Les facteurs prédicteurs de l’AOMI chez le coronarien : Résultats d’une étude transversale mono centrique à l’est algérien

Les coronariens ayant une atteinte vasculaire périphérique ont un pronostic cardiovasculaire plus sévère. Il paraît donc intéressant de dépister cette association, notamment en mesurant l’index de pression systolique qui est un moyen simple, non invasif, et non couteux ayant un apport diagnostic important, afin de détecter des lésions silencieuses,

 

 

 

R. Merghit1, A. Trichine1, M. Ait Athmane2, A. Lakehal3

1 Service de Cardiologie, Hôpital militaire Ali Mendjli, Constantine,

2 Service de Cardiologie, CHU de Annaba,

3 Service d’Épidémiologie, CHU de Constantine.

 

 Date de soumission : 28 Mai 2020.

Résumé : Introduction. Les coronariens ayant une atteinte vasculaire périphérique ont un pronostic cardiovasculaire plus sévère. Il paraît donc intéressant de dépister cette association, notamment en mesurant l’index de pression systolique qui est un moyen simple, non invasif, et non couteux ayant un apport diagnostic important, afin de détecter des lésions silencieuses, mais menaçantes, et d’identifier un sous-groupe de coronariens à plus haut risque cardiovasculaire, nécessitant une prise en charge plus spécifique. Objectifs. Estimer la fréquence de l’AOMI[1] chez les patients coronariens, recrutés en cardiologie dans les centres hospitalo-universitaires de la ville de Constantine et déterminer les facteurs de risques de l’association. Patients et méthodes. Notre étude est descriptive, transversale, multicentrique réalisée en unités d’explorations cardiovasculaires de l’hôpital militaire régional universitaire de Constantine. Les sujets inclus avaient aux moins une lésion coronaire significative ≥ 50% sur une artère coronaire principale, pour chaque patient ; une anamnèse orientée et un examen clinique cardiovasculaire ont précédé la mesure de l’IPS. Un complément d’exploration écho-doppler des membres inférieurs a été réalisé pour l’ensemble des malades. L’AOMI était définie par un IPS inférieur à 0,90 sur une des quatre artères distales des membres inférieurs. L’ensemble de non malades ont bénéficié d’une échocardiographie cardiaque avec étude de la fonction diastolique et systolique. Le traitement et l’exploitation des données ont fait appel au logiciel SPSS 22. Résultats. Trois cents patients coronariens, âgés en moyenne de 61 ans à prédominance masculine nette, ont été inclus. La fréquence de l’association AOMI et coronaropathie était de 34,7% en utilisant l’IPS, asymptomatique dans 18% des cas. L’âge ≥ 65 ans, le tabac, le diabète, l’HTA, la dyslipidémie, la sédentarité, l’AVC et l’atteinte coronaire sévère étaient les facteurs indépendants de l’association (ORa respectifs : 3,67 ; 4,10 ; 3,48 ; 3,30 ; 2,32 ; 2,14 ; 6,40 ; 2,36). Conclusion. L’IPS, en plus d’être un outil de dépistage précoce de l’AOMI, sa diffusion en pratique médicale aiderait à l’approche et l’affinement du risque vasculaire des patients coronariens.

Mots clés : AOMI, IPS, Coronaropathie, tabac. 

Abstract: Background. Coronary artery disease (CAD) with peripheral artery disease (PAD) has a more severe cardiovascular prognosis. It seems interesting to detect this association, in particular by measuring the ankle brachial index (ABI) which is a simple, accessible and inexpensive way to assess the severity of atheromatous disease of the two lower limbs, in order to detect silent but threatening lesions, and to identify a subgroup of coronary patients with a higher cardiovascular risk, requiring more specific management. Aims. Estimating the frequency of AOMI in coronary patients, recruited in cardiology in Constantine University Hospital Centres and determining the risk factors of the association. Methods. The study is descriptive, cross-sectional recruitment, carried out in cardiovascular exploration units of the Constantine University Military Regional Hospital, the subjects included had at least a significant coronary lesion ≥ 50 on a main coronary artery, for each patient, an oriented anamnesis and a cardiovascular clinical examination preceded the measurement of ABI. A complement of exploration echo-doppler of the lower limbs was performed for all of the patient. .The diagnosis of PAD was defined as an ABI below 0.9 on one of the four distal lower limb arteries. The SPSS 22 software, was used in the processing of data. Results. Three hundred coronary patients were included, average age 61 years, with a clear male predominance, the frequency of the association PAD and CAD was 34.7% using ABI, The PAD was asymptomatic in 18% of cases. Age ≥ 65 years, smoking, diabetes, hypertension, dyslipidaemia, sedentary lifestyle and severe coronary disease were the independent factors of association (respective ORa: 3.67, 3.48, 3.30, 4.10, 2.32, 2.14, 6.40, 2.36). Conclusion. PAD is common in our coronary population, hence the importance of screening for PAD in coronary patients by IPS to identify a subgroup of people with a risk of cardiovascular events. In addition to being an early screening tool for AOMI, the dissemination of ABI measurement in medical practice would help in this approach and refinement of the vascular risk of coronary patients.

Keys Word: PAD, ABI, Coronary Artery Disease, tobacco.

 


 

Introduction

L’athérosclérose et son corollaire l’athérothrombose sont répandues, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en voie de développement [1]. Elles sont à l’origine d’une morbi-mortalité élevée, constituant ainsi un véritable enjeu en termes de santé publique. Le mode d’entrée dans la maladie athéromateuse peut varier d’un sujet à l’autre avec un événement coronarien comme première manifestation ou encore une atteinte neuro-vasculaire, voire une AOMI, et la liste n’est pas limitative [2]. Recherchée par la mesure de l’IPS, chez des patients coronariens, la prévalence de l’AOMI peut atteindre plus de 30% en fonction de l’âge des sujets et peut même dépasser 40% chez des sujets hospitalisés[3]. Ces coronariens ayant une atteinte vasculaire périphérique ont un pronostic cardiovasculaire plus sévère [3].

Population et méthodes

Population : afin de démonter l’intérêt d’une approche « pan-vasculaire » de tous patients à risque, donc d’essayer de rechercher les autres atteintes athéromateuses souvent asymptomatiques, mais qui peuvent constituer une réelle menace sur le pan fonctionnel ou vital ; nous avons procédé à une étude épidémiologique, descriptive, analytique et multicentrique,% menée sur un échantillon de 300 malades coronariens avérés, au niveau des trois services de cardiologie, des CHU de la ville de Constantine, ayant au moins une lésion ≥ 50% sur une artère coronaire principale, quel que soit leur âge et leur sexe, on excluant ceux ayant refusé de participer à l’étude, et les patients en ischémie aiguë des membres inférieurs. Le consentement éclairé et l’engagement du patient pour ce projet sont requis, en respectant l’anonymat.

Méthodes : Le jour de la vacation, les patients inclus ont bénéficié d’un recueil des mesures anthropométriques (poids, taille, calcule du BMI), un recueil d’information (FRCV, pathologie cardio-cérébro-vasculaire), un examen clinique complet, un bilan biologique incluant le bilan lipidique complet (HDLc, CHOLt, TG, LDLc), une glycémie à jeun, un taux de créatinine et calcul de la clairance de créatinine selon la formule MDRD et un taux HbA1c pour les patients diabétiques. Une mesure de l’index de pression systolique à la cheville (IPSch) en décubitus dorsal, les membres inférieurs et supérieurs dévêtus, chez un patient détendu depuis plus de 10 minutes, un doppler de poche, de marque EDAN Sonotrax Vascular Lite, muni d’une sonde de 8 MHz mis en marche en 2013, avec un tensiomètre à sphygmomètre de marque RIESTER, ont été utilisés. Le brassard est positionné autour de la cheville, avec son bord inférieur en position sus-malléolaire, manchette enroulée sur elle-même, de largeur entre 1,2-1,5 fois le diamètre du segment de membre, les tuyaux sortant vers le haut, la sonde Doppler inclinée, de manière à respecter au mieux un angle de 45 à 60° avec l’axe présumé de l’artère examinée. Après l’obtention d’un signal Doppler stable, le brassard est gonflé de 20 mm Hg au-delà de la pression de disparition du signal, puis dégonflé lentement de 2 mm Hg par seconde jusqu’à réapparition d’un signal audible. La valeur retenue équivaut à la pression artérielle systolique de cheville. Les artères enregistrées sont classiquement, pour chaque membre inférieur, l’artère tibiale postérieure dans la gouttière rétro-malléolaire, l’artère pédieuse au niveau du coup de pied [5].

La manœuvre est réalisée à deux reprises sur chaque membre ; à chaque bras, le signal Doppler est capté au niveau huméral ou radial, avec le brassard positionné comme lors d’une mesure de la PA habituelle. Nous avons choisi la méthode la plus sensible pour calculer L’IPS ; c’est à dire le rapport entre le plus bas niveau de pression systolique (ATP, ADP) sur la pression systolique brachiale la plus élevée des deux bras. L’IPS été calculé pour chacune des artères de chaque membre [6]. L’index le plus bas des deux membres inférieurs est celui qui est considéré, posant le diagnostic d’AOMI si inferieur ou égale 0,9 en présence ou en absence de symptomatologie. Si IPSch est limite entre 0,91 -0,99 ; une épreuve hémodynamique de marche sur tapis roulant (épreuve de Skinner Strandness), avec prise des pressions distales au repos et après effort a été indiquée, à la recherche d’une AOMI infra-clinique, dont le diagnostic est retenu chaque fois que la pression distale chute d’au moins 20% dès la première minute après l’arrêt de l’effort. Dans le cas où l’IPSch est strictement supérieur à 1,3 ; un complément d’exploration hémodynamique par la mesure de l’IPSo pour chaque membre à l’aide d’un photoplethysmographe (Systoe) a été réalisé, évoquant une AOMI si IPSo ≤ 0,7. L’ensemble de non malades ont bénéficié d’une échocardiographie cardiaque avec étude de la fonction diastolique et systolique.

Analyse statistique : Les données des patients, ainsi que l’ensemble des examens, étaient réalisés par le même cardiologue (investigateur principal), par la suite enregistrés initialement sur une fiche de données établie à cet effet, transférée plus tard dans une base de données (fichier EXCEL 2013) conçue dans le même but. L’analyse statistique est effectuée à l’aide du logiciel SPSS 22. Les résultats sont présentés avec des intervalles de confiance à 95%, sous forme de moyenne, médiane, écart-type, et les valeurs minimums et maximums, pour les variables quantitatives ; sous forme de pourcentages avec leur écart-type pour les variables qualitatives. La fréquence observée est calculée par le nombre de coronariens présentant une AOMI, sur le nombre total de la population recrutée, évaluée avec un intervalle de confiance de 95%. Les tests de comparaisons utilisés sont :

  • Le test du Chi–deux de Pearson et le test exact de Fisher pour les comparaisons de pourcentages
  • Les tests de Student ou de Mann-Whitney pour les comparaisons de moyennes.
  • Le seuil de significativité statistique est considéré atteint quand le risque d’erreur est inférieur à 5% (p<0,05).

 

Résultats

Entre juin 2015 et mars 2016, nous avant collecté 300 malades coronariens (Tableau 1). L’âge moyen de cette population était de 61,3 ± 11,3 ans avec des extrêmes d’âge allant de 23 ans à 85 ans, et une médiane de 62 ans, à prédominance masculine significative (78,3%), cette population était relativement mince (BMI moyen 27,92 ± 4,66 kg/m2, tour de taille moyen 95,55 ± 11,20 cm). La majorité de nos coronariens cumulent plus de trois FRCV (72,7%). Les FRCV prédominants étaient l’âge (69%), suivis par l’HTA (58,7%), la sédentarité (57,3%), la dyslipidémie (52,7%), la surcharge pondérale (49%), et le diabète (47,4%). Les FRCV les moins observés étaient le tabagisme actif (32,3%), l’obésité (29,3%), et les antécédents familiaux de MCV précoces (26,4%). Le diabète s’associe respectivement à l’HTA et la dyslipidémie dans 36%, 47,3% des cas ; la triple association est observée dans 37,7%. Les antécédents personnels de maladies cérébro-vasculaires (AVC ischémique, AVC hémorragique, AIT), étaient observés dans 2,7%. La majorité de nos malades (60,7%) ont été coronarographiés pour un SCA, le reste pour une cardiopathie ischémique stable. Une masse ventriculaire gauche augmentée, mesurée selon la méthode (ASE), est retrouvée dans 54%. La fraction d’éjection globale, selon la méthode biplan Simpson, est conservée dans 83,34% ; et 54,3% de nos malades présentaient une altération de la fonction diastolique VG. 41,67% avaient une atteinte mono-tronculaire, 30,7% bi-tronculaire et 22% d’atteinte tri-tronculaire, l’atteinte du tronc commun gauche est observée chez 5,6%.

 

Tableau 1 : caractéristiques de notre population

VARIABLES

RESULTAT (n ou%)

Âge moyen

61,3 ± 11,3 ans

Sexe ratio H/F

3,6

Nombre moyen de FRV

4,09

Nombre ≥ trois FRCV

72,7%

Âge ≥ 50ans (H) et ≥ 60ans (F)

69%

HTA

58,7%

Sédentarité

57,3%

Dyslipidémie

52,7%

Surcharge pondérale

49%

Diabète

47,4%

Tabagisme actif

32,3%

Obésité

29,3%

Obésité androïde

32%

Coronaropathie familiale

26,4%

IRC

Légère : 9,7%

Modérée : 5%

Sévère : 1,3%

ATCDS personnels CV

2,7%

MVG augmentée

54%

FE VG globale altérée

16,6%

PRVG VG altérée

54,3%

Mono tronculaire

41,67%

Bi tronculaire

30,7%

Tri tronculaire

22%. 

