Vitamine D et dermatite atopique chez l’enfant : Quelle relation ?

La vitamine D joue un rôle dans la fonction barrière de la peau. Plusieurs travaux ont récemment été rapportés sur un possible lien entre la sévérité de la dermatite atopique (DA) et le déficit en vitamine D.

 

O. Drali1, M. Arab2, Z. Guechi2, H. Berrah1

1. Service de Pédiatrie B. CHU Nefissa Hammoud, Hussein Dey, Alger.

2. Unité de Biochimie, Laboratoire Central, CHU Nefissa Hammoud, Hussein Dey, Alger.

 

Date de soumission : 05 Juin 2020.

 

Résumé : La vitamine D joue un rôle dans la fonction barrière de la peau. Plusieurs travaux ont récemment été rapportés sur un possible lien entre la sévérité de la dermatite atopique (DA) et le déficit en vitamine D. L’Objectif de notre étude est de rechercher une association entre l’incidence de la dermatite atopique et le statut insuffisant en vitamine D dans une population de jeunes enfants algériens. Matériels et méthodes : Il s’agit d’une étude prospective, longitudinale, descriptive et analytique de type cohorte. La durée de suivi a été de 2 ans (2017-2019). Ce suivi a été possible après la réalisation d’un premier travail dont l’objectif était de faire un état des lieux du statut vitaminique D chez le jeune enfant algérien, un dosage de la 25 OHD totale (D2+D3) a été réalisé chez 397 enfants âgés de 9 à 24 mois vivant dans un milieu urbain (xxxx) entre 2014 et 2016. Résultats : 397 enfants issus de l’étude initiale étaient éligibles pour notre étude. Tous les patients souffrant d’une dermatite atopique présentaient un déficit en vitamine D. La concentration moyenne en vitamine D était plus faible chez les enfants souffrant de dermatite atopique par rapport aux enfants qui ne présentaient pas de dermatite atopique. Conclusion : Le déficit en vitamine D exposerait au risque d’apparition des manifestations atopiques, cependant, il subsiste de nombreuses controverses quant au rôle de la vitamine D dans les affections allergiques.

Mots clés : Vitamine D, dermatite atopique, enfant.

Abstract: Vitamin D plays a role in the barrier function of the skin. Several studies have recently been reported on a possible link between the severity of atopic dermatitis (AD) and vitamin D deficiency. The objective of our study is to search for an association between the incidence of atopic dermatitis and insufficient status vitamin D in a population of young Algerian children. Materials and methods: This is a prospective, longitudinal, descriptive and analytical cohort-type study. The duration of follow-up was 2 years (2017-2019). This follow-up was possible after carrying out a first work whose objective was to make an inventory of the vitamin D status in the young Algerian child, a measurement of the total 25 OHD (D2 + D3) was carried out in 397 children aged 9 to 24 months living in an urban environment (xxxxx) between 2014 and 2016. Results: 397 children from the initial study were eligible for our study. All patients with atopic dermatitis were deficient in vitamin D. The average vitamin D concentration was lower in children with atopic dermatitis compared to children who did not have atopic dermatitis. Conclusion: The vitamin D deficiency would expose to the risk of onset of atopic manifestations. However, there is still much controversy about the role of vitamin D in allergic conditions.

Key words: Vitamin D, atopic dermatitis, child.

 

La vitamine D joue un rôle dans la fonction barrière de la peau en modulant les protéines de la couche cornée du derme et régulant les glycocéramides indispensables à la barrière protectrice lipidique qui entretien l’hydratation de la peau. Plusieurs travaux ont récemment été rapportés sur un possible lien entre la sévérité de la dermatite atopique (DA) et le déficit en vitamine D. Les personnes souffrant de dermatite atopique semblent avoir des niveaux de vitamine D significativement plus bas que les autres. Des essais cliniques montrent une amélioration des symptômes avec une supplémentation en vitamine D. L’objectif de notre étude est de rechercher une association entre l’incidence de la dermatite atopique et le statut insuffisant en vitamine D dans une population de jeunes enfants algériens.

Matériels et Méthodes

Il s’agit d’une étude prospective, longitudinale, descriptive et analytique de type cohorte. La durée de suivi été de 2 ans (2017-2019). Un questionnaire a été établi pour répondre à l’objectif de l’étude.

Dans le cadre d’un premier travail dont l’objectif était de faire un état des lieux du statut vitaminique D chez le jeune enfant algérien, un dosage de la 25 OHD totale (D2+D3) a été réalisé chez 397 enfants âgés de 9 à 24 mois vivant dans un milieu urbain (xxxxxx) entre 2014 et 2016. Le recrutement des enfants a été réalisé pendant les 4 saisons afin d’apprécier la variation saisonnière de la concentration en vitamine D. Les normes de la vitamine D retenues pour l’évaluation de nos résultats sont celles admises par la majorité des auteurs. Les dosages de la PTH, la calcémie, la phosphorémie, l’albuminémie et la créatinémie ont été également effectués.

Critères d’inclusion

Nous avons inclus les enfants :

  • Âgés de 9 mois à 5 ans révolus.
  • Résidant dans la commune xxxxxx.
  • Ayant reçu de la vitamine D à 1 et 6 mois selon le schéma national (après vérification du carnet de santé).
  • Indemnes de toute pathologie chronique ou aiguë pouvant interférer avec le métabolisme de la vitamine D (pathologie cutanée, digestive, hépatique, parathyroïdienne et rénale).
  • Ne recevant aucun traitement à base de vitamine D ou de calcium dans les 3 mois précédent l’inclusion.
  • Ne recevant aucun traitement pouvant interférer avec le métabolisme de la vitamine D ou le métabolisme phosphocalcique : anticonvulsivants, corticoïdes, rifampicine.

L’exploitation des données recueillies à partir de la fiche de renseignement a permis de réaliser dans un premier temps une analyse descriptive de la population d’étude. Dans un deuxième temps, une analyse univariée a été réalisée afin de déterminer si l’hypovitaminose D pouvait être un facteur de risque d’apparition de la dermatite atopique chez l’enfant, en recherchant une association entre le statut vitaminique D et l’incidence de la dermatite atopique. Les analyses ont été réalisées avec le logiciel SPSS 22.

Résultats 

Dans le cadre d’un premier travail dont l’objectif était de faire un état des lieux du statut vitaminique D chez le jeune enfant algérien, un dosage de la 25 OHD totale (D2+D3) a été réalisé. 397 enfants issus de l’étude initiale étaient éligibles pour notre étude. 49 enfants ont été perdus de vue (8,8%). L’âge moyen des enfants de notre série était de 5 ± 0,74 ans avec sex-ratio à 1,01 (175 garçons / 173 filles). Le dosage de la calcémie, de la phosphorémie, de l’albuminémie et l’évaluation de la fonction rénale n’ont montré aucune anomalie.

La concentration sérique moyenne de vitamine D totale de notre série était de 19,3 ± 12,1 ng/ml ; nettement inférieure aux recommandations actuelles pour bénéficier des effets extra squelettiques de la vitamine D (25 OHD>30 ng/ml), avec un taux moyen de PTH à 30,3 ± 13,2 pg /ml.

Les concentrations de vitamine D les plus élevées étaient retrouvées en été avec une concentration moyenne de 30,3 ± 11,6 ng /ml par rapport à l’hiver où la concentration moyenne était de 15,9 ± 8,7 ng/ml, cette différence était hautement significative (p=0,0001).

Tableau 1 : Corrélation entre le taux de vitamine D et l’incidence de la dermatite atopique

Dermatite atopique

   

Total

P

 

Oui

Non

   

Effectif

341

45

397

0,005

Prévalence du déficit en vitamine D

46,9%

100%

 

0,003

Concentration moyenne en vitamine D(ng/ml)

23,5 +/- 12

11,01 +/- 2,7

   

Le diagnostic de dermatite atopique était rapporté chez 45 enfants soit une incidence de 13,2% dans la population étudiée.

Tous les patients souffrant d’une dermatite atopique présentaient un déficit en vitamine D, 100% des enfants qui souffraient de dermatite atopique par rapport aux enfants qui n’avaient pas de dermatite atopique ou la prévalence du déficit en vitamine D était de 46 ,9% de manière significative (p= 0,005).

La concentration moyenne en vitamine D était plus faible chez les enfants souffrant de dermatite atopique par rapport aux enfants qui ne présentaient pas de dermatite atopique [23,5 ± 12 ng/ml vs 11,01 ± 2,7 ng/ml (p=0,003)].

Discussion

Le déficit en vitamine D exposerait au risque d’apparition de la dermatite atopique dans notre population confirmant les résultats de la majorité des études publiées sur le sujet. Le nombre d’études consacrées à la relation entre la vitamine D, l’asthme et les allergies a considérablement augmenté. Des faibles niveaux de vitamine D semblent être inversement corrélés à la sévérité de la dermatite atopique (1-3). Sharief et al., (1) ont montré que des niveaux plus élevés de sensibilisation aux IgE étaient associés à une carence en vitamine D chez les enfants et les adolescents. De même, dans une autre publication, les taux sériques moyens de 25 (OH) D étaient inférieurs chez les enfants atteints de dermatite atopique modérée à sévère (2), ce qui concorde avec les résultats de notre étude. Un petit essai a porté sur l’impact de la supplémentation en vitamine D en population pédiatrique sur les maladies allergiques, une étude s’inscrivant dans une étude pilote plus large de supplémentation en vitamine D a étudié l’effet de cette supplémentation sur la dermatite atopique chez 11 enfants (4). Les enfants ont été randomisés à 1.000 UI par jour d’ergocalciférol ou de placebo pendant 1 mois. Il y avait une tendance à l’amélioration des scores de dermatite atopique, mais en raison du petit nombre et de la courte durée de l’essai, les résultats n’étaient pas statistiquement significatifs.

Conclusion

Le déficit en vitamine D exposerait au risque d’apparition des manifestations atopiques, cependant, il subsiste de nombreuses controverses quant au rôle de la vitamine D dans les affections allergiques. Des essais contrôlés randomisés à grande échelle sont nécessaires pour mieux comprendre l’efficacité de la vitamine D chez les enfants présentant des pathologies atopiques.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références

  • Sharief S, Jariwala S, Kumar J, Muntner P, Melamed ML. Levels of Vitamin D and Food and Environmental Allergies in the United States: Findings from the 2005-2006 National Health and Nutrition Survey. The allergy and clinical immunology journal. 2011; 127: 1195-202.
  • Sidbury R., AF Sullivan, IR Thadhani, CA Camargo.Jr. Randomized controlled trial of vitamin D supplementation for the treatment of winter-related atopic dermatitis in Boston: pilot study. The British Journal of Dermatology. 2008; 159: 245-7.
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  • Hata TR, Kotol P, Jackson M., Nguyen M, Paik A, Udall D, Kanada K, Yamasaki K, Alexandrescu D. Oral vitamin D administration induces the production of cathelicidin in atopic individuals. The allergy and clinical immunology journal. 2008; 122: 829-31.

 

 

 

 

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Les otites moyennes chroniques cholestéatomateuses compliquées

Objectifs : évaluer le taux de complication de l’otite moyenne chronique cholestéatomateuse notamment les complications endocrâniennes.

 

S. Medkour 1,  Tabouche 2, Y. Laid 3,

1 Service ORL CHU Lamine Debaghine, Bab El Oued Alger

2 Service d’Imagerie CHU Bab El Oued Alger

3 Département de Prévention Ministère de la Santé

 

Date de soumission : 18 Novembre 2019.

 

Résumé : Objectifs : évaluer le taux de complication de l’otite moyenne chronique cholestéatomateuse notamment les complications endocrâniennes. Matériels et méthodes : Nous avons mené une étude descriptive prospective longitudinale monocentrique qui a duré 3 ans, et ayant portés sur 87 patients, tous présentaient une indication de chirurgie de l’oreille moyenne dans le cadre de la prise en charge d’un cholestéatome ; soit 100 oreilles qui ont bénéficié d’une tympanoplastie en technique fermée sous anesthésie générale dont 13 cholestéatomes  bilatéraux. La taille échantillonnée a été calculée à partir du logiciel version 6.04d d’Epi Info développée par les CDC d’Atlanta. Ont été inclus dans l’étude, tous les malades présentant un cholestéatome de l’oreille moyenne, opérés en technique fermée au service d’ORL du CHU Lamine Debaghine, Bab El Oued, par un seul otologiste et en première main. Tous les patients ont bénéficié de TDM et/ou IRM préopératoire (complications cérébrales, vasculaire labyrinthiques), et une cure chirurgicale (TTF simple ou modifiée) sous microscope ; microscope combiné à l’endoscope ou chirurgie endoscopique pure. Résultats : Les patients ont consulté au stade de complication dans près 19,54% (n=17) ; le vertige de type périphérique a été le motif de consultation le plus fréquent (n=13), souvent révélateur d’une fistule du canal semi-circulaire latérale. Les autres complications à type de paralysie faciale périphérique (n=2), de méningite (n=1), de thrombophlébite du sinus latéral (n=4) ; sont souvent révélées par des céphalées. Conclusion : S’il y a une baisse significative de l’incidence des complications des otites moyennes chroniques cholestéatomateuses dans les pays développés (5%) ; il reste un problème considérable dans les pays en développement. 

Mots-clés : cholestéatome  de l’oreille moyenne, TDM, IRM, complications endocrâniennes, paralysie faciale périphérique, abcès du cerveau, thrombophlébite du sinus latéral.

Abstract: Objectives: evaluate the complication rate of chronic cholesteatoma otitis media including endocranial complications. Materials and methods: We conducted a 3-year, single-centre longitudinal prospective descriptive study involving 87 patients, all of whom presented an indication for middle ear surgery in the management of cholesteatoma. One hundred (100) ears benefited from the canal wall up technique under general anaesthesia including 13 bilateral cholesteatomas. The sampled size was calculated from the Epi Info version 6.04d software developed by the Atlanta CDC. Were included in the study all patients with a middle ear cholesteatoma operated in a closed technique at the ENT department of Bab El Oued Hospital, by a single otologist and at firs hand. All patients benefited from TDM and/or preoperative MRI (cerebral, labyrinthine and vascular complications); and a surgical cure (simple or modified TTF) under a microscope; microscope combined with endoscope or pure endoscopic surgery. Results: Patients consulted at the complication stage in about 19.54% of the cases (n = 17); Peripheral-type vertigo was the most common (n = 13) reason for consultation that often indicates a lateral semi-circular canal fistula. Other complications with peripheral facial palsy (n = 2), meningitis (n = 1), thrombophlebitis of the lateral sinus (n = 4) are often revealed by headache. Conclusion: While there is a significant decrease in the incidence of complications of chronic cholesteatoma otitis media in developed countries (5%); it remains a significant problem in developing countries.

Key words: middle ear cholesteatoma, TDM, MRI, endocranial complications, peripheral facial palsy, brain abscess, lateral sinus thrombophlebitis


 

Introduction

Le cholestéatome est connu depuis plus de 300 ans dans la littérature médicale ; Joseph Guichard Duvernay, un anatomiste français, a été le premier à décrire une lésion de l’os temporal en 1683. Sa prévalence et son incidence varient d’une population à une autre.

De nos jours le cholestéatome de l’oreille moyenne est défini comme une otite chronique caractérisée par la présence, généralement dans les cavités de l’oreille moyenne, d’un épithélium malpighien kératinisé, doué d’un potentiel de desquamation, de migration et d’érosion. C’est pourquoi l’otite est dite dangereuse car elle met en jeu le pronostic fonctionnel auditif et expose à des complications redoutables, justifiant pleinement le recours exclusif à un traitement chirurgical. C’est pour cela que le cholestéatome non opéré n’évoluera jamais vers la cicatrisation mais plutôt vers les complications ; et les complications peuvent être divisées en complications extra et intracrâniennes.

Matériels et méthodes

Nous avons mené une étude descriptive prospective longitudinale monocentrique qui a durée 3 ans et ayant porté sur 87 patients. Tous présentaient une indication de chirurgie de l’oreille moyenne dans le cadre de la prise en charge d’un cholestéatome ; soit 100 oreilles qui ont bénéficié d’une tympanoplastie en technique fermée sous anesthésie générale dont 13 cholestéatomes  bilatéraux. La taille échantillonnée a été calculée à partir du logiciel version 6.04d d’Epi Info développée par les CDC d’Atlanta. Ont été inclus dans l’étude, tous les malades présentant un cholestéatome de l’oreille moyenne opéré en technique fermée au service d’ORL du CHU Lamine Debaghine, Bab El Oued, par un seul otologiste et en première main.

Tous les patients ont bénéficié d’une oto-endoscopie bilatérale, un examen sous microscope, un bilan audiométrique pré-opératoire, une TDM et/ou IRM pré-opératoire (en cas de complications cérébrales, vasculaires et labyrinthiques), et d’une cure chirurgicale (TTF simple ou modifiée) ; soit sous microscope, microscope combiné à l’endoscope ou chirurgie endoscopique pure, une fiche technique a été établie pour chaque patient. Tous les patients ont été enregistrés dans la base de données (EPI data). Pour les patients pédiatriques étant définis comme des patients dont l’âge est inférieur à 15 ans.

Résultats

Nous avons noté une légère prédominance féminine avec 48 femmes (55,17%) pour 39 hommes (44,83%), sans différence significative (p=0,172). Le sex-ratio était de 0,81. L’âge moyen de la population globale était de 34,38 ans avec des extrêmes allant de 06 ans jusqu’à 75 ans.

Les patients ont consulté au stade de complications dans près 19,54% (n=17) ; le vertige de type périphérique a été le motif de consultation le plus fréquent (n=13), souvent révélateur d’une fistule du canal semi-circulaire latéral. Les autres complications à type de paralysie faciale périphérique (n=2), la méningite (n=1), la thrombophlébite du sinus latéral (n=4) sont souvent révélées par des céphalées (tableau 1).

Tableau 1 : Répartition des motifs de consultation et des complications.

Motif de consultation (n)

N

%

Hypoacousie

78

89,66

Hypoacousie

78

89,66

Complication

17

19.54

PFP

2

2%

Vertige

13

17%

Céphalée

8

10%

Thrombophlébite SL

4

5%

Méningite

1

1%

Labyrinthite

1

1%

 

La TDM des rochers a été demandée pour tous les patients en pré-opératoire (n=100). La TDM est revenue en faveur d’un comblement dans 49,57% à gauche et 71,26% à droite ; à préciser que l’étendue du comblement signalé à la TDM ne concordait pas souvent avec le siège réel confirmé en per-opératoire du cholestéatome ; le comblement de toutes les cavités de l’oreille moyenne est retrouvé dans plus de 65%.

22,73% (n=10) de pathologies associées comme l’otospongiose, le neurinome de l’acoustique à gauche et 6,06% (n=4) à droite. Les particularités anatomiques à risque chirurgical ont été signalées dans près 17,74% (n=11). Nous avons noté une procidence du golf de la jugulaire dont 10% (n=1), procidence des méninges 50% (n=5), procidence du sigmoïde 60% (n=6), et enfin une procidence du facial dans près 41,67% (n=6) (tableau 2).

