR du C.H.U Mohamed Nedir de Tizi-Ouzou, durant l’année 2016. L’évaluation de ces malades s’est faite par :
DN4 et EVA douleur pour la douleur et par la MIF (indice d’indépendance fonctionnelle) pour le retentissement fonctionnel.

Résultats :

Selon le sexe : Plus de deux tiers de la population d’étude (75 %) soit 30 sujets sont des hommes et moins d’un tiers (25 %) soit 10 sont des femmes. Avec sexe ratio H/F de 3.

Selon le tableau clinique : Le tableau de paraplégies est retrouvé dans (67,5 %) soit 27 cas, la tétraplégie dans (20 %) soit 08 cas, et le tableau de queux de cheval dans (12,5 %) soit 5 cas.

Selon l’étiologie : L’étiologie traumatique prédomine avec (65 %) soit 26 cas (accident de la voie publique, accident de la circulation, accident de travail). L’étiologie médicale est retrouvée dans (35 %) soit 14 cas (infectieuse, tumorale, vasculaire).

Répartition de la population d’étude selon la présence ou l’absence de la douleurdouleur du tetraplegique4

  • 28 patients ont présenté une douleur soit (70 %) dont : 20 sujets une douleur neuropathique soit (71,42 %), 07 patients ont présenté une douleur nociceptive soit (25 %) et 01 patient ayant présenté les 2 douleurs (mixtes).
  • 12 patients n’ont présenté aucune douleur (soit 30 %).

Traitement :

Les patients ont été traités comme suit : la douleur neuropathique par la prégabaline à dose de 150 mg/j avec un maximum de 300 mg/j, la douleur nociceptive par les antalgiques paliers 1 (paracétamol 3 g/j) ou palier 2 (tramadol 100 mg/j), parfois associée aux anti-inflammatoires non stéroïdiens.

La douleur mixte a été traitée par l’association prégabaline, anti-inflammatoires non stéroïdiens.

NB : 01 cas de résistance au traitement a été noté, ayant nécessité une consultation douleur.

nerf ulnaire 2
douleur%20du%20tetraplegique6

 

Mesure de l’indépendance fonctionnelle MIF :

La MIF a été développée pour offrir un système de mesure uniforme pour les incapacités ; basé sur la Classification Internationale des Déficiences, Incapacités et Handicaps, pour usage dans le système médical aux États-Unis (Mc Dowell & Newell, 1996).

Le niveau d’incapacité d’un patient indique le niveau de prise en charge requis et les items sont cotés sur la base de la quantité d’aide requise à l’individu pour accomplir ses activités de la vie quotidienne.

La MIF évalue 6 domaines fonctionnels (soins personnels, sphincters, mobilité, locomotion, communication et fonctions cognitives). Chaque item de la MIF est coté sur une échelle de Likert à 7 points, et un résultat indique la quantité d’assistance requis pour réaliser chaque item (1=assistance totale, 7=indépendance totale).

Un résultat global est créé et est compris entre 18-126, où 18 représente une dépendance complète/assistance totale et 126 représente une indépendance complète.douleur du tetraplegique7

Dans notre série d’étude, les tétraplégiques ont présenté une MIF de 45 en moyenne avant traitement, qui est passée à 60 après traitement des douleurs. Les paraplégiques sont passés d’une MIF de 80 à 95. Les patients ayant présenté une queux de cheval sont passés quant à eux d’une MIF de 95 avant traitement à 105 après traitement.Discussion

douleur du tetraplegique8La douleur est un symptôme fréquemment retrouvé chez les patients présentant une paralysie. Notre étude a clairement démontré qu’elle pouvait être d’origine variable ; d’où l’intérêt de faire un bilan complet : étiqueter la douleur, évaluer son intensité, son retentissement moteur, et enfin traiter chaque douleur de façon spécifique.

La douleur neuropathique a très bien répondu à la prégabaline, qui a agit par phénomène de désensibilisation centrale. La douleur nociceptive quant elle, a été soulagée par des antalgiques parfois associés aux anti-inflammatoires.

Le traitement spécifique de ces douleurs (neuropathique et nociceptive) chez le paraplégique et le tétraplégique a entrainé une nette amélioration de l’état fonctionnel (augmentation de l’indépendance fonctionnelle), permettant ainsi d’avoir une meilleure autonomie, un raccourcissement de la durée d’hospitalisation.

Conclusion

La douleur chez le paraplégique et tétraplégique reste une complication fréquente, qui perturbe les capacités de récupération et de restauration fonctionnelles. Elle résulte de multiples origines, en particulier neuropathique et nociceptive.

Le diagnostic précoce, et la prise en charge adaptée de ces douleurs, améliorent nettement le devenir fonctionnel de ces patients, ainsi que leur qualité de vie au stade de handicap.

Date de soumission

07 Octobre 2018

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

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  4. Bouhassira D, Attal N, Alchaar H, Boureau F, Brochet B, Bruxelle J, Cunin G, Fermanian J, Ginies P, Grun-Overdyking A, Jafari-Schluep H, Lanteri-Minet M, Laurent B, Mick G, Serrie A, Valade D, Vicaut E. Comparison of pain syndromes associated with nervous or somatic lesions and development of a new neuropathic pain diagnostic questionnaire (DN4). Pain. 2005, 114 :29-36.
  5. Attal N. Avancées dans le traitement pharmacologique des douleurs neuropathiques. Revue neurologique 2011; 167: 930-937.
  6. Attal N, Bouhassira D. Les douleurs neuropathiques: Des avancées expérimentales aux applications cliniques. Revue Neurologique 2004; 160 : 199-203
  7. Attal N, Bouhassira D. Translating basic research on sodium channels in human neuropathic pain. Journal of Pain 2006; 7: 31-7.
  8. Attal N, Cruccu G, Baron R, Haanpää M, Hansson P, Jensen T et al. EFNS guidelines on pharmacological treatment of neuropathic pain, 2010 revision. European Journal of Neurology 2010; 17: 1113-1188.
  9. Attal N, Fermanian C, Fermanian J., Lantéri-Minet M, Al- chaar H, Bouhassira D. Neuropathic pain: Are there distinct subtypes depending on the aetiology or anatomical lesion? Pain 2008; 138: 343-353.

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Compression du nerf ulnaire sur lymphangiome kystique axillaire chez l’adulte.

Les auteurs, a partir d’un cas clinique de lymphangiome kystique axillaire isole chez un adulte associe a des signes de compression nerveuse

09 AVRIL 2018

M. YAKOUBI, N. MEZIANI,
Z. LATER, A. BELHI
S. ZOUGGAR, R. BENBAKOUCHE,

Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique
CHU Lamine Debaghine, Bab El Oued, Alger.

Résumé

Les auteurs, à partir d’un cas clinique de lymphangiome kystique axillaire isolé chez un adulte associé à des signes de compression nerveuse, signalent une forme clinique originale d’une tumeur d’origine embryonnaire souvent l’apanage du jeune enfant. Le diagnostic est suspecté par la clinique et l’imagerie médicale, confirmé par l’anatomopathologie après une exérèse chirurgicale totale de la tumeur qui reste le seul traitement efficace.