Atteinte du TCG

5,6%

Pour un effectif de 300 malades et sur la base de quatre IPS pour chacun d’entre eux, nous avons totalisé 1.200 IPS, dont l’IPS moyen était de 1,07 ± 0,26 du côté droit et de 1,08 ± 0,24 du côté gauche. Le profil IPS selon le TASCII et l’AHA [7] était normal chez 44,7%, IPSch ≤ 0,9 évoquant une AOMI chez 17,3%. Un IPSch douteux chez 17%, un IPSch > 1,3 évoquant une incompressibilité artérielle chez 21%. Après mesure de l’IPSch d’effort dans les situations ou l’IPSch est douteux (0,9 < IPS < 1), et mesure de l’index de pression systolique au gros orteil dans les situations ou l’IPSch est > 1,3, le profil IPS définitif de notre population était en faveur de l’absence d’AOMI chez 57%, une mediacalcose observée dans 21%, s’agissant soit d’une mediacalcose isolée (8,3%) ou d’une atteinte mixte (12,7%) et présence d’AOMI chez 34,7% s’agissant soit d’une AOMI isolée, diagnostiquée après mesure de l’IPSch de repos chez 52 malades (17,3%), d’une AOMI diagnostiquée après mesure de l’IPSch d’effort dans les cas douteux chez 14 malades (4,7%), ou d’une atteinte mixte (médiacalcose et AOMI associée) chez 38 malades (12,7%). Au total, l’IPS était pathologique chez 129 coronariens, représentant une fréquence de 43% de la population globale (Tableau 2). 

La fréquence de l’association AOMI et coronaropathie, diagnostiquée à l’aide de l’index de pression systolique (IPS), est de 34,7% ± 5,3 ; IC à 95% (29,3% – 40%). Cette population est composée donc de 104 malades dont 48 avec AOMI symptomatique et 56 avec AOM asymptomatique.

 

Tableau 2 : bilan d’exploration des membres inferieurs

Paramètres axes artériels des membres inférieurs

Pourcentage (%)

IPS moyen de la population globale

Côté droit : 1,07 ± 0,26

Côté gauche : 1,08 ± 0,24

IPSch ≤ 0,9 : AOMI isolée

17,33%

IPSch > 1,3 : IPSo > 0,7 : Mediacalcose isolée

8,33%

IPSch > 1,3 ; IPSo ≤ 0,7 : AOMI associée à une mediacalcose

12,7%

0,9 < IPSch < 1 au repos, IPS < 0,9 après effort : AOMI infra clinique

4,67%

0,9 ≤ IPSch ≤ 1,3 et Épreuve de strendness normale : Absence d’AOMI

57%

En analyse bi-variée les différents facteurs corrélés à la survenue d’une AOMI chez le coronariens étaient : le sexe masculin, l’âge ≥ 65ans, le diabète, l’HTA, la dyslipidémie, un BMI normal, l’IR sévère, la sédentarité, les antécédents d’AVC, FE Globale Altérée, des PRVG augmentée, une masse VG augmentée et une atteinte coronaire sévère (Tableau 3,4,5).

 

Tableau 3: Analyse bi-variée, paramètres cliniques

Variables

Odds Ratio (OR)

P

Sexe masculin

2,26

0,01

Âge ≥65ans

3,89

0,0001

Diabète

3,11

0,0001

HTA

3,0

0,001

Tabagisme

2,44

0,001

Dyslipidémie

2,32

0,001

BMI Normale

3,56

0,0001

IR sévère

1,5

0,04

Sédentarité

1,9

0,007

AVC

5,40

0,023

 

Tableau 4: Analyse bi-variée, paramètres échographiques

Variables

Odds Ratio (OR)

P

FE Globale Altérée

1,8

0,03

PRVG Augmentée

2,2

0,005

Masse VG augmentée

2,7

0,0001

 

Tableau 5: Analyse bi-variée, paramètres coronarographiques

Variables

Odds Ratio (OR)

P

Pontage aorto-coronaire

10,90

0,0001

Atteinte coronaire sévère

2,361

0,001

Nombre De Gestes

2,15

0,0001

L’analyse multivariée, à type de régression logistique, est réalisée par le logiciel SPSS version 22 ; les variables introduites dans le modèle logistique sont les variables significatives, au seuil de 5%, lors de l’analyse bi-variée. Le risque d’AOMI lié à chaque facteur, ajusté sur l’ensemble des autres facteurs, est représenté par Odds Ratio ajusté (ORa) estimé avec son intervalle de confiance à 95%. Les différents paramètres prédisposant à l’installation de l’AOMI chez le coronarien ont été identifiés grâce à l’analyse multivariée et sont par ordre de fréquence (Tableau 6, Figure 1) : antécédents personnels d’évènements cérébro-vasculaires type AVC ischémique ou AIT (ORa 6,40), le tabagisme (ORa 4,10), l’âge avancé ≥ 65 ans (ORa 3,67), le diabète (3,48), l’HTA (ORa 3,30), une atteinte coronaire sévère (0Ra 2,36), le pontage aorto-coronaire (ORa 3,20), et à un degré moindre la dyslipidémie et la sédentarité (ORa 2,32, 2,14). Cependant, certains facteurs retrouvés significatifs dans l’analyse bi-variée ne ressortent plus dans l’analyse multivariée. Ce sont : le sexe masculin, un BMI normal, l’insuffisance rénale sévère, la dysfonction VG systolique, la dysfonction VG diastolique et la masse VG augmentée.

Tableau 6: Analyse multivariée

Variables

OR ajusté

IC de l’ORa a 95%

P

Sexe masculin

0,53

0,172 1,654

0,277

Âge ≥ 65ans

3,67

1,975 6,851

0,0001

Diabète

3,48

1,843 6,589

0,0001

HTA

3,30

1,703 6,406

0,0001

Tabagisme

4,10

1,674 10,069

0,002

Dyslipidémie

2,32

1,234 4,381

0,009

BMI Normale

0,12

0,051 0,293

0,0001

IR sévère

0,17

0,027 1,089

0,062

Sédentarité

2,14

1,159 3,971

0,015

AVC

6,40

1,60 14,20

0,0001

FE Globale Altérée

0,58

0,164 2,025

0,390

PRVG Augmentée

0,90

0,422 1,948

0,801

Masse VG augmentée

0,36

0,164 2,025

0,7

Pontage aorto coronaire

3,20

1,94 5,504

0,0001

Atteinte coronaire sévère

2,36

1,159 3,822

0,015

Nombre de Gestes

2,15

1,32 3,76

0,002

 

 

Figure 1 : Les facteurs prédicteurs de l’AOMI chez notre coronarien

 

Les principaux résultats de l’étude comparative de nos deux populations de coronariens artéritiques et non artéritiques sont résumés dans le tableau suivant (Tableau 7) :

 

Tableau 7 : étude comparative de nos deux populations de coronariens

Variables

Coronariens artéritiques (n=104)

Coronariens non artéritiques

(n= 196)

OR ajusté

P

Sexe (n -%)

-Hommes

-Femmes

90(86,5%)

14(13,5%)

145(74%)

51(26%)

0,53

0,277

Age moyen (ans)

67,24±8,4

58,14±11,25

3

0,0001

Tranche d’âge (ans)

-≥65

-<65

68(65,4%)

36(34,6%)

64(32,6%)

132(67,4%)

3,67

0,0001

Nombre des FRCV

-≥ 3FRCV

-< 3FRCV

94(90,4%)

10(9,6%)

124(63,3%)

72(36,7%)

0,0001

BMI (Kg/m2)

-BMI moyen

-BMI≥30 (n -%)

-BMI<30(n -%)

26,34 ± 43

10(9,6%)

94(90,4%)

28,75 ± 4,63

78(39,8%)

118(60,2)

0,12

0,0001

0,0001

Diabète (n-%)

 Diabétique

 Non diabétique

-Durée moyenne (ans)

-Ancienneté diabète (ans) ≥10 (n-%)

-HBA1C moyen

-Équilibre diabète (n-%)

 Bon équilibre

 Équilibre moyen

 Mauvais équilibre

68(65,4%)

36 (34,6%)

11,03 ±9,114

35(51,5%)

8,42±1,62

15(27,8%)

12(22,2%)

27(50,0%)

74(37,8%)

122 (62,2%)

11,74 ± 7,86

43(58,1%)

8,25±1,52

51(58,0%)

11(12,5%)

26(29,5%)

3,48

0,0001

0,6

0,427

0,5

0,002

Tabac (n-%)

 Fumeur

 Non-Fumeur

Durée moyenne de sevrage (ans)

Quantité moyenne d’intoxication

78(75%)

26(25%)

13,97 ± 5,56

37,95 ± 19,36

108(55,1%)

88(44,9%)

18,34 ± 11,43

28 ± 17,80

4,10

0,002

0,01

0,002

HTA (n-%)

 HTA

 Absence d’HTA

-Durée moyenne (ans)

-Ancienneté HTA (ans) ≥10

-Équilibre HTA (n-%)

 HTA équilibré

 HTA non équilibré

78(75,0%)

26(25,0%)

8,18± 8,614

26 (33,3%)

27(34,3%)

51(65,7%)

98(50,0%)

98(50,0%)

8,16± 6,134

40 (40,8%)

42(42,1%)

57(57,9%)

3,30

0,0001

0,9

0,3

0,003

Dyslipidémie (n-%)

 Dyslipidémie

 Absence de dyslipidémie

-LDL Pathologique> 0,7g/L

-HDL Pathologique< 0,4g /L

74(71,2%)

30(28,8%)

56(53,84%)

72(69,2%)

101(51,5%)

95(48,5%)

86(43,87%)

78(39,8%)

2,32

0,009

0,001

0,001

Coronaropathie familiale (n-%)

 Coronaropathie familiale

 Absence de coronaropathie familiale

28(26,9%)

76(73,1%)

51(26,0%)

145(74,0%)

0,5

IR sévère

5(4,8%)

2(1,0%)

0,17

0,062

Sédentarité (n-%)

 Sédentarité

 Absence de sédentarité

70(67,3%)

34(32,7%)

102(52,0%)

94(48,0%)

2,14

0,015

AVC (n-%)

 AVC

 Absence d’AVC

6(5,8%)

98(94,2%)

2(1,0%)

194(99,0%)

6,40

0,0001

Présentation clinique de la maladie coronaire (n-%)

 Angor d’effort

 SAC ST –

 SCA ST +

 Bilan IMS +

 Bilan CMD

 

 

34(32,7%)

19(18,3%)

42(40,4%)

5(4,8%)

4(3,8%)

 

 

65(33,2%)

46(23,5%)

75(38,3%)

4(2,0%)

7(3,6%)

 

 

 

 

0,5

0,18

0,4

0,63

0,5

FE Globale Altérée (n-%)

 FE Globale altérée

 FE Globale normale

 

32(30,77%)

72(69,23%)

 

18(9,2%)

178(90,8%)

 

0,58

 

0,390

PRVG (n-%)

 PRVG élevée

 PRVG normale

 

68(65,4%)

36(34,6%)

 

95(48,5%)

101(51,5%)

 

0,90

 

0,801

Masse VG (n-%)

 Masse VG normale

 Masse VG augmentée

 

33(31,7%)

71(68,3%)

 

105(53,6%)

91(46,4%)

 

0,36

 

0,7

Atteinte coronaire sévère (n-%)

64(61,53%)

19 (9,70%)

2,36

0,015

Nombre de Gestes (n-%)

3,1±0,89

1,84±0,79

2,15

0,002

 

Discussion

L’AOMI est une pathologie dont la prise en charge globale est à l’origine de coûts importants pour la société. Aussi, compte tenu de son impact médico-socioéconomique, les sociétés savantes recommandent son dépistage, afin d’identifier des populations à risque et d’optimiser leur prise en charge thérapeutique. La mesure de l’IPS constitue la pierre angulaire de la stratégie d’exploration artérielle des membres inférieurs, permettant non seulement de faire le diagnostic de l’AOMI dans bon nombre de cas, mais contribue aussi à identifier une frange importante de population asymptomatique, pourtant déjà à haut risque cardiovasculaire. Les études montrent qu’il n’y a pas de différence significative en terme de risque de décès, et d’événements vasculaires, à cinq ans entre les patients symptomatiques et asymptomatiques [8].

Quel que soit le stade de la maladie coronaire, la présence d’une AOMI constitue un facteur de mauvais pronostic tout du moins un facteur aggravant, en tout état de cause, le niveau de risque élevé de ces patients devrait constituer une stimulation pour assurer une prise en charge efficace en privilégiant l’adhérence aux recommandations pour le traitement médicamenteux et les modifications du style de vie [3]. L’IPS représente la méthode d’exploration la plus simple et la plus répandue, pour le diagnostic de l’AOMI, en complément immédiat de l’examen clinique, qui a radicalement transformé la vision de l’AOMI basée sur l’évaluation de la CI. La relative simplicité de ce test, son moindre coût et sa haute sensibilité semblent l’indiquer pour la détection de l’AOMI dans des populations pauci- ou asymptomatiques. Ceci nous a poussé à son utilisation durant notre travail pour poser le diagnostic de l’AOMI, et déduire par la suite la fréquence de l’association avec la coronaropathie, d’autant plus que l’apport des questionnaires (Rose, Édimbourg etc.) et de l’examen clinique pour le diagnostic de l’AOMI sont réduits, comme démontré par de nombreuses études épidémiologiques [9,10,11,12,13,14].

Durant notre étude, a été considéré comme artéritique, tout patient symptomatique ou asymptomatique, avec l’un des critères suivants : un IPSch ≤ 0,9 au repos, un IPSch ≤ 0,9 après sensibilisation à l’effort (test de Skinner Strandness positif) ; ou un IPSo ≤ 0,7 chez un malade ayant un IPSch > 1,3. On se basant sur ces conditions, la fréquence de l’association coronaropathie et AOMI était de 34,7% ± 5,3 ; IC à 95% (29,3% – 40%). Les différentes études objectivent une fréquence élevée de l’AOMI chez les coronariens [3]. Les différents paramètres prédisposant à l’installation de l’AOMI chez notre coronarien étaient les antécédents personnels d’évènements cérébro-vasculaires type AVC ischémique ou AIT, le tabagisme, l’âge avancé ≥ 65ans, l’HTA, une atteinte coronaire sévère, et à un degré moindre, la dyslipidémie et la sédentarité (ORa 2,32,2,14).