 

Tableau 2 : TDM pré opératoire

OG

Normal

44

50,57%

 

N

%

 

Comblement

43

49,43%

Comblement attical latéral isolé

0

0

     

Comblement attical total isolé

0

0

Comblement atrial isolé

0

0

Comblement atrio-attical

7

16,28%

Comblement atrio-attico-mastoïdien

29

67,44%

Comblement attico-antro-mastoïdien

6

13,95%

Lyse ossiculaire

34

79,07%

Facial dénudé

14

32,56%

Méninges dénudées

7

16,28%

Fistule du CSC latéral

4

9,30%

Autre fistule

0

0

Abcès cérébral

0

0

Abcès cérébelleux

0

0

Thrombophlébite du SL

3

6.98%

Extension vers l’oreille interne

1

2.33%

OD

Normal

25

28,74%

     

 

Comblement

62

71,26%

Comblement attical latéral isolé

1

1.61%

     

Comblement attical total isolé

0

0

Comblement atrial isolé

0

0

Comblement atrio attical

7

11.29%

Comblement atrio-attico-mastoïdien

48

77.42%

Comblement attico-antro-mastoïdien

4

6.45%

Lyse ossiculaire

50

80.65%

Facial dénudé

19

30.65%

Méninges dénudées

8

12.9%

Fistule CSC latéral

9

14.52%

Autre fistule

1

1.61%

Abcès cérébral

1

1.61%

Abcès cérébelleux

1

1.61%

Thrombophlébite du SL

1

1.61%

Extension vers l’oreille interne

0

0

 

L’imagerie par résonnance magnétique n’a pas été indiquée de façon systématique en pré-opératoire. Contrairement en post-opératoire, elle est restée dans ce cas de première intention entre 12 et 18 mois pour les OMCC opérées en technique fermée avec bon résultat anatomique défini comme présence d’un néo-tympan intègre.

L’IRM est demandée en pré-opératoire en cas de suspicion d’un cholestéatome derrière une membrane tympanique intègre (n=2), une extension intra-labyrinthique, une lyse du tegmen ou de la coque osseuse du sinus sigmoïde, présence de fistules labyrinthiques, des complications infectieuses méningo-encéphaliques, extension intracrânienne ou thrombose du sinus sigmoïde (image1,2) ; et une association à un neurinome de l’acoustique et du facial (n=1).

      

Image 1 : Empyème temporo occipitale compliquant un cholestéatome (Service d’Imagerie – Bab El Oued)

 

   OT1

Image 2 : IRM d’un cholestéatome compliqué de thrombophlébite du sinus latéral (Service d’Imagerie – Bab El Oued)

 

Discussion

Dans la littérature, les différentes études ont montré que les signes révélateurs du cholestéatome sont l’otorrhée fétide et l’hypoacousie ; dans notre étude l’hypoacousie et l’otorrhée représentent respectivement : 89,66% et 95,40%. Ces résultats sont comparables avec la littérature : Mohamed Younes Houmada retrouve 100% d’otorrhée et 90% d’hypoacousie, O. Azaiz retrouve 90% d’otorrhée et 60% d’hypoacousie ; De Corso et al., retrouvent 79,9% d’otorrhée périphérique et 80,4% d’hypoacousie.

Dans notre série, les complications telles que la paralysie faciale (PFP), vertige, méningite, thrombophlébite du sinus latéral ; représentent 19,54% des motifs de consultation, dominées par le vertige (13%) et la paralysie faciale (2%). Pour Aïd, les complications représentent (21%) des motifs de consultations.

Dans la littérature, la paralysie faciale causée par le cholestéatome varie entre 1 et 3% tandis que la fistule labyrinthique varie entre 4 et 15%. Ceci n’a pas changé lors des dernières décennies ce qui coïncide avec nos résultats.


 

Conclusion

L’otite cholestéatomateuse est dite dangereuse car elle met en jeu le pronostic fonctionnel auditif et expose à des complications redoutables, justifiant pleinement le recours exclusif à un traitement chirurgical.

S’il y a une baisse significative de l’incidence des complications dans les pays développés (5%) ; il reste un problème considérable dans les pays en développement.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 

Bibliographie

 

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  • Quranta N, Cassano M Quarantaa, facial paralysis associated with cholesteatoma, a review of 13 cases, otoneurotol 2007 ;28 :405-407
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  • Magliulo G, Celebrini A, Cuiuli G, Parroto D. surgical management of the labyrinthine fistula complicating chronic otitis media with or without cholesteatoma, J Otolryngol Head Neck Surg 2008 ;37 :143-147
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  • Apport de l’IRM dans le diagnostic du cholestéatome résiduel de l’oreille moyenne après une tympanoplastie en technique fermée thèse de Dr Aïd soutenue publiquement le 01 juin 2016 faculté de médecine d’Alger
  • Mohamed Younes Houmada : imagerie du cholestéatome : diagnostic, bilan d’extension, complications et surveillance post thérapeutique, Journées Française de Radiologie 2015
  • Azaiz, L Mchirgui, M Ben Messaoud, B Souissi, R Allani, H Mizouni, E Menif, apport de la tomodensitométrie dans l’otite moyenne chronique cholestéatomateuse Tunis Tunisie JFR 2012
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Cancer de l’endomètre : expérience du service

Objectif : évaluer les résultats du traitement chirurgical et les éléments pronostiques chez nos patientes. Matériel et méthode : de Janvier 2016 à Décembre 2018 ; 86 patientes ont été opérées dans le service de chirurgie oncologique A du CPMC.

 

C. Chekman, F. Gouaref, A. Bouzid, K. Akbal, K. Bentabak, Chirurgie Oncologique A, EHS Centre Pierre et Marie Curie.

 

Date de soumission : 07 Mars 2020.

 

Résumé : Objectif : évaluer les résultats du traitement chirurgical et les éléments pronostiques chez nos patientes. Matériel et méthode : de Janvier 2016 à Décembre 2018 ; 86 patientes ont été opérées dans le service de chirurgie oncologique A du CPMC. Résultats : l’âge moyen des patientes était de 58,54 ans [32-88], plus de la moitié avaient un antécédent de maladie métabolique, cinq patientes avaient un antécédent de syndrome de lynch. Cinquante-quatre patientes étaient classées ASA II soit 62,7% ; le type histologique le plus fréquent de notre population est le type I (adénocarcinome endométrioïde) (84%), la majorité des patientes étaient classées stade I de la FIGO (Fédération Internationale des gynécologues et obstétriciens), soit (62,7%) en pré-opératoire et (52%) en post-opératoire après résultats anatomo-pathologiques définitifs. Les traitements adjuvants dépendaient de ces résultats définitifs. Conclusion : le cancer de l’endomètre est réputé favorable car il est le plus souvent limité à l’utérus. Néanmoins, il s’agit d’une pathologie hétérogène et la survie globale à 5 ans peut varier de 92% à 42% dans les stades I de la FIGO selon les caractéristiques histologiques de la tumeur.

Mots clés : cancer de l’endomètre, lymphadénectomie, l’invasion lymphovasculaire, radiothérapie, chimiothérapie.

Abstract: Background: to evaluate the results of the surgical treatment and the prognostic elements in our patients. Material and method: from January 2016 to December 2018, 86 patients were operated in the oncological surgery department A of the CPMC. Results: the mean age of the patients was 58.54 years [32-88], more than half had a history of metabolic disease, five patients had a history of lynch syndrome. Fifty-four patients were classified ASA II, 62.7%; the most frequent histological type in our population is type I (endometriotic adenocarcinoma) [84%], the majority of patients were classified stage I by FIGO (International Federation of Gynaecologists and Obstetricians), (62.7%) in preoperative and (52%) postoperative after definitive anatomo-pathological results. Adjuvant treatments depended on these final results. Conclusion: Endometrial cancer is considered favourable because it is most often limited to the uterus. Nevertheless, this is a heterogeneous pathology and the overall 5-year survival can vary from 92% to 42% in stages I of FIGO depending on the histological characteristics of the tumour.

Keywords: endometrial cancer, lymphadenectomy, lymphovascular invasion, radiotherapy, chemotherapy.


 

Introduction 

Le cancer de l’endomètre est le cancer gynécologique le plus fréquent dans les pays développés. En termes d’incidence, il se situe au 4 ème rang des cancers chez la femme [1,3,4].

Il survient le plus souvent chez des femmes ménopausées entre 55 et 65 ans. Dans 14% des cas en période pré-ménopausique et dans 05% des cas avant 40 ans [1,13].

 

Matériel et méthode 

De Janvier 2016 à Décembre 2018 ; 86 patientes ont été prises en charge pour un cancer de l’endomètre. Les patientes avaient fait au préalable un curetage biopsique, une IRM pelvienne et un bilan pré-opératoire complet ; l’examen anatomopathologique définitif a été réalisé au niveau du service anatomopathologique du Centre Pierre et Marie Curie (CPMC).

L’aspect anatomo-clinique, le type histologique et les résultats après chirurgie ont été analysés d’une façon rétrospective.

Résultats 

L’âge moyen de nos patientes était de 58,54 ans [32-88] ; 25 patientes étaient nullipares, plus de 50% avaient un antécédent de maladie métabolique et cinq patientes soit (5,8%) avaient un antécédent de syndrome de Lynch. L’indice de masse corporelle (IMC) moyen était de 32,96 kg/m2 [20-53], 54 patientes étaient classées ASA II soit 65%. Le type I (adénocarcinome endométrioïde) était le type histologique le plus fréquent (84%) ; alors que le type II (adénocarcinome séreux, à cellules claires et carcinosarcomes), de plus mauvais pronostic, représentait 15%.

Selon la classification de la FIGO ; en pré-opératoire : 62,7% étaient classées stade I, 11,6% étaient classées stade II ; 19,7% étaient classées stade III et 02% étaient classées stade IV. En post-opératoire, la classification de la FIGO ne changeait pas trop par rapport au pré-opératoire : stade I (52%), stade II (10%), stade III (30%) et stade IV (03%).

La prise en charge chirurgicale comportait une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale, parfois une lymphadénectomie pelvienne et/ou lombo-aortique étaient associées.

Le curage pelvien était réalisé dans 52% des cas et le lomboaortique dans 11% des cas. La technique du ganglion sentinelle n’a pas été réalisée dans notre série. Selon les résultats anatomopathologiques définitifs sur pièces opératoires, un traitement adjuvant a été associé : une chimiothérapie dans 21%, une curiethérapie dans 21% et une radiothérapie dans 29% (résumé dans le tableau 1).

Tableau (1) : caractéristiques de l’échantillon

Caractéristiques

Patientes (n=86)

Age

58,54 (32-88)

Antécédents

05 syndrome de Lynch, maladie métabolique >50%, 25 nullipares

BMI (kg/m2)

32,96 (20-53)

Type histologique

Type I=73 (84%) ; type II=13 (15%)

FIGO pré-op

I=54 (62,7%), II =10 (11,6%), III=17 (19,7%), IV=2 (2%), NP=3 (3%)

FIGO post-op

I=45 (52%), II=9 (10%), III=26 (30%), IV= 3 (3%), NP=3 (3%)

Taille tumorale(cm)

5,43 (1,5-12)

Curage pelvien : 45 (52%)

+16 (18%)

-29 (33%)

Curage Lombo-aortique : 10 (11%)

+5 (05%)

-5 (05%)

Nombres de gg

Embole Vasculaire

16,64 (2-38)

Oui : 19 (22%) non : 67 (77%)

TRT adjuvant

CTH : 18 (21%), curie : 18 (21%), RTH : 25 (29%)

CTH : chimiothérapie ; RTH : radiothérapie

Le risque de récidive est estimé à partir des critères pronostiques regroupant ainsi différents groupes (faible risque de récidive, risque intermédiaire et haut risque) ; résumé dans le tableau 2.

 

Tableau 2 : classification de rechute

En préopératoire 

Bas risque

Risque intermédiaire

Risque élevé

IA G1-G2 =25 (29%)

IA G3=3 (3%)

IB G1-G2=23 (27%)

Total : 30%

IB G3 = 3 (3%)

Stade II = 29 (33%)

Type II = 13 (15%)

Total : 52%

Après examen anatomopathologique définitif 

Bas risque :

 

Risque intermédiaire :

Haut Risque intermédiaire :

Risque élevé :

 

IA G1-2, EV –

18 (21%)

EV-

IA G3 4 (4,6%)

IB G1-2 : 17 (19,7%)

EV +

IA G3

IB G1-2

IB G3 : 1 (1%)

>stade II : 37 (43%)

Type II : 6(6%)

21%

24%

4,6%

50%

EV : emboles vasculaires

 

Tableau 3 : Classification de rechute ESMO ; après résultat anatomopathologique définitif

Bas risque

Risque intermédiaire

Risque élevé

IA G1-G2 = 25 (29%)

IA G3 = 3 (3%)

IB G1-G2 = 23 (27%)

Total : 30%

IB G3 = 3 (3%)

Stade II = 29 (33%)

Type II = 13 (15%)

Total : 52%

 

Discussion 

Le cancer de l’endomètre est la quatrième cause de cancer chez la femme, il s’agit d’une pathologie des pays industrialisés [1,8]. En 2018 dans le monde, près de 382.100 nouveaux cas de cancer de l’endomètre ont été recensés, ce qui représente environ 4,4% des nouveaux cas de cancer chez la femme [13].

Le pronostic de ce cancer est réputé favorable. La survie globale à 5 ans est estimée à 80% pour les stades I de la FIGO : (tumeur limitée au corps de l’utérus), 60% pour les stades FIGO II, 30% pour les stades FIGO III et 5% pour les stades FIGO IV [2]. Néanmoins, il s’agit d’une pathologie hétérogène et la survie globale à 5 ans peut varier de 92% à 42% dans les stades I selon le type histologique et le grade de la tumeur [2].

ESMO (European Society of Medical Oncology) associée aux travaux PORTEC (1,2,3) [Post-operative radiotherapie dans les carcinomes de l’endomètre] ; a établi une classification pronostique basée sur le risque de rechute dans les stades précoces (stade I de la FIGO) dont la thérapeutique adjuvante dépend. Dans notre série, nous avons eu 21% de bas risque ; 24% de risque intermédiaire ; 4,6% de haut risque intermédiaire et 50% de haut risque [12].

Ce cancer est associé à de multiples comorbidités comme la surcharge pondérale, l’hypertension artérielle et le diabète dont les complications cardiovasculaires, rénales ou neurologiques devront être prises en compte dans la stratégie thérapeutique [2,3].

Les facteurs de risque de cette pathologie sont relativement bien connus :  la prédisposition génétique de type HNPCC (cancer colorectal héréditaire sans polypose), l’incidence de cancer endométrial héréditaire est de 1,8% à 2,3% [3], la ménarchie précoce et la ménopause tardive (plus de 55 ans) augmentant la fenêtre d’exposition aux hormones sexuelles, la nulliparité, l’obésité, le traitement par tamoxifène et l’existence d’une hyperplasie endométriale atypique [2,12].

Dans la grande majorité des cas, les adénocarcinomes de l’endomètre sont découverts à un stade localisé (80% stade I), de pronostic favorable et seront guéris d’emblée après chirurgie et curiethérapie ou radiothérapie selon le risque de rechute [1,3,4,12]. Cependant, la survie des patientes atteintes d’une maladie métastatique ou récurrente est généralement mauvaise [14,16].

Si la radiothérapie et la chimiothérapie occupent une place de plus en plus prépondérante dans le traitement des cancers de l’endomètre, la prise en charge initiale de cette pathologie demeure chirurgicale [1,2,6]. L’hystérectomie avec annexectomie bilatérale, la lymphadénectomie initiale ou de re-stadification selon les résultats anatomopathologiques définitifs est la sanction dans la majorité des cas lorsque la patiente est opérable. Outre son caractère curatif et son impact sur la survie globale, la chirurgie permet la stadification tumorale nécessaire au choix des traitements complémentaires [1,6,7,10,15].

Plusieurs auteurs suggèrent que la lymphadénectomie est réalisée dans le groupe à haut risque intermédiaire et haut risque de récidive [5,10,15]. Deux études randomisées prospectives ont montré l’avantage de la lymphadénectomie dans le cancer de l’endomètre (Benedetti Panici et al. 2008 ; Kitchener et al. 2009) dans le groupe à haut risque [11].

Les essais randomisés n’ont pas réussi à démontrer un bénéfice de survie sans rechute dans le cancer de l’endomètre de stade I [15], ainsi dans l’essai ASTEC (A Study in the Treatment of Endometrial Cancer), 1.408 femmes atteintes de cancer de l’endomètre stade I où la lymphadénectomie pelvienne a été réalisée systématiquement et n’a montré aucun avantage [7,15].

Les chercheurs ont trouvé plusieurs facteurs clinico-pathologiques ayant une valeur prédictive pour la récidive tumorale et une pire survie, tels que l’âge avancé, l’invasion myométriale profonde, la maladie de grade 3 et l’invasion lymphovasculaire (ILV) [14,17,19]. En fait, l’invasion lymphovasculaire a longtemps été considérée comme un facteur pronostique défavorable potentiel dans le cancer de l’endomètre. Les études ont constaté que les patientes avec ILV positifs présentaient un taux plus élevé de métastases ganglionnaires [19], et étaient plus susceptibles d’avoir une rechute locale ou à distance et avaient généralement une survie globale (SG) plus courte [14,18,19,20]. Dans notre population, les facteurs de risques de rechute sont le plus d’invasion lymphovasculaire et de stade III.

Les différentes sociétés savantes en oncologie gynécologique (The American National Comprehensive Cancer Network (NCCN) guideline, the American College of Obstetricians and Gynecologists / Society of Gynecologic Oncology (ACOG / SGO) et  European Society for Medical Oncology,  European Society of Gynecological Oncology,  European Society of Radiotherapy and oncology (ESMO-ESGO-ESTRO) pour le cancer de l’endomètre considèrent toutes les ILV comme un facteur de risque et recommandent aux patientes avec ILV positif de recevoir un traitement adjuvant après une chirurgie [14].

Conclusion 

Le cancer de l’endomètre est de plus en plus reconnu très hétérogène, comme plusieurs types de tumeurs biologiquement différents. Pour les maladies à un stade précoce, la pratique actuelle est la chirurgie suivie d’une curiethérapie. La radiothérapie et/ou la chimiothérapie, guidée principalement par des paramètres histopathologies, sont principalement des armes thérapeutiques pour les hauts risques de rechute.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.


 

Références  

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  • from a radiation oncologist’s point of view: Foerster et al. Radiation Oncology (2015) 10:147.
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Médulloblastomes chez l’enfant : Expérience du service de radiothérapie du Centre Anti-Cancer d’Oran “Emir Abdelkader”

Le médulloblastome est l’une des tumeurs cérébrales les plus fréquentes chez l’enfant, il s’agit d’une tumeur neuro-ectodermique primitive localisée au niveau du cervelet et du 4ème ventricule.