Mots-clés :

Lymphangiome kystique, axillaire, isolé, adulte, compression nerveuse.

Abstract

The authors, from a single clinical case of isolated axillary cystic lymphangioma in an adult, associated with nerve compression signs indicate an original clinical form of an embryonic tumor often the preserve of the young child.

The diagnosis is suspected by clinical examination and medical imaging, confirmed by pathology after total surgical excision of the tumor which remains the only effective treatment.

Key-words :

Cystic lymphangioma, axillary, isolated, adult, nerve compression.

Introduction

Les lymphangiomes kystiques sont des tumeurs rares, de pathogénie peu précise et de localisations variables. Ce sont des dysembryopathies du système lymphoganglionnaire, responsables d’un syndrome tumoral par prolifération angio-lymphatique plus ou moins exubérante, mais histologiquement bénigne.

La localisation isolée axillaire des lymphangiomes kystiques chez l’adulte est rare. Nous rapportons un cas (qui nous semble rare et original) de lymphangiome kystique axillaire associant des signes de compression du nerf ulnaire.

Observation :

L’observation est celle d’un homme de 51 ans, sans antécédent particulier, qui consulte pour une masse axillaire gauche (figure 1).

Cette masse serait apparue 2 ans plus tôt, de petite taille au départ, elle aurait augmenté progressivement pour atteindre celle d’une orange occupant la totalité du creux axillaire. Elle est indolore et rénitente. Le patient a signalé des paresthésies au niveau du territoire du nerf ulnaire au niveau de la main sans signes déficitaires.

Il n’existe pas de troubles vasculaires. L’échographie a montré la présence d’une volumineuse tumeur d’allure kystique occupant la totalité du creux axillaire de 9 cm de grand axe (figure 2).

L’IRM a conclut en faveur d’une formation kystique de 9 cm/6 cm sans envahissement des structures adjacentes comprimant les structures nerveuses du canal huméral (figure 3).

À l’intervention chirurgicale, qui a consisté en une exérèse totale de la tumeur, on découvre une masse kystique à contenu hématique comprimant l’axe vasculo-nerveux axillaire (figure 4).

L’examen anatomopathologique confirme le diagnostic de lymphangiome kystique.

Au dernier recul à 23 mois postopératoires, le patient a retrouvé une fonction normale du membre supérieur gauche sans douleurs, la mobilité de l’épaule gauche était inchangée. Cette exérèse a permis la disparition des troubles neurologiques préopératoires, rappelons-le et le patient a repris normalement ses activités professionnelles, sans signes de récidive de la tumeur (figure 5).

nerf ulnaire 2
nerf ulnaire 2
nerf ulnaire 2
nerf ulnaire 2

Discussion :

Le lymphangiome kystique est une tumeur bénigne, rare (1,2,3). La région cervico-faciale en constitue le siège de prédilection avec une fréquence estimée à 75 % en moyenne(4).

Il peut se localiser dans l’abdomen, le thorax et dans la région axillaire comme chez notre patient. Cette localisation se rencontre beaucoup plus dans l’enfance et avant l’âge de 20 ans, mais peut être découverte à tout âge de la vie en raison vraisemblablement de la latence d’évolution. Son caractère isolé au creux axillaire est encore plus rare.

L’étiopathogénie de cette formation du système lymphatique reste obscure. Deux théories pathogéniques sont évoquées dans la littérature :

  • La théorie traumatique (5) explique la survenue de ces kystes par une obstruction ou une contusion lymphatique ; mais cette théorie, est rarement confirmée par l’histoire clinique.
  • • La théorie congénitale est la plus admise actuellement. Le lymphangiome proviendrait d’une séquestration (6) de sac lymphatique embryonnaire qui se remplirait progressivement de liquide lymphatique. Cette théorie expliquerait mieux notre cas où la masse augmentait progressivement de taille.

Sa croissance est lente, pouvant aboutir à un volumineux syndrome de masse en donnant une compression nerveuse comme chez notre patient. Il ne semble pas y avoir de régression spontanée ni de dégénérescence maligne.

À l’examen physique, il s’agit le plus souvent d’une tuméfaction molle, dépressible mais non réductible à la pression, quelquefois fluctuante, non pulsatile. La masse peut être bien ou mal limitée. La taille peut varier de quelques millimètres à plusieurs centimètres. Dans notre cas la taille a atteint 9 cm/6 cm.

L’échographie reste intéressante et donne suffisamment de renseignements (5,7,8) sur les caractères topographiques et le contenu (liquidien, pseudo-liquidien, caverneux) de cette tumeur. Le contenu hématique observé chez notre patient est probablement dû à une hémorragie intrakystique. L’IRM est l’examen de référence (9,10). En effet, elle permet d’effectuer une étude tridimensionnelle de la région intéressée ; meilleure que la TDM surtout en cas d’extension aux espaces profonds ou en cas de localisation multiple. Elle permet aussi de préciser les rapports avec l’axe neuro-vasculaire.

Quant à la ponction pour examen cytologique, elle est déconseillée vu le risque d’inoculation septique et d’hémorragie (11).

L’intervention chirurgicale demeure le seul traitement, le diagnostic est anatomo-pathologique lors de la chirurgie d’exérèse qui doit être aussi complète que possible et qui détermine le pronostic, tout en préservant les structures vasculaires, neurologiques et lymphatiques (12). Les formes diffuses ou infiltrantes sont inextirpables, et les exérèses incomplètes sont sources de récidives locales.

Le but de la chirurgie est d’avoir une exérèse complète avec préservation de toutes les structures vasculaires, neurologiques et glandulaires tout en respectant bien évidemment le côté esthétique (12).

Quant à la sclérothérapie (13), elle n’a pas sa place dans notre cas pour sa dangerosité, vu que c’est une région de passage d’éléments vasculo-nerveux et lymphatiques qui risquent d’être lésés. C’est une injection percutanée d’un produit sclérosant qui va provoquer une réaction inflammatoire type giganto-cellulaire, qui par la suite se transforme en une sclérose ou une fibrose responsable d’une stabilisation de l’évolution puis la quasi-disparition de la tumeur.

Conclusion :

Les auteurs rappellent à la lumière de cette observation, la rareté de la localisation axillaire isolée du lymphangiome kystique chez l’adulte, associant une compression nerveuse, l’apport de l’imagerie et l’intérêt d’une exérèse chirurgicale complète qui permet le diagnostic et constitue le traitement.