Cependant, certains facteurs retrouvés significatifs dans l’analyse bi-variée ne ressortent plus dans l’analyse multivariée comme le sexe ou la différence entre les sexes, semble disparaitre après régression logistique et ajustement aux facteurs confondants, comme l’âge et les FRCV essentiellement le tabac exclusivement masculin dans notre étude. Un BMI normal est plutôt facteur protecteur, ceci semble être en relation avec l’implication de l’obésité dans d’autres facteurs de risque de l’AOMI comme l’hypertension, le diabète de type II et la dyslipidémie. Dans notre étude, la coronaropathie familiale n’était pas corrélée à la survenue d’une AOMI chez le coronarien comme démontré par d’autres études épidémiologiques [15,16,17]. La masse ventriculaire gauche est significativement augmentée dans le groupe artéritique versus groupe non artéritique (P=0,0001). Cette constatation est similaire pour les pressions de remplissage VG (P=0,005), mais il y a disparition de ces liaisons en analyse multivariée. Cette perte de puissance statistique peut s’expliquer par l’intrication de plusieurs facteurs dans l’augmentation de la masse VG (essentiellement l’HTA et le diabète), ainsi que pour les PRVG (l’HTA, le diabète, la masse VG, la coronaropathie). D’après notre analyse, La dysfonction ventriculaire gauche est significativement liée à la survenue d’une AOMI chez le coronarien en analyse bi-variée (P= 0,03). Après analyse multivariée, cette liaison disparait (P value 0,390), probablement en rapport avec la diminution de la puissance statistique de ce facteur après ajustement aux autres facteurs ; essentiellement la maladie coronaire sévère, souvent incriminée dans la dysfonction VG.

 

Conclusion

Actuellement, l’IPS est reconnu par la majorité des recommandations internationales comme un moyen rapide, de faible coût, non invasif, et reproductible, devant compléter tout examen clinique dans une population ciblée (tout patient présentant au moins un facteur de risque cardio-vasculaire ou chez tout sujet ayant au moins une atteinte vasculaire athérothrombotique), Il doit être à la portée de tout praticien spécialiste ou non, prenant en charge ce type de malade et s’inscrivant dans un bilan vasculaire systématique, pour établir, ou au contraire éliminer, une AOMI symptomatique ou asymptomatique, et d’identifier un sous-groupe de coronariens à plus haut risque cardiovasculaire nécessitant une prise en charge plus spécifique.

Liste des abréviations

 

AOMI….. Artériopathie Oblitérante des Membres Inférieurs

IPS……… Index de Pression Systolique

FRCV…… Facteurs de Risque Cardiovasculaires

HTA……. Hypertension Artérielle

MCV…… Maladies Cardiovasculaires

SCA…….. Syndrome Coronarien Aigu

PRVG….. Pressions de Remplissage du Ventricule Gauche

AIT……… Accident Ischémique Transitoire

CI……….. Claudication Intermittente

TCG……. Tronc Coronaire Gauche

FE………. Fraction d’Éjection

VG……… Ventricule Gauche

IMS…….. Ischémie Myocardique Silencieuse

CMD…… Cardio Myopathie Dilatée

AVC……. Accident Vasculaire Cérébrale

IRC……… Insuffisance Rénale Chronique

BMI……. Body Mass Index

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 

Références

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[1] Voir la liste des abréviations à la fin de l’article.

 

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Traitement conservateur des tumeurs osseuses malignes de l’épaule

 Illustrer à partir de ces observations de tumeurs malignes osseuses de la ceinture scapulaire l’aspect anatomo-radiologique, thérapeutique et évolutif. Décrire la technique opératoire de la scapulectomie totale et ses difficultés. Discussion de 9 dossiers de malades atteints de tumeurs malignes osseuses de la ceinture scapulaire,

 

 

S. Lemmouchi, R. Nemmar, M. Kihal, Z. Kara, Faculté de Médecine d’Alger, Service Chirurgie Traumatologie-Orthopédie, CHU Mustapha Bacha, Alger

 

Date de soumission : 05 Novembre 2020.

Résumé : Illustrer à partir de ces observations de tumeurs malignes osseuses de la ceinture scapulaire l’aspect anatomo-radiologique, thérapeutique et évolutif. Décrire la technique opératoire de la scapulectomie totale et ses difficultés. Discussion de 9 dossiers de malades atteints de tumeurs malignes osseuses de la ceinture scapulaire, dont deux ostéosarcomes, deux chondrosarcomes, deux sarcomes d’Ewing, deux métastases (une métastase d’un cancer du sein et l’autre d’un cancer thyroïdien), un sarcome des parties molles ; tous ayant nécessité une scapulectomie totale selon la technique de Malawer, et une chimiothérapie néoadjuvante sauf les deux chondrosarcomes. Dans tous les cas, la tumeur était volumineuse, l’exploration par résonnance magnétique avait une importance prépondérante qui nous a permet la résection en monobloc, la reconstruction fait appel à plusieurs artifices reliant l’humérus à la clavicule entrainant un membre ballant, mais fonctionnel, nos résultats ; 5 décès (3 à quatre mois 1 à douze mois et 1 à dix-huit mois). Les tumeurs osseuses malignes de la ceinture scapulaire diagnostiquées cliniquement avec appréciation de ses limites par l’IRM peuvent bénéficier d’un traitement conservateur par une résection en monobloc de toute l’omoplate, associée à une chimiothérapie néoadjuvante. La scapulectomie totale garde toujours ses indications dans le traitement bien conduit des tumeurs malignes osseuses, la reconstruction fait appel à plusieurs artifices pour relier le bras à ce qui reste de l’épaule, permettant d’obtenir un membre ballant, mais fonctionnel tout en restant carcinologique le maximum possible, les résultats sont acceptables.

Mots-clés : scapulectomie, tumeurs malignes osseuses, technique de Malawer.

Abstract: To illustrate from these observations of bone malignancies of the scapular belt the anatomo-radiological, therapeutic and evolutionary aspect. Describe the operating technique of total scapulectomy and its difficulties. Discussion of 9 cases of patients with bone malignancies of the scapular belt, including two osteosarcomas, two chondrosarcomas, two Ewing’s sarcomas, two metastases (one metastasis from breast cancer and the other from thyroid cancer), one soft tissue sarcoma; all of which required total scapulectomy according to the Malawer technique, and neoadjuvant chemotherapy except for the two chondrosarcomas. In all cases, the tumour was voluminous, the exploration by magnetic resonance had a preponderant importance which allowed us the resection in monobloc, the reconstruction calls upon several devices linking the humerus to the clavicle resulting in a limb that is dangling, but functional, our results; 5 deaths (3 at four months, 1 at twelve months and 1 at eighteen months). Malignant bone tumours of the scapular belt diagnosed clinically with MRI assessment of its limits may benefit from conservative treatment by monobloc resection of the entire scapula, combined with neoadjuvant chemotherapy. Total scapulectomy still has its indications in the well-conducted treatment of malignant bone tumours, the reconstruction uses several devices to connect the arm to what is left of the shoulder to obtain a limb that is loose but functional while remaining as carcinological as possible, the results are acceptable.

Key Words: scapulectomy, bone malignancies, Malawer technique.

Introduction

La ceinture scapulaire comprend l’humérus proximal, la scapula et le tiers distal de la clavicule qui sont couverts par une importante musculature.

Jusqu’à la moitié du 20ème siècle, l’amputation était considérée comme le traitement de choix pour les tumeurs malignes de la ceinture scapulaire.

La scapula est le deuxième site des tumeurs osseuses et des parties molles de l’épaule, la localisation principale se fait essentiellement au niveau de l’humérus [1] ; la fréquence en premier lieu selon le type histologique est les chondrosarcomes chez l’adulte suivi du sarcome d’Ewing chez l’enfant [2], et les métastases osseuses.

C’est grâce au développement de l’imagerie médicale dont l’IRM reste la golden star, qu’un bilan lésionnel précis a pu être réalisé. L’avènement de la radiothérapie et la chimiothérapie ont permis d’élargir les indications de la scapulectomie à des tumeurs malignes dont l’amputation était considérée pendant longtemps le seul moyen thérapeutique.

Actuellement, la majorité des tumeurs malignes de l’épaule relèvent d’un traitement conservateur à condition d’établir une bonne stratégie thérapeutique basée sur :

  • Une étude approfondie de l’imagerie
  • Une bonne connaissance de l’anatomie locale
  • Et avant tout, une sélection rigoureuse des patients dont le pédicule axillaire et la paroi thoracique doivent être épargnée par la tumeur.

Le but de toutes les reconstructions de la ceinture scapulaire est d’avoir une épaule stable et de préserver une fonction normale du coude et de la main.

Il faut noter qu’il s’agit d’une chirurgie qui nécessite un opérateur bien entraîné afin d’obtenir les objectifs oncologiques et fonctionnels désirés : enlever la tumeur, éviter d’éventuelles récidives, et maintenir ou rétablir une bonne fonction de l’épaule [2].

Matériel et méthode 

Nous avons effectué une étude rétrospective, mono-centrique entre 2015 et 2019 comprenant 9 dossiers de malades atteints de tumeurs malignes osseuses de la ceinture scapulaire ; notre indication opératoire est en fonction de la classification de Malawer 1991 [2] (figure 1) : basée sur les concepts actuels des marges chirurgicales, le statut de la tumeur avec les compartiments anatomiques (c.à.d. intra-compartimental vs extra-compartimental), l’état de l’articulation gléno-humérale, et de l’importance du volume tumorale avec une prise en considération des muscles fonctionnellement importants. Il comprend six catégories:

  • Type I : ……….. Résection humérale proximale intra-articulaire
  • Type II : ………. Résection scapulaire partielle
  • Type III : ……… Scapulectomie totale intra-articulaire
  • Type IV : ……… Scapulectomie totale extra-articulaire et résection de la tête humérale (résection classique de Tikhoff-Linberg)
  • Type V : ………. Résection humérale et glénoïde extra-articulaire
  • Type VI : ……… Résection humérale extra-articulaire et scapulaire totale

Tous ayant nécessité une scapulectomie totale selon la technique de Malawer, avec une chimiothérapie néoadjuvante sauf deux cas.

Figure 1 : Classification des résections de la ceinture scapulaire telle que rapportée par Malawer en 1991. (Réimprimé avec la permission de Malawer MM, Meller I, Dunham WK. Un nouveau système de classification chirurgicale pour les résections de la ceinture scapulaire. Analyse de 38 patients. Clin Orthop Relat Res 1991 ; 267: 33-44.)

Il s’agissait le plus souvent de femmes (3 hommes et 6 femmes), dont l’âge varie entre 18 et 73 ans avec une moyenne de 33,8 ans ; 09 scapulectomies totales ont été réalisées, dont la lésion était prédominante à droite dans 05 cas et à gauche dans 04 cas. Et comme signalé dans la littérature la scapula était le siège le plus souvent de tumeurs primitives avec 02 cas de sarcomes d’Ewing, 02 cas de chondrosarcomes, 02 cas d’ostéosarcomes, et 02 cas de métastases (une métastase d’un cancer du sein et l’autre d’un cancer thyroïdien), et 01 cas de sarcome des parties molles avec extension sur la scapula.

Technique opératoire de Malawer 

Installation : Le patient est mis en position semi latérale avec le membre supérieur qui doit être préparé pour une éventuelle manipulation en per-opératoire. L’ensemble du membre supérieur, les régions claviculaire et scapulaire sont inclus dans le champ opératoire.

 

Voie d’abord : Longue incision cutanée en « S » dont la branche supérieure suit la clavicule jusqu’à l’acromion puis s’incurve en passant sous l’épine de l’omoplate, la branche inférieure contourne le bord spinal et s’incurve vers la pointe de la scapula. Cette incision permet de délimiter deux grands lambeaux musculocutanés qui, une fois relevés, exposent largement la scapula. La cicatrice de biopsie est bien sûr excisée, afin de rester en monobloc avec la tumeur.

OSS

Figure 2 : voie d’abord de la ceinture scapulaire selon Malawer [2]

 

Résection

  • Libération musculaire : On commence par la libération de la partie postérieure du deltoïde, de la clavicule, l’épine de la scapula, le muscle trapèze en cherchant à sa partie profonde le nerf spinal qui doit être respecté.

Le dégagement de l’angle supéro-médial de la scapula est assez délicat, il faut sectionner le muscle angulaire de la scapula et c’est juste sous ce muscle que l’on trouvera l’artère scapulaire postérieure. Il est impératif de la repérer, de la ligaturer et de la sectionner en essayant de conserver ses branches destinées au trapèze.

Le muscle rhomboïde est libéré à partir de l’angle inferieur de la scapula, suivi de la libération du grand dentelé. Le soulèvement de la pointe va permettre de s’éloigner de la paroi thoracique et de continuer la libération des muscles du côté médial, latéral puis du côté supérieur ; puis on accède à l’échancrure coracoïdienne. L’artère sus-scapulaire est repérée, liée et coupée.

OSS

Figure 3 : A. Les muscles rhomboïdes et trapèzes sont libéré du bord vertébral de l’omoplate et du muscle latissimus dorsi. B. Si la tumeur n’implique ni le deltoïde ni le trapèze, ces muscles sont préservés et se reflètent sur la l’épine scapulaire et l’acromion [2].


 

  • Libération de l’articulation gléno-humérale : Les muscles sus-épineux et sous épineux sont coupés et c’est ainsi qu’on peut aborder l’articulation gléno-humérale qu’on ne peut libérer que si elle nous paraissait indemne. Par la suite, on libère la capsule antérieure et le tendon du sous-scapulaire. La longue portion du biceps est ensuite identifiée et doit subir une ténolyse.

 OSS3

Figure 4 : Relâchement des muscles péri-scapulaires. Les muscles rhomboïdes, infra-spinatus, scapulae, teres major et teres minor sont libérés de l’omoplate. La marge musculaire qui doit rester sur l’omoplate, dépend de l’étendue de la tumeur. Un brassard de 1 à 2 cm de muscle est nécessaire pour la plupart des tumeurs. Les muscles deltoïdes et trapèze sont réfléchis. S’il n’y a pas d’implication tumorale ils sont conservés [2].