 

A. Mous ¹, A. Boukerche ²,³

¹ Radiothérapie Centre de Lutte Contre le Cancer, Tlemcen Ahmed Ben Bella

² Radiothérapie Centre Anti-Cancer d’Oran Emir Abdelkader,

³ Faculté de Médecine, Université d’Oran 1.

 

Date de soumission : 25 Février 2020.

Résumé : Introduction et objectif : Le médulloblastome est l’une des tumeurs cérébrales les plus fréquentes chez l’enfant, il s’agit d’une tumeur neuro-ectodermique primitive localisée au niveau du cervelet et du 4ème ventricule. Notre objectif était d’analyser les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutives du médulloblastome chez l’enfant. Patients et méthodes : C’est une cohorte rétrospective menée à partir des dossiers des 11 patients de moins de 17 ans atteints d’un médulloblastome qui ont été traités au service de radiothérapie du Centre Anti-Cancer d’Oran “Emir Abdelkader” entre janvier 2015 et décembre 2016. Résultats : La médiane d’âge des patients était de 8 ans (4-17 ans). Le sexe masculin était légèrement prédominant avec un sex-ratio de 1,2. La symptomatologie clinique était dominée par le syndrome d’hypertension intracrânienne dans 72,7% des cas. Tous les patients ont bénéficié d’une dérivation ventriculo-péritonéale, une chirurgie a été pratiquée chez dix malades, suivie d’une chimiothérapie et une irradiation cranio-spinale à la dose de 23,4 à 36 Gy et sur la fosse postérieure à la dose de 54 Gy. Une rémission complète a été obtenue chez 30% des patients et deux cas décédés. Le suivi médian était de 11,5 ± 3 mois (2,7-35,5), la survie globale à un an et à deux ans était respectivement de 80% (± 1,8%) et 53,3% (± 2,4%). Conclusion : La prise en charge de cette pathologie doit nécessairement être multidisciplinaire, dont l’objectif est l’amélioration du pronostic et la diminution des risques de séquelles.

Mots clés : Enfant, médulloblastome, chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie.

Abstract: Introduction and purpose: Medulloblastoma are one of the most frequent brain tumours in the child. It is a primary neuroectodermal tumour located in the cerebellum and 4th ventricle. The objective was to analysed the characteristics of epidemiological, clinical, therapeutic and evolutive of medulloblastoma in children. Patients and methods: This is a retrospective cohort of 11 patients under the age of 17 years (32.3%) with medulloblastoma treated in radiotherapy department of “Emir Abdelkader” Anti-Cancer Centre, Oran. Results: The median age of patients was 8 years (4-17 years). The male sex was predominant with a sex ratio of 1.2. Clinical symptomatology was dominated by intracranial hypertension syndrome in 72.7% of cases. All patients underwent ventriculo-peritoneal diversion, surgery was performed in ten patients, followed by chemotherapy and cranio-spinal irradiation of 23.4-36 Gy and on the posterior fossa of 54 Gy. 54.4% of patients received adjuvant chemotherapy. Complete remission was obtained in 30% of patients, and two deaths. The median follow-up was 11.5 ± 3 months (2.7-35.5). Overall survival of 1 year and 2 years was 80% (± 1.8%) and 53.3% (± 2.4%), respectively. Conclusions: The management of this pathology must necessarily be multidisciplinary, treatment usually includes surgical excision followed by radiotherapy and chemotherapy, the objective of which is to improve the vital prognosis on the one hand and, on the other hand, to reduce the risk of sequelae.

Keywords: Medulloblastoma, child, surgery, radiotherapy, chemotherapy.


 

Introduction

C’est en 1925 que Bailey et Cushing ont publié la première série anatomo-pathologique de 29 cas, et ont introduit le terme de médulloblastome comme une entité tumorale distincte qui diffère de tous les autres néoplasmes [1]. Le médulloblastome est la plus fréquente des tumeurs primitives neuro-ectodermiques (PNET) du système nerveux central et la tumeur maligne cérébrale la plus fréquente chez l’enfant [2]. Le médulloblastome représente 25% des tumeurs cérébrales malignes primitives chez l’enfant [3]. Sa localisation est principalement vermienne chez l’enfant [4,5]. La prise en charge du médulloblastome est pluridisciplinaire faisant appel à la chirurgie, la radiologie, l’anatomopathologie, la radiothérapie et la chimiothérapie [4,6,7,8]. L’objectif de cette étude est de rapporter l’expérience du service et de confronter les différents aspects épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutifs du médulloblastome chez l’enfant dans l’ouest Algérien, à ceux décrits dans la littérature.

 

Patients et méthodes

Sur 34 patients âgés de moins de 17 ans pris en charge au service de radiothérapie, EHS d’Oran entre janvier 2015 à décembre 2016 ; une étude cohorte rétrospective qui se proposait, à travers 11 patients (32,3%), atteints d’un médulloblastome ont été traités. Le bilan d’extension a compris une ponction lombaire avec une cytologie du liquide céphalorachidien, une scanographie cérébrale et/ou une IRM cérébro-médullaire.

Le stade métastatique a été défini selon la classification de Chang et al [9]. Il classe la tumeur de T1 à T4 selon la taille et l’envahissement des structures locorégionales, et distingue le médulloblastome non métastatique, M0 ; de ceux avec des cellules tumorales dans le liquide céphalorachidien, M1 ; des métastases cérébrales, M2 ; des métastases spinales, M3 ; et des métastases à distance du système nerveux central, M4 (Tableau 1). Les médulloblastomes avec un résidu post-chirurgical ou d’histologie anaplasique / à grandes cellules ou métastatiques ont été considérés à haut risque [10] (Tableau 2).

 

Tableau 1 : Classification des médulloblastomes selon Chang et al.

T1

Tumeur de moins de 3 cm de diamètre limité au vermis, au toit du IVe ventricule, voire aux hémisphères cérébelleux

T2

Tumeur de diamètre supérieur ou égal à 3 cm, envahissant une structure adjacente ou comblant partiellement le IVe ventricule

T3a

Tumeur envahissant deux structures adjacentes ou comblant complètement le IVe ventricule, avec extension à l’aqueduc de Sylvius, au foramen de Magendie ou au foramen de Luschka, entraînant ainsi une hydrocéphalie

T3b

Tumeur atteignant le plancher du IVe ventricule ou le tronc cérébral et comblant le IVe ventricule

T4

Tumeur s’étendant au-delà de l’aqueduc de Sylvius jusqu’au IIIe ventricule ou envahissant la moelle cervicale supérieure

M0

Pas d’évidence de métastase sous-arachnoïdienne ou hématogène

M1

Cellules métastatiques dans le liquide céphalorachidien

M2

Dépôt nodulaire sous-arachnoïdien dans le cervelet, l’espace sous-arachnoïdien cérébral, le IIIe ventricule ou les ventricules latéraux

M3

Envahissement méningé de l’espace médullaire sous-arachnoïdien

 

Tableau 2 : Stratification du risque de médulloblastome.

 

Bas risque

Risque standard

Haut risque

Basée sur le résidu postopératoire et le statut métastatique

Sans résidu ni métastase

Sans résidu ou résidu < 1,5 cm2 et M–

Résidu≥

1,5 cm2 ou M+

Basée sur l’histologie

Desmoplasique chez l’enfant âgé de 3 ans ou moins

Indifférencié

Anaplasique/à grandes cellules

Basée sur la biologie moléculaire

Expression nucléaire ou mutation de ß-caténine

 

Amplification de C-Myc ou de N-Myc

 

La stratégie thérapeutique a comporté une exérèse chirurgicale la plus complète possible, puis des cures de chimiothérapie avant et après l’irradiation. Plusieurs protocoles ont été utilisés ; un protocole de huit drogues en un jour « 8 en 1 » : vincristine, hydroxyurée, procarbazine, CCNU, cisplatine, aracytine, méthylprednisolone, cyclophosphamide ou dacarbazine. Le protocole de la société française d’oncologie pédiatrique (BBSFOP) qui comporte l’association de plusieurs molécules (carboplatine/procarbazine, cisplatine/etoposide et vincristine/cyclophosphamide), et le protocole VPC (vincristine, carboplatine et cyclophosphamide).

Sur le plan radiothérapie, tous les malades ont été irradiés en décubitus ventral, immobilisés par des systèmes de contention personnalisés. La radiothérapie était conformationnelle tridimensionnelle, des photons X de 6 MV d’accélérateur linéaire ont été délivrés pour l’ensemble de l’axe cranio-spinal avec un faisceau antérieur au niveau du névraxe et deux faisceaux latéraux au niveau cérébral à une dose totale de 23,4 à 36 Gy suivie d’un complément au niveau de la fosse postérieure pour atteindre une dose totale de 54 Gy avec un fractionnement et l’étalement classique à raison de 1,8 à 2 Gy par séance, cinq séances par semaine (Figure 1).

La surveillance repose au minimum sur un examen clinique et la réalisation d’une IRM cranio-spinale tous les trois mois les deux premières années.

Figure 1 : Radiothérapie conformationnelle 3D du médulloblastome de haut risque (T2M3) chez un enfant de 6 ans.

Résultats

Il s’agit de 06 garçons et 05 filles (sex-ratio 1.2) âgés de 4 à 17 ans avec un âge moyen de 9 ans ± 1,2. La notion de cancer familial a été retrouvée chez deux cas (tumeur cérébrale et sarcome). Le délai moyen de la consultation était de 6,7 mois (1–24 mois). Les circonstances de découverte étaient dominées par un syndrome d’hypertension intracrânienne dans 72,7% des cas, un syndrome cérébelleux dans 9,1% des cas et des troubles visuels dans 18,2% des cas. Tous les patients ont bénéficié d’une imagerie cérébrale (scanographie et/ou IRM).

72,7% des médulloblastomes étaient de localisation médiane et 18,2% étaient métastatiques M3. Une ponction lombaire a été réalisée chez 45,5% des patients et était d’aspect normal.

Dix patients ont été opérés, l’exérèse était complète dans 70%, partielle dans 20% et subtotale dans 10%. Cette chirurgie a été précédée par une dérivation ventriculo- péritonéale chez tous les patients

Le diagnostic histologique a été posé à la fois par une biopsie stéréotaxique qui a été pratiquée chez trois cas et par l’étude anatomo-pathologique suite à une exérèse chirurgicale qui a été pratiquée chez huit cas.

Sur le plan histologique 72,7% étaient sans précision supplémentaire, deux de types histologiques classiques et un à nodularité extensive.

Dans cette série, 6 patients (54,5%) étaient atteints de médulloblastomes de haut risque, 3 patients (27,3%) étaient de risque standard et deux patients (18,2%) étaient de bas risque.

La stratégie thérapeutique a comporté des cures de chimiothérapie avant l’irradiation pour tous les patients. Deux enfants (18,2%) ont été traités selon le protocole de la BBSFOP, quatre enfants selon le protocole 8 en 1 (36,4%) et cinq enfants (45,5%) ont été traités selon le protocole VPC avec 5 cures en moyenne (2-8). Une chimiothérapie a été administrée après l’irradiation chez 54,5% des cas en moyenne de 4 cures.

Le temps moyen écoulé entre la chirurgie et le début de la radiothérapie était de 239 jours (84-720). La dose moyenne délivrée dans l’axe cranio-spinal était de 26,9 Gy (23,4-36) et celle délivrée dans la fosse postérieure étaient de 53,5 Gy (52,2- 54) (Tableau 3).

Tableau 3 : les caractéristiques des patients.

Caractéristiques

N (%) ou moyenne

Âge (ans) moyen

Sexe

Masculine

Féminin

Symptôme révélateur

Sd HTIC

Sd visual

Sd neurologique

Localisation

Médiane

Latérale

Médullaire

LCR Normal

Résidu chirurgical

Histologie

Sans précision

Classique

À nodularité extensive

Dose de l’irradiation cranio-spinale

Dose dans la fosse postérieure

Délai chirurgie/radiothérapie > 90 jours

9 ± 1.2(4-17)

6 (54.5)

5 (45.5)

8 (72.7)

2 (18.2)

1 (9.1)

8 (72.7)

3 (27.3)

2 (18.2)

5 (45.5)

9 (81.9)

8 (72.7)

2 (18.2)

 1 (9.1)

26.9Gy

53.5Gy

 239(84-720)

 

A la fin de la procédure thérapeutique, et après une évaluation ; 27,2% des patients étaient en situation de rémission complète, 36,3% avaient une réponse partielle ; 18,2% étaient en stabilité ; 9,1% était en progression et un cas est décédé après une seule séance de radiothérapie.

Le suivi médian était de 11,5 ± 3 mois (2,7-35,5), la survie globale à un an et à deux 2 ans était respectivement de 80% (±1,8%) et 53,3% (±2,4%) et (Figure2).

 MED1

Figure 2 : La survie globale des patients

Discussion

L’âge médian au moment du diagnostic est de 6–7 ans [11], dans notre série était de 8 ans. Il existe une prépondérance masculine avec un sex-ratio d’environ 1,5 [12] ; ce qui est comparable à notre série. La présentation clinique la plus courante est un tableau d’hypertension intracrânienne [13].

Le délai diagnostique médian était long par rapport à ceux rapportés dans la littérature qui est de 65 jours [14]. Ce retard diagnostique s’expliquait en partie par l’évocation d’autres diagnostics.

Les médulloblastomes métastatiques au moment du diagnostic représentaient 18,2% des cas. Ce pourcentage pouvant atteindre 50% dans la littérature [11].

Selon les séries publiées, le sous type histologique le plus fréquent est le médulloblastome classique suivi par le médulloblastome desmoplasique [15,16]. Notre étude est limitée, vu le manque de précision histologique.

Le pourcentage élevé de médulloblastome à haut risque au sein de cette étude était de 54,5% contre 14 à 37% selon les séries [17].

Dans notre série, le délai entre la chirurgie et le début de l’irradiation discorde avec les 90 jours recommandés [6,14]. Ce retard à la mise en place de la radiothérapie pourrait s’expliquer par le retard à la première consultation après la chirurgie et par la réalisation de la chimiothérapie avant l’irradiation.

Cette irradiation contribue fortement aux séquelles neuropsychiques, endocrinologues, auditives et musculo-squelettiques chez l’enfant [4,18]. L’insuffisance de réalisation de suivi neuropsychologique souligne encore les limites de cette étude.

La survie du médulloblastome s’est améliorée ces dernières décennies grâce à l’ajout de la chimiothérapie au traitement standard avec la chirurgie et la radiothérapie [19,20,21]. Le petit nombre de patients, le manque de précision histologique, et la durée de l’étude constituent des facteurs des limites de cette série qui nous empêche de donner plus de précisions afin de les comparer à ceux décrits dans la littérature.


 

Conclusion

Le médulloblastome est un cancer bien connu chez l’enfant pour lequel des nouvelles perspectives thérapeutiques se dessinent, à la fois en termes de stratégies adaptées au risque évolutif, de substances de chimiothérapie associées ou non à l’irradiation, de cibles thérapeutiques et de techniques d’irradiation.

La prise en charge de cette pathologie doit nécessairement être multidisciplinaire par l’action concertée des équipes de neurochirurgie, neuroradiologie, oncologie pédiatrique, neuro-oncologie, radiothérapie et de « réhabilitation » physique et cognitive, habitués à cette pathologie.

 

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.


 

Bibliographies

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Tolérance de la chimiothérapie orale dans la prise en charge des cancers mammaires localement évolués et/ou métastatiques des femmes âgées (Étude multicentrique de l’Est Algérien)

Chez la femme âgée, le cancer mammaire est une problématique de santé publique majeure. La présence de comorbidités et la crainte d’éventuelles toxicités fait que cette tranche d’âge est le plus souvent sous-traitée. Objectifs : Le but de ce travail est d’évaluer la tolérance de la chimiothérapie orale dans la prise en charge du cancer mammaire avancé et/ou métastatique chez la femme âgée.

 

A. Bouguettaya, Service d’Oncologie Médicale, Centre de Lutte contre le Cancer, CHU de Annaba

 

 Date de soumission : 17 Février 2020.

 

Résumé : Introduction : Chez la femme âgée, le cancer mammaire est une problématique de santé publique majeure. La présence de comorbidités et la crainte d’éventuelles toxicités fait que cette tranche d’âge est le plus souvent sous-traitée. Objectifs : Le but de ce travail est d’évaluer la tolérance de la chimiothérapie orale dans la prise en charge du cancer mammaire avancé et/ou métastatique chez la femme âgée. Matériels et méthodes : Il s’agit d’une étude multicentrique prospective portant sur 74 patientes âgées de 65 ans et plus, traitées et suivies pour cancer du sein entre janvier 2016 et décembre 2018 au niveau des services d’oncologie médicale de l’Est algérien. Résultats et discussion :

L’âge médian est de 72 ans. 21,6% des patientes sont instruites. L’indice de performance est scoré à 1 chez 59,4%. L’évaluation gériatrique a distingué 03 groupes ; vieillissement harmonieux 35,2%, vulnérable 47,3% et fragile 17,5%. 549 cycles de chimiothérapie orale ont été administrés, le schéma thérapeutique a été classique 59,4%, et métronomique 40,6%. 31% des patientes ont présenté des toxicités majeurs grade 3/4 « toxicité hématologique 55%, toxicité digestive 15%, syndrome main-pied 13,3%, fatigue 13,3%, insuffisance rénale 3,4%. L’étude de la variation de toxicité grade 3/4 en fonction des facteurs de risque a permis d’identifier l’âge comme significativement impliqué dans la survenue de cette dernière. Le taux de réponse tumorale chez la population générale a été de 58%. L’étude de la population comparative selon le schéma thérapeutique a démontré la supériorité de la chimiothérapie métronomique sur le plan tolérance et efficacité thérapeutique comparativement au schéma classique. La médiane de survie globale et la survie sans progression ont été respectivement de 15,8 mois et 12,6 mois. Conclusion : La durabilité de l’activité antitumorale et la toxicité négligeable de la chimiothérapie orale, suggèrent que ce traitement constitue une nouvelle arme thérapeutique efficace pour la prise en charge des personnes âgées porteuses d’un cancer du sein.

Mots clé : Cancer, sein, évaluation gériatrique, chimiothérapie orale, classique, métronomique, tolérance.