Date de soumission :

09 Avril 2018.

Liens d’intérêts :

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

  1. C. Caron-Poitreau, J.L. Racineux; J. Raimbault, J.Ph. Dauver, A. Dauver. Lymphangiome kystique thoracique et rétropéritonéal. Intérêt de la lymphographie. J. Radiol. 1979, 60, n°1, 33-36.
  2. K. Marsot-Dupuch, N. Levret, F. Chabolle. Formations kystiques cervicales de l’adulte. Feuillets de Radiol. 1990, 30, n°5, 347-361.
  3. M. Hivet, T. Bizard, J. Ramahlo. Les lymphangiomes kystiques abdominaux. Annales de gastro-entérologie et d’hépatologie 1982, 18 n°2, 141-143.
  4. Rakotosamimanana J, Raharisolo Vololonantenaina CR, Ratovoson H, Ahmad A, Razafindramboa H. Lymphangiome kystique cervico-médiastinal: à propos d’un cas et revue de la littérature ArchInst Pasteur Madagascar 2000; 66:61-4.
  5. E. Lehn, P. Fontaine, Ph. Collery, B. Senecail, J.C. Levasseur. Lymphangiome kystique de l’adulte. Trois observations. Méd. Chir. Dig. 1982, 11, n°5, 335-360.
  6. F. Anne, O. Hurtier, J.F. Garcia, J.C. Filippini, A. Piriou. Lymphangiome kystique du cou de l’adulte. Apport de l’échographie et de la tomodensitométrie. A propos d’un cas. Annales de radiologie : 1992, 35, n°4, 212-216.
  7. J. Girou, J. Conte, M.P. Chicoisne, F. Materes, J. Berjaud, M. Dahain. Lymphangiome kystique cervico-médiastinal. Annales de Radiologie : 1992, 35, n°4, 217-221.
  8. Ch. Jann, G. Schmutz, J.M. Wihlm, C. Chazelet, N. Roeslin, Fr. Hannequin. Lymphangiome kystique du médiastin: Données radiologique à propos desept observations.J. Radiol., 1987, 68, n°2, 86-89.
  9. Nancy MB, Chantal MG, Jose MM, Yutaka S, Diane KB, Richard JHS. Management of lymphatic malformations: if, when, and how. Head Neck Surg 2002; 13:85-92.
  10. Wong KT, Lee YYP, King AD, Ahuja AT. Imaging of cystic or cyst-like neck masses. Clin Radiol 2008; 63:613-22.
  11. Isenberg SF. Cystic Hygroma: Recurrence in an adult 34 years later. Am J Otolaryngol 1995; 16:347-9.
  12. Touhami M, Moumen M. Les lymphangiomes kystiques cervicofaciaux. J Chir 1991; 128:145-52.
  13. Wierzbicka E, Herbreteau D, Robert M, Lorette G. Malformations lymphatiques kystiques. Ann Dermatol Venereol 2006; 133:597-601.

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Maladie de Lyme : maladie potentiellement cécitante

La maladie de Lyme, encore appelée Borréliose de Lyme est une maladie multisystémique émergeante à cause du changement climatique que subit notre planète

24 Juillet 2018

S. Mouaki Bennani, a. ZeMMari,
Service d’Ophtalmologie, CHU Mustapha Bacha, Alger.

Résumé :

La maladie de Lyme, encore appelée Borréliose de Lyme est une maladie multisystémique émergeante à cause du changement climatique que subit notre pla- nète. Elle est transmise par des tiques vivant en régions humides et chaudes, infectés par des bactéries du groupe Borrelia. Elle se dissémine à partir d’un point de piqure pour atteindre plusieurs organes (articulations, systèmes nerveux, œil). Son expression clinique ophtalmologique est polymorphe allant de la conjonctivite à la cécité. Le diagnostic est clinique, confirmé par des tests sérologiques et la PCR. La prise en charge dépend de la phase de la maladie et des organes atteints. Il s’agit d’une maladie guérissable, si elle est prise en charge à temps, d’où l’intérêt de la sensibilisation et de la prévention en zones endémiques.

Mots-clés :

Multisystémique, piqure, expression polymorphe, sérologie, prévention.

Abstract

Lyme disease, also known as Lyme Borreliosis, is an emerging multisystem disease due to climate change in our planet. it is transmitted by ticks living in humid and hot regions, infected with bacteria of the Borrelia group. It spreads from a sting point to multiple organs (joints, nervous systems, eye). Its ophthalmologic expression is polymorphic ranging from conjunctivitis to blindness. The diagnosis is clinical confirmed by serological tests and PCR. The management depends on the phase of the disease and the affected organs. It is a curable disease if it is managed in time from where the interest of the sensiti- zation and the prevention in endemic areas.

Key-words :

Multisystem, sting, polymorphic, serology, prevention.

Introduction

La borréliose de Lyme (BL) est la plus fréquente des maladies transmises par tiques dans les régions tempérées de l’hémisphère nord (1).

C’est une infection bactérienne, causée par des bactéries du groupe Borrelia burgdorferi sensu lato, transmise à l’homme par une piqûre de tique (genre Ixodes) (2).

Découverte en 1975, suite à une pandémie d’arthrite chronique chez les enfants de la ville de Lyme de Connecticut (USA), ce n’est que 7 ans après que le biologiste Wiliam Burgdorfer met en évidence la source de ces symptômes en isolant des spirochètes de la salive et estomac de la tique Ixodes ricinus.

Longtemps négligée, la borréliose de Lyme occupe aujourd’hui une place dans les débats publics, son incidence augmente, en France 33.202 nouveaux cas ont été recensés en 2015 contre 26.146 en 2014, par le réseau de médecins Sentinelles, selon Santé publique France (3).

En 1995, un peu plus de 10.000 nouveaux cas ont été signalés aux USA alors qu’en 2014, environ 30.000 nouveaux cas (probables et confirmés combinés), ont été rapportés. Également au Canada une augmentation exponentielle du nombre de cas a été signalée avec 144 nouveaux cas en 2009 et 917 nouveaux cas en 2015 (ASPC, 2016)(4).

Épidémiologie et transmission :

Depuis la reconnaissance de la maladie de Lyme, son incidence a considérablement augmenté dans une grande partie de l’Europe et de l’Asie Selon la Lyme Disease Association (2017), elle a maintenant été signalée dans plus de 80 pays.

Depuis les années 1980, la densité des tiques a augmenté et s’est étendue aux altitudes plus élevées en Europe, probablement – en partie – en raison du changement climatique. la chaleur et l’humidité au début du printemps et à l’automne, sont des facteurs importants de l’augmentation de la population de tiques (4).

En Europe, le vecteur le plus répandu est une tique dure hématophage : Ixodes ricinus qui vit dans les zones boisées et humides, les herbes hautes des prairies, les jardins et les parcs forestiers ou urbains (5). On comptabilise plus de 300 espèces animales susceptibles d’être piquées par Ixodes ricinus, dont des lézards, des rongeurs, des oiseaux et des grands mammifères (6).

La maladie de Lyme n’est pas une maladie contagieuse (pas de transmission interhumaine). Ainsi, d’une manière générale, la transmission par le lait maternel, par voie sexuelle ou via les produits sanguins et les greffes est à ce jour non documentée chez l’homme. Seule l’infection par voie materno-fœtale a pu être suspectée dans une dizaine de cas en trente ans (7).

Manifestations cliniques

Il s’agit d’une maladie multisystémique touchant plusieurs organes (la peau, les articulations, le système nerveux ) ; l’atteinte oculaire est polymorphe, elle dépend du stade de la maladie.

La borréliose de Lyme évolue généralement en trois phases, lesquelles ne sont pas toutes obligatoirement observées :

  1. Phase précoce et localisée :

    Anciennement appelée primaire, dominée par une lésion papulo maculeuse érythémateuse, peu ou pas prurigineuse, centrée par un point de piqure et évoluant de façon centrifuge : « érythème migrant » (EM), signe pathognomonique de ce stade, apparaissant entre 03 et 30 jours après la piqure.