3.   Libération des plans antérieurs : désarticulation acromio-claviculaire, on libère ensuite la courte portion du biceps, le tendon du petit pectoral et le coraco-brachial.

 

OSS4

Figure 5 : Libération complète de l’omoplate après une résection intra ou extra-articulaire. Le trait (A) montre une résection intra-articulaire qui indique une scapulectomie totale (résection de type III). Le trait (B) montre une ostéotomie sous la tête humérale, c’est-à-dire une scapulectomie avec résection extra-articulaire de l’articulation gléno-humérale en conjonction avec l’omoplate [2].

 

Reconstruction

Il n’est pas nécessaire de débarrasser la tête humérale du cartilage. Un tunnel antéropostérieur est foré dans la tête humérale afin d’y faire passer un ligament artificiel. Le long biceps préalablement repéré est passé dans un tunnel creusé dans le quart externe de la clavicule et il est suturé sur lui-même. Le ligament artificiel vient renforcer ce tendon. Si la coracoïde a pu être conservée, elle est fixée à la clavicule par une vis ou un fil de cerclage.

OSS5

Figure 6 : A. Aspect peropératoire, B. Radio post-opératoire. D’une suspension statique par un fil métallique huméro-claviculaire.

La reconstruction par prothèses dépend des muscles restants après résection, elle demande un capital musculaire restant (deltoïde, trapèze, rhomboïde, latissimus dorsi muscles).

 

OSS6

Figure 7 : aspects per-opératoire et post-opératoire d’une prothèse scapulaire [3].

Fermeture

La fermeture est effectuée en suturant les muscles restants, le grand dorsal, le trapèze et le deltoïde sur des drains aspiratifs de redon.

OSS7

Figure 8 : Fermeture musculaire finale. Les muscles deltoïde et trapèze ont été préservés et sont ténodés ensemble. Le latissimus dorsi est tourné vers le bord inférieur du deltoïde et vers les muscles rhomboïdes. Le latissimus est suturé aux trous dans le bord axillaire de la prothèse de l’omoplate et de la musculature adjacente à l’aide de ruban Dacron et de sutures éthibond, respectivement. En post-opératoire, un drain thoracique de calibre 28 est utilisé pour le drainage. Le bras est maintenu dans une écharpe pendant environ 2 semaines [2].

Suites de l’intervention : Le membre est immobilisé dans une attelle coude au corps ou un « Mayo Clinic » en légère abduction pendant 6 semaines. La rééducation du coude, du poignet et de la main est débutée immédiatement.

 

Résultats : La durée moyenne du suivi était de 27 mois avec des extrêmes de 03 mois à 48 mois. Les résultats cliniques étaient les suivants :

 

Résultats Oncologiques : Quatre patients vivants en bonne état général, nous recensons 5 décès (3 décès à quatre mois, 1 décès à douze mois, et 1 décès a dix-huit mois, quatre cas de récidives de tumeurs dont une malade est décédée, et un cas réopéré et stable. Aucune complication majeure, y compris une infection ou une luxation, ne s’est produite pendant ou après la chirurgie.

Résultats Oncologiques : L’évaluation du résultat fonctionnel a été faite selon le score d’Enneking [4]. (Tableau 1) qui a été conçu pour apprécier les résultats fonctionnels du traitement chirurgical des tumeurs malignes de la scapula, basé sur l’étude de la mobilité de l’épaule, la douleur, la stabilité, la déformation et la force ainsi qu’une évaluation subjective par l’appréciation de la satisfaction personnelle du patient.


 

Tableau 1 [4] :

OSS8

Pour les 09 patients on a constaté un volant d’abduction et d’antépulsion de 0°-50° obtenue grâce à une reconstruction musculaire (deltoïde et trapèze), et suspension de l’humérus sur la clavicule et une obtention des gestes usuels main bouche main tête.

Quatre patients ont un bon résultat fonctionnel (score Enneking >22), et quatre patients ont un mauvais résultat fonctionnel (score Enneking <7), un patient a eu un résultat fonctionnel moyen (score Enneking à 12).

OSS9

 

Figure 9 : scapulectomie total d’une patiente âgée de 29 ans présentant un sarcome d’Ewing de la scapula recul de 18 Mois. A. Radio de la pièce opératoire, B. Radio post opératoire montre la suspension huméro-claviculaire. C et D. Aspect clinique a 18 mois de recul.

La chirurgie permettant de sauver les membres devrait non seulement viser à obtenir de bons résultats oncologiques et fonctionnels, mais aussi à de bons résultats psychologiques [4]. Étant donné que le traitement du cancer a tendance à produire des effets secondaires à long terme gênants, l’évaluation de la qualité de vie après le traitement est importante [4].

 

Discussion

Syme [6] a fait la première scapulectomie totale pour une tumeur en 1856. Cependant, la procédure n’a pas été acceptée à cette époque par d’autres chirurgiens et elle est tombée dans le discrédit pendant de nombreuses années. En 1965, Papaioannou et Francis [7] a fait un rapport sur 26 scapulectomies et a décrit les indications et les limites de la procédure. Depuis lors, plusieurs rapports ont a été publiés, préconisant la scapulectomie comme une procédure chirurgicale adéquate pour l’os et sarcomes des tissus mous de l’omoplate [8,9,10,11,12,13,14,15].

Dans tous les cas, la tumeur était volumineuse, l’exploration par résonnance magnétique avait une importance prépondérante qui nous a permis la résection en monobloc. C’est l’extension de la tumeur qui va imposer la nature de la chirurgie.

Les limites du traitement conservateur dépendent de l’envahissement des pédicules, nerf et le mur du thorax. Quelle que soit la tumeur, la scapulectomie reste plus difficile que l’amputation.

 

Conclusion

La scapulectomie totale garde toujours ses indications dans le traitement bien conduit des tumeurs malignes osseuses. La reconstruction fait appel à plusieurs artifices pour relier le bras à ce qui reste de l’épaule permettant d’obtenir un membre ballant mais fonctionnel. Les bons résultats fonctionnels de la scapulectomie dépendront essentiellement du potentiel musculaire restant après l’extirpation de la tumeur.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.


 

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Le lupus familial : A propos de huit familles

Le lupus érythémateux systémique pédiatrique (LESp) est une pathologie auto-immune sévère, son mécanisme n’est pas bien élucidé, toutefois plusieurs facteurs ont été impliqués dont les facteurs génétiques.

 

 

 

O. Gacem (1), Z. Zeroual (2), Z. Arrada (2), H. Djoudi (3), O. Chabati (4), K. Djenouhat (5),

1 Service de pédiatrie Hôpital Djillali Belkhenchir Birtraria, Alger

2 Service de pédiatrie CHU N’fissa Hamoud Hussein Dey, Alger

3 Service de rhumatologie Hôpital de Douéra,

4 Service de pneumologie Hôpital de Rouiba

5 Service d’immunologie Hôpital de Rouiba

 

 Date de soumission : 19 Décembre 2020.

 

Résumé : Le lupus érythémateux systémique pédiatrique (LESp) est une pathologie auto-immune sévère, son mécanisme n’est pas bien élucidé, toutefois plusieurs facteurs ont été impliqués dont les facteurs génétiques. Afin d’étudier la particularité du lupus familial chez l’enfant, ce travail a été effectué, ce dernier a été possible après la réalisation d’un premier travail d’une thèse sur « le lupus érythémateux systémique chez l’enfant : les facteurs de sévérité ». C’est une étude prospective, multicentrique, descriptive, incluant les patients de moins de 16 ans présentant un LES selon les critères de la classification de l’American College of Rheumatology sur une durée de 36 mois (2015- 2018). Parmi 83 patients inclus dans l’étude, huit familles lupiques ont été retenues (8 patients suivis dans notre service et 11 membres de leurs familles). Les résultats sont les suivants : fréquence du lupus familial (9,6%), lien de parenté de premier degré (72,8%), antécédents familiaux de maladies auto-immunes majeures (100%), âge moyen de début : 6,8 ans [2-13], délai diagnostique moyen de 12 mois [2-36 mois], formes cliniques sévères (87,5%), facteurs antinucléaires (100%), anticorps Anti ADN (75%), hypocomplémentémie C3, C4 (50%), activité de la maladie (Systemic Lupus Erythematosus Disease Activity Index) ≥ 20 (50%). L’évolution a été fatale pour un patient. Conclusion : Il existe un concept d’auto-immunité familiale, dominée par les maladies auto-immunes majeures témoignant de la présence de facteurs génétiques impliqués dans le lupus familial. D’où l’intérêt des études génétiques au sein des familles de LES afin de mieux comprendre les mécanismes de la maladie.

Mots clés : lupus érythémateux systémique, enfant, familial, sévère, génétique.

 

Abstract: Childhood systemic lupus erythematosus (cSLE) is a severe autoimmune disease; its mechanism is not well understood; however, several factors have been implicated, including genetic factors. In order to report the particularity of cSLE in family-related lupus, this work was carried out. Made possible after the completion of a first work of a thesis on “Systemic lupus erythematosus in children: factors of severity” (Algiers). This is a prospective, multicenter, descriptive study, including patients less than 16 years of age with SLE according to the American College of Rheumatology classification criteria over a period of 36 months (2015-2018). Among 83 patients included in the study, eight lupus families were selected (8 patients followed in our department and 11 members of their families). The results are as follows: frequency of familial lupus (9.6%), first degree family relationship (72.8%), family history of major autoimmune diseases (100%), mean age on onset: 6, 8 years [2-13], mean diagnostic time of 12 months [2-36 months], severe clinical forms (87.5%), FAN (100%), Anti DNA (75%), C3, C4 hypocomplementemia (50%), disease activity (Systemic Lupus Erythematosus Disease Activity Index) ≥ 20 (50%). The evolution was fatal for one patient. Conclusion: There is a concept of familial autoimmunity dominated by major autoimmune diseases indicating the presence of genetic factors involved in familial lupus. Hence the interest of genetic studies within SLE families in order to better understand the mechanisms of the disease.

Keywords: Systemic lupus erythematosus, child, family, severe, genetic.


 

Introduction

La sévérité du lupus érythémateux systémique par rapport à l’adulte a été prouvée. Il est souvent sporadique et les cas familiaux sont rares (10-15%). Peu d’études de lupus familial particulièrement juvénile ont été rapportées, d’où l’intérêt de ce travail dont l’objectif est de mettre en exergue la contribution des antécédents familiaux des maladies auto-immunes majeures dans le lupus familial et de démontrer ses aspects cliniques, immunologiques et pronostiques.

Matériels et méthodes 

Il s’agit d’une étude prospective, descriptive, multicentrique intéressé plusieurs centres de recrutement dans l’Algérois, Blida, Douéra, Sétif et dont la durée était de 36 mois (2015-2018). au Le suivi des patients s’est déroulé au sein de la consultation de rhumato-pédiatrie de l’hôpital universitaire de N’Fissa Hamoud ex Parnet Hussein Dey Alger colligeant tous les patients moins de 16 ans répondant aux critères de la classification de l’American College of Rheumatology (ACR), et ayant un contexte d’un lupus familial (au moins un parent de 1er degré ou autres membres de la famille ayant un LES). Un questionnaire a été établi pour répondre à l’objectif de l’étude.

Afin d’estimer l’activité de la maladie, nous avons utilisé le score d’activité : Systemic Lupus Erythematosus Disease Activity Index (SLEDAI). Son utilisation est extrêmement répandue dans l’évaluation du LES chez l’adulte, et a été validée chez l’enfant. Ainsi, des niveaux d’activité et des critères de poussées ont été clairement déterminés. Un score ≥ 20 correspond déjà à une maladie lupique de très haute activité. Les seuils d’activité ont été établis comme suit : l’activité était considérée comme légère si le score était entre 6-10, modérée s’il était compris entre 11- 20, sévère s’il était ≥ 20 (Tableau 1).

Tableau 1 : Niveaux d’activité selon le score SLEDAI

Score SLEDAI

Niveau d’activité

= 0

Pas d’activité

[1-5]

Activité légère

[6-10]

Activité moyenne

[11-19]

Activité élevée

≥ 20

Très haute activité

 

Analyse statistique

La saisie de l’analyse statistique a été réalisée sur logiciel EPI INFO et EPIDATA version 3.2 ; nous avons fait appel à deux méthodes d’analyses statistiques. Une uni-variée en utilisant des pourcentages, des moyennes et des écart-types, et une analyse bi- et multivariée au cours de laquelle nous avons utilisé des tests statistiques de Khi-deux de Pearson, le test de Student et dans certaines situations le test exact de Fisher. Les tests statistiques réalisés, avaient un degré de signification alpha égal à 5% avec un intervalle de confiance à 95%. Les tests de Khi-deux, les moyennes et les pourcentages ont été précisés.

 

Résultats 

Données globales

Dans le cadre du premier travail dont l’objectif était d’étudier le LESp et les facteurs de sévérité, nous avons colligé 83 enfants lupiques en 3 ans.

Le sex-ratio garçon/fille était 1:4,9 (0,20), l’âge de début de la maladie avait une moyenne de 10,12 ± 3,88 ans avec des extrêmes de [2-15ans].

Les caractéristiques clinico-biologiques sont résumées dans (Figure 1). L’hypocomplémentémie était comme suit : C4 (55,4%), C3 (56,6%).

La fréquence des formes sévères était de 83%. L’activité SLEDAI était > 11 chez 64/83 patients dont 49 avait déjà un SLEDAI ≥ 20. La prévalence du décès était de 11%.

 

Lupus familial 

Nous avons étudié 8 familles lupiques dont 8 patients inclus dans notre présent travail, et 11 membres de leurs familles, ce qui fait une prévalence du lupus familial à 9,6% (Figure 2). Le lien de parenté était comme suit : 36,4% mères, 36,4% sœurs, 18,2% tantes maternelles et 9,1 cousins germains.

Les antécédents familiaux de maladies auto-immunes étaient présents chez les 8 patients (p=0,001), les 8 patients avait au moins un parent concerné par ces derniers. Les maladies auto-immunes majeures dominaient les étiologies des antécédents familiaux en l’occurrence le LES, le diabète type I, la thyroïdite et le psoriasis (44,4% ; 33,3% ; 11,11% ; 11,11%) (Figures 3).