Abstract: Introduction: In older women, breast cancer is a major public health problem. The presence of co-morbidities and the fear of possible toxicities mean that this age group is most often under-treated. Objectives: The aim of this work is to evaluate the tolerance of oral chemotherapy in the management of advanced and/or metastatic breast cancer in elderly women. Materials and methods: This is a prospective multicentre study of 74 patients aged 65 years and older, treated and followed for breast cancer between January 2016 and December 2018 in medical oncology services in eastern Algeria. Results and discussion: The median age is 72 years old. 21.6% of patients are educated. The performance index is scored at 1 in 59.4%. The geriatric assessment distinguished 03 groups; harmonious aging 35.2%, vulnerable 47.3% and fragile 17.5%. 549 cycles of oral chemotherapy were administered, the regimen was classic 59.4% and metronomic 40.6%. 31% of the patients presented major toxicities grade 3/4 haematological toxicity 55%, digestive toxicity 15%, hand-foot syndrome 13.3%, fatigue 13.3%, renal insufficiency 3.4%. The study of the grade 3/4 toxicity variation according to the risk factors made it possible to identify the age as significantly involved in the occurrence of the latter. The tumour response rate in the general population was 58%. The study of the comparative population according to the therapeutic regimen demonstrated the superiority of metronomic chemotherapy in terms of tolerance and therapeutic efficacy compared to the classical pattern. The median overall survival and progression-free survival were 15.8 months and 12.6 months, respectively. Conclusion: The durability of antitumor activity and the negligible toxicity of oral chemotherapy suggest that this treatment is an effective new therapeutic arm for the care of elderly people with breast cancer.

Keywords: Cancer, breast, geriatric evaluation, oral chemotherapy, classic, metronomic, tolerance.

 

  • Introduction 

Dans nos jours, le cancer constitue la maladie incontestablement la plus redoutée et elle est assimilée à un véritable fléau moderne. Sa réputation de gravité et d’évolution rapide voire fatale déclenche à son annonce, un sentiment de panique chez le malade et un bouleversement de la vie familiale surtout s’il s’agit d’un sujet âgé.

L’oncogériatrie est un sujet d’avenir, mais surtout immédiat ! Tout médecin s’occupant d’adultes atteints de cancers peut quasiment toujours aujourd’hui cerner au moins 30% de son activité auprès de patients âgés de 65 ans et plus. Ceci impose une collaboration étroite entre oncologues et gériatres pour partager leurs connaissances et les mettre en œuvre de façon optimale pour le patient âgé.

Il semble exister un « point de bascule » dans l’esprit des cancérologues non-initiés à la gériatrie. En particulier, oncologues et chirurgiens ont besoin d’être convaincus de l’intérêt de traiter un patient âgé. L’évaluation gériatrique en cancérologie répond à la nécessité d’adapter si besoin le traitement anticancéreux et de prendre en compte les spécificités des personnes âgées, l’impact de cette évaluation sur le choix du traitement du cancer, et le bénéfice des prises en charge gériatriques réalisées en termes de qualité de vie, de pronostic, et de tolérance du traitement anticancéreux.

Le cancer mammaire est une problématique de santé publique majeure, destinée à progresser dans les années à venir, du fait de l’augmentation de l’espérance de vie et d’un taux d’incidence croissant de ce cancer avec le vieillissement de la population. L’évolution de sa prise en charge thérapeutique fait appel à des nouvelles stratégies, dont la chimiothérapie orale fait partie. L’émergence de la voie orale est venue bouleverser chaque maillon de la chaine des soins en oncologie.

Longtemps marginales, elles sont de plus en plus prescrites. La prise en compte grandissante de la qualité de vie des patients et les gains de temps obtenus par les soignants hospitaliers ont participé au succès de ces traitements oraux.

Le choix du traitement chez les sujets âgés dépend de l’âge physiologique, des pathologies et comorbidités associées ainsi que du niveau de vie et d’autonomie. Or, malheureusement, à l’heure actuelle, beaucoup de médecins considèrent l’âge comme le principal facteur limitant le traitement du cancer du sein. Cette attitude est principalement expliquée par le manque d’information et de consensus thérapeutique précis. Cette lacune est elle-même secondaire au manque d’études randomisées susceptibles de déterminer des traitements efficaces.

Afin de répondre à cette problématique, une étude a été réalisée sur les patientes âgées atteintes du cancer mammaire évolué et traitées par une chimiothérapie orale au niveau de quelques centres de lutte contre le cancer de la région de l’Est algérien.

 

  • Objectifs

L’objectif principal de ce travail était l’évaluation de la tolérance de la chimiothérapie orale dans la prise en charge du cancer mammaire localement évolué et/ou métastatique chez la femme âgée après l’évaluation gériatrique, et les objectifs secondaires étaient ; l’évaluation de l’efficacité de la chimiothérapie orale, la comparaison des deux schémas thérapeutiques “classique et métronomique” et enfin l’estimation de la survie des patientes.

  • Matériels et méthodes

Notre enquête a été réalisée à l’Est Algérien au niveau des services d’oncologie médicale des centres de lutte contre le cancer de Constantine, Annaba et Sétif, étendue sur trois ans (36 mois) allant de Janvier 2016 jusqu’à Décembre 2018.

Notre travail consiste en une étude descriptive et analytique longitudinale multicentrique d’une cohorte prospective portant sur 74 patientes âgées de 65 ans et plus selon la classification américaine, traitées et suivies pour cancer du sein avancé.

  • Résultats et discussion
  • Caractéristiques de la population d’étude

L’âge médian était de 72 ans avec des extrêmes de 65 à 98 ans. 21,6% des patientes étaient instruites. L’indice de performance a été scoré à 1 chez 59,4%. La proportion des patientes présentant un cancer mammaire métastatique était plus importante que celles du stade localement évolué (75,6% versus 24,4%).

Figure N°01 : Répartition de la population générale selon le stade de la maladie.

L’évaluation gériatrique de la population d’étude a distingué 03 groupes ; vieillissement harmonieux (35,2%), vulnérable (47,3%) et fragile (17,5%).

CS1

Figure N°02 : Répartition de la population selon les résultats de l’évaluation gériatrique.

  • La chimiothérapie orale 

Le schéma de la chimiothérapie orale des malades gériatriques porteuses de cancer mammaire avancé a été réparti en deux modalités thérapeutiques : traitement oral classique et métronomique en fonction de plusieurs paramètres dont l’évaluation gériatrique des patientes était le principal paramètre.

Tableau N°I : Répartition des malades selon le schéma thérapeutique.

Schéma du protocole

74

100%

Chimiothérapie classique

44

59,4%

Chimiothérapie métronomique

30

40,6%

 

Pour l’ensemble de notre population, 549 cures ont été administrées durant la période d’étude avec des extrêmes (3-30). La moyenne des cures était de 7,9.

31% des patientes ont présenté des toxicités majeures grade 3/4 : toxicité hématologique (neutropénie, anémie, thrombopénie), toxicité digestive (anorexie, diarrhée, vomissement), syndrome main-pied, fatigue et enfin une insuffisance rénale.


 

Tableau N°II : Type de toxicité grade ¾.

Effets indésirables

60

100%

Neutropénie

20

33,3%

Anémie

9

15%

Syndrome main-pied

8

13,3%

Fatigue

8

13,3%

Thrombopénie

4

6,6%

Anorexie

3

5%

Vomissement

3

5%

Diarrhée

3

5%

Insuffisance rénale

2

3,5%

 

Le taux de réponse tumorale chez la population générale a été de 58% (réponse complète, réponse partielle et stabilisation).

CS2

Figure N°03 : Répartition des malades en fonction du type de réponse tumorale.

  • Étude comparative des deux schémas thérapeutiques 

Les données épidémiologiques, diagnostiques et gériatriques des deux groupes étaient presque similaires.


 

Tableau N°III : Étude comparative selon les variations oncogériatriques.

Paramètres

Groupe 1 : population ayant reçu la chimiothérapie classique N=44

Groupe 2 : population ayant reçu la chimiothérapie métronomique N= 30

Age ≥ 75 ans

Age < 75ans

38,6%

61,4%

50%

50%

Niveau intellectuel élevé

22,7%

20%

Variétés histologiques: CCI

 CLI

 Autre

78%

8%

14%

76,6%

6,6%

16,8%

Grade SBR II

 III

77,2%

22,8%

80%

20%

EIHC: RH positifs

 RH négatifs

 Her positif

 Her négatif

61, 3%

38,7%

9%

91%

66,6%

33,4%

7%

93%

Stade de la maladie : III

 IV

20,5%

79,5%

30%

70%

PS : 0

 1

 2

43,2%

50%

6,8%

30%

63,2%

6,8%

Dépendance : ADL˂6

 IADL<4

72,7%

84%

66,7%

76,6%

Score G8 ≤14

 ˃14

61,4%

38,6%

70%

30%

 

La tolérance à la chimiothérapie métronomique était nettement meilleure comparativement à la chimiothérapie classique, car la proportion des toxicités grade 3/4 du bras métronomique était faible voire absente.

Après la comparaison par le test Khi2 des différentes conséquences apparues suite à des toxicités grade 3/4, nous avons constaté que ces dernières avaient un impact significatif (p significatif) sur l’hospitalisation des malades (p=0,012) et le report de la chimiothérapie (p<0,0001). Il est important de noter qu’il n’y avait pas d’adaptation de dose dans le groupe recevant de la chimiothérapie métronomique.

Tableau N°IV : Répercussions de la toxicité grade ¾ sur la prise en charge thérapeutique de la population comparative.

 

Répercussion de la toxicité grade 3/4

Groupe 1 :

Population ayant reçu la chimiothérapie classique N=44

Groupe 2 :

Population ayant reçu la chimiothérapie métronomique N=30

P-value

Hospitalisation

27,2%

13,3%

0,012

Report de chimiothérapie

63,6%

53,3%

<0,0001

Arrêt définitif de la chimiothérapie

4,5%

6%

0,564

Adaptation des doses

39,1%

0%

0,192

 

A l’étude de la réponse tumorale ; nous avons constaté que le groupe de patientes ayant reçu le schéma métronomique était meilleur de façon significative (p=0,003) sur le plan efficacité thérapeutique que le second groupe. Par contre la stabilisation a été plus marquée dans le groupe de malades ayant reçu la chimiothérapie classique.

 

Tableau N°V : Étude comparative de la réponse tumorale.

Khi² (Valeur observée)

14,752

Valeur critique

9,318

DDL

1

p-value

0,003

Alpha

0,05

 

L’étude de la survie globale et survie sans progression n’a pas montré de différence significative entre les deux schémas thérapeutiques.

  • Étude de la survie dans la population générale 

La médiane de survie globale et la survie sans progression de la population générale ont été respectivement de 15,8 mois et 12,6 mois.

  • Conclusion

Malgré les facteurs biologiques plus favorables du cancer du sein chez la femme âgée, la tumeur est souvent diagnostiquée à un stade tardif. La présence de comorbidités et la crainte d’éventuelles toxicités fait que cette tranche d’âge est le plus souvent sous-traitée. Ainsi, l’âge en lui-même ne doit pas être considéré comme un élément discriminant de l’offre de soins chez la femme âgée atteinte de cancer du sein.

La nécessité de standardiser les protocoles thérapeutiques et surtout la chimiothérapie par voie orale. La durabilité de l’activité anti-tumorale et la toxicité négligeable de ce traitement, suggèrent que cette thérapie constitue une arme thérapeutique efficace pour les sujets âgés.

L’administration chronique de la chimiothérapie métronomique a démontré une supériorité significative de réponse objective tumorale et une bonne tolérance comparativement au schéma classique sans altération de la survie ce qui représente une nouvelle arme ciblée sur l’angiogenèse.

Les données actuelles restent cependant très parcellaires et nécessitent encore une fois le développement d’essais cliniques spécifiques.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 


 

Références

 

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Le quotidien amer du dialysé

L’hémodialyse a complètement transformé le cours évolutif jadis fatal de l’insuffisance rénale chronique (IRC) et a considérablement modifié les modalités de prise en charge, permettant ainsi d’améliorer le confort des dialysés et leur espérance de vie. Toutefois, en tant que traitement palliatif, l’hémodialyse est vécue comme une nécessité vitale et constitue une contrainte lourde

 

M.A. Boubchir, Service de Néphrologie/Dialyse, CHU de Bejaïa,

Date de soumission : 26 Janvier 2020.

 

Résumé : L’hémodialyse a complètement transformé le cours évolutif jadis fatal de l’insuffisance rénale chronique (IRC) et a considérablement modifié les modalités de prise en charge, permettant ainsi d’améliorer le confort des dialysés et leur espérance de vie. Toutefois, en tant que traitement palliatif, l’hémodialyse est vécue comme une nécessité vitale et constitue une contrainte lourde, en effet, le patient se trouve confronté aux remaniements, voire agressions que subissent son corps et sa vie personnelle, familiale et socioprofessionnelle, etc. Ces perturbations sont à l’origine de difficultés d’adaptation et de détresse psychologique. Dès l’annonce du diagnostic final, le déni submerge les cognitions, le champ perspectif, ainsi le conscient de l’hémodialysé, suivi d’un travail de deuil très rigide et lourd, il sera fait à deux reprises, la première sur l’organe perdu (les reins), la deuxième sur la machine et ses contraintes, par conséquent, le moi de l’hémodialysé perd davantage son rôle de régulateur, et ses énergies seront dorénavant vainement investies, notamment lorsque le malade assimile le degré de la gravité de son atteinte et celui de la machine, et engendre des complications qui altèrent à petit feu son organisme, et fragilisent son état psychique, le malade devient vulnérable à toute métamorphose psychosomatique et à toute perte (incapacité physique, statut social, abandon de ses activités professionnelles, etc.), ainsi que la présence de l’idée de la mort.

Mots clés : Insuffisance rénale terminale, hémodialyse, complications psychiques, troubles du sommeil et gonadiques.

Abstract: Haemodialysis has completely transformed the once fatal course of chronic kidney disease (CKD) and has dramatically changed the way people are managed, thereby improving the comfort of people on dialysis and their life expectancies. However, as a palliative treatment, haemodialysis is experienced as a vital necessity and constitutes a heavy constraint, in fact, the patient is confronted with the changes or even aggressions that their body and their personal, family and socio-professional life undergo, etc. These disturbances are the cause of adjustment difficulties and psychological distress. As soon as the final diagnosis is announced, the denial overwhelms the cognitions, the perspective field, thus the consciousness of the haemodialysis patient, followed by a very rigid and heavy work of mourning, it will be done twice, the first on the lost organ (kidneys), the second on the machine and its constraints, therefore, the haemodialysis self loses its regulatory role more, and its energies will henceforth be vainly invested, especially when the patient assimilates the degree of the severity of his impairment and that of the machine, and generates complications which slowly alter his organism, and weaken his mental state, the patient becomes vulnerable to any psychosomatic metamorphosis and to any loss (physical incapacity, social status, abandonment of professional activities, etc.), as well as the presence of the idea of ​​death.

Key words: End-stage renal disease, haemodialysis, mental complications, sleep and gonadal disorders.


 

  • Introduction

L’insuffisance rénale terminale (IRT), maladie lourdement handicapante nécessite un traitement de substitution : dialyse ou transplantation.

Aujourd’hui, des milliers d’insuffisants rénaux survivent heureusement grâce à la dialyse. Ce mode de traitement empêche leur organisme de s’empoisonner, il doit être répété tous les deux jours et dure entre quatre et cinq heures. Avec les temps de transport, d’attente, de récupération, un tiers de l’existence du patient est ainsi amputé.

La qualité de vie des dialysés est très altérée par rapport à celle de la population générale, mais aussi par rapport à celle des transplantés. Jusqu’ici, la transplantation a été un traitement qui permet aux patients d’avoir une meilleure espérance et une meilleure qualité de vie, mais ils ne retrouvent pas vraiment une vie normale ; il change un état chronique pour un autre avec lequel il est plus facile de vivre.

La vie qui ­reprend son cours entre deux séances reste le plus souvent de mauvaise qualité, parfois dévastée, par la fatigue, les contraintes alimentaires, l’impossibilité de boire à sa soif, les immenses difficultés pour continuer à travailler, l’impossibilité de s’assurer et de faire des projets, les problèmes de couple, l’isolement et la dépression.

On ne peut s’en échapper et la moindre transgression des règles fait peser une menace vitale.

La dialyse reste donc une prison qui met la vie en suspens malgré les espoirs qu’elle a fait naître et les moyens considérables qui lui sont consacrés.

  • Notion de qualité de vie (QdV)

Depuis 1948, la santé ne se définit plus comme la seule absence de maladie mais aussi comme un état de bien-être mental, physique et social.

Les questionnaires utilisés dans les études de QdV des patients en IRT sont variés allant des questionnaires génériques à ceux spécifiques aux dialysés/greffés.

La dialyse, cet amalgame

Dans ce chapitre, on rapporte les impressions des patients par apport à cette technique et les phrases qui vont suivre sont issues des entretiens avec les psychologues traitants.

« Alors si la dialyse n’est pas contraignante euh… Je ne connais pas beaucoup de maladies qui le sont ! ».  « Et comme je dis, la dialyse, ce n’est pas une maladie qui s’attrape, hein ? ». Deux phrases qui révèlent que pour certains patients, l’hémodialyse est une maladie !

L’hémodialyse est pourtant l’un des traitements qui permet aux malades de survivre à cette pathologie mortelle. Ce traitement est une véritable substitution à la fonction rénale. Le patient est piqué, « rattaché » à une machine qui a pour but de pomper le sang, le filtrer afin de le restituer, débarrassé des toxines urémiques et de la surcharge hydrique. Le malade doit se plier à cette épuration à vie. Ainsi traité, le malade voit son insuffisance rénale perdurer alors qu’il y a encore cinquante ans, il en serait mort [1].

Lorsqu’une personne souffre d’un diabète, elle ne souffre pas de l’insuline, lorsqu’une personne est asthmatique, elle ne souffre pas de la Ventoline®, mais quand une personne est atteinte d’IRC, elle est susceptible de « souffrir d’hémodialyse », le traitement étant alors amalgamé à une maladie. Cette constatation a été relevée de manière récurrente au contact de personnes affectées par une IRC et interrogées sur leur vécu [1]. Pour les patients, l’hémodialyse est une maladie supplémentaire, les malades subissant alors non pas une mais deux maladies.

Comme le cancer, le traitement par hémodialyse expose le patient à une transformation physique extérieure flagrante (pâleur, teint bronzé, dyspnée, œdèmes, déformations osseuses). C’est la raison pour laquelle nous préférons parler ici de signes que de stigmates liés à l’hémodialyse. Nous nous intéresserons aux formes particulières prises par ces signes (la fatigue, la surcharge hydrique, les troubles psychologiques, les troubles du sommeil et les troubles sexuels qui peuvent conduire les patients à ressentir les changements corporels et à amalgamer le traitement avec une maladie.