    L’érythème migrant est souvent localisé dans les plis (creux axillaires, poplités, aine, périnée, dos, fesses) ainsi qu’au niveau de la tête, en particulier chez les enfants (nuque, cuir chevelu, région rétro-auriculaire).

    Des symptômes systémiques (myalgies, arthralgies, fièvre modérée, fatigue, adénopathies) peuvent accompagner l’érythème migrant dans 10 à 30% des cas (8).

  2. Phase précoce disséminée :

    Anciennement appelée secondaire, survient quelques semaines à quelques mois après la piqure chez un patient non traité. Les manifestations sont la conséquence d’une dissémination hématogène du spirochète et peuvent atteindre les organes suivants : la peau, le système nerveux, le cœur, les articulations et exceptionnellement d’autres localisations (atteinte oculaire, hépatique, …) (8).

    • Manifestations cutanées :

      Les manifestations cutanées sont principalement l’érythème chronique migrant multiple qui peut être présent sur tout le corps et évoluer par poussées. Il s’agit d’une atteinte fréquente aux USA, rare en Europe.

      Un lymphocytome cutané bénin peut également survenir à ce stade. Il s’agit d’une petite lésion saillante de la peau (nodule) de 1 à 2 cm de diamètre et rouge-violacé siégeant principalement sur le lobe de l’oreille, le mamelon, le scrotum (9).

    • Manifestations neurologiques :

      Elles peuvent être classées en fonction de l’implication des systèmes nerveux périphérique et central. Elles se manifestent principalement par une paralysie faciale périphérique (le plus souvent), atteinte des autres nerfs crâniens (observée approximativement dans 5 % à 10 % des cas), une radiculonévrite hyperalgique ou méningite lymphocytaire, qui touchent toutes 10 % à 15 % des personnes infectées.

      L’atteinte centrale (parenchyme cérébral ou de la moelle épinière) est devenue rare, en partie grâce au diagnostic et au traitement rapides de la maladie relativement tôt dans le processus pathologique (10).

    • Manifestations articulaires :

      La maladie de Lyme peut se manifester par des arthralgies fugaces et migratrices, mais souvent elle se présente sous forme de monoarthrite ou oligoarthrite affectant le plus souvent le genou.

      D’autres grosses et petites articulations peuvent être touchées telles que la cheville, l’épaule, le coude ou le poignet. L’inflammation est généralement importante au niveau des articulations affectées, tandis qu’elles ne sont pas particulièrement douloureuses (11).

    • Manifestations cardiaques :

      La manifestation cardiaque la plus courante est le bloc auriculo-ventriculaire, qui peut fluctuer entre les pre- mier, deuxième et troisième degrés. Un bloc auriculo-ventriculaire du deuxième ou du troisième degré survient dans environ 0,8 % des cas de maladie de Lyme signalés aux CDC (Centers of disease control and prevention). Des symptômes de bloc auriculo-ventriculaire, notamment des vertiges, des palpitations, un essoufflement, des douleurs thoraciques et une syncope peuvent survenir de 4 à 7 mois après le début de la maladie, avec une médiane de 21 jours (12).

      Avec un traitement approprié, le pronostic est excellent, et les signes d’atteinte cardiaque disparaissent généralement en 1 à 6 semaines, selon le degré de perturbation de la conduction.

      Certains cas de bloc cardiaque complet peuvent nécessiter une stimulation temporaire (12).

    • Manifestations oculaires :

      Rare, décrite pour la première fois en 1985 chez un patient souffrant de panophtalmie, où le spirochète a été retrouvé dans le vitré (Steere et al., 1985).

      Toutes les structures de l’œil peuvent être concernées

      Dans les premières semaines suivant l’infection, une conjonctivite folliculaire a été décrite survenant chez environ 10% des patients. Une photophobie ainsi qu’un œdème périorbitaire ont été rapportés (13).

      Les cas de kératite observés ont été décrits comme des opacités stromales nummulaires sans atteinte épithéliale sus-jacente, ne seraient pas infectieux et répondraient aux corticostéroïdes topiques (14). La sclérite et l’épisclérite ont été rarement décrites (15).

      Un strabisme paralytique peut se voir au cours de la maladie de Lyme, dû à l’atteinte des paires crâniennes III, IV et VI. Le VI est plus fréquemment touché (16).

      Les uvéites peuvent survenir. L’uvéite intermédiaire est la plus fréquente, quand elle est antérieure, elle se présente sous forme d’une uvéite granulomateuse avec des précipités retro cornéens et synéchies irido-cristalliniennes. La forme postérieure est plus rarement rapportée (17).

      Cas 1 : Patient 24 ans, présente une BAV bilatérale évoluant depuis 02 semaines.

      FO : Choroïdite Multifocale avec atteinte de l’épithélium pigmentaire. Angiographie : fluorescence tardive de la choriocapillaire.

      OCT : Œdème maculaire avec décollement séreux rétinien. (Source iconographie : auteur).

      Des cas de vascularites rétiniennes ont été décrits avec au fond d’œil, un engorgement veineux, des hémorragies, des infiltrats périveineux, des taches blanches rétiniennes. L’angiographie à la fluorescéine montrait une diffusion à partir des veines, des taches rétiniennes et du nerf optique. Parfois on retrouve des signes d’uvéite chronique avec œdème maculaire cystoïde, vitrite et vascularite rétinienne pouvant se compliquer de néovascularisation (18).

      Les atteintes neuro ophtalmologiques sont aussi fréquentes (névrite optique, neuro-rétinite), elles représentent des signes précoces de neuroborréliose.

      La diplopie et la déficience visuelle, avec ou sans méningite, en sont les signes évocateurs. Les occlusions veineuses sont moins courantes (19).

  3. Phase tardive :

    Encore appelée tertiaire, survient quelques mois à quelques années après la piqure, en l’absence de traitement. Elle s’exprime par les lésions dermatologiques, articulaires et neurologiques.

    • Manifestations cutanées :

      Caractérisées par L’acrodermatite chronique atrophiante (ACA ou maladie de Pick-Herxeimer), qui se présente sous forme de lésions cutanées touchant initialement les zones d’extension des extrémités ; au départ, rouge-bleuâtres et œdématiées, mais deviennent ensuite atrophique « peau en papier à cigarette » (9).

    • Manifestations neurologiques :

      Rare, se caractérisant par une encéphalomyélite ou radiculomyélite évoluant depuis plus de 6 mois (myélopathie lentement progressive, ataxie, tétraparésie spastique, perte de l’audition, …) (9).

    • Manifestations articulaires :

      Dans la phase tardive, l’arthrite devient chronique et touche principalement les grosses articulations. Elle occasionne des douleurs durables avec des anomalies à la radiographie (9).

    • Post treatment Lyme disease syndrome (PTLDS) ou Syndrome post borréliose de Lyme :

      Il associe de multiples symptômes chroniques ou intermittents tels que : des douleurs musculo-squelettiques, des troubles de concentrations, des céphalées et des troubles mnésiques (20).