L’âge moyen de début des symptômes était de 6,8 ans ; avec une moyenne de délai diagnostique de 12 mois et des extrêmes de [2-36 mois]. Les formes cliniques initiales étaient dans 87,5% des cas sévères, avec une association au caractère familial significative (p=0,012).

Les formes graves étaient dominées par l’atteinte hématologique (75% des cas), l’atteinte rénale (50% des cas stade IV, VI), l’atteinte cardiaque (50% des cas), l’atteinte neurologique (37,5% des cas), et le syndrome d’activation macrophagique dans un tiers des cas.

L’atteinte hépato-digestive était présente dans 25% des cas sous forme de pancréatite récidivante prise pour idiopathique pendant 2 ans d’évolution et une hépatite lupoїde ayant évolué vers une cirrhose avec un retard diagnostique manifeste de 12 mois.

L’atteinte pleuropulmonaire avait une prévalence de 37,5% des cas dans un tableau d’emballement multi-viscéral au cours des poussées lupiques. L’activité de la maladie estimée par le score SLEDAI avait une moyenne de 18 dont 62,5% des cas > 11 et 50% des cas supérieurs à 20 ; signifiant ainsi une activité très élevée.

Les FAN étaient positifs à un seuil ≥ 1/1.000 dans 88% des cas avec présence des anticorps anti- ADN dans 75% des cas. La moitié des patients avaient une hypocomplémentémie sur les fractions C3 et C4 avec persistance d’un C4 bas chez un patient. 5/8 patients ont bénéficié de l’hydroxychloroquine à dose pédiatrique sans aucun effet secondaire ; 3/8 patients ont vu ce traitement différé à cause de leur bas âge.

87,5% des patients ont reçu, à un moment donné de leur évolution et selon l’atteinte clinique, un traitement corticoïde soit per os ou en bolus. Les immunosuppresseurs en l’occurrence le cyclophosphamide en mini bolus et le Mycophenolate Mofetil (MMF) ont été prescrits selon le protocole de la prise en charge de la néphropathie lupique de stade IV et VI, et celui du neurolupus. Devant la non-réponse aux traitements usuels de la thrombopénie auto-immune qui était réfractaire chez une patiente, nous avons eu recours à l’utilisation répétée du Rituximab avant qu’elle ne soit stabilisée.

L’évolution a été fatale pour un patient à l’âge de 5 ans, ayant eu un neurolupus avec un déficit moteur et qui avait compliqué par un syndrome d’activation macrophagique suite à une infection fungique. Ce dernier avait déjà un antécédent familial : une sœur décédée au même âge et dont le diagnostic de LES infantile a été retenu chez elle à l’âge de 3 ans.

Discussion 

Le lupus familial est une entité rare, estimée entre 10 et 15% des cas. Au terme de notre étude, nous avons réuni 8 familles lupiques avec 19 patients atteints dont 12 cas pédiatriques (8 patients appartenant à notre étude et 4 autres rapportés dans les antécédents familiaux ; il s’agissait de 4 sœurs appartenant à quatre familles différentes, dont deux d’entre elles décédées à un âge précoce (5 et 7 ans).

Le lupus familial a été estimé à 9,6% de la population étudiée : ce taux est très proche des données de la littérature déjà avancées. Il est cependant très difficile de comparer nos résultats concernant ce paramètre probablement génétique, avec ceux des populations caucasiennes ou autres, car nous n’avons pas les mêmes prédispositions génétiques à ces maladies.

Le lien de parenté était de premier degré dans 72,8% des cas (mères et sœurs), avec un faible taux de consanguinité qui était de 12,5% des cas. La moitié des lupus familiaux pédiatriques avaient des antécédents familiaux de maladies auto-immunes majeures, autres que le lupus, en l’occurrence le diabète, thyroïdite et le psoriasis.

Ces données suggèrent l’interaction de plusieurs facteurs génétiques dans l’émergence du lupus familial pédiatrique ; de ce fait, la maladie serait liée à la transmission de gènes codant des « traits auto-immuns » et de gènes régulateurs ou accélérateurs de la maladie.

L’âge moyen de survenue des premiers signes du lupus familial pédiatrique était dans la moitié des cas précoce. En effet, quatre patients avaient exprimé les premiers symptômes avant l’âge de cinq ans. Comparé aux cas du lupus sporadique, l’âge de survenue du lupus familial pédiatrique était avancé.

Notre étude a démontré aussi le retard qui existe entre le délai d’apparition des premiers symptômes de la maladie, et celui d’un diagnostic retenu. En effet, la moyenne du délai diagnostique était de 12 mois avec des extrêmes de [2-36 mois], soulevant ainsi la difficulté d’un diagnostic précoce avec ses conséquences néfastes sur l’évolution. Il est dû probablement aux manifestations cliniques inaugurales qui ne sont nullement spécifiques, se résumant à des signes constitutionnels de la maladie, le plus souvent isolés et prolongés surtout chez les plus jeunes patients. Ce caractère insidieux des symptômes peut mettre des années à se compléter.

Sur les huit patients présentant un caractère familial lupique, sept ont présenté des manifestations cliniques graves (particulièrement rénales, neurologiques et syndrome d’activation macrophagique) avec parfois des formes cliniques trompeuses et rares notamment l’atteinte hépato-pancréatique évoluant rapidement vers une cirrhose micronodulaire hépatique, et des épisodes de pancréatites récidivantes sévères.

Les résultats de nos analyses ont révélé une hypocomplémentémie chez la moitié de notre série, témoignant ainsi de l’importance de la consommation de la voie classique du complément au cours de la maladie lupique familiale. La fréquence de l’hypocomplémentémie dans le lupus familial se rapproche étroitement à celle du lupus sporadique. Néanmoins, un déficit permanent en complément C4 a été confirmé chez un patient présentant un lupus sévère avec des infections graves à répétition, et dont la sœur porteuse de la même maladie était décédée dans un tableau de syndrome d’activation macrophagique avec atteinte cardiaque grave (myocardite avec choc cardiogénique).

Quant à l’activité de la maladie, le score SLEDAI était > 11 dans 62,5% des cas, dont 50% des patients ≥ 20, ceci confirmant la haute activité lupique chez cette catégorie du LESp. Nous tenons à préciser que le pronostic du lupus familial était le même que celui du lupus sporadique dans notre étude. La différence de la sévérité n’étant pas très significative entre les deux groupes. En effet, ils ont accumulé les mêmes types d’atteintes graves et les mêmes niveaux de l’activité de la maladie.

La prise en charge thérapeutique des 8 patients était basée sur la forme clinique du lupus (sévère ou légère), le type d’organe touché et l’activité SLEDAI. Néanmoins nous avons été confrontés à la non-utilisation de certaines drogues, vu le bas âge du début de la maladie, en l’occurrence l’hydroxychloroquine, ce qui a privé ces patients d’un médicament devenu incontournable dans le traitement du lupus érythémateux systémique pédiatrique, ayant prouvé ses effets bénéfiques et son rôle dans la prévention des rechutes et l’amélioration de la survie. Aussi, les glucocorticoïdes qui étaient le pilier du traitement pharmacologique chez ces patients lors des fluctuations sévères de la maladie, ont été utilisés avec appréhension du fait de leurs potentiels d’effets délétères dans cette tranche d’âge en plein croissance.L’adjonction des immunosuppresseurs était inévitable chez nos patients dans les formes avancées de néphropathies lupiques, et certaines manifestations neurologiques et hématologiques graves.

L’évolution fatale avait une incidence un peu plus élevée pour le lupus familial (12,5% des cas) en effet, parmi les huit patients étudiés un seul avait une évolution fatale par contre l’incidence du décès dans le lupus sporadique était moindre (10,6% des cas) ; parmi les 75 cas étudiés on a eu huit décès.

Notons toutefois, que la comparaison pourrait être difficile devant le faible effectif du lupus familial et la conclusion pourrait être désuète.

Nos données concernant cette entité du lupus rejoignent celles de la littérature. En effet plusieurs études en l’occurrence C. Jensina et al., avait, après une très grande cohorte, démontré dans l’ensemble qu’une histoire familiale de LES pourrait constituer un facteur de risque majeur pour le développement ultérieur de la maladie lupique et d’autres maladies auto-immunes majeures selon le degré de parenté.

G.E. Eroglu et al., en étudiant 26 familles, a mis l’accent sur les facteurs génétiques et leur rôle dans le développement et l’expression de LES au sein des autres membres de la famille, et que les facteurs environnementaux pourraient être un facteur déclenchant de la maladie.

Ce présent travail rejoint l’étude tunisienne de D. Chebbi sur 14 familles lupiques, qui suggère qu’il n’y a pas de différence significative entre les caractéristiques cliniques et biologiques entre le lupus sporadique et familial.

Néanmoins, il est plus prudent de considérer l’éventualité que le lupus familial pourrait être un facteur prédictif de sévérité de par l’âge précoce d’apparition, le retard diagnostique dû au polymorphisme clinique et les formes trompeuses, la haute activité de la maladie avec des niveaux SLEDAI élevés, et la contrainte de l’utilisation d’un panel thérapeutique lourd chez des nourrissons et petits enfants pouvant entraver une bonne croissance et engendrer des effets délétères avec parfois des séquelles définitives.

Conclusion : Le lupus familial reste une entité particulière du LESp caractérisé par son début précoce et son issue sévère, et une activité haute de la maladie. Ce présent travail a démontré la corrélation entre le concept d’auto-immunité familiale dominée par les maladies auto-immunes majeures et le caractère familial du LES pédiatrique. Il est très utile de multiplier les cohortes pédiatriques afin de soulever la particularité du lupus familial pédiatrique et de préciser les déterminants génétiques pourvoyeurs de pronostic.

 Fig 1 : Répartition selon l’atteinte clinique et biologique initiale

 

 

Fig 2. Répartition des patients selon la présence du lupus familial pédiatrique

LUP3

lup1

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Tableaux et figures :

Tableau I : ……. Niveaux d’activité selon le score SLEDAI

Tableau II : …… corrélation entre la présence des maladies auto-immunes et lupus familial

Figure 1 : ……… Répartition des patients selon les atteintes cliniques et biologiques initiales

Figure 2 : ……… Répartition des patients selon la présence du lupus familial pédiatrique

Figure 3 : ……… Répartition des patients selon les maladies auto-immunes majeures retrouvées aux antécédents familiaux dans le lupus familial


 

Références

 

  • Olivia Weill et all. Le phénotype des lupus familiaux ou syndromiques n’est pas différent des autres formes de lupus juvéniles. 10.1016/j.rhum.2016.09.009
  • Constance Jensina Ulff-Moller, Jacob Simonsen, Kirsten Ohm Kyvik, Soren Jacobsen, Morten Frisch. Family history of systemic lupus erythematosus and risk of autoimmune disease: Nationwide cohort study in Denmark 1977-2013.
  • Bader-Meunier, N. Jeremiah, F. Rieux-Laucat. Le lupus systémique à début pédiatrique : une pathologie polygénique ou mono génique ? La revue de Médecine interne. 10.1016/j.revmed.2012.10.370.
  • Sanaa Krich, Kawtar Inani, Mariame Meziane, Fatima Zohra Souilmi, Samir Atmani, Mustapha Hida, Taoufik Harmouch, Afaf Amarti, Fatima Zohra Mernissi. Le lupus systémique juvénile familial : à propos de deux familles. Pan Africain Medical Journal 2015 ; 20 :419.
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  • G E Eroglu, P F Kohler. Familial systemic lupus erythematosus: the role of genetic and environmental factors. Ann Rheum Dis 2002; 61:29–31.
  • Michel M, Johanet C, Meyer O, Francès C, Wittke F, Michel C, et al. Familial lupus erythematosus. Clinical and immunologic features of 125 multiplex families. Medicine (Baltimore) 2001; 80:153–8.
  • Amit Thakral, Marsia S, Klein-Gitelman. An update and treatment and management of pediatric systemic lupus erythematosus. Rheumtol ther August (2016) 3:209 219.
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  • D Chebbi, M Jallouli, M Snoussi, C Damak, F Frikha, R Ben Salah, H Loukil, S Marzouk and Z Bahloul. Familial lupus in Tunisia: a series of 14 families. Sage Journals Lupus (2019); Volume: 29, issue: 1, page(s): 92-95.

 

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Les hernies inguinales

La hernie inguinale est une protrusion du contenu de la cavité abdominale ou de la graisse pré-péritonéale à travers un défect herniaire dans la région inguinale. Les réparations des hernies inguinales sont les interventions les plus pratiquées en chirur­gie générale.

 

 

T. Berri (1), K. Brahmi (2)

(1) Service de Chirurgie Générale, Nouvel Hôpital de Béchar, Faculté de Médecine, Université Tahri Mohammed de Béchar

(2) Clinique chirurgicale A, CHU Benaouda Benzerdjeb, Oran, Faculté de Médecine, Université Ahmed Benbella d’Oran

 Date de soumission : 19 Août 2020.

Résumé : La hernie inguinale est une protrusion du contenu de la cavité abdominale ou de la graisse pré-péritonéale à travers un défect herniaire dans la région inguinale. Les réparations des hernies inguinales sont les interventions les plus pratiquées en chirur­gie générale. Plusieurs facteurs de risque favorisent la survenue d’une hernie inguinale : des facteurs endogènes et des facteurs exogènes. Diverses classifications ont été développées afin d’aider les chirurgiens à uniformiser leurs choix thérapeutiques. La classification EHS[1] des hernies de l’aine est celle qui est largement utilisée. L’anamnèse et l’examen physique sont souvent suffisants pour établir le diagnostic avec une sensibilité et une spécificité de 74,5% et 96,3% respectivement. Dans les situations de l’ambiguïté du diagnostic, le recours à l’imagerie inguinale (échographie, TDM et IRM) devient incontournable. Bien que la majorité des hernies soit réparée, les petites hernies primitives pauci-symptoma­tiques ou asymptomatiques ne nécessitent pas nécessairement une intervention chirurgicale. La chirurgie herniaire a considérablement évolué depuis les herniorraphies sous tension, toujours d’actualité, vers les réparations prothétiques sans tension. Ces procédés se sont multipliés, incluant les procé­dés où la prothèse est placée en avant du fascia transversalis, der­rière le fascia ou en hybride. L’implantation de la prothèse peut se faire en utilisant plusieurs approches : la voie antérieure transinguinale et la voie postérieure pré-péritonéale ouverte et laparoscopique. La morbidité post-opératoire reste relativement élevée. La plupart des complications surviennent dans la période post-opératoire précoce (hématomes, séromes, infections), alors que les complications tardives sont dominées par les douleurs chroniques et les récidives.