  • La fatigue : est citée par la majorité des patients. Elle est attribuée à l’emploi du temps chargé, aux troubles du sommeil et à la maladie.
  • La surcharge hydrique : Les patients sont plus nombreux à évoquer le problème du surpoids. Les signes leur permettant de le repérer sont personnels : « je n’entre plus dans mes chaussures », je ne peux plus attacher mon pantalon », mon alliance ne tourne plus ». La recherche d’œdème, poids sec, BCM (Body Composition Monitor) ; ne sont pas cités par les patients. Les patients réussissent à trouver des indicateurs empiriques qui n’ont rien de commun avec les mesures cliniques.
  • Troubles psychologiques
  • La castration : La perte de la fonction rénale génère toujours un sentiment de castration.
  • La culpabilité : La maladie peut être ressentie comme une punition et réveiller une culpabilité préexistante. La quête étiologique tente d’exclure ce sentiment de culpabilité (étiologie génétique, non-suivi du régime diabétique, mauvais choix du médecin qui n’a rien détecté, etc.) la culpabilité est l’objet de tous les efforts d’annulation et de refoulement.
  • La dépendance : Il s’agit d’une situation de dépendance absolue par rapport :
  • À un lieu (centre de dialyse),
  • À une machine (générateur de dialyse),
  • À une équipe soignante.

Cette dépendance est aussi inconditionnelle. La contester en ne se pliant pas à la discipline stricte suffit pour s’attirer des complications organiques, la refuser signifie mourir. A cela s’ajoute d’importantes frustrations d’ordre diététique (régime sans sel, pauvre en potassium et en phosphore, restriction hydrique), sexuel, professionnel (échec des ambitions personnelles, éventuellement relégation à un poste subalterne, etc.), et sociale.

  • Le deuil : La réaction de deuil constitue un état dépressif d’intensité et de durée variables, que l’on observe parfois après les premières séances de dialyse, au cours du « retour chez les vivants » ; il correspond à une prise de conscience plus élaborée de la réalité, les malades faisant le deuil de la santé et de l’autonomie qu’ils n’ont plus, réalisant mieux la précarité de leur état et de leur avenir.

 

 

  • L’agressivité : L’agressivité peut être appréhendée essentiellement comme un premier mode de défense du sujet au traumatisme de sa maladie et de sa thérapeutique, dans la relation dialysé-équipe soignante. L’agressivité est véhiculée à travers le sentiment d’être persécuté et son corollaire, l’accusation du persécuteur. « Les médecins avec leur régime nous ennuient, ils nous persécutent », raconte un dialysé. Un mécanisme de projection permet de confondre médecins et infirmiers avec l’agent persécuteur qui est en réalité le rein défectueux.

La régression : Nous avons pu constater chez le dialysé une régression clinique dans ce que nous avons désigné comme état de deuil aux premiers temps de l’hémodialyse, (d’un point de vue terminologique, régression signifie “marcher en faisant retour en arrière”. Il s’oppose donc à la progression qui est “marcher vers l’avant”).

L. Israël l’explique ainsi : « Abandonné par le groupe et par son propre corps, l’être humain, qu’il le veuille ou non, est obligé de se rattacher à son passé et ce retour en arrière constitue la régression, trait commun à pratiquement chaque état de maladie ».

Dans le cas du dialysé, la régression est d’autant plus franche que le malade doit assumer sa maladie, et la thérapeutique particulière qu’est l’hémodialyse (répétition de la dépendance infantile) [2].

Ainsi, à un moment donné du développement subjectif, quelque chose aurait dû se passer qui ne s’est pas produit, et ce non-événement provoquerait un vide psychique au creux duquel une addiction viendrait se nicher. Dès lors, la survenue d’une addiction dans le parcours de vie d’un sujet constituerait une solution à une impasse psychique [3].

  • Dépression : La dépression est le problème psychologique le plus courant chez le dialysé.
  • Troubles du sommeil : Les troubles du sommeil, en particulier l’insomnie, le syndrome d’apnées du sommeil, la somnolence diurne et le syndrome des jambes sans repos, sont très fréquents chez les dialysés. Les causes de ces troubles sont multifactorielles et sont liées à la maladie elle-même, au traitement ainsi qu’à des facteurs psychosociaux [4,5].
  • Troubles sexuels (dysfonctionnement gonadique) : Les dialysés, les appréhendent comme la conséquence directe de la dialyse, bien que cette représentation s’écarte des données médicales.

L’origine des troubles sexuels est multifactorielle : psychologique, d’une part, et organique, d’autre part, en rapport avec la maladie causale, l’urémie et les autres comorbidités inhérentes à cette population.

  • Causes psychogènes

La dépression, le syndrome anxio-dépressif, la perte de l’estime de soi (corps déformé et mutilé) sont autant de facteurs complémentaires, fréquents chez ces patients, qui jouent un rôle dans la genèse de ces troubles.

La honte par ailleurs est très présente, bras déformé, parfois de manière très impressionnante par la fistule et les marques de piqûres, etc.

Le dialysé a un profond désir d’apparaitre comme tout le monde. De ce fait, la préoccupation de l’apparence peut viser à maintenir l’intégrité de soi, c’est un moyen de lutter contre les modifications de l’image du corps liées à la maladie chronique [6].

Ce qui est très particulier dans l’insuffisance rénale, c’est que l’organe perdu va être remplacé périodiquement par une machine extérieure à l’enveloppe corporelle qui est d’ailleurs désigné comme un “rein artificiel”. Celui-ci va constituer un prolongement dans l’espace externe de quelque chose qui reste habituellement intime, secret, non dévoilé [7].

– La mauvaise haleine et le changement de la couleur de la peau peuvent atteindre l’image corporelle du patient qui peut se sentir moins attirant(e) et avoir peur du rejet du conjoint.

– La présence de crampes. L’arrêt de la miction “je n’urine pas donc je ne peux pas être en érection”, (l’anurie et l’impuissance sont étroitement liées dans l’esprit des patients). 

– Chez la femme, l’irrégularité menstruelle ou l’absence de menstruations peut signifier une perte de la féminité : “je ne suis plus comme les autres femmes, je ne peux plus avoir d’enfants, etc.”.

  • Causes organiques
  • Chez l’homme

L’IRC entraine un hypogonadisme hypergonadotrope, une hyperprolactinémie, des altérations spermatiques, une baisse de la libido et une dysfonction érectile (DE). Tous ces éléments entrainent donc une baisse de la fertilité [8]. La prévalence de la dysfonction érectile au cours de l’IRC est d’environ 49 à 55% [9].

En cas d’IRC, la testostérone plasmatique totale ou libre est modérément abaissée.

Sur le plan central, il a été observé des taux de gonadotrophines follicule stimulating hormone [FSH] et luteinizing hormone [LH] significativement augmentés chez les patients en IRC. Au niveau testiculaire, il peut exister des anomalies de la spermatogenèse touchant les stades tardifs hormonodépendants [10].

L’IRC chez l’homme est associée à une atteinte mixte périphérique et centrale de l’axe gonadotrope. L’augmentation des taux de gonadotrophines FSH et LH est essentiellement due à la levée du rétrocontrôle négatif des testicules sur l’axe hypothalamo-hypophysaire et à la baisse de l’intensité des pics de GnRH. On estime qu’environ 66% des hémodialysés souffrent d’hypogonadisme hypergonadotrope, ainsi qu’une hyperprolactinémie, entrainant alors une altération de la pulsatilité de la GnRH [8]. La réponse de la testostérone à l’HCG (human chorionic gonadotropin) est amortie. Les anomalies testiculaires sont considérées comme le reflet d’une toxicité directe de l’urémie, mais d’autres facteurs peuvent intervenir : hémochromatose secondaire chez des patients polytransfusés et déficit en zinc [10]. L’histologie testiculaire des hémodialysés retrouve des calcifications et de la fibrose interstitielle avec des lésions des tubes séminifères, ceci s’associant à une diminution du nombre de spermatocytes matures, voire une aplasie des cellules de la lignée germinales. Ces perturbations histologiques entrainent une diminution des taux de testostérone libre et totale avec une SHBG qui reste normale, et un retentissement sur la spermatogenèse. En outre, une variété de médicaments couramment prescrits aux patients au cours de l’IRC tels que les IEC / ARAII, la spironolactone, le kétoconazole, les glucocorticoïdes, statine ou cinacalcet peuvent interférer directement avec la synthèse d’hormones sexuelles [9].

  • Chez la femme

L’IRC chez la femme est responsable d’une diminution de la libido, d’une dysovulation et d’une baisse de la fertilité [9].

En cas d’IRC, œstradiol et progestérone sont diminuées et la morphologie endométriale est anormale chez 80 % des femmes dialysées [8]. La sécrétion de LH et FSH est très perturbée avec, tout au long du cycle, des oscillations sans pic individualisé, c’est cette disparition de la composante cyclique de la sécrétion de gonadotrophines, la sécrétion tonique basale étant intacte, qui est à l’origine des anomalies du cycle [8]. Ces perturbations endocriniennes ont pour conséquence une dysovulation d’origine multifactorielle expliquant en grande partie les troubles du cycle et donc l’infertilité. Parallèlement, les ménorragies observées s’expliquent également en partie par une altération de la fonction plaquettaire [8].

Chez la femme, les perturbations hypothalamiques jouent un rôle majeur, et la dysfonction ovarienne ne semble directement en cause que dans la stérilité. Au stade d’IRC avancée on peut rencontrer aussi bien une aménorrhée que des ménométrorragies. Les cycles sont anovulatoires chez la majorité des patientes. La disparition de l’ovulation entraîne un déséquilibre hormonal responsable des ménométrorragies fréquentes et parfois d’ovaires polykystiques. Les anomalies sont hypothalamiques et non pas hypophysaires.

Si la fécondité des femmes en IRC sévère est globalement basse, une grossesse peut survenir même chez une femme en aménorrhée. Dans le cas d’une IRC modérée, une grossesse peut être menée à terme au prix d’une hypotrophie fréquente et d’une prématurité quasi constante, avec un risque maternel non négligeable lié à l’aggravation de l’hypertension artérielle (HTA : tueur embusqué) ; et de l’IRC. En dialyse, la grossesse est rare et le pronostic fœtal est mauvais [10].

  • IRC et hyperprolactinémie

L’hyperprolactinémie est fréquente au cours de l’IRC, chez les deux sexes, sa prévalence varie de 30% à 65% [11]. L’hyperprolactinémie, généralement modérée, n’entraîne qu’exceptionnellement une galactorrhée, mais participe aux perturbations fonctionnelles hypothalamo-hypophysaires [10]. Cette hyperprolactinémie s’explique à la fois par la diminution de sa clairance métabolique d’environ 33%, mais aussi par l’augmentation de sa sécrétion par les cellules lactotropes qui sont moins sensibles à l’inhibition dopaminergique.

 

  • Prise en charge

Les dialysés sont ceux qui rencontrent le plus de difficultés, vis-à-vis de leur traitement, mais aussi dans toutes les dimensions de leur existence. La lourdeur de la dialyse et ses conséquences nécessitent la prise en compte de l’ensemble de leurs besoins.

Une adaptation ultérieure satisfaisante des patients au rein artificiel parait directement liée à certains faits :

– Un niveau intellectuel suffisant, permettant au malade de participer à son traitement et de comprendre ses aspects techniques ;

– L’existence d’un entourage affectif (un conjoint, des enfants par exemple) donnant au dialysé la volonté de combattre et lui assurant un soutien moral efficace ;

– Une activité professionnelle investie par le patient en raison de l’intérêt qu’elle représente pour lui et du revenu qu’elle lui procure ;

– La capacité d’admettre et de verbaliser son anxiété, ses difficultés émotionnelles face à la dialyse, à ses contraintes, à la mort ;

– L’absence de recours à des mécanismes de défense tels que la somatisation et la toxicophilie (l’alcoolisme, abus de médicaments).

La création d’une Charte de la dialyse a été proposée, dans le but d’améliorer et d’homogénéiser la qualité globale des soins et de l’accompagnement des dialysés. La Charte de la dialyse a été construite collectivement, par toutes les parties prenantes concernées : patients, néphrologues, établissements de dialyse, infirmiers, psychologues, diététiciens, assistants sociaux, etc.

La Charte est destinée aux établissements de dialyse et aux professionnels de santé, autour de plusieurs axes : annonce, information, orientation (priorité à la greffe), autonomie, parcours-qualité des soins, accompagnement (bientraitance).

Les centres de dialyse doivent proposer des séances en soirée ou pendant la nuit pour les patients qui travaillent la journée. Les longs voyages peuvent être organisés à l’avance, afin de profiter des vacances saines et relaxantes. Pour être bénéfique, la dialyse doit être régulière, mais il y a toujours un degré de flexibilité possible pour s’adapter à chaque cas.

La pratique du sport est très bénéfique : du sport les jours sans dialyse, tels que de la gymnastique, de la randonnée, du vélo et de la natation (l’exercice physique est la meilleure médecine !).

Une alimentation saine est vraiment essentielle : pour les dialysés, c’est encore plus vrai : attention à l’excès d’eau et du potassium (K : Potassium : Killer).

– La transplantation rénale qui se présente comme la meilleure solution aux problèmes de l’insuffisance rénale améliore significativement la qualité de vie en général et la fonction sexuelle en particulier, le taux d’hyperprolactinémie baisse considérablement (100% en IRC, 60% en dialyse et 35% en post transplantation).

Un personnel de qualité : Les équipes doivent être à l’écoute des patients. Les médecins néphrologues assurent l’organisation médicale de l’unité, les prescriptions médicales et les consultations.

Des infirmiers formés aux techniques de dialyse, assurent les soins nécessaires en collaboration avec le médecin néphrologue.

Un(e) diététicien(ne) organise la prise en charge nutritionnelle tout au long du parcours du dialysé en respectant ses besoins et ses goûts.

Un(e) psychologue et un sexologue pour l’aider à mieux vivre avec la maladie.

Un(e) assistant(e) social(e) pourra le soutenir dans ses démarches administratives, l’informer sur ses droits (carte d’invalidité, aide à domicile), lui apporter des réponses quant à sa situation professionnelle.

Un transport adapté (véhicule sanitaire léger, ambulance).

Conclusion

La prise en charge de l’insuffisance rénale terminale est un enjeu de santé publique. Il existe un délai d’inscription sur liste nationale de transplantation trop long alors que cette dernière fait partie de la meilleure stratégie thérapeutique.

Les réactions à l’annonce de la maladie constituent toutes, un choc, mais pour l’ensemble des patients, il existait un second choc bien plus dur : l’annonce de la mise en dialyse. L’impact de la dialyse se répercute sur la vie familiale pouvant à la fois renforcer des liens mais aussi en rompre, sur la vie professionnelle avec une perte d’emploi très fréquente engendrant des difficultés financières. La dialyse était souvent vécue comme contraignante, marquant une dépendance aux machines et stigmatisant socialement les patients. Le manque de soutien social est l’une des plaintes principales ainsi qu’un manque d’information. La dialyse sauve des vies mais reste un traitement très imparfait puisqu’elle ne remplace que partiellement la fonction rénale. 

On ne pourra pas aborder dans le détail le monde des troubles psychologiques et gonadiques liés à l’IRC, vu la rareté des publications et la complexité des mécanismes physiopathologiques (étiologies intriquées, toxines urémiques).

– Malgré les inconvénients possibles, l’IRC n’empêche en rien l’expression d’une sexualité plaisante et enrichissante pour l’individu et le couple.

– Finalement, l’aide d’un psychologue et d’un sexologue peut s’avérer très utile, pour bien comprendre les causes du problème et être capable de trouver les solutions appropriées.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.


Bibliographie

 

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Maladie de Eales ou hypersensibilité tuberculinique

Nous rapportons un cas clinique de maladie de Eales. Ils’agit d’une vascularite rétinienne ischémique qui atteint en priorité la rétine périphérique des jeunes adultes

 

08 Décembre 2018

S. Mouaki Benani, S. khaldi, o. ouhadj
Service d’Ophtalmologie, CHU Mustapha Bacha, Alger

Résumé

Nous rapportons un cas clinique de maladie de Eales. Il s’agit d’une vascularite rétinienne ischémique qui atteint en priorité la rétine périphérique des jeunes adultes. Les atteintes rétiniennes comprennent des périphlébites et une ischémie rétinienne capillaire, principalement en périphérie pouvant se compliquer de rétinopathie proliférante, avec néovascularisation rétinienne ou papillaire, d’hémorragie intravitréenne ou de décollements de la rétine tractionnels, mettant en jeu le pronostic visuel. Il est très important d’éliminer les diagnostics différentiels. Son étiologie est inconnue, elle semblerait dans certains cas être liée à une hypersensibilité médiée par le système immun à l’antigène mycobactérium tuberculosis. Cependant, une prévalence élevée de tuberculose a été décrite au cours de la maladie de Eales. La prise en charge est bien codifiée et dépend du stade de la maladie.

Mots-clés :

Maladie de Eales, périphlébite rétinienne ischémique idiopathique, tuberculose, hypersensibilité tuberculinique.

Abstract

We report a clinical case of Eales disease that is an idiopathic obliterative vasculopathy that primarily affects the peripheral retina of young adults. Retinal changes are characterized by periphlebitis, peripheral non perfusion, and neovascularization with recurrent vitreous hemorrhage and tractional detachments. Visual loss may result from these complications. Differential diagnosis of Eales disease should be excluded. Although the etiopathogen is is still unclear, in some cases it is thought to arise from immune mediated hypersensitivity to Mycobacterium tuberculosis antigen. However, a high prevalence of tuberculosis is noticed in Eales disease. There are an official guidelines regarding the medical and surgical management of Eales disease. These guidelines depend on the stage of the disease.

Key-words :

Eales disease, idiopathic retinal retinal peri phlebitis, tuberculosis, hypersensitivity to Mycobacterium tuberculosis antigen.

Introduction

La maladie de Eales est une rétinopathie d’origine vasculaire qui touche essentiellement les sujets jeunes en bonne santé.

L’étiologie est encore mal connue, mais les arguments plaident en faveur de son caractère multifactoriel, elle semblerait dans certains cas être liée à une hypersensibilité médiée par le système immun à l’antigène mycobactérium tuberculosis.

Elle se révèle fréquemment par des hémorragies intravitréennes. La néovascularisation rétinienne et/ou papillaire, les hémorragies intravitréennes récidivantes et les décollements de la rétine tractionnels.

Ces complications peuvent mettre en jeu le pronostic visuel. Le traitement de la maladie de Eales dépend du stade de la maladie.

Observation :

Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 31 ans, sans antécédents pathologiques, qui a consulté pour une baisse brutale de l’acuité visuelle de l’œil droit limitée au décompte des doigts. L’interrogatoire a révélé la notion d’épisodes de myodésopsies à résolutions spontanées.

L’examen ophtalmologique de l’œil droit (OD) a retrouvé au FO (figures 1) : une hémorragie intravitréenne, des périphlébites rétiniennes périphériques occlusives et des proliférations néovasculaires papillaire et vitréorétinienne. L’examen de l’œil gauche est sans anomalies.

Figure 1 : Photos FO de l’OD

L’angiographie rétinienne à la fluorescéine (figure 2) a montré des vascularites périphériques occlusives avec un aspect caractéristique en sea fan et une prolifération néovasculaire prérétinienne et papillaire. L’échographie oculaire mode B a révélé des membranes en place et un vitré hyperéchogène dû à une hémorragie minime (figure 3).

maladie eales 2Figure 2 : Angiographie rétinienne à la fluoresceine

maladie eales 3Figure 3

Un bilan biologique étiologique complet, infectieux, immunologique, phosphocalcique et un dosage de l’enzyme de conversion ont été réalisés, revenant sans anomalies. En revanche, l’intradermo-réaction à la tuberculine est à 21 mm et le dosage du quantiféron est positif avec un téléthorax normal.