      Aucune étude n’a pu démontrer le bénéfice du traitement, qui au contraire, augmente le risque de résistance, toxicité et effets secondaires. Également, la responsabilité de Borrelia ainsi que sa persistance après un traitement bien mené n’est pas démontrée (21).

Diagnostic :

Le diagnostic de la maladie de Lyme est avant tout clinique. Il se base sur l’interrogatoire (notion d’exposition aux tiques ), un examen clinique complet à la recherche des signes cliniques et atteintes des différents organes cibles. Selon le cas, une sérologie sanguine et des examens complémentaires ainsi qu’un avis d’un médecin spécialiste seront demandés.

La stratégie diagnostique varie selon la phase de la maladie, mis à part l’érythème migrant pour lequel le diagnostic est purement clinique (sérologie non recommandée), la HAS (haute autorité de santé) recommande pour les autres phases de la maladie une sérologie sanguine : ELISA dans un premier temps ; puis, en cas de résultat positif ou douteux, réalisation du Western Blot.

Pour les atteintes neurologiques une ponction lombaire concomitante à la moindre suspicion d’atteinte infectieuse accessible à un traitement spécifique (infec- tion virale, VIH, ou autre) avec cytologie et biochimie du LCS et établissement de l’index anticorps anti-Bbsl (comparatif LCS/sérum) (LCS : liquide cérébro spinal) selon un protocole validé.

La présence d’une méningite lymphocytaire et d’une hyperprotéinorachie doit faire évoquer le diagnostic de borréliose de Lyme, ainsi que les autres étiologies. La positivité de l’index anticorps confirme le diagnostic de borréliose de Lyme.

La sérologie est généralement positive lors des atteintes oculaires. Une PCR à la recherche de Bbsl dans l’humeur aqueuse et une recherche d’anticorps dans le LCS sont recommandées en seconde intention en cas de doute diagnostique. La ponction de l’humeur aqueuse sera faite en milieu spécialisé et sur avis d’un ophtalmologue (22).

Des méthodes de diagnostic prometteuses sont en cours de travail : les dosages basés sur les lymphocytes T (cellules impliquées dans la réponse immunitaire), ou les cytokines (molécules impliquées dans la réponse immunitaire), des dosages métaboliques aussi (ensemble des composés exprimés par les cellules), et sur des tests sérologiques avec des antigènes spécifiques de Borrelia persistantes (23).

Prise en charge :

Une fois diagnostiquée, la borréliose de Lyme est traitée par antibiotiques, pendant 14, 21 ou 28 jours selon la situation. Selon les formes de la maladie, il faut y associer des traitements complémentaires et des traitements symptomatiques (24).

Les molécules utilisées sont multiples : doxycycline, amoxicilline / ceftriaxone ou azithromycine, dont le choix et le schéma thérapeutique dépendent du type de l’atteinte et des contre-indications de certaines molécules.

Un avis ophtalmologique spécialisé est indispensable en cas d’atteinte ophtalmologique, particulièrement si l’atteinte est postérieure ou accompagnée d’une neuropathie

Malgré l’absence de protocole consensuel à ce jour pour le traitement des atteintes ophtalmologiques ; comme au cours de la syphilis, les uvéites et les atteintes neuro- ophtalmologiques sont considérées comme des atteintes neurologiques de borréliose de Lyme.

Le traitement repose sur l’antibiothérapie recommandée en cas d’atteinte neurologique de borréliose de Lyme à savoir : la ceftriaxone (2g/j par voie parentérale chez l’adulte ; 100mg/kg/j chez l’enfant sans dépasser 2g/j) ou la doxycycline per os (200mg/j chez l’adulte ; 4mg/kg par jour chez l’enfant sans dépasser 200mg/j), pendant 21 jours ; associée à un traitement corticoïde, à discuter par les spécialistes (22).

Un traitement corticoïde local est recommandé en cas de conjonctivite, épisclérite, sclérite et uvéite, surtout antérieure. Un traitement corticoïde systémique est proposé dans les formes sévères postérieures et neuro-ophtalmologiques. Un agent cycloplégique peut être ajouté si l’inflammation est importante, ainsi que la vitamine A.

L’évolution dépend de la structure anatomique oculaire touchée et de l’intensité de l’atteinte initiale. Elle est généralement favorable sous traitement mais des baisses d’acuité visuelle séquellaires peuvent persister.lyme2

Évolution du cas 1 après traitement antibiotique : doxycycline et corticoïdes J3 post ATB. (Source iconographique : auteur).

La prévention de la maladie de Lyme :

La meilleure prévention consiste à se protéger contre les piqûres de tiques lors d’une activité professionnelle ou de loisir de plein air en zone boisée et humide, prairies avec des herbes hautes et parcs : port de vêtements longs, fermés et de couleur claire, et d’un chapeau.

La piqûre est indolore et peut passer inaperçue, un examen soigneux de tout le corps est recommandé après le retour de toute activité en nature.

Une tique doit généralement rester attachée au moins vingt quatre heures pour que le spirochète se transmette. Si la tique peut être enlevée rapidement, un traitement n’est pas nécessaire (18).

L’antibioprophylaxie systématique après piqûre de tique n’est pas indiquée car la plupart des tiques ne sont pas contaminantes et 95 % des piqûres infectantes aboutissent à une séroconversion sans maladie à cinq ans (seuls 5 % des personnes infectées développeront une infection active) (25).

Un vaccin est actuellement disponible aux États- Unis basé sur l’OspA (Outer surface protein A) de B. burgdorferi sensu stricto. Il a démontré une bonne efficacité, mais nécessitera sans doute un rappel annuel.

En Europe, des expériences ont montré l’inefficacité de ce vaccin sans réaction croisée entre les différentes OspA des souches européennes de Borrelia. Un vaccin est actuellement en développement avec un cocktail des OspA des trois principales espèces (B. burgdorferiss, B. afzelii et B. garinii) (26).

Conclusion

La maladie de Lyme est une maladie multisystémique transmise par des tiques d’incidence croissante de nos jours, compte tenu de sa large médiatisation, nécessitant un diagnostic précoce et une prise en charge adéquate afin d’éviter son évolution potentiellement cécitante sur le plan ophtalmologique.

Date de soumission :

24 Juillet 2018.

Liens d’intérêts :

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

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Les infections ostéoarticulaires chez l’enfant

Les infections ostéoarticulaires sont des affections fréquentes et graves (1). Elles constituent de véritables urgences thérapeutiques.

24 Juillet 2018

Z. BENHACINE, S. BICHAT, Z. BOUDERDA
Service de Pédiatrie B
CHU Abdesselam Benbadis, Constantine

Résumé :

Les infections ostéoarticulaires sont des affections fréquentes et graves (1). Elles constituent de véritables urgences thérapeutiques. L’affirmation diagnostique par la ponction articulaire ou une collection osseuse avec examen bactériologique ne doit en aucun cas retarder la mise sous antibiothérapie plus au moins drainage chirurgicales (2). L’apport de l’imagerie : scanner et IRM ostéo-articulaire ont révolutionné le diagnostic d’infections ostéo-articulaires en cas de négativité du bilan inflammatoire, pour éliminer une AJI ou une leucose. Le retard diagnostic et thérapeutique est corrélé à un fort pourcentage de handicap fonctionnel, ostéomyélite chronique et troubles de croissance osseuse. Nous rapportons l’expérience d’un service de pédiatrie, avec étude du profil épidémiologique, clinique, et évolutif sur une période de 2 ans.