Mots clés : Hernie inguinale, hernie de l’aine, herniorraphie, hernioplastie, complications des hernies.

 

Abstract: Inguinal hernia is a protrusion in the inguinal region of abdominal cavity contents or the preperitoneal fat through an inguinal defect. Repairs of inguinal hernias are the most practiced interventions in general surgery. Several risk factors, endogenous and exogenous factors, may contribute to the occurrence of an inguinal hernia. Numerous classifications have been developed in order to help surgeons to uniform their therapeutic choices. The EHS classification of groin hernias is currently the most widely used in hernia field. History and physical examination are generally sufficient to make diagnosis with sensibility and specificity of 74.5% and 96.3% respectively. In case of ambiguous diagnosis, the appeal to imaging of the inguinal region (ultrasonography, CT-scan, and MRI) become inevitable. Although the majority of hernias are repaired, small primary mildly symptomatic or asymptomatic hernias do not need necessarily surgical intervention. Hernia surgery has been considerably evolved from herniorrhaphies which are still in effect, to tension-free mesh repairs. These procedures have multiplied, including procedures in which the mesh is implanted in front of the transversalis fascia, behind the fascia or in hybrid disposition. The insertion of the mesh can be achieved using several approaches: the transinguinal anterior approach and the posterior preperitoneal (open or laparoscopic) approach. Postoperative morbidity remains relatively high. Furthermore, most complications occur in the early postoperative period (hematomas, seromas, infections), whereas late complications are dominated by chronic pain and recurrence.

Key words: Inguinal hernia, groin hernia, herniorrhaphy, hernioplasty, complications of hernias

 

La hernie inguinale (HI) est une protrusion du contenu de la cavité abdominale ou de la graisse pré-péritonéale à travers un défect herniaire dans la région inguinale. Les réparations des HI sont les interventions les plus pratiquées en chirur­gie générale, mais l’incidence et la prévalence de ces hernies ne sont pas déterminées avec précision. Les HI représentent 73% des hernies de la paroi abdominale opérées [1] et 97% des hernies de l’aine réparées [2]. Leur prédominance est masculine avec un sexe ratio de 9/1 et leur prévalence est maximale chez l’enfant et le sujet âgé [3].

Physiopathologie

  • Les facteurs de risque 

Les facteurs favorisants la survenue d’une HI sont la toux et les maladies respiratoires chroniques obstructives, la constipation, la dysurie, la grossesse, l’antécédent familial de hernie, la manœuvre de Valsalva, l’ascite, les désordres congéni­taux du tissu conjonctif, la dénutrition, l’antécédent d’une chirurgie de la fosse iliaque droite, l’anévrisme artériel, le tabagisme, l’index élevé de l’activité profession­nelle, le soulèvement de charges, l’activité physique intense, et l’âge. Le rôle de l’obésité reste non encore élucidé.

La HI est associée à un désordre métabolique du collagène au niveau des tissus fibreux et aponévrotiques de l’aine [4], ce qui entraine la fragilisation du fascia transversalis, principal facteur de la survenue de la hernie. Plusieurs syndromes comportant des désordres du tissu conjonctif, et en particulier l’anomalie du collagène I et III au niveau de la peau, sont associés à une hernie de l’aine. L’utilisation de ces tissus fragilisés pour la réparation herniaire semblait être inadéquate, d’où l’idée du renforcement par des biopro­thèses.

 

  • Les types et mécanismes des hernies inguinales 

La HI peut être congénitale par l’absence d’oblitération du canal péritonéo-va­ginal après la migration du testicule (hernies indirectes), ou acquise liée à l’affaiblissement des structures musculaires et aponévrotiques de la région inguinale (hernies directes ou indirectes).

  • Les hernies obliques externes ou indirectes : ces hernies sont dues à la non oblitération du processus vaginalis (représentent 12 à 30% des hernies de l’adulte jeune [5] et sont bilatérales chez 12% des patients [6]) et/ou à la défaillance de l’intégrité du canal inguinal. Le sac passe à travers l’orifice inguinal profond en dehors des vaisseaux épigastriques inférieurs et accompagne le cordon spermatique le long du canal inguinal (Fig. 1a). Le sac d’une hernie indirecte est plus souvent en position intrafuniculaire à l’intérieur de la gaine fibrocrémastérienne. Cette situation se présente dans le cas d’une persis­tance du canal péritonéo-vaginal. Lorsque le sac dépasse l’orifice inguinal superfi­ciel et atteint le scrotum, la hernie est inguino-scrotale. Rarement, le sac se trouve en extra-funiculaire en dehors de la gaine fibrocrémastérienne. Les hernies indi­rectes sont classées en fonction de la longueur du sac herniaire en bubonocèle, her­nies funiculaires, et hernies inguino-scrotales. Quatre fois plus fréquentes que les her­nies directes, l’incidence des hernies indirectes est de 800-1.000/million de la popula­tion masculine [7].
  • Les hernies directes : sont celles où la protrusion viscérale se fait directement à travers une zone de faiblesse du mur postérieur en dedans des vaisseaux épigastriques infé­rieurs (Fig. 1b). Cette zone de faiblesse du fascia transversalis est appelée triangle de Hesselbach.
  • Les hernies obliques internes : exceptionnelles, elles siègent au niveau de la fossette ingui­nale interne, en dedans de l’artère ombilicale.
  • Les hernies mixtes en pantalon sont une coexistence d’une hernie directe et d’une hernie indirecte.
  • Les hernies par glissement : sont le plus souvent indirectes. Ce sont des hernies dont une partie de la paroi du sac est formée par un viscère abdominal (côlon, vessie, trompe ou ovaire). Ces hernies sont plus fréquentes à gauche, contenant le côlon sigmoïde, qu’à droite.Figure 1. Types de hernies inguinales. Hernie inguinale indirecte (a) ; hernie inguinale directe (b). Reproduit à partir de “Gray’s Anatomy for Students”, 2 Ed. par Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM, 2010, p. 288-289, United States: Philadelphia, PA : Churchill Livingstone/Elsevier. ©2010 par Churchill Livingstone.

 

 HERFigure 1. Types de hernies inguinales. Hernie inguinale indirecte (a) ; hernie inguinale directe (b).

Reproduit à partir de “Gray’s Anatomy for Students”, 2 Ed. par Drake RL, Wayne Vogl A, Mitchell AWM, 2010, p. 288-289, United States: Philadelphia, PA : Churchill Livingstone/Elsevier. ©2010 par Churchill Livingstone.

Classifications

La classification des HI a été considérée depuis plus de 40 ans comme une nécessité afin que les chirurgiens puissent choisir la technique chirurgicale la mieux adaptée pour chaque type de hernie et pour chaque patient. Plusieurs classifications ont été développées, et les chirurgiens conti­nuent à essayer de trouver une classification qui soit à la fois simple, facile à utiliser, reproductible, et avec un intérêt à la fois thérapeutique et pronostique.

  • Classification de Harkins, 1959 : où 5 grades ont été listés allant de la hernie indirecte de l’enfant aux hernies récidivantes et complexes [8].
  • Classification de Casten, 1967 : en 3 stades en fonction de l’état du fascia transversalis, de l’aponévrose des muscles trans­verses de l’abdomen et du ligament de Cooper [9]. Casten était le premier à introduire le concept de l’état des orifices inguinaux dans son système de classification.
  • Classification de Halverson et McVay, 1970 : La HI a été classée en 4 catégo­ries : petite HI indirecte, HI indirecte moyenne, HI indirecte large et HI directe, et hernie crurale [10].
  • Classification de Lichtenstein, 1987 : En plus des hernies indi­rectes, fémorales, et combinées, Lichtenstein avait catégorisé les hernies directes en 5 classes en fonction de l’état du mur postérieur [11].
  • Classification de Gilbert, 1988 : basée sur les altérations anato­miques et fonctionnelles constatées en per-opératoire : la présence ou absence du sac herniaire, la taille de l’orifice inguinal profond, et l’intégrité du mur postérieur au ni­veau du triangle de Hesselbach [12]. En se basant sur ces éléments, Gilbert avait re­groupé les hernies de l’aine en 5 classes : types 1, 2, et 3 sont indirectes, tandis que les types 4 et 5 sont des hernies directes.

En 1993, Rutkow et Robbins avaient élargi la classification de Gilbert en ajoutant le type 6 comportant les HI mixtes à la fois directes et indirectes, et le type 7 re­groupant toutes les hernies crurales [13].

  • Classification de Nyhus, 1991 : fait partie des classifications les plus utilisées (Tableau 1). Nyhus s’est basé sur des critères strictement anato­miques à savoir la taille de l’orifice profond et l’intégrité du mur postérieur [14].

Tableau 1. Classification de Nyhus

Type

Description

Type 1

Hernie inguinale indirecte avec un orifice profond non élargi. Le sac est dans le canal

Type 2

Hernie inguinale indirecte avec un orifice profond élargi mais le mur postérieur est intact. Le sac n’est pas dans le scrotum

Type 3a

Hernie directe avec seulement altération du mur postérieur

Type 3b

Hernie indirecte avec orifice profond élargi et altération du mur postérieur

Type 3c

Hernie crurale

Type 4

Hernies récidivées

  • Classification de Bendavid, 1993 : Bendavid avait proposé un nouveau système de classifica­tion basé sur le site anatomique, la taille du défect herniaire, et la longueur du sac. Cette classification comprend 5 types de hernies de l’aine et 3 stades pour chaque type. Dans cette classification exhaustive, Bendavid avait mis l’accent sur l’extension de la hernie qui pourrait entrainer l’altération des structures fonction­nelles comme le ligament lacunaire, le ligament inguinal [15,16].
  • Classification d’Aachen, 1995 : utilise une nomenclature proche de la classification de Nyhus mais en introduisant la mesure du diamètre de l’orifice herniaire (Tableau 2) [17].

 

Tableau 2. Classification d’Aachen

Classification

Type

L

M

Mc

F

I

II

III

Hernie latérale

Hernie médiale

Hernie mixte

Hernie crurale

Orifice herniaire < 1,5 cm

Orifice herniaire = 3 cm

Orifice herniaire > 3 cm

 

  • Classification de Stoppa [18], 1998 : en partie dérivée de la classifica­tion de Nyhus, avait introduit la notion de facteurs aggravants. Parmi ces fac­teurs, ils existent des facteurs locaux (récidive, taille, glissement), des facteurs géné­raux (activité physique, âge, déficit en collagène, constipation, obésité, pathologie prostatique ou vésicale, ou pathologie respiratoire), et des facteurs chirurgicaux (infection, diffi­culté opératoire).
  • Classification d’Alexandre, 1998 : Alexandre avait publié une classification similaire à celle de Bendavid, mais il avait proposé d’ajouter la lettre ‘‘I’’ pour incarcérée, ‘‘B’’ pour bilatérale, ou ‘‘R’’ pour récidivante [19].
  • Classification de Zollinger, 2002 : C’est une classification modi­fiée qui avait inclus toutes les classes et tous les stades de celles de Nyhus-Stoppa, Gilbert, et Aachen [20].
  • Classification de la société européenne des hernies (EHS), 2007 : La société européenne des her­nies avait proposé une classification simple, facile à apprendre et facile à enseigner, basée sur la classification d’Aachen (Tableau 3). L’objectif de cette classification était d’uniformiser les constations peropératoires d’une manière simplifiée pour les HI ou fémorales primi­tives et récidivantes et de faciliter la comparaison des résultats entre les études [21].

 

Tableau 3. Classification EHS des hernies de l’aine

 

 

P

R

 

 

 

0

1

2

3

x

L

         

M

         

F

         

P = hernie primitive ; R = hernie récidivée ; 0 = pas de hernie détectable ; 1 = < 1,5cm ; 2 = 1,5 – 3cm ; 3 = > 3cm ; x = non investigué ; L = hernie indirecte ; M = hernie directe ; F = hernie crurale.

Diagnostic

  • Examen clinique 

La sensibilité et la spécificité de l’examen clinique sont de 74,5% et 96,3% respectivement [22]. Les princi­paux symptômes inguinaux évocateurs sont une douleur localisée au niveau de l’aine ou irradiée vers le scrotum, le testicule, ou la partie proximale de la cuisse, une sensation d’une pesanteur ou brulure de l’aine, des paresthésies inguinales ou scrotales, et une tuméfac­tion inguinale ou inguino-scrotale. Ces symptômes peuvent être majorés par la manœuvre de Valsalva ou en fin de journée après une activité prolongée. Les symp­tômes extra-inguinaux bien que rares sont digestifs ou urologiques.

L’examinateur doit préciser la durée de l’évolution de la hernie, l’augmentation progres­sive du volume de la hernie par les efforts physiques, la toux ou la défécation, la réductibilité (spontanée, en position allongée ou par le patient), et la survenue d’une complication (engouement, étranglement). La recherche des facteurs de risque est capi­tale.

Une hernie peut être facilement diagnostiquée avec un examen physique bien conduit. Le patient est examiné en position debout puis en décubitus dorsal. L’inspection permet de rechercher une tuméfaction de l’aine et/ou du scrotum sans et après manœuvre de Valsalva. L’index coiffé du scrotum explore le canal inguinal à travers l’orifice inguinal superficiel. Lorsque le doigt est près de l’orifice inguinal pro­fond, l’examinateur sent la hernie en demandant au patient de tousser. La fermeture de l’orifice profond tout en faisant tousser le patient permet de différencier entre la hernie directe et indirecte. L’étranglement herniaire est suspecté en présence d’une tuméfac­tion douloureuse, dure, irréductible, parfois rouge avec des nausées et vomissements. L’encadré 1 montre les principaux diagnostics différentiels des HI.