Ainsi après avoir éliminé les diagnostics différentiels, le diagnostic de la maladie de Eales a été retenu. Quant à la prise en charge, la présence d’inflammation active a justifié le traitement par un bolus de corticothérapie pendant 5 jours suivi par un relais per os.

Compte tenu de la présence de néovascularisation, une panphotocoagulation a été réalisée, l’absence d’association avec une tuberculose pulmonaire justifie la non administration du traitement antibacillaire. L’évolution était favorable avec une amélioration de l’acuité visuelle.

Discussion :

La maladie de Eales, décrite la première fois en 1880 par Henry Eales, correspond à un tableau de vascularite rétinienne ischémique qui atteint en priorité la rétine périphérique des jeunes patients (1). Elle est rencontrée dans un cas pour 130 à 200 patients (2), elle affecte le plus souvent les hommes (3), l’âge d’apparition des symptômes se situe entre 20 et 30 ans.

L’histoire naturelle de la maladie est assez variable, avec une rémission temporaire ou permanente dans certains cas et une progression continue dans d’autres.

Débutant par une périphlébite rétinienne, elle évolue vers une ischémie rétinienne et des altérations vasculaires avec néovascularisation. Les hémorragies intravitréennes à répétition avec ou sans décollement de rétine, sont un mode évolutif habituel mettant en jeu le pronostic visuel. La bilatéralisation de la maladie n’est pas rare, ce qui nécessite un suivi régulier (4).

L’étiopathogénie de la maladie semble être d’origine multifactorielle, l’auto-immunité aux antigènes rétiniens est une hypothèse étiologique ; l’implication des cellules T dans l’infiltration lymphocytaire des membranes épirétiniennes et sous rétiniennes est aussi en faveur d’une réaction immune médiée par les cellules T (5).

L’association de la maladie de Eales à la tuberculose est une autre hypothèse. Plusieurs auteurs ont décrit une prévalence élevée de tuberculose au cours de la maladie de Eales ; elle résulterait d’une hypersensibilité immune à l’antigène mycobactérium tuberculosis. Récemment, Singh et al ont trouvé le génome du MBT dans 57 % des prélèvements de vitré de patients atteints de maladie de Eales (6).

Cai et al ont testé les principaux gènes de susceptibilité à la maladie de Eales, et à la tuberculose pulmonaire, le HLA- A2 serait un gène prédisposant commun (7).

Biswas et al ont émis l’hypothèse d’une prédisposition HLA à développer une vascularite rétinienne qui résulterait d’une atteinte immunologique tissulaire induite par l’antigène MBT dans une forme inactive (8).

L’hypothèse avancée de Biswas et al serait que les patients atteints de maladie de Eales pourraient ne pas être porteurs de microorganismes vivants ou de génome de MTB. Le rôle du génome du MTB doit donc être établi. Des taux élevés d’IL-1 béta et anti TNF alpha ont été montrés au stade inflammatoire de la maladie (8).

La prise en charge dépend du stade de la maladie et comprend un traitement médical par corticoïdes per os en phase inflammatoire et une photocoagulation au laser dans les stades avancés avec ischémie rétinienne et néovascularisation. La chirurgie vitréo-rétinienne a prouvé son efficacité en cas d’hémorragie intravitréenne avec ou sans décollement de rétine (9).

Une association avec une tuberculose pulmonaire doit être toujours recherchée et traitée par les antibacillaires afin d’éviter des aggravations qui peuvent compromettre le pronostic vital.

Conclusion :

La maladie de Eales, avec ses caractéristiques cliniques et angiographiques, est une maladie vitréo-rétinienne. Son étiopathogénie est encore non connue, les études immunologiques, biochimiques et de biologie moléculaire ont souligné le rôle des antigènes du groupe HLA, de l’auto-immunité rétinienne, du génome de Mycobacterium tuberculosis et des lésions dues aux radicaux libres dans l’étiopathogénie de la maladie (10).

Les études immunologiques de biologie moléculaire et biochimique plaident en faveur de son caractère multi-factoriel. Le traitement est bien codifié : des corticoïdes en phase inflammatoire, une photocoagulation en phase proliférative et une vitrectomie en cas d’hémorragies intravitréennes persistantes.

Date de soumission :

08 Décembre 2018.

Liens d’intérêts :

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références :

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L’avulsion dentaire chez l’hémophile Techniques d’hémostase et difficultés

Dans la plupart des cas, les actes de chirurgie orale entrainent des saignements sans gravite et contrôlables chez les patients ne présentant pas de troubles de lacrase sanguine.

 

09 Avril 2018

N.Ait Mouffok(1), Y. ZitouNi(1), R. LAttAfi(1),
M. BeNsAdok(2), NekkAL(2),

(1) Service de Pathologie et Chirurgie Buccales ;
(2) Service d’Hématologie,
CHU Issaad Hassani, Beni-Messous, Alger.

Résumé

Dans la plupart des cas, les actes de chirurgie orale entrainent des saignements sans gravité et contrôlables chez les patients ne présentant pas de troubles de la crase sanguine. Chez les patients atteints d’hémophilie, cet arrêt de saignement nécessite une approche multidisciplinaire, une étroite collaboration avec le service d’hématologie et surtout la mise en place d’un protocole précis et bien codifié de prise en charge. Dans un premier temps, nous décrirons le mécanisme de l’hémostase à travers ses différentes étapes (l’hémostase primaire, la coagulation et la fibrinolyse). Dans la seconde partie, nous nous intéresserons à la maladie en elle-même avec la présentation de ses différents types tout en expliquant la particularité de sa prise en charge spécifique en médecine dentaire. Enfin, nous terminerons par des illustrations de cas cliniques.

Mots-clés :

Hémophilie, extraction dentaire, hémostase.

Abstract

In most cases, oral surgery results in mild and controllable bleeding amid patients who do not use blood-thrombosis. Among patients with hemophilia, this bleeding stop require a multidisciplinary approach, a close collaboration with the hematology department and above all the establishment of a precise and well codified management protocol. First, we will describe the hemostasis mechanism through its various stages (primary hemostasis, coagulation and fibrinolysis). In the second part, we will focus on the disease by itself with the presentation of its different types while explaining the peculiarity of its specific care in dentistry. Finally, we will present illustrations of clinical cases.

Key-words :

Hemophilia, dental extraction, hemostasis

Introduction

Maladie Héréditaire liée au sexe connue depuis l’antiquité, l’hémophilie est définie par un état hémorragique lié au déficit plus ou moins complet de l’un des deux facteurs de coagulation suivants :

    • Facteur VIII pour l’hémophilie A, (80 %)
    • Facteur IX pour l’hémophilie B, (20 %)

Il n’existe pas de traitement curatif.
Il est classique de reconnaître à l’hémophilie une triple

définition :
  • Une définition génétique : elle est transmise selon un mode récessif lié au chromosome X, les hommes sont atteints et les femmes sont conductrices
  • Une définition biologique : la sévérité est liée à la gravité du déficit en facteur VIII pour l’hémophilie A et des déficits en facteur IX pour l’hémophilie B
  • Une définition clinique : le syndrome hémorragique est essentiellement constitué d’hémarthroses, d’hématomes, et d’hémorragies post-traumatiques et post-chirurgicales graves en l’absence d’un traitement approprié

Problématique

Avant les années 80, les produits substitutifs n’étaient pas sûrs, (risque lié à la contamination par les virus de l’hépatite B, C, HIV). Ils sont actuellement plus sûrs mais comportent un certain nombre d’inconvénients :

    • L’administration par voie IV.
    • La demi-vie courte.
    • Le développement d’inhibiteur après un certain nombre de transfusion de facteur, durant les 50 premières expositions aux facteurs.
    • Le coût (500 unités de facteur VIII = 390 €).

Chez l’hémophile l’absence de prévention bucco-dentaire conduit à l’augmentation de l’indice cariogène surtout chez les enfants, alors qu’une simple motivation à l’hygiène à travers des campagnes de sensibilisation est le meilleur moyen afin d’intercepter le recours à l’acte invasif. Par ignorance des procédures de prise en charge de nos confrères, le patient arrive à l’hôpital avec des dents complètement délabrées avec Indication d’extraction, alors qu’une prise à temps, un soin aurait été plus facile et moins couteux.

Rappels sur la physiologie de l’hémostase :

L’hémostase est l’ensemble des mécanismes biologiques concourant à la cessation de l’hémorragie et au maintien de la fluidité du sang dans les vaisseaux. Elle se déroule en 3 étapes

Hémostase primaire :

5 à 10 minutes Elle met en jeu quatre acteurs majeurs, elle aboutit à la formation d’un thrombus blanc :

  • La paroi vasculaire (vasoconstriction immédiatement après la lésion vasculaire).
  • Les plaquettes.
  • Le facteur de Von Willebrand (FVW).
  • Le fibrinogène.

On décrit classiquement deux phases :

  • La phase vasculaire.
  • La phase plaquettaire.
Hémostase secondaire :

10 à 20 minutes (coagulation sanguine) :

Dite coagulation vraie, elle permet la constitution d’un thrombus rouge par la transformation du fibrinogène (soluble) en fibrine (insoluble) qui représente l’armature du caillot à travers une séquence de réaction enzymatique.

Le système d’activation est mis en place par deux voies : la voie intrinsèque dite endogène et la voie extrinsèque dite exogène.

Fibrinolyse :

24 à 48 heures

La fibrinolyse fait intervenir une substance circulante sous forme inactive dans le plasma qui est le plasminogène, synthétisé par le foie. Sous l’influence d’activateurs, le plasminogène se transforme en plasmine qui est une enzyme protéolytique très puissante, capable de dégrader le caillot de fibrine mais aussi de détruire le fibrinogène, voire d’autres facteurs de coagulation.

Diagnostic [12]

Les manifestations cliniques apparaissent habituellement précocement se traduisant par des hémarthroses caractéristiques (genoux, chevilles …) ou des hématomes. Le diagnostic biologique repose sur deux tests :

  • Bilan biologique basé sur l’allongement isolé du TCA, temps de Quick normal ; TS normal.
  • Dosage des facteurs VIII (hémophilie A) et IX (hémophilie B) qui permet de préciser le type et le degré de sévérité selon le pourcentage du déficit en facteur :
    • Les formes mineures : se caractérisent par une activité du facteur coagulant 5 à 30% et présentent peu de risque hémorragique.
    • Les formes modérées : entre 1 à 5% d’activité du facteur de coagulation.
    • Les formes sévères : l’activité anticoagulante du facteur est inférieure à 1%, dans cette forme les premières manifestations hémorragiques commencent à l’âge de la marche.

Classification

Il existe 3 formes d’hémophilie :

  • L’hémophile A : mutation du gène du facteur VIII. C’est la plus répandue des coagulopathies.
  • L’hémophilie B : mutation du gène du facteur IX.
  • L’hémophilie C : Il s’agit d’une forme légère d’hémophilie et les personnes atteintes ont peu ou pas de symptômes.

Prevalence [4]

En Algérie, 2.362 cas ont été recensés en 2017 selon la direction générale de la prévention et de promotion de la santé ; dont 80 % seraient handicapés du fait de la mauvaise prise en charge liée au manque de produits substitutifs.

Pour ce qui est du coût du traitement, il aurait été multiplié par dix. Le montant alloué au budget des hémophiles dans notre pays a connu la même progression. Nous sommes passés de 700 millions de DA en 2010 à 7 milliards de DA en 2016.

Au Centre de Transfusion Sanguine (CTS) du CHU de Beni-Messous, les statistiques ont démontré une hausse d’environ 65 nouveaux hémophiles sur une période de 03 ans (2014-2017) avec un pourcentage de 82 % d’hémophilie A, dont plus de 50 % présentent une hémophilie sévère.

Chez les patients dépistés, L’examen sérologique a démontré que 82,13 % présentent une sérologie HVC négative et 63,52 % présentent une sérologie HBV négative.

Au sein du service de pathologie bucco-dentaire de Beni-Messous, 89/140 patients présentant une hémophilie A et 27/140 présentant une hémophilie B ont bénéficié d’une prise en charge particulière.

Caractéristiques du saignement [5]

Les accidents hémorragiques sont récidivants, prolongés, pour des traumatismes minimes (parfois spontanés). Ce sont classiquement :

Les hémorragies internes ou non extériorisées :

  • Les hémarthroses récidivantes touchant les articulations, (séquelles importantes) apparaissent vers l’âge de 2 à 4 ans.
  • Les hématomes musculaires.
  • Les ecchymoses.

Les hémorragies externes ou extériorisées :

L’hémorragie de la muqueuse buccale peut être :

Provoquée : conséquence d’une coupure, d’une plaie lors d’une chute Ou d’une intervention chirurgicale telle qu’une extraction dentaire.

Spontanée : gingivorragies qui sont souvent le motif de consultation

La particularité chez l’hémophile est qu’il n’y a pas de tendance spontanée à l’arrêt. Ce saignement est typiquement prolongé. Face à une perte sanguine anormale au sein de la cavité orale ou des tissus péribuccaux, il faudra mettre en évidence :

  • Le mode d’apparition : saignements spontanés ? Pro- voqués ? Par quels actes ?
  • Le volume, la localisation
  • L’aspect : en nappe ? Purpura ? Ecchymose ?
  • L’éventuelle récidive chez le patient
  • L’existence d’anomalies identiques dans la famille.

Produits disponibles pour traiter l’hémophilie

Traitement substitutif (facteurs VIII et IX)

  • Produits plasmatiques (humains).
  • Produits recombinants (non humains).
Traitement non substitutif
  • Desmopressine (Minirin®), hémophilie A.
  • Acide tranexamique (antifibrinolytique).Facteurs activés (facteur VII active), utilisés chez l’hémophile avec inhibiteur.

Objectifs de la prise en charge de l’hémophile

Prévention des troubles majeurs (articulaires et musculaires …), traitement préventif et curatif des accidents hémorragiques

Prise en charge pratique en stomatologie

Pour les personnes atteintes d’hémophilie, une bonne hygiène bucco-dentaire est essentielle pour empêcher l’apparition d’une maladie parodontale, ou les caries qui prédisposent aux saignements.

Pour les soins non hémorragiques :

Toutes structures sanitaires privées ou publiques peuvent et doivent prendre en charge ces patients pour :

  • Les soins préventifs et motivation à l’hygiène bucco-dentaire.
  • Les soins conservateurs

La prise en charge doit être précoce pour éviter d’arriver à l’extraction qui expose au risque hémorragique.

Pour les soins hémorragiques :

Ils sont réservés aux structures hospitalières : détartrage, extraction dentaire, chirurgie buccale.

Particularités de la prise en charge de l’hémophile en médecine dentaire en vue d’une avulsion dentaire [11,16,20,24,25]

Approche pré-opératoire :

  • Il est primordial avant tout geste chirurgical d’évaluer le risque hémorragique opératoire, en prenant compte les différents facteurs :
    • L’acte réalisé.
    • La sévérité de l’hémophilie.
  • Un examen clinique et radiologique permet de définir le risque hémorragique en lieu avec l’acte à réaliser.
  • Un bilan biologique récent doit être réalisé : FNS, groupage sanguin, sérologie (HIV, HBV, HVC).
  • En plus d’une prise en charge psychologique, une prescription médicamenteuse anxiolytique peut être proposée.
  • Selon la sévérité de la maladie, le patient peut être ou non transfusé du facteur manquant afin de minimiser l’apparition du saignement.

Correction de l’hémostase :

si le taux du facteur est inférieur à 1 % : Déficit F VIII : 20 à 50 UI/kg 1 heure avant l’extraction. Déficit F IX : 30 à 60 UI/kg 1 heure avant l’extraction. Une transfusion post extractionnelle, dépend du type d’acte, mais en général la transfusion est recommandée.

si taux le taux du facteur est supérieur à 1% : Utilisation de Desmopressine(Minirin®) pour l’hémophilie A.

Approche per opératoire :

L’anesthésie :

Il s’agit d’une anesthésie locale avec vasoconstricteur pour tous les secteurs maxillaires et mandibulaires. Une anesthésie intra-ligamentaire, intra-septale et une transcorticale peuvent être associées

Contre-indication absolue de l’anesthésie tronculaire à l’épine de spix car il y a risque d’hématome asphyxiant laryngé ou pharyngé.

La planification de l’acte :

Programmer la chirurgie tôt le matin ou en début de semaine. Pour des avulsions isolées, on préconisera par exemple de les réaliser secteur par secteur, ou bien deux secteurs antagonistes (secteur 1 et 4, puis 2 et 3) pour des raisons ergonomiques et de confort pour le patient.

Pour des avulsions multiples, certains auteurs préconisent de se limiter à trois dents s’il est nécessaire de positionner un matériau hémostatique.

Recommandations peropératoires :

La manipulation des tissus mous doit être minutieuse. Il est recommandé de préserver au maximum les tissus (gencive adhérente, papille), pour favoriser une bonne cicatrisation.

Il convient d’éliminer tout tissu de granulation lors du curetage, de régulariser si besoin l’alvéole car ces éléments peuvent être à l’origine d’une éventuelle hémorragie post-opératoire.

Séparation des racines,
Une réduction des tables osseuses (pour un meilleur affrontement des berges lors des sutures)

Application des moyens locaux d’hémostase

Elle doit être systématique.

Les moyens d’hémostase locaux intrinsèques : [6,9,10,13,14,15]

Les pansements hémostatiques :

Cellulose oxydée régénérée (Surgicel®) :

Se présente sous forme de gaze permettant la formation d’hématine qui arrête le saignement par action mécanique. Le pH acide entraine une coagulation des protéines et inhibe la prolifération bactérienne mais augmente le risque de nécrose osseuse. Il convient d’éviter son utilisation directe dans l’alvéole. Ou autres produits : Collagène (Pangen®), Gélatine (Curaspon®).

Les colles biologiques

(Tissucol®, réservé à l’usage hospitalier) ou colles acryliques (cyanoacrylates..).

Acide tranexamique (Exacyl®) :

Anti fibrinolytique. Son utilisation sera complémentaire à un composé permettant l’hémostase : ampoules, comprimés.

Les moyens locaux d’hémostase extrinsèques :

Les compresses :

simples ou iodoformées pliées, maintenues serrées sur la plaie, pendant 20 à 30 minutes.

Les sutures :

les plaies doivent être suturées avec mise en place de points de suture unitaires séparés, (Vicryl Rapide ) .

Les moyens prothétiques

consistent à utiliser les différents types de gouttière : soit en résine cuite, soit en résine auto polymérisable, soit en pâte siliconée (Optosil®, Silaplast®).