Mots-clés :

Urgences thérapeutiques, ponction articulaire et examen bactériologique, IRM ostéoarticulaire, handicap.

Abstract

Osteoarticular infections are frequent and serious conditions (1). They constitute real therapeutic emergencies. The diagnostic statement by joint puncture or a bone collection with bacteriological examination should in no case delay the use of antibiotic therapy or at least surgical drainage (2). The contribution of imaging: scanner and MRI osteo-articular revolutionized the diagnosis of osteoarticular infections in case of negativity of the inflammatory balance, to eliminate JIA or leucosis. Delayed diagnosis and therapy are correlated with a high rate of functional disability, chronic osteomyelitis and bone growth disorders. We report the experience of a pediatric service, with study of the epidemiological, clinical, and evolutionary profile over a 2 years’ period.

Key-words :

Therapeutic emergencies, articular puncture and bacteriological examination, osteoarticular MRI, functional disability.

Introduction

Les infections ostéoarticulaires sont définies par l’infection d’un os ou d’une articulation par un germe pyogène. Elles représentent des urgences médicales pédiatriques. Leur diagnostic clinique, évoqué devant une fièvre, une douleur osseuse, une boiterie avec un syndrome inflammatoire positif, une radiographie osseuse anormale, est conforté par l’imagerie : scintigraphie osseuse, scanner, IRM rarement pratiquée au début, montrant l’abcès sous périostique. La ponction osseuse ou articulaire avec étude bactériologique confirme le diagnostic en montrant un staphylocoque dans plus de 90 %.

Le traitement associe une antibiothérapie double par voie IV à une immobilisation plâtrée, parfois un drainage chirurgical d’un abcès sous périostique. Un retard de prise en charge est associé à des troubles de croissance, ou le passage vers l’ostéomyélite chronique mettant en jeu le pronostic fonctionnel d’un membre. Nous rapportons l’expérience du Service de Pédiatrie B du CHU Ben Badis de Constantine, durant 2 ans, en précisant les profils épidémiologique, clinique, et évolutif et en se comparant aux données de la littérature actuelle.

Matériel et méthodes :

Il s’agit d’une étude rétrospective, menée de Janvier 2016 à Septembre 2017, dans l’unité des maladies infectieuses du Service de Pédiatrie B du CHU Ben Badis de Constantine.

13 dossiers diagnostiqués comme ostéoarthrites ou ostéomyélites, d’enfants âgés de 1 à 15 ans ont été étudiés en précisant les paramètres cliniques, radiologiques, bactériologiques et évolutifs.

Résultats :

13 dossiers d’enfants dont 7 garçons (54 %) et 6 filles (46 %) ont été colligés, présentant une ostéomyélite ou une ostéoarthrite.

L’âge moyen du diagnostic était de 5 ans : 7 enfants étaient âgés de moins de 5 ans. Les localisations ostéoarticulaires sont réparties en arthrite : 8 fois/13 (62 %), hanche 5/13 (38 %), genou 3/13 (23 %), le reste concernait des ostéites ou des ostéomyélites des os longs : fémur et tibia. La fièvre et le bilan inflammatoire étaient positives dans tous les cas. Des anomalies radiologiques ont été notés chez 10 cas sur 13 (77 %).

Le scanner, réalisé dans 3 cas, était normal pour un cas d’arthrite de la hanche sur hépatite auto-immune, greffée. Il avait montré des séquestres osseux pour un cas d’ostéomyélite chronique.

Le scanner avait montré une pandiaphysite dans le 3ème cas.

Le staphylocoque a été isolé à l’hémoculture chez 3 cas sur 13 (23 %), et un BGN chez un cas (enterococcus farinea).

Les patients ont été traités par deux antibiotiques synergiques : Céfacidal® (céfazoline), Amiklin® (amikacine), dans un premier temps, la vancomycine a été rajoutée au second plan, devant la non réponse clinique et biologique.

Un enfant est décédé (retard diagnostic de 3 jours), dans le cadre d’un choc septique. Le reste des enfants a bien évolué, sauf dans 2 cas, où on a noté le passage à une ostéomyélite chronique.

Discussion :

Les infections ostéoarticulaires sont fréquentes, mais rares (2 % durant l’année 2015), par rapport aux infections pleuropulmonaires .

Une prédominance masculine est retrouvée tant dans notre étude que dans les autres études de la littérature. Les garçons ont relativement une activité physique plus intense comparés aux filles. Le rôle d’un traumatisme initial a été retrouvé dans 80 % des cas, venant conforter cette hypothèse.

Le délai entre le 1er symptôme et la consultation était de 3 à 15 jours, délai relativement court par rapport aux autres délais rapportés dans la littérature, pouvant aller de 15 à 90 jours.

La prédominance de l’arthrite et de l’ostéoarthrite (8 cas sur 13, soit 62 %), chez les enfants moins de 5 ans, est liée au mécanisme de vascularisation transphysaire chez cette catégorie, en particulier chez les enfants moins de 2 ans, et sa propagation vers l’épiphyse et l’articulation.

La porte d’entrée est dans la sphère ORL dans 6 cas sur 13 (46 %), mais aussi cutanée, ou digestive. La boiterie fébrile, ou tuméfaction ou douleur osseuse fébrile, avec hyperleucocytose à polynucléose et élévation de la CRP, a été retrouvée chez tous les patients sauf dans 2 cas.

L’isolement du staphylocoque a été réalisé chez 3 cas sur 13 (23%), ce qui est concordant avec les données de littérature, ce faible pourcentage est lié à la prédominance de la population de plus de 5 ans (8/13, 62 %).En effet chez cette dernière, le Kingella kingee est le germe prédominant, et n’a pas été isolé, vu que nous ne disposons, pas des techniques de PCR.

Tous les enfants étaient immunocompétents et sans antécédents de drépanocytose, aucun salmonelle n’a été isolé. Chez un cas, nous avions isolé un BGN type entrococcus farinea.

La radiographie osseuse était normale au début, ce qui ne doit en aucun cas éliminer le diagnostic, d’où l’intérêt de la répéter.

Bien que l’IRM et la scintigraphie soient d’un grand apport diagnostic, elles ne sont pas pratiqués au début, sauf s’il y a complications : abcès sous périostique, passage à l’ostéomyélite chronique.

La série de Kouamé parle de la sensibilité du germe aux B-lactamines, nous avons retrouvé un pourcentage équivalent avec la Ceftriaxone.

L’immobilisation plâtrée à visée antalgique était associée à l’antibiothérapie dans tous les cas. Devant La persistance de la fièvre plus de 4 jours, nous avons prescrit la vancomycine.

La persistance de la fièvre n’est pas obligatoirement liée à la résistance du germe à une émergence des souches toxines sécrétrices de leucocidine de Panton-Valentine (LPV) ou à une collection importante de plus de 10 cm. L’échographie osseuse ou articulaire retrouve sa place confirmant la présence d’un abcès sous périostique, ou d’un épanchement articulaire de grande abondance. Le drainage chirurgical règle le problème dans ce cas.