Encadré 1. Diagnostic différentiel des hernies ingui­nales

Devant une tuméfaction de l’aine

·      Hernie crurale,

·      Adénomégalie,

·      Pathologie vasculaire (anévrisme, crosse saphénienne),

·      Tumeur malignes ou bénignes (lymphome, sarcome rétro-péritonéal, lipome, …),

·      Abcès du psoas,

·      Hématome,

·      Kyste sébacé,

·      Pathologies urologiques (ectopie testicu­laire, cryptorchidie, torsion testiculaire, hydrocèle),

·      Ascite.

Devant une douleur inguinale

·      Tendinite des adducteurs,

·      Ostéite du pubis,

·      Arthrose de la hanche,

·      Bursite ilio-pectinée,

·      Irradiation d’une douleur dorsale basse,

·      Varicocèle.

  • Imagerie 

Dans les situations de l’ambiguïté du diagnostic telle que les petites hernies ou les hernies de l’athlète, le recours à l’imagerie inguinale devient incontournable. L’échographie, la TDM et l’IRM ont une sensibilité de 86% ; 80% ; 94,5% et une spécificité de 77% ; 65% ; 96,3% respectivement pour reconnaitre une HI de diagnostic clinique difficile [23,22]. La herniographie, bien que très sensible, n’a actuellement que peu de place dans le diagnostic de la HI. La laparoscopie a été proposée par certaines équipes comme un moyen diagnostique dans le cas où le patient présente des symptômes persistants alors qu’aucun diagnostic positif n’a été obtenu par l’examen clinique, l’échographie, la TDM ou l’IRM.

 

Traitement

Contrairement à ce qui était communément recommandé dans le passé, les études ont prouvé que les petites hernies primitives, pauci-symptoma­tiques ou asymptomatiques, ne nécessitent pas nécessairement une répara­tion, du fait que les risques d’engouement et d’étranglement sont minimes [24,25]. Par ailleurs, il est recommandé de traiter chirurgicalement toutes les her­nies symptomatiques, quant aux HI étranglées, elles doivent être opé­rées de manière urgente.

L’antibioprophylaxie préopératoire dans la réparation élective des HI reste controversée. Elle devrait être envisagée en présence des facteurs de risque d’infection liés au patient (récidive, âge avancé, immunodépression), et/ou liés à la chirur­gie (temps opératoire prolongé, utilisation de drains) [26].

La chirurgie herniaire a considérablement évolué depuis les réparations tissulaires sous tension pourvoyeuses d’un taux de récidive élevé vers les réparations prothétiques sans tension. Actuellement, les procédés sans tension se sont multipliés, incluant les procé­dés où la prothèse est placée en avant du fascia transversalis (Lichtenstein, plug), der­rière le fascia (Nyhus, Stoppa, Rives, Read, Kugel, Wantz, techniques laparoscopiques), ou en hybride (PHS, ONSTEP). Plus de 200 techniques de cure de hernie de l’aine ont été décrites, mais nous n’allons citer que celles communément utilisées [5].

  • Les herniorraphies 

Plus de 70 types de herniorraphies ont été décrits dans la littérature médicale. Les herniorraphies restent toujours d’actualité et sont pratiquées lorsque la mise en place de la prothèse est contre-indiquée du fait par exemple du risque de contamina­tion. Les techniques les plus utilisées sont celles de Bassini, de Shouldice et de McVay. Bien que la technique de Shouldice soit la meilleure réparation herniaire non prothétique [27], le choix d’un procédé par rapport à l’autre dépend de l’expérience et du degré de maitrise du chirurgien ainsi que de la qualité des tissus dispo­nibles pour la réparation.

  • La technique de Marcy : elle consiste en un simple rétrécissement d’un orifice ingui­nal profond large. Ces indications sont restreintes puisqu’elle est destinée aux her­nies indirectes avec altération uniquement de l’orifice profond.
  • La technique de Bassini : introduite par Eduardo Bassini en 1887, c’est la procédure la plus répandue et révolutionnaire par le taux relativement bas des récidives par rap­port aux techniques existantes [28]. Le principe de l’intervention est d’ouvrir le fas­cia transversalis et de suturer le plan musculofascial constitué par une triple couche (bord inférieur du muscle oblique interne, bord inférieur du muscle transverse de l’abdomen et lèvre supérieure du fascia transversalis incisé) au ligament inguinal par des points séparés non résorbables.
  • La technique de Shouldice : mise à l’œuvre dans les an­nées 50 [29]. Cette technique dérivée de celle de Bassini, comporte plusieurs plans su­perposés de sutures en surjets aller-retour en « paletot » par le fil d’acier fin (ou fil monobrin non résorbable). Entre les mains d’un chirurgien expérimenté et dans des centres spécialisés, le taux de récidive est faible (0,7-1,7%), tandis qu’en pra­tique générale, les résultats sont moins bons avec un taux de récidive de 1,7-15% [26]. L’intervention de Shouldice est destinée aussi bien aux HI primitives que récidivantes.
  • La technique de McVay : elle permet de traiter aussi bien les HI que les hernies fémorales en fermant l’orifice crural [30]. L’intervention con­siste à suturer la triple couche du plan musculofascial sur le ligament de Cooper, la gaine des vaisseaux fémoraux et le ligament inguinal latéral par des points séparés. Une incision de décharge sur le feuillet antérieur de la gaine du muscle droit est nécessaire du fait de l’excès de tension sur la ligne des sutures. Le taux de récidive après 442 réparations utilisant le ligament de Cooper a été de 3,5% [10].
  • Les réparations herniaires prothétiques 

L’introduction des prothèses à la fin des années 60 a révolutionné le traitement des hernies de l’aine. Ces techniques dites sans tension ont permis de surmonter les complica­tions liées aux herniorraphies telles que les récidives et les douleurs postopéra­toires. Une gamme plus large et plus sophistiquée de biomatériaux synthé­tiques est actuellement disponible pour traiter les hernies de l’aine. Cependant, le polypropylène reste l’un des matériaux les plus couramment utilisés dans les réparations prothétiques [31]. L’implantation de la prothèse peut se faire en utilisant plusieurs approches : la voie antérieure transinguinale et la voie postérieure pré-péritonéale ouverte et laparoscopique.

  • Les réparations herniaires prothétiques par voie antérieure 
  • Intervention de Lichtenstein : introduite en 1986, elle est considérée comme le “gold standard” dans le traitement des hernies de l’aine [26]. Elle consiste à renforcer le fas­cia transversalis, qui n’est pas ouvert, par une prothèse en polypropylène allant du tendon conjoint jusqu’au ligament inguinal et permettant à travers une fente de cravater le cordon spermatique. Cette technique est facile à apprendre avec un très faible taux de récidive.
  • Technique du « plug » : le concept du plug a été initié par Lichtenstein en 1974 pour traiter les hernies crurales et quelques cas de hernies récidivées [32]. Gilbert a rap­porté par la suite la première réparation sans suture d’une HI indi­recte en couvrant complètement l’orifice myopectinéal par un bouchon (plug) en poly­propylène [33]. Par la suite, des modifications de cette approche ont conduit au développement du plug-patch décrit par Rutkow et Robbins pour les hernies directes [34].
  • Techniques de Rives : la prothèse est placée dans l’espace pré-péritonéal par voie transinguinale. Elle est fixée en bas sur le ligament de Cooper, et en haut elle est éta­lée le plus loin possible couvrant ainsi le péritoine pariétal antérieur [5]. Dans la technique originale, la prothèse est fendue pour permettre le passage du cordon sper­matique. Cette fente pourrait être évitée par une pariétalisation des éléments du cordon [35].
  • Technique de Kugel : c’est une approche mini-invasive qui utilise une prothèse en polypropylène à mémoire de forme à double couches placée par voie transingui­nale dans l’espace pré-péritonéal [36].
  • Prolene Hernia System (PHS) : c’est une prothèse “3 en 1” introduite en 1998 avec ses 2 couches, pré-péritonéale et pré-musculaire, et un plug. Elle combine la réparation de Lichtenstein à la réparation pré-péritonéale.
  • Technique de Pélissier : la technique consiste à mettre en place une prothèse dans l’espace pré-péritonéal par la voie antérieure classique. Elle correspond à une simplifi­cation de la technique de Rives rendue possible grâce à la prothèse PolysoftTM à mémoire de forme. Insérée à travers l’orifice herniaire, la prothèse couvre en plus de toute la région ingui­nale faible, l’orifice crural [37].
  • Technique ONSTEP : c’est une technique mini-invasive réalisable par la voie anté­rieure et qui ne nécessite pas de fixation. La prothèse à mémoire de forme de type PolysoftTM ou OnflexTM est placée en hybride médialement dans l’espace pré-péritonéal et latéralement en pré-musculaire [38].
  • Les réparations herniaires prothétiques par voie postérieure 

L’avantage de la voie postérieure est d’éviter la dissection du canal inguinal et le risque des lésions des nerfs inguinaux ou des éléments du cordon spermatique.

  • La voie classique 
  • Technique de Stoppa : qui consiste à renforcer le sac viscéral par une large prothèse bilatérale de 18×24 cm implantée dans l’espace pré-péritonéal sans fixation couvrant ainsi les deux régions inguino-fémorales [39]. La technique est pratiquée via une incision médiane sus-pubienne ou horizontale basse avec une dissection de l’espace de Retzius médialement et les espaces de Bogros latérale­ment.
  • Technique de Rives par voie postérieure : c’est le même procédé que celui décrit par Stoppa, mais à la différence, dans cette technique chaque côté est traité séparément par une prothèse pré-péritonéale.
  • La voie laparoscopique

Le principe de la voie laparoscopique rejoint celui de la voie classique décrite par Stoppa. Il basé sur le renforcement du sac péritonéal du côté de la hernie à l’aide d’une prothèse placée dans l’espace pré-péritonéal. Deux voies d’abord sont utilisées :

  • L’approche transabdominale pré-péritonéale (TAPP) : elle est pratiquée à l’intérieur de la cavité périto­néale en incisant le péritoine pariétale en regard de la région inguinale pour accé­der à l’espace pré-péritonéal.
  • L’approche totalement extra-périto­néale (TEP) : où la dissection de l’espace pré-péritonéal est totale­ment effectuée en extra-péritonéal sans accéder à la cavité péritonéale. La TEP nécessite un temps d’apprentissage un peu plus long par rapport à la TAPP [40].

La voie laparoscopique est associée à un retour plus rapide à l’activité et à une réduc­tion de la douleur persistante. Le taux de récidive de la laparoscopie est plus faible que celui des réparations tissulaires, et il est comparable de celui des réparations prothétiques par voie ouverte [41].

Complications et séquelles.

Le taux de complications après les réparations herniaires inguinales varie de 15 à 50% [26]. La plupart des complications surviennent dans la période post-opératoire précoce alors que les complications tardives sont dominées par la douleur chronique et la récidive. Les complications sérieuses sont rares et sou­vent l’apanage des méthodes laparoscopiques [26].

L’hématome : En chirurgie inguinale classique, le risque de constitution d’un héma­tome inguinal varie entre 5,6 et 16%. Il se présente sous forme d’un hématome sous cutané ou d’une ecchymose diffuse. Les hématomes se développent également dans le scrotum après traumatisme des vaisseaux spermatiques. Après chirurgie laparoscopique, ils peuvent se produire dans le rétropéritoine, le muscle droit de l’abdomen et la cavité périto­néale.

Les petits hématomes se résorbent spontanément, alors que pour les plus volumineux, une évacuation chirurgicale de l’hématome s’avère nécessaire à cause de la douleur, et de la tension exercée sur la peau. Dans une intention de prévenir la constitution des hématomes, il est recommandé de ne pas drainer le site opératoire sauf en cas d’hémorragie importante en per-opératoire ou si le patient présente une coagulopathie [26].

Le sérome : C’est une complication rare après la réparation des HI (0,5 – 12,2%) [26]. Il est dû à la section des lymphatiques lors de la dissection du sac du cordon spermatique. Puisque la majorité des séromes disparaissent spontanément en 6 à 8 semaines et leur ponction est souvent compliquée d’infection, il est recommandé de ne pas les aspirer et ne sont traités que ceux qui sont symptomatiques [42]. Le drainage post-opératoire préventif est controversé, et il n’y a pas de preuves également sur les moyens de compression appliqués sur le site opératoire pour la prévention de la constitution des hématomes et des séromes.

L’infection : L’infection superficielle du site opératoire est définie comme une infection survenant au niveau ou près de l’incision opératoire dans les 30 jours après l’intervention. Elle sur­vient dans 3,4% des réparations prothétiques par voie classique [43].

L’infection profonde est beaucoup plus rare (le risque d’infection est de 1 à 3% pour les techniques à ciel ouvert et <1% pour les techniques laparoscopiques) [26]. Les microcolonies bactériennes en produisant des polysaccarides forment un biofilm sur la surface de la prothèse qui empêche l’action des moyens de défense de l’hôte et limite la diffusion des antibiotiques. Dans ce cas, l’ablation de la prothèse semble être le traite­ment le plus approprié [44]. Cependant, en cas d’infection profonde non grave sur une prothèse faite de monofilaments, l’ablation de la prothèse n’est pas obligatoire, et un drainage et une antibiothérapie peuvent suffire [45]. Dans les réparations prothétiques, l’antibioprophylaxie systématique à large spectre n’a pas d’intérêt chez les patients à faible risque et dans les hôpitaux à faible taux d’infection (< 5%) [40]. L’âge > 75 ans et l’obésité sont des facteurs de risque des complications infectieuses après la chirurgie herniaire inguinale [46].

L’ostéite du pubis : causée par un point de suture ou agrafe placés sur l’épine du pu­bis.

La rétention urinaire : Elle est due essentiellement à l’action inhibitrice de l’anesthésie régionale ou générale sur le fonctionnement de la vessie.

Le traumatisme du cordon spermatique : Le traumatisme des structures vasculaires du cordon spermatique peut provoquer une orchite ischémique ou une atrophie testiculaire. Une section complète du canal déférent est traitée pendant la réparation herniaire par une anasto­mose si elle est techniquement faisable. La sténose complète séquellaire du canal défé­rent peut conduire à une infertilité, par contre la sténose partielle serait responsable d’une dyséjaculation [47]. L’utilisation des prothèses ne semble pas avoir un effet délé­tère sur le canal déférent et la fertilité [48] bien qu’une étude ait démontré le con­traire [49].