En pratique courante, dans le service de pathologie et de chirurgie buccales de Beni Messous nous utilisons le protocole suivant : Surgicel® + sutures + gouttière (soit en silicone soit en résine).

Approche post opératoire : [19,21]

  • Il est important de rester vigilant dans la période qui suit l’acte chirurgical, car c’est dans les trois premiers jours que le risque d’accidents hémorragiques est le plus important.
  • L’hospitalisation dépend du risque hémorragique (taux de facteur, type d’intervention …), et l’injection de facteur en postopératoire est faite à la demande lors d’un saignement.
  • Une hémophilie sévère (taux de facteur < 1%) nécessite l’hospitalisation et/ou une transfusion de facteurs.
  • Une hémophilie mineure ou modérée ne nécessite pas d’hospitalisation et/ou de transfusion de facteurs.
  • Les conseils post opératoires sont décrits clairement au patient à l’oral, un document les rappelant peut aussi lui être remis.
  • On lui expliquera qu’il faut :
    • Préférer une alimentation molle et tiède afin de limiter toute irritation pouvant s’occasionner sur les sites d’avulsion.
    • Il est également préférable de ne pas boire de liquide à l’aide d’une paille, parce que le mouvement d’aspiration peut déloger le caillot sanguin et retarder la cicatrisation en causant une alvéolite.
    • Continuer son hygiène buccale : la plaque dentaire retarde la cicatrisation muqueuse.
    • Commencer les bains de bouche seulement le lendemain de l’intervention dans le but de ne pas déstabiliser le caillot.
    • Ne pas fumer ou boire de l’alcool jusqu’à cicatrisation muqueuse complète, soit deux à trois semaines
    • Mordre sur une compresse stérile en cas de saignements, éventuellement avec de l’eau oxygénée.
    • Si le saignement ne passe pas, joindre le praticien.
    • La prescription doit être cohérente avec l’acte réalisé et doit prendre en compte l’état général du patient, ses médications quotidiennes et leurs éventuelles contre-indications ou interactions médicamenteuses :
      • Les antibiotiques : par voie orale ne doivent être prescrits que s’ils sont cliniquement nécessaires.
      • Les antalgiques : Une dose appropriée de paracétamol/ d’acétaminophène toutes les six heures pendant deux à trois jours aidera à soulager la douleur après l’extraction.
      • Les AINS et l’aspirine : Leur utilisation doit être évitée.
      • Les bains de bouche : Chlorhexidine 0.12% à utiliser 24h après l’intervention chirurgicale, trois fois par jour après le brossage pendant huit jours en évitant de les utiliser de manière intempestive.
      • Poches de glace : sont très intéressantes
  • Le retrait de la gouttière se fait à 72 heures, les fils de suture à 810 jours.

Gestion des saignements post opératoires : [22,23]

    Face à une hémorragie post opératoire, il faut s’attacher à mettre en évidence sa cause, qui est la plupart du temps multifactorielle.

  • Ce saignement post opératoire se traduit par la formation d’un caillot exubérant, qu’il faudra alors éliminer par aspiration ou curetage.
  • Dans tous les cas, un nouvel examen minutieux doit être entrepris, de l’interrogatoire à l’examen clinique. Une compression de 20 à 30 minutes sera tentée (sauf recommandations), au terme de laquelle une reprise chirurgicale s’impose après anesthésie locale si le saignement persiste.

L’utilisation de vasoconstricteurs peut être intéressante, sauf contreindication. Les conseils post opératoires sont renouvelés.

Cas cliniques illustrant la prise en charge de patients hémophiles au sein du Service de Pathologie et Chirurgie Buccales (CHU Beni-Messous) :

Cas clinique N° 1 :

Il s’agit de Mohamed amine âgé de 9 ans, présentant une hémophilie A, < 13 % qui consulte pour une hémorragie post extractionnelle.

Une prescription antibiotique est nécessaire afin d’éviter l’infection du site et optimiser la cicatrisation

Figure 1 : Mise en place des moyens locaux d’hémostase
(surgicel + sutures hermétiques + gouttière en silicone).
Photothèque : Dr Ait Mouffok (CHU Beni Messous).

avulsion dentaire 2 Figure 2 : Contrôle 48 heures après. Dépose de la gouttière en silicone et début de cicatrisation.L’ablation de fil se fera à J8. Photothèque : Dr Ait Mouffok (CHU Beni Messous).

Cas clinique N° 2 :

Un patient âgé de 20 ans présentant une hémophilie sévère < 1 % consulte pour une extraction de la première molaire inférieure droite à la suite d’une desmodontite.

avulsion dentaire 3Figure 1 : Examen clinique de la 46 (dent portant un pansement provisoire). L’anésthésie tronculaire est contre indiquée. L’anesthésie locale (para apicale + intraligamentaire + intraseptale) est utilisée. Photo- thèque : Dr Ait Mouffok (CHU Beni Messous).

avulsion dentaire 4Figure 2 : Avulsion dentaire puis alvéolectomie (pince gouge et rape à os) pour un meilleur rapprochement de berges + compression bidigitale afin d’initier l’hémostase. Photothèque : Dr Ait Mouffok (CHU Beni Messous).

 avulsion dentaire 5Figure 3 : Mise en place des techniques locales d’hémostase.
(Surgice + sutures hermétiques + gouttières en silicone). Photothèque : Dr Ait Mouffok (CHU Beni Messous).

avulsion dentaire 6Figure 4 : Dépose de la gouttiére et contrôle (bonne voie de cicatrisa- tion). Photothèque : Dr Ait Mouffok (CHU Beni Messous).

Cas clinique n° 3 :

Un patient adulte hémophile consulte pour l’extraction de la première molaire inferieure gauche.

L’anesthésie tronculaire à l’épine de spix est contre indiquée. L’utilisation de la technique de l’anesthésie locale (para apicale + intra-ligamentaire + intra-septale).

  • L’avulsion la moins traumatisante possible.
  • La mise en place des moyens locaux d’hémostase.

avulsion dentaire 7 Figure 1 : Mise en place des moyens locaux d’hémostase
(sutures + colle biologique ou Tissucol®).
Photothèque : Dr Ait Mouffok (CHU Beni Messous).

Traitement futur [3,23,26]

La recherche en génétique apporte de l’espoir pour les hémophiles car très prometteuse.

Il existe déjà des essais pour augmenter la demi-vie des facteurs, ce qui limite le nombre de transfusions. La thérapie génique ne cesse de progresser, et il n’est pas illusoire de croire qu’un jour prochain on puisse guérir de cette maladie.

Conclusion

L’hémophilie inquiète, car elle est mal connue. La prise en charge stomatologique doit mettre l’accent sur la prévention buccodentaire qui éviterait bien des extractions à nos patients.

Les moyens d’hémostases disponibles actuellement nous permettent de pratiquer des extractions sans recours systématique à la transfusion de facteurs.

La prise en charge pluridisciplinaire et en milieu hospitalier des patients hémophiles est indispensable et concerne directement le médecin dentiste. Une hygiène buccale stricte, une motivation aux soins et un suivi régulier sont indispensables afin d’améliorer la qualité de vie de l’hémophile.

Date de soumission :

09 Avril 2018.

Liens d’intérêts :

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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L’encéphalite à anticorps anti NMDA chez un nourrisson : à propos d’un cas

L’encéphalite des récepteurs du N-méthyl-D-aspartate (NMDAR), anciennement connue sous le nom d’encéphalite paranéoplasique, est une maladie auto-immunedue à la production d’anticorps contre les sous-unites RN1 ou RN2 des récepteurs NMDA

24 Juillet 2018

Z. Benhacine, S. Bicha, Z. Bouderda,
Unité des maladies infectieuses, Service de Pédiatrie B,
CHU Abdesselam Benbadis, Constantine.

Résumé

L’encéphalite des récepteurs du N-méthyl-D-aspartate (NMDAR), anciennement connue sous le nom d’encéphalite paranéoplasique, est une maladie auto-immune due à la production d’anticorps contre les sous-unités RN1 ou RN2 des récepteurs NMDA. Cette encéphalite est caractérisée par des symptômes neuropsychiatriques et conduit à des séquelles cognitives et psychomotrices en absence d’un traitement précoce.

Nous rapportons un cas d’un enfant de 3 ans avec une encéphalite anti-NMDA. Lors de la présentation, le patient présentait des crises généralisées et des mouvements choréiques anormaux. Au cours de la maladie, des symptômes psychiatriques apparaissent alors, dyskinésie orofaciale et mutisme akinétique. Il a finalement été admis à l’unité de soins intensifs après avoir perdu conscience et présenté des signes dysautonomiques

Les anticorps NMDA ont été détectés dans le sang et le liquide céphalo-rachidien et aucune association avec le tératome n’a été trouvée. Le traitement (stéroïdes et immunothérapie) a été couronné de succès et le patient a complètement récupéré aux niveaux neurologique et cognitif.

Mots-clés :

Anticorps anti-NMDA, épilepsie, mouvements anormaux.

Abstract

N- methyl-D-aspartate receptors (NMDAR) antibody encephalitis, formerly known as paraneoplasic encephalitis, is an autoimmune syndrome caused by the production of antibodies against RN1 or RN2 subunits of NMDA receptors. This encephalitis is characterized by neuropsychiatric symptoms and leads to cognitive and psychomotor sequellae if treatment is delayed. It has a high mortality rate if left untreated. We report a case of a 3 years old child with anti NMDA encephalitis. At presentation the patient had generalized seizures and abnormal choreic movements. During the course of the disease psychiatric symptoms appeared then orofacial dyskinesia and akinetic mutism. He was finally admitted to intensive care unit after he lost consciousness and presented dysautonomic signs. NMDA antibodies were detected in the blood and the cerebrospinal fluid and no association to teratoma was found. The treatment (steroids and immunotherapy) was successful and the patient fully recovered both on neurologic and cognitive levels.

Key-words :

Anti-NMDA antibody, epilepsy, abnormal movements.

Introduction

L’encéphalite à récepteurs anti-N-méthyl-D-aspartate (RNMDA) a été décrite pour la première fois en 2007 par Dalmau et ses collègues (1), qui ont identifié 12 patients présentant des symptômes neuropsychiatriques importants.

Le nombre de cas est en croissance dans la littérature. Son tableau clinique est essentiellement neuropsychiatrique chez l’adolescente. Les cas rapportés initialement sont souvent associés à des tératomes de l’ovaire. Actuellement plusieurs cas pédiatriques ont été décrits de façon isolée.

Il faut savoir évoquer le diagnostic en absence d’une histoire clinique de trouble de développement et la traiter pour éviter le décès ou des séquelles neurologiques. Le cas ci-dessous illustre la particularité de sa survenue chez une fillette de 3 ans, sa présentation clinique particulière : épilepsie, mouvements anormaux, et régression psychomotrice et cognitive, et son évolution favorable sous antiCD20 (2).

Observation

Fillette de 3 ans, admise en août 2016 au Service de Pédiatrie « B » du CHU de Constantine pour mouvements anormaux et crises convulsives dans un cadre apyrétique. C’est la 2ème d’une fratrie de 2 enfants bien portants. Elle est née à terme, d’un accouchement normal avec un poids de naissance de 3kg, et un Apgar à la naissance de 8/10. Elle est sans ATCD personnels particuliers, avec un développement psychomoteur normal jusque là. Elle est correctement vaccinée, et a reçu de la Vitamine D.

Le début est progressif, et remonte à un mois, marqué par une virose : fébricule, asthénie, anorexie, repli sur soi, suivi par une crise convulsive, puis des mouvements anormaux choréiques avec dyskinésie orofaciale, elle est orientée de l’EHS de Ferdjioua vers le CHU de Constantine où elle fut admise.

L’examen initial retrouve une régression des acquisitions psychomotrices, une hypotonie globale, un déficit moteur avec paralysie faciale gauche. Elle présente également des troubles du comportement à type d’agitation, et d’agressivité et des troubles cognitifs : ne reconnaissant plus sa maman ni son entourage.

Une encéphalite virale, métabolique, et endocrinienne et le rhumatisme articulaire aigu ont été évoqués, mais éliminés devant la négativité des examens, le bilan thyroïdien normal, le PCR herpes négatif, les lactates normales, la PL normale, le reste du bilan métabolique étant également normal, le taux d’ASLO normal.

Une aggravation secondaire est notée et la malade s’est installée dans un coma, un mutisme akinétique avec des signes dysautonomiques : bradycardie, bradypnée, hyperthermie, hypersalivation. L’enfant a bénéficié de mesures de réanimation avec antibiothérapie.

La ponction lombaire était strictement normale, la CRP négative et la FNS ne retrouve pas d’hyperleucocytose. L’IRM était normale également.

L’EEG a montré une activité lente delta diffuse avec des rythmes rapides.

L’encéphalite NMDA est évoquée devant le tableau neuropsychique catatonique, les données de l’EEG, la normalité de la PL, du bilan inflammatoire et de l’IRM, confirmé par le dosage des autoanticorps, positifs dans le sang et dans les urines.

L’encéphalite NMDA est évoquée devant le tableau neuropsychique catatonique, les données de l’EEG, la normalité de la PL, du bilan inflammatoire et de l’IRM, confirmé par le dosage des autoanticorps, positifs dans le sang et dans les urines.

L’encéphalite NMDA d’origine néoplasique a été écartée devant l’absence de tératome de l’ovaire, à l’échographie, et au scanner abdominopelvien.

L’origine post virale a été retenue devant la positivité des anticorps IgM, IgG anti CMV.

La malade a bénéficié initialement d’une corticothérapie à raison de 3 bolus de Solumédrol® (méthylprednisolone), suivis de perfusions d’immunoglobulines 1 g/kg pendant 6 mois.

Un bilan du 6ème mois a montré des progrès insuffisants, une reprise du développement psychomoteur, du sourire, mais garde un retard mental et sensoriel, une aphasie, des troubles de la mémoire, à l’IRM on observe une atrophie cortico-sous corticale, avec à L’EEG une persistance de l’activité lente delta diffuse. On décide alors d’appliquer le protocole rituximab, 2 injections à 15 jours d’intervalle.

Une intensification du traitement antiépileptique par l’Urbanyl® (clobazam), et Keppra® (lévétiracétam), a été préconisée devant l’apparition des crises atoniques avec des chutes fréquentes.

À deux ans d’évolution, la patiente a récupéré toutes ses acquisitions psychomotrices ainsi que toutes ses facultés neurosensorielles, cognitives et psychiques : elle joue et interagit avec son entourage.

L’EEG : amélioration du tracé, l’activité delta est remplacée avec une activité thêta à 5C/sec, avec des éléments électriques physiologiques du sommeil : pointes vertex et spindles.

Discussion

L’encéphalite anti-NMDAR est la 2ème cause d’encéphalite auto-immune chez les enfants après l’encéphalomyélite démyélinisante aiguë. Elle touche essentiellement le sujet jeune avec une nette prédominance féminine (80 %) (3).

Physiopathologie

L’encéphalite du récepteur anti-NMDA est associée dans certains cas à une pathologie ovarienne, en particulier des tératomes. On considère que les anticorps contre les sous-unités nr1-nr2 du sous-type NMDA des récepteurs du glutamate se développent en réponse à ce tissu anormal.

Concernant les mécanismes impliqués dans l’encéphalite à auto-anticorps anti RNMDA, l’équipe de Hughes a pu montrer que les auto-anticorps provoquaient une perte réversible des récepteurs RNMDA proportionnelle à leurs taux circulants.

Cette perte de récepteurs impacterait à son tour le fonctionnement des voies dopaminergiques, adrénergiques, et cholinergiques et serait à l’origine d’une dysautonomie les hypothèses actuelles incriminent les dysfonctionnements gabaergique dopaminergiques, glutamatergiques et dopaminergiques des voies mésiocorticales et mésiolimbiques.

l’administration d’agonistes gabaergiques :

les benzodiazépines permettraient la levée d’inhibition des neurones frontaux sur les noyaux gris centraux et donc

Les encéphalites anti-R-NMDA ont une présentation stéréotypée qui évolue classiquement en trois phases

Phase prodromale :

(70 % des cas). Les signes cliniques initiaux sont peu spécifiques suggérant des symptômes pseudo grippaux, une infection virale respiratoire ou digestive.

Phase psychiatrique :

deux semaines après, la majorité des patients présentent des symptômes psychiatriques, et 77 % d’entre eux sont hospitalisés initialement en psychiatrie [3]. Les symptômes psychotiques sont des symptômes positifs (idées délirantes, hallucinations auditives et visuelles). Les symptômes thymiques sont le plus souvent de polarité maniaque (irritabilité, agressivité, insomnie), bien que des symptômes dépressifs soient également rencontrés. Les traitements neuroleptiques sont peu efficaces sur ces symptômes.

Phase neurologique :

elle est caractérisé par un dysfonctionnement mnésique, des troubles du langage, et une catatonie.

le blocage dopaminergique mésiocortical et mésiolimbique.

la non réponse des cas de catatonie aux benzodiazépines

et leur évolution favorable sous antagonistes amantadines des récepteurs NMDA, suggérant une hyperactivité glutamatergique striato-corticale freinant l’activité gabaergiques (renforçant les fonctions inhibitrices préfrontales) et diminuant l’activité dopaminergique des structures sous corticales .

Histoire clinique

Les présentations cliniques sont variables constituant un défi aux cliniciens en neurologie et en psychiatrie (4).

Dalmu et all procèdent à une évolution par étape, Maneta classe les symptômes en précoce, moyen et tardif.

À cette phase de la maladie, les autres manifestations neurologiques sont fréquentes et débutent par des crises d’épilepsie (76 % des cas), des mouvements anormaux (86 %) pouvant être considérés à tort comme psychogènes.

Dysfonctionnement moteur : en plus des crises d’épilepsie typiques, les patients développent souvent des mouvements dyskinétiques, y compris des dyskinésies orofaciales (grimaçant ou claquement des lèvres), qui peuvent être confondues avec des crises d’épilepsie. Secondairement, des troubles de la conscience (88 %), une dysautonomie (69 %) ou une hypoventilation alvéolaire d’origine centrale (66 %) imposent un transfert en réanimation [3].

Traitement

Le traitement immunomodulateur et l’ablation des néoplasmes représentent les piliers du traitement [5].

L’immunothérapie, comme les stéroïdes, la plasmaphérèse et l’IVIG, aident à réduire les titres d’anticorps. L’élimination des tumeurs chez les personnes présentant des lésions identifiables entraîne une amélioration clinique rapide. La deuxième ligne de traitement consiste en rituximab ou cyclophosphamide [5].

Les benzodiazépines et les antipsychotiques complètent les pharmacothérapies utilisées dans le traitement des crises épileptiques, de la psychose et de la dysfonction comportementale.

La plus grande étude de cohorte menée à ce jour sur 577 patients a rapporté une récupération de 53% basée sur l’échelle de Rankin modifiée, et 97 % de ceux qui se sont améliorés, avaient de bons résultats à 24 mois [5].