Tous les malades ont bien évolué, sans séquelles, sauf dans 2 cas : passage à une ostéomyélite chronique avec indication du traitement orthopédique chirurgical des séquestres.

Conclusion :

Les infections ostéo-articulaires sont des urgences médico-chirurgicales fréquentes et graves dans les pays en voie de développement.

Il faut les évoquer devant toute douleur osseuse ou impotence fonctionnelle fébrile ou non fébrile lors du 1er épisode d’infection ostéo-articulaire même en l’absence du syndrome inflammatoire

La ponction osseuse ou articulaire réalisée avant toute antibiothérapie confirme le diagnostic et permet un traitement adapté. L’hospitalisation doit être courte avec une antibiothérapie réduite à quelques jours.

Repérer rapidement les formes graves a staphylocoque sécréteur de PVL+, et suivre la sensibilité de ces souches aux antibiotiques

Le raccourcissement du délai de consultation et l’antibiothérapie adaptée restent les seuls garants de la bonne évolution et l’éviction du passage vers l’ostéomyélite chronique avec son lourd tribut. La prévention passe par le traitement énergique de toute porte d’entrée

Date de soumission :

24 Juillet 2018.

Liens d’intérêts :

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références :

1.Moulot Mou, et al les infections ostéo-articulaires, au CHU de Treichville édité en 2017

2.Daniel Floret : les infections ostéoarticulaires de l’enfant Université Claude Bernard Lyon – 2008

3.Kiemtore Sibraogo : les infections ostéoarticulaires au CHU de Yalgado aspects épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques. Thèse 1996-1997

4.H. Oubejja les infections ostéoarticulaires de l’enfant profil épidémiologique 2016 innovative space of scientific research journals http://www.ijias.issr-journals.org/

5.S. Seon et al ; les infections ostéoarticulaires de l’enfant de la physiopathologie à la thérapeutique Hôpital de la Thimone – Marseille, France.

6.Docteur Bernardo Vargas Barreto – Infection ostéoarticulaire de l’enfant – avril 2005, (92a)

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Étude des connaissances et pratiques des mères sur l’allaitement maternel

Selon l’OMS, le lait maternel est l’aliment naturel et idéal pour le nourrisson durant les premiers mois de sa vie. Dans les pays en développement, on observe une tendance au déclin de l’allaitement maternel.

14 Avril 2018

O. Drali (¹), N. lamDjaDaNi (2)
H. BerraH (¹), Z. arraDa(¹)

(1) Service de Pédiatrie B
(2) Service d’Épidémiologie et de Statistiques
CHU Nafissa Hammoud, Hussein Dey, Alger.

Abstract

According to WHO, breast milk is the natural and ideal food for infants during the first months of life. In developing countries, there is a trend towards declining breastfeeding. We propose through this work, to evaluate breastfeeding knowledge and practices and determine the factors that influence mothers to start breastfeeding.

Key-words :

Breastfeeding, Algeria, knowledge, practices

Introduction

Les bénéfices de l’allaitement maternel sont nombreux, et ce dans tous les milieux socio-économiques. Ils concernent la santé des enfants et de leur mère, la relation mère-bébé, mais aussi l’équilibre socioéconomique des familles, des États, et la protection de l’environnement.

Ce geste que des millions d’années d’évolution humaine n’ont pas modifié, fait partie intégrante de notre patrimoine biologique et humain.

Matériel et méthodes

Il s’agit d’une étude prospective, analytique et transversale réalisée entre mars 2014 et mars 2016. 508 femmes ayant des enfants âgés entre 0 et 24 mois ont été interrogées lors des différentes séances de vaccination.

Les renseignements étaient retranscrits sur une fiche technique préétablie et l’exploitation statistique était réalisée sur logiciel SPSS 22.

Résultats

Le taux moyen de l’allaitement maternel exclusif était de 8%. La durée moyenne de l’allaitement maternel exclusif était de 92,5 jours. La moyenne d’enfants par mère était de 2,65. Plus de la moitié des mères avaient un âge inférieur à 30 ans avec un niveau d’instruction moyen.

niveau instruction meres

Les difficultés retrouvées au cours d’un allaitement maternel (AM) antérieur étaient dominées par une insuffisance lactée (60 %).

Environ 50,3 % n’avaient aucune idée sur la valeur du colostrum. Seules 12,2 % des parturientes ont bénéficié des informations prénatales sur l’AM. 67,3 % des mères avaient donné d’autres liquides non lactés.

Seulement un tiers des mères savaient que l’allaitement maternel devait être exclusif jusqu’à 6 mois et 25 % avaient connaissance des avantages du lait maternel.

connaissances meres am

Les raisons invoquées par les mères pour la non poursuite de l’AM étaient dans 62,5% des cas une insuffisance lactée suivie dans 32,5% des cas par une meilleure croissance avec le lait artificiel.

connaissances meres am

Il n’y a pas de corrélation statistiquement significative entre la durée de l’allaitement maternel exclusif et l’âge de la mère ainsi que son niveau d’étude (P>0,05). Elle diminue par contre de façon statistiquement significative avec la parité ainsi qu’avec la profession de la mère (P<0,05).

Discussion

Depuis la fin du XIXe siècle, des substituts de lait humain ont été commercialisés, l’alimentation au lait industriel est devenue la norme. Notre étude relève comme d’autres études un faible taux d’allaitement maternel exclusif jusqu’à six mois soit 8 %, alors que c’est ce mode d’allaitement qui est prôné par l’OMS et l’UNICEF (1)

Notre taux est faible contrairement à celui retrouvé au Maroc par Barkat et al. soit 31 % en 2004. Aux États- Unis selon l’étude de Sheally et al. (2), plus de la moitié des mères allaitent leurs enfants uniquement avec du lait maternel jusqu’à 4 mois.

Selon l’OMS et l’UNICEF le lait maternel est l’aliment naturel et idéal pour le nourrisson durant les premiers mois de sa vie. Tout enfant doit recevoir exclusivement le lait de sa mère dès la naissance et le plus longtemps possible pendant au moins les deux premières années de la vie (1).

Le lait maternel a des avantages énormes : c’est un aliment complet, équilibré, économique, spécifique et stérile, sa température est idéale car il est donné directement du sein de la mère à la bouche de l’enfant. L’allaitement au sein maintient une relation psychoaffective favorable au bon développement de l’enfant et permet un meilleur épanouissement de la mère et de l’enfant. L’allaitement constitue la meilleure façon de nourrir un nouveau-né en bonne santé (2).

En début de période de lactation, les avantages que procure le lait humain sont mieux perçus lorsque le nourrisson reçoit l’allaitement maternel exclusif jusqu’à six mois (3).

Certains travaux ont montré que l’introduction précoce des aliments de complément est associée à une augmentation du risque des maladies diarrhéiques (3).

Selon l’OMS et l’UNICEF, seulement 55 % des nourrissons dans le monde bénéficient pendant les 4 premiers mois de leur vie d’un allaitement maternel exclusif, ce qui est très insuffisant.