L’orchite ischémique et l’atrophie testiculaire : L’orchite ischémique post-opératoire survient en 24 à 48 heures après l’intervention chez moins de 1% des réparations herniaires primitives, et un peu plus fréquemment dans les hernies récidivantes [50,26]. Elle régresse en 4-8 semaines, sinon elle évolue vers une nécrose testiculaire en quelques jours ou vers une atrophie testiculaire après quelques mois. En plus des lésions des structures artérielles et veineuses (plexus pampiniforme) dans le cordon spermatique, l’orchite ischémique pourrait être également due à une thrombose veineuse causée par la manipulation chirurgicale [51]. L’utilisation des prothèses peut provoquer d’une façon plus ou moins transitoire une altération de la perfusion testiculaire, des anomalies cellulaires (cellules de Leydig et de Sertoli) et de la spermatogénèse [51,52,42,53].

L’orchite ischémique est habituellement traitée par les anti-inflammatoires non stéroïdiens. L’ischémie aiguë peut être évitée en préservant les vaisseaux crémastériens, en minimisant la dissection du cordon spermatique, en évitant de trop resserrer l’orifice inguinal profond, et en abandon­nant la partie distale du sac herniaire dans le scrotum dans le cas des hernies inguino-scrotales [54,26].

L’atrophie testiculaire est rare quand l’artère spermatique est ligaturée ou section­née parce qu’une circulation collatérale existe entre les 3 artères qui alimentent le testi­cule (l’artère spermatique, l’artère crémasté­rienne et l’artère déférentielle).

Le traumatisme viscéral 

Le traumatisme vésical : c’est une complication rare et qui survient essentiellement au cours de la chirurgie laparoscopique ou dans les réparations classiques des hernies directes. Pour prévenir cet incident, il est recommandé au patient de vider sa vessie juste avent l’intervention, et au chirurgien d’être attentif lors de l’ouverture du fascia transversalis dans les HI directes.

Le traumatisme de l’uretère peut se produire dans les grandes hernies par glissement quand la vessie et l’uretère sont à l’intérieur du sac herniaire.

Le traumatisme intestinal : c’est une complication très rare et elle est également l’apanage de la chirurgie laparoscopique (implantation des trocarts, électrocoagulation, trauma­tisme instrumental) avec une incidence allant de 0 à 0,21% [26]. Une anse intestinale peut également être lésée si la ligature et la section du sac d’une hernie indirecte se font à l’aveugle sans que ce dernier soit ouvert. Lors de la libération des adhérences intesti­nales à l’intérieur du sac, le chirurgien peut provoquer un traumatisme de l’intestin le plus souvent facile à réparer.

Les lésions vasculaires : En chirur­gie classique, les vaisseaux iliaques et fémoraux sont lésés par les sutures (procé­dure de McVay). Par ailleurs, en chirurgie laparoscopique, l’aorte, la veine cave et les vaisseaux iliaques peuvent être traumatisés par l’aiguille de Veress, les trocarts, ou les manœuvres de dissection. Les traumatismes des vaisseaux épigastriques inférieurs sont provoqués par les tro­carts (0-0,07%) [26], les agrafes ou les tacks, et lors de la dissection du péritoine. Les lésions de ces vaisseaux sont responsables d’un hématome expansif ou d’un hémopéritoine qui nécessiteraient une ré-intervention.

L’occlusion intestinale : L’occlusion intestinale peut survenir suite à des adhé­rences entre l’intestin et la prothèse ou par incarcération d’une anse intestinale dans un orifice de trocart après une TAPP [26]. L’utilisation des petits trocarts et la généralisa­tion de la technique TEP a réduit le taux de cette complication.

Les complications spécifiques à la laparoscopie : en plus des complications communes des réparations herniaires, cette approche peut être accompagnée d’un pneumomédiastin, un pneumothorax, un emphysème sous cutané, une hypercapnie, une acidose, des désordres hémodynamiques, et une embolie gazeuse en rapport avec l’insufflation du CO2. Les éventrations sur orifice des trocarts se produisent chez 0,7% des patients [26].

La douleur chronique : Elle est définie comme une douleur qui per­siste pendant 3 mois ou plus après la réparation herniaire. Elle représente actuellement la principale complication des réparations herniaires [55].

Les lésions nerveuses : Les nerfs rencontrés pendant la chirurgie inguinale sont le nerf ilio-inguinal, le nerf ilio-hypogastrique, et la branche génitale du nerf génito-fémo­ral. Leur traumatisme entraine des douleurs persistantes de type neuropathique, d’où l’intérêt de l’identification et de la préservation de ces nerfs [55].

Le rejet de la prothèse et migration [56,57] : La migration de la prothèse a été décrite dans toutes les variétés de réparation et en particulier les réparations utilisant le plug. La vessie est le viscère le plus souvent concerné par l’érosion et la migration des pro­thèses.

Les troubles sexuels : Peu d’études ont évalué la douleur à l’éjaculation et les dysfonc­tions sexuelles en relation avec les HI. Aasvang et al., ont retrouvé une douleur éjaculatoire ou génitale chez 12,3% des patients ayant subi une réparation herniaire et 2,8% avec une altération modérée à sévère de la fonction sexuelle [58].

La récidive : Une récidive d’une HI est une tuméfaction palpable ou non lors de la manœuvre de Valsalva due à un défect dans la région inguinale où une intervention pour HI a été antérieurement pratiquée [26]. Plusieurs facteurs de risque contribuent à la survenue d’une récidive d’une HI (Encadré 2) [42]. Le diagnostic de la récidive d’une HI est basé sur l’examen clinique et l’échographie de la région inguinale, et en cas de doute, le recours à la TDM ou l’IRM doit être envisagé [42].

Encadré 2. Facteurs de risque de récidive d’une hernie ingui­nale

Avec un niveau de preuve élevé :

Sexe féminin, hernie directe, courbe d’apprentissage incomplète et expérience insuffisante du chirurgien.

Avec un niveau de preuve moyen :

Hernie par glissement, anomalie du métabo­lisme du collagène (un antécédent d’un anévrisme de l’aorte abdominal, varices et hémorroïdes …), augmentation des taux systémiques de la métallo-protéi­nase, l’obésité, la réparation ouverte sous anesthésie locale.

Avec un niveau de preuve faible :

Hématome postopératoire précoce, répara­tion herniaire en situation d’urgence, l’éthylisme, l’âge avancé (> 65 ans), BPCO, prostatectomie, infection du site opératoire, cirrhose, constipation chronique, antécé­dent familial de hernie, et tabagisme.

Autres facteurs potentiels :

Tech­nique opératoire incorrecte (taille insuffisante de la prothèse, choix erroné du type de la prothèse, fixation inadéquate de la prothèse, …), la hernie récidivante, la durée de l’évolution de la hernie, l’ascite et la dialyse péritonéale, l’insuffisance rénale chro­nique, les pathologies cardio-respiratoires, la malnutrition, l’immunodépression, l’hypo-albuminémie, la corticothérapie, le diabète sucré, le score ASA ≥ III, le niveau social, la grossesse, l’antécédent d’une chirurgie abdominale basse, le sérome postopéra­toire, l’ischémie tissulaire dans la réparation sous tension, l’antécédent d’une thrombose veineuse profonde, une profession avec port de charges, et le travail de main-d’œuvre.

La réparation chirurgicale de toutes les récidives herniaires n’est pas incontour­nable car il n’y a à l’heure actuelle aucune évidence qui favorise ou rejette la simple surveillance de la récidive [42]. En cas de récidive, si une prothèse a été utilisée lors de la réparation primaire de la hernie, la réparation de la récidive doit utiliser une approche dans un espace qui n’a pas été utilisé antérieurement [59]. De ce fait, pour une récidive herniaire après une réparation antérieure, la réparation postérieure est recommandée ; et si la récidive survient après une réparation postérieure, la réparation par la voie antérieure est recommandée [42].

La mortalité : Le risque de mortalité après cure chirurgicale élective d’une HI est faible (< 1%) [26].

 

Références

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Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 

[1] EHS = European Hernia Society (NDLR)

 

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Editorial

Cette revue des actualités récentes sur les cancers bronchiques met en exergue les progrès réalisés ces trente dernières années dans ce domaine de l’oncologie.

 

 

Éditorial

Cette revue des actualités récentes sur les cancers bronchiques met en exergue les progrès réalisés ces trente dernières années dans ce domaine de l’oncologie.

Pour rappel, la chimiothérapie anticancéreuse avait été comparée dans une méta-analyse, aux meilleurs traitements symptomatiques au milieu de la décennie 1990, pour être validée en pratique courante. Cette chimiothérapie anticancéreuse avait été renforcée par des drogues de deuxième puis de troisième génération et enfin par des thérapies ciblées essentiellement des anticorps monoclonaux et des inhibiteurs de tyrosine kinase. Cela avait déjà permis d’augmenter la survie des cancers bronchiques non à petites cellules localement avancés et métastatiques de manière significative, permettant de dépasser 18 mois de survie. Alors que celle-ci ne dépassait pas six mois il y a vingt-cinq ans.

Les données obtenues avec ces thérapies ciblées et ces nouvelles drogues de chimiothérapie ont permis d’avancer dans la connaissance plus intime de la cancérogénèse bronchique.

Et d’ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques révolutionnaires que ce soit dans d’autres anticorps monoclonaux, d’autres TKI plus affinées en fonction des voies de signalisation, mais aussi et surtout un autre mécanisme de lutte anticancéreuse : l’immunothérapie qui a changé radicalement les paradigmes de la prise en charge des CBNPC.

En témoignent les différentes contributions de spécialistes algériens dans cette revue actualisée, qui permettront aux patients, à leurs familles et aux soignants, de passer d’une maladie mortelle à une maladie chronique dans de bonnes conditions de qualité de vie.

Professeur Kamel Bouzid

Service d’Oncologie Médicale

EHS Spécialisé en Cancérologie

Centre Pierre et Marie Curie, Alger

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Mot de la coordinatrice

Des progrès récents et convergents rendent désormais possible la notion longtemps théorique de traitement personnalisé du cancer.

 

Le mot de la coordinatrice

 

Des progrès récents et convergents rendent désormais possible la notion longtemps théorique de traitement personnalisé du cancer.

L’amélioration de la compréhension des mécanismes fondamentaux de la transformation épithéliale bronchique a permis la conception de nouvelles molécules thérapeutiques pour inhiber les signalisations cellulaires de la prolifération.

 De cette meilleure compréhension sont nées, à l’orée de ce siècle, des thérapeutiques « concepts » les thérapies ciblées qui ont, en 10 ans, prouvé leur bien-fondé.

Ainsi, au cours de la décennie écoulée le CBNPC a été la tumeur solide qui a connu le plus profond bouleversement, passant par un véritable démembrement moléculaire et une révolution thérapeutique, d’autres grandes avancées ont suivi avec le développement de l’immunothérapie.

Les articles du présent numéro permettent de faire le point sur la prise en charge des cancers bronchiques non à petites cellules au niveau national et international . Pour cela je tiens à remercier tous les auteurs et co-auteurs qui sans hésitation aucune, ont répondu positivement à la réalisation de ce numéro de la Revue El Hakim.

 

Professeur E. Kerboua

Chef d’Unité Hommes

Centre Pierre & Marie Curie, Alger

 

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Opération de Sauvé-Kapandji, Intervention de sauvetage d’un cal vicieux du radius distal. Cas clinique.

L’opération de Sauvé-Kapandji (1), a été décrite en 1936, qui consiste en une arthrodèse de l’articulation radio-ulnaire distale (RUD) associée à une pseudarthrose intentionnelle de l’extrémité distale de l’ulna. Elle garde tout son intérêt dans les indications post-traumatiques à l’origine des troubles de la pronosupination par cal vicieux du radius distal.

 

 

 

M. YAKOUBI, Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique,

EHS Abdelkader Boukhroufa, Ben Aknoun, Alger

 Date de soumission : 04 Août 2020

 

Résumé : L’opération de Sauvé-Kapandji (1), a été décrite en 1936, qui consiste en une arthrodèse de l’articulation radio-ulnaire distale (RUD) associée à une pseudarthrose intentionnelle de l’extrémité distale de l’ulna. Elle garde tout son intérêt dans les indications post-traumatiques à l’origine des troubles de la pronosupination par cal vicieux du radius distal. Dans les cals vicieux de l’extrémité distale du radius, la dislocation de l’articulation RUD, avec inversion de l’indice radio-ulnaire distal oblige donc à réaliser une arthrodèse de la tête ulnaire en bonne place, après l’avoir repositionnée dans la cavité sigmoïde du radius. La rééducation étant entreprise immédiatement, l’amplitude normale de pronosupination est retrouvée en trois à six semaines, ainsi que l’indolence. Nous l’avons utilisée chez un patient de 37 ans ayant des séquelles de traumatisme du poignet dont le but était d’évaluer les résultats obtenus au dernier recul de 18 mois.

Mots-Clés : Prono-supination, radio-ulnaire distale, cals vicieux du radius distal.

 

Abstract: The Sauvé-Kapandji operation (1), was described in 1936, which consists of arthrodesis of the distal radio-ulnar joint (RUJ) associated with an intentional pseudarthrosis of the distal end of the ulna, keeps everything its interest in post-traumatic indications at the origin of pronosupination disorders by vicious callus of the distal radius. In the vicious calluses of the distal end of the radius, the dislocation of the RUD joint, with inversion of the distal radio-ulnar index therefore obliges to perform arthrodesis of the ulnar head in the right place, after having repositioned it in the sigmoid cavity of the radius. Rehabilitation being undertaken immediately, the normal amplitude of pronosupination is found in three to six weeks, as well as indolence. We used it in a 37-year-old patient with sequelae of trauma to the wrist, the aim of which was to evaluate the results obtained at the last 18 months follow-up.

Key-Words: Pronosupination, Distal radioulnar