Le pronostic peut être réservé, la maladie peut souvent être létale avec des dommages irréversibles aux régions corticales telles que l’hippocampe chez les enfants avec retard diagnostic et thérapeutique. Les facteurs prédictifs de bon pronostic sont le délai court d’identification et de traitement, l’absence de passage en réanimation et une moindre symptomatologie initiale [5].

Conclusion

L’encéphalite à Ac anti récepteurs au NMDA est une entité auto-immune récente. Sa présentation clinique est différente chez l’adolescent ou l’adulte. Le diagnostic est évoqué chez un nourrisson antérieurement sain, qui, suite à une virose, présente une perte des acquisitions

psychomotrices, des mouvements anormaux ; et une épilepsie à l’EEG oriente le diagnostic en montrant un tracé lent delta avec des rythmes rapides. La détection d’Ac NMDA confirme le diagnostic. Le pronostic reste favorable sous rituximab.

Date de soumission :

24 Juillet 2018.

Liens d’intérêts :

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références :

  1. A. Parenti, P. Delion, R. Jardri, et coll. Syndrome catatonique précoce et encéphalite à autoanticorps anti recepteurs NMDA. mise au point 2015
  2. Emmanuel Le Guen, Raphaël Doukhan, Nora Hamdani, Ryad Tamouza, Laurent Groc, Jérôme Honnorat, Marion Leboyer. Anticorps anti-nr1 dans l’encéphalite anti-récepteur n-méthyld-aspartate et la schizophrénie
  3. Frédérique Beaudonnet et all : encéphalite à anticorps anti-recepteur au NMDA.une cause de psychose aigue sous estimé de enfant et de l’adulte BJ Psych bull. 2015 feb; 39(1): 19–23.
  4. Helen Barry et all : anti-n-methyl-d-aspartate receptor encephalitis: review of clinical presentation, diagnosis and treatment BJ Psych bull. 2015 feb; 39(1): 19–23.
  5. Pavanbhat, et all : a case report : anti-NMDA receptor encephalitis: published online 2018 jun 12. doi: 10.1080/20009666.2018.1481326

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Apport de l’échographie pour le cathétérismede la veine sous-clavière en réanimation

La mise en place des accès vasculaires est un acte fréquent non dénué d’iatrogénies parfois sévères. La technique de mise en place écho-guidée est devenue possible par la multiplication des échographes au bloc opératoire

04 Août 2018

Y. Benhocine
Réanimation Polyvalente,
CHU Nedir Mohamed, Tizi Ouzou.

Résumé

La mise en place des accès vasculaires est un acte fréquent non dénué de iatrogénies parfois sévères. La technique de mise en place écho-guidée est devenue possible par la multiplication des échographes au bloc opératoire, en réanimation et dans les services d’urgences.

Objectif :

Comparer l’apprentissage du cathétérisme de la veine sous-clavière de l’adulte, pratiqué par échographie vs méthode des repères anatomiques externes, réalisé par un praticien inexpérimenté.

Patients et méthodes :

Étude type essai clinique, comparative, prospective. Sur une période de 08 mois, après consentement éclairé, 80 adultes ont été répartis en deux groupes avec critères d’inclusion, adaptés à l’évaluation de l’apprentissage, alternant la ponction guidée par échographie (groupe échographie, n=40) avec la technique classique (groupe standard, n=40).

Résultats :

Un échec de cathétérisme a été noté avec la technique standard. Tous les cathéters ont été insérés, le pourcentage de réussite dès la première ponction étant plus grand dans le groupe échographie que dans le groupe standard (86 vs 64%).

%). Trois ponctions artérielles étaient notées dans le groupe standard. Dans le groupe échographie, 35 ponctions étaient situées au niveau du tiers externe de la clavicule, 5 au niveau du tiers moyen. Le temps de reflux (de la ponction cutanée au retour veineux) était de 14±6 sec dans le groupe échographie, et de 70±4 sec dans le groupe standard (p<0,01).

Conclusion :

L’apprentissage du cathétérisme de la veine sous-clavière de l’adulte est facilité par le guidage échographique et permet au praticien inexpérimenté d’être rapidement performant. Cette technique diminuerait l’incidence des complications par la visualisation en temps réel des structures anatomiques et par une approche plus externe de la veine que dans la voie classique.

Mots-clés :

Cathétérisme, veine sous-clavière, échographie, repères anatomiques.

Abstract

The setting up of vascular access is a frequent act not without sometimes severe iatrogenies. The echo guided technique has become possible thanks to the proliferation of ultrasound scanners in the operating room, in the intensive care unit and in the emergency services

Objective :

To compare the learning of adult subclavian vein catheterization, performed by ultrasound versus external anatomical landmarks, performed by an inexperienced practitioner. Type of study: Study type clinical trial, comparative, prospective.

Patients and methods :

Study type clinical trial, comparative, prospective. Over a period of 08 months, after informed consent, 80 adults were divided into two groups with inclusion criteria, adapted to the assessment of learning, alternating the ultrasound guided puncture (ultrasound group, n = 40) with the classical technique (standard group, n = 40).

Results :

A catheter failure was noted with the standard technique. All the catheters were inserted, the percentage of success from the first puncture being greater in the ultrasound group than in the standard group (86 vs. 64%). Three arterial punctures were noted in the standard group. In the ultrasound group, 35 punctures were located at the outer third of the clavicle, 5 at the middle third. The reflux time (venipuncture) was 14 ± 6 sec in the ultrasound group and 70 ± 4 sec in the standard group (p <0.01).

Conclusion :

Adult subclavian vein catheterization is facilitated by ultrasound guidance and allows the inexperienced practitioner to perform quickly. This technique would decrease the incidence of complications by real-time visualization of anatomical structures and by a more external approach of the vein than in the classical pathway.

Key-words :

Catheterization; Subclavian vein; Ultrasound; anatomical landmarks

Introduction

Le cathétérisme percutané de la veine sous-clavière est généralement pratiqué à l’aveugle avec un point de ponction déterminé en fonction de repères anatomiques externes./p>

Celui-ci peut être néanmoins associé à des complications lors de sa réalisation, comme la ponction d’une artère adjacente avec formation éventuelle d’un hématome ou la ponction de la plèvre avec décollement du poumon. Ces complications peuvent être favorisées par des variations de l’anatomie.

Quelles que soient l’expertise et la rigueur du praticien, ces repères ne permettent pas toujours de prédire de façon fiable l’emplacement et les rapports des structures vasculaires sous-jacentes, en particulier chez les patients obèses ou ayant des antécédents de chirurgie, de radiothérapie, d’infection, de traumatismes ou de ponctions répétées de la région sous-clavière [1].

Le guidage de la ponction en temps réel, par échographie 2D, permettrait de diminuer l’incidence des complications du cathétérisme veineux jugulaire interne chez l’adulte et l’enfant [2-5].

En revanche, il n’existe que peu de données sur l’intérêt de matériels d’échographie, spécifiquement destinés aux accès veineux centraux, pour le cathétérisme de la veine sous-clavière. Ces dispositifs permettraient d’améliorer la performance des praticiens confirmés dans ces actes invasifs et d’encadrer l’apprentissage des moins expérimentés.

Le but de cette étude était de comparer les performances d’un praticien inexpérimenté dans l’apprentissage du cathétérisme de la veine sous-clavière de l’adulte pratiqué selon deux techniques différentes : la ponction guidée en temps réel par une échographie ; et la méthode classique des repères anatomiques externes (voie d’Aubaniac).

Matériel et méthodes

Après avoir informé les patients et recueilli leurs consentements éclairés, 80 adultes hospitalisés et devant bénéficier de la pose d’une voie veineuse centrale sous- clavière type chambre à cathéter veineux pour chimiothérapie ; ont été inclus dans cette étude menée dans le service de réanimation polyvalente du CHU de Tizi- Ouzou entre septembre 2017 et avril 2018.

Les patients présentant une contre-indication à un accès veineux central, ont été exclus de l’étude. Tous les cathétérismes ont été faits par le même praticien, dont l’expérience dans le domaine était faible, supervisé par un se- nior en réanimation qui veillait à l’application stricte du protocole et relevait les différents paramètres étudiés. Le cathétérisme guidé par échographie a été effectué avec le même type d’échographe pour tous. La méthode de cathétérisme échographique a été appliquée tous les deux patients, en alternance avec la méthode standard.

Cette méthode a été choisie afin de pouvoir évaluer la progression de l’opérateur dans l’apprentissage régulier des deux techniques. Tous les patients ont bénéficié d’une surveillance en continu, de la saturation pulsée en oxygène (SpO2), de l’électrocardiogramme et de la pression artérielle non-invasive.

Procédures de cathétérisme de la veine sous-clavière :

Dans le groupe cathétérisme standard, la voie d’Aubaniac a été choisie pour l’abord de la veine sous-clavière [6].

Les patients ont été positionnés en décubitus dorsal strict. Le choix du côté droit ou gauche de la ponction a été laissé à l’appréciation du praticien. La région sous- clavière a été nettoyée stérilement avant l’installation des champs opératoires.

Le praticien identifie le point de ponction à l’aide des repères anatomiques externes et réalise une anesthésie locale par de la lidocaïne 2 % intradermique. Le cathétérisme de la veine sous-clavière a été effectué selon la méthode de Seldinger avec une aiguille de 18 G [7].

Trois ponctions cutanées infructueuses ont été considérées comme un échec de cathétérisme et le patient était alors repris en charge par le praticien senior.

La position intra vasculaire du cathéter a été vérifiée par le reflux de sang. Le bon positionnement de l’extrémité du cathéter dans la veine cave supérieure et l’absence de pneumothorax ou d’hémothorax étaient vérifiés par le senior sur les radiographies pulmonaires de contrôle effectuées 30 min après le cathétérisme.

Badigeonnage du patient et la préparation des champs stériles étaient identiques. Un repérage de la veine sous- clavière à l’aide de la sonde préalablement glissée dans une enveloppe stérile en débutant 2 cm en dessous et au milieu de la clavicule, puis en remontant vers son tiers externe.

L’artère a été repérée par sa position plus céphalique que la veine, son plus petit diamètre, son caractère pulsatile et non compressible. La veine était identifiée par ses variations de diamètre inspiratoires et expiratoires et lors de la compression douce par la sonde. Sa profondeur et son diamètre étaient mesurés sur les graduations de l’écran.

Un repère au stylo indélébile était fait à l’endroit où la veine était la mieux visualisée avec le plus gros diamètre.

Le guide aiguille stérile correspondant le mieux à la profondeur mesurée de la veine, était monté sur la sonde. Une anesthésie locale était réalisée au niveau du repère avec de la lidocaïne 2 % intradermique. L’aiguille de ponction surmontée d’une seringue était fixée sur le guide aiguille. La sonde tenue dans la main non dominante du praticien a été repositionnée en regard du repère. L’aiguille a été introduite, avec la seringue en aspiration tenue par la main dominante de l’opérateur.

La veine a été continuellement visualisée sur l’écran, sa courbure supérieure se déprimant à l’introduction de l’aiguille, puis reprenant rapidement sa position au reflux de sang dans la seringue. Un mouvement d’inclinaison postérieure de la sonde a permis de libérer de son guide l’aiguille fermement maintenue par la main dominante de l’opérateur. La technique de Seldinger a complété l’intervention.

Le reste de la procédure était identique à la méthode standard.

Paramètres étudiés :

Les données relevées pour chaque patient : l’âge, le sexe, l’index de masse corporelle (BMI), le niveau d’anxiété du patient, le côté de ponction, le site de ponction, le diamètre et la profondeur de la veine sous-clavière dans le groupe échographie, le nombre d’échecs, le nombre de ponctions par cathétérisme, le nombre de cathétérismes réussis dès la première ponction, l’incidence des complications (pneumothorax , ponction artérielle, une irritation du plexus brachial, un trajet aberrant ou d’un mauvais positionnement du cathéter), le temps de reflux (défini par le temps entre le début de la ponction cutanée et le retour de sang veineux dans la seringue).

Une courbe d’apprentissage de la technique a également été recherchée en comparant, dans les deux groupes, les temps de reflux en fonction du rang des patients.

L’analyse statistique a utilisé le test de Student non apparié pour comparer les variables quantitatives normalement distribuées, le test de Whitney pour les variables quantitatives non normalement distribuées, et le test exact de Fisher pour les données qualitatives. Une va- leur de p<0,05 était considérée comme statistiquement significative. Les valeurs ont été exprimées en moyenne et en médiane.

Résultats

Quarante patients ont été inclus dans le groupe cathétérisme standard et de même quarante dans le groupe cathétérisme échographique. Il n’y avait aucune différence d’âge, de sexe, d’index de masse corporelle, ni de niveau d’anxiété des patients entre les deux groupes (tableau 1).

Il n’y a eu aucun échec de cathétérisme dans les deux groupes. Le temps de reflux était significativement plus court dans le groupe cathétérisme échographique que dans le groupe standard. Le pourcentage de réussites dès la première ponction était plus grand dans le groupe échographique que dans le groupe standard, avec une différence significative.

Dans le groupe échographique, 35 ponctions étaient situées au niveau du tiers externe de la clavicule et 5 au niveau du tiers moyen. Les médianes (25e-75e percentile) du diamètre et de la profondeur de la veine sous-clavière, mesurées échographiquement, étaient respectivement de 1 [1-1] et 2,5 [2,5-3] cm. Trois ponctions artérielles ont été relevées dans le groupe cathétérisme standard, pour les patients des rangs 3 et 11 et 33 (tableau 2).

La Figure 1 montre une relation significative entre le temps de reflux et le rang des patients dans le groupe cathétérisme standard (r2= 0,42).

Tableau 1 : Caractéristiques des patients

NS : non significatif ; moyenne ± DS

 

echographie catheterisme 1

Tableau 2 : Critères de comparaison entre les deux groupes

echographie catheterisme 2NS : non significatif ; moyenne ± DS

Discussion

Dans notre étude comparant l’apprentissage de deux méthodes de ponction percutanée de la veine sous-clavière, l’assistance échographique en temps réel a permis de diminuer significativement les temps de reflux par rapport à la méthode standard. Aucune complication n’est survenue parmi les 40 patients bénéficiant de la méthode échographique, avec un succès du cathétérisme dès la première ponction dans les quatre-cinquième des cas.

Le pourcentage de réussites du cathétérisme sous-clavier était, selon nos critères, de 100 % dans les deux groupes. Ce chiffre est proche de ce qui a été décrit dans une étude évaluant le cathétérisme guidé par échographie de la veine jugulaire interne chez l’adulte [8].

En revanche, peu de données sont disponibles sur le cathétérisme de la veine sous-clavière avec échographie en temps réel. Le travail prospectif randomisé de Karakitsos en réanimation compare la cathétérisation de la veine sous-clavière écho-guidée à la pose classique. L’échoguidage a permis de poser avec succès 100% des CVC versus 94% dans l’autre groupe [9].

Des auteurs rapportent un pourcentage de réussite de 92 %, mais avec des performances très inférieures aux nôtres dans le cathétérisme « à l’aveugle » (44 %) [10].

Cette étude incluait 52 procédures, réalisées sur 33 patients, par 18 intervenants différents. L’incidence de réussites correspondait en fait aux résultats d’opérateurs peu expérimentés, dans un sous-groupe de cathétérismes réalisés en urgence ou en unité de soins intensifs sur des patients ayant eu un ou plusieurs abords veineux centraux.

Dans notre étude, l’encadrement strict des procédures par un senior en anesthésie réanimation a probablement contribué à l’absence d’échec de cathétérisme du groupe standard.

L’assistance en temps réel de l’échographie nous a permis de diviser par quatre le temps de reflux par rapport à la méthode traditionnelle. Ce ratio est comparable à celui rapporté par d’autres auteurs dans une série de cathétérismes de la veine jugulaire interne chez l’adulte [2].

De récentes publications montrent une augmentation très significative des temps de reflux par rapport à la méthode standard de cathétérisme [11,12]. Le gain de temps observé s’accompagne aussi d’une plus grande facilité d’accès à la sous-clavière, avec un accroissement de 20 % du pourcentage de cathétérisme dès la première ponction par rapport au groupe standard [13].

La fréquence des ponctions de l’artère sous-clavière, à la suite d’une tentative de cathétérisme veineux centrale à l’aveugle, varie dans la littérature entre 3 et 7 % [14,15].

Dans notre étude, l’incidence des complications était faible et l’encadrement strict de la procédure par un senior pourrait là aussi expliquer ce chiffre. Les trois complications vasculaires (7,5 %) et la pulmonaire rapportées dans notre groupe standard étaient des ponctions artérielles et un pneumothorax sans conséquences cliniques sévères pour les patients. Le groupe cathétérisme échographique n’a présenté aucune complication.

Cette diminution n’est qu’une tendance non statistiquement significative à la diminution des évènements indésirables, mais elle est retrouvée dans toutes les études sur le cathétérisme échographique guidé en temps réel [16].

L’absence de complication mécanique dans le groupe échographie s’explique certainement par l’identification précise des artères et des veines, mais aussi par une approche plus latérale de la veine sous-clavière qui réduit les risques de pneumothorax [17].

Dans notre étude, la plupart des sites de ponction du groupe échographie correspondaient en fait, plus à un abord axillaire que sous-clavier de la veine. Cet abord diminuerait également les risques de pincement du cathéter entre le muscle sous-clavier et le ligament costo-claviculaire [18].

Enfin, l’évolution des temps de reflux en fonction du rang des patients montre un effet apprentissage dans le groupe cathétérisme standard, mais pas dans le cathétérisme échographique où la performance de l’opérateur inexpérimenté est d’emblée optimale.

L’amélioration de la performance de notre praticien en terme de rapidité d’accès à la veine sous-clavière ne l’a pourtant pas préservé des complications d’une ponction percutanée à l’aveugle, puisqu’une des ponctions artérielles est intervenue en fin d’étude, au moment où les performances du groupe standard étaient comparables à celles du groupe échographique.

Conclusion

Notre étude réalisée dans un contexte pédagogique comparant deux techniques de cathétérisme de la veine sous-clavière, montre une diminution significative des durées de cathétérisme lorsque la ponction est assistée par échographie. Cette technique d’un maniement très simple facilite les conditions d’apprentissage du praticien non-expérimenté et lui permet d’être rapidement performant.

Elle diminuerait l’incidence des complications mécaniques des cathétérismes sous-claviers, par la visualisation en temps réel des structures anatomiques, mais aussi probablement par une approche plus externe de la veine que dans la voie anatomique

Date de soumission :

04 Août 2018.

Liens d’intérêts :

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références :

  1. P J. Zetlaoui, H Bouaziz, D Jochum, Eric Desruennes, N Fritsch : Recommandations sur l’utilisation de l’échographie lors de la mise en place des accès vasculaires
  2. Denys BG, Uretsky BF, Reddy PS. Ultrasound-assisted cannulation of the internal jugular vein. A prospective comparison to the external landmark-guided technique. Circulation 1993;87:1557–62.
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