Dans les pays en développement, on observe une tendance au déclin de l’allaitement maternel, surtout dans les grandes villes. Dans les sociétés rurales traditionnelles d’Afrique, d’Asie, et d’Amérique du sud les femmes sont valorisées par leur maternité où l’allaitement au sein prend une part importante.

Cependant, certaines pratiques socioculturelles ou religieuses peuvent empêcher un allaitement maternel exclusif telle que la croyance du « colostrum mauvais » car considéré à tort comme sale (1).

Plusieurs raisons ont été évoquées pour expliquer ce déclin dans nos pays parmi lesquelles la perte des valeurs traditionnelles, la migration des familles dans les villes, le retard de la première tétée, les pressions commerciales (publicités) abusives des fabricants de laits artificiels (3).

Pour permettre aux mères de débuter et de maintenir l’allaitement exclusif au sein pendant 6 mois, l’OMS et l’UNICEF recommandent :

  • De commencer l’allaitement dans la première heure qui suit la naissance .
  • De s’en tenir à l’allaitement exclusif au sein – c’est-à-dire que le nourrisson ne doit absorber que du lait maternel et aucune autre nourriture ou boisson, pas même de l’eau .
  • D’allaiter à la demande – c’est-à-dire aussi souvent que l’enfant le réclame, de jour comme de nuit .
  • De ne pas utiliser de biberons, de tétines ou de sucette .

Nous avons noté dans notre étude qu’il n’y a pas de corrélation statistiquement significative entre la durée de l’allaitement maternel exclusif et l’âge de la mère et son niveau d’étude (p>0,05). Kobela a retrouvé par contre que l’âge, la parité, le niveau d’éducation, le travail externe de la mère et le milieu urbain sont les facteurs influençant négativement l’allaitement maternel. Mais Nlend et al. (3) ont décrit que la durée de l’allaitement maternel exclusif croit avec le nombre d’enfants.

L’étude des coûts-bénéfices sanitaire et psychologiques de l’allaitement est particulièrement difficile en raison de nombreux facteurs socio-économiques, psychosociaux, et environnementales. Selon la littérature scientifique, allaiter le bébé au sein présente de nombreux avantages. L’allaitement maternel diminue le risque d’allergies primaires chez l’enfant, sauf peut-être pour les enfants prédisposés aux allergies (4). Le risque d’asthme, de dermatite atopique, de rhinite allergique et d’allergie aux protéines de lait de vache augmenterait en l’absence d’allaitement, tout comme le risque infectieux (5).

Grâce au colostrum (et parce que l’allaitement ne fait pas appel à de l’eau non-potable pour préparer un lait artificiel), l’allaitement au sein diminue le risque d’infections des voies aériennes supérieures (6) et le risque d’otites moyennes aiguës (6). Dans les pays dits développés, un allaitement de plus de 4 mois diminue le risque d’infections respiratoires sévères nécessitant une hospitalisation (7).

Dans les pays en voie de développement, les bénéfices de l’allaitement sont encore plus marqués, diminuant fortement la mortalité par pneumonie ou infection respiratoire basse et la mortalité générale de l’enfant (et du nourrisson de moins de six mois par cause de diarrhée) (5).

En effet, l’accès à une source d’eau potable de bonne qualité, préalable indispensable à l’utilisation de substituts de lait humain, est souvent peu aisé, avec un risque de contamination infectieuse important. L’allaitement maternel est d’autant plus recommandé dans ce contexte, avec la possibilité de sauver près de 1,3 million d’enfants chaque année si l’allaitement était massivement utilisé (8).

Les selles seraient moins acides, ce qui limiterait l’érythème fessier. Le lait maternel se digérerait plus facilement (entre 20 minutes et 2 heures). La mécanique de succion au sein (« tétée physiologique ») permettrait un meilleur développement de la mâchoire, et diminuerait le risque de malocclusion dentaire ou leur gravité, indépendamment de la qualité du lait ; à condition toutefois de ne pas poursuivre au-delà de l’âge d’évolution physiologique de la déglutition, soit vers 1 an et demi à deux ans (9).

S’il dure plus de 4 mois, l’allaitement diminue aussi les risques de pathologie digestive (les études faites dans les pays développés, un moindre risque de diarrhée et d’hospitalisations pour ce motif).

Il semble aussi diminuer le risque d’obésité (10,11), mais cela reste discuté (12).

Il semble également réduire la fréquence des diabètes de type 1 et 2 chez les enfants ayant reçu un allaitement au sein de plus de 4 mois. La réduction du risque pour le type 2 chez l’adulte serait de 39 % et de 19 à 27 % pour celui de type 1 en fonction des études. (6) Il semble légèrement diminuer le risque de lymphome (13), de cancers, d’hypercholestérolémie (14) chez les enfants plus âgés et chez les adultes ayant été allaités, mais non le risque de leucémie (13).

L’allaitement au sein semble diminuer le risque de troubles du déficit de l’attention et d’hyperactivité chez l’enfant (15,16).

De façon générale, chez le nouveau-né de petit poids de naissance (moins de 2.500 g), l’allaitement maternel diminue la mortalité et la morbidité, et améliore la croissance et le développement cérébral (17).

Une étude britannique de 1992 a montré que des prématurés alimentés avec du lait maternel par voie nasale, et sans contact direct avec leur mère durant quelques semaines, présentaient à l’âge de 8 ans un quotient intellectuel de 8 points plus élevé que la moyenne d’un groupe d’enfants nourris de la même manière, mais avec du lait artificiel.

Les enfants allaités présentent en moyenne un meilleur développement psychomoteur, et cette relation semble aussi liée proportionnellement à la durée d’allaitement maternel (18,19).

De nombreuses études épidémiologiques ont montré que les enfants allaités ont un quotient intellectuel plus élevé d’en moyenne 1,5 à 2 points (20-23).

Une étude américaine a également observé une relation dose-effet entre la durée d’allaitement maternel et le QI (24). Cette relation pourrait persister jusqu’à l’âge adulte (25). Néanmoins, l’effet direct de l’allaitement maternel sur les capacités cognitives de l’enfant est très discuté dans la communauté scientifique. En effet, la catégorie socio-économique ou le QI de la mère pourraient confondre cette relation (26,27). Le DHA (acide gras oméga-3) présent dans le lait maternel, et absent du lait de vache, pourrait néanmoins expliquer un effet du lait maternel sur le développement cérébral et rétinien.

Conclusion

Beaucoup d’insuffisances au niveau des connaissances et du comportement à l’échelle de l’institution hospitalière restent à combler en matière de promotion de l’allaitement maternel, en particulier dans le domaine de la communication entre les femmes et les professionnels de santé en mettant l’accent sur l’information et l’éducation des mères pendant les séances de vaccination, de consultations pédiatriques et prénatales ainsi sur la nécessité de l’allaitement maternel exclusif pendant les six premiers mois de la vie.

Comme élément important de la santé publique, l’allaitement maternel doit donc être protégé, soutenu et encouragé. Cette protection doit s’exprimer dans le cadre de réglementations et de programmes, aux niveaux international, national et local.

Date de soumission :

14 Avril 2018

Liens d’intérêts :

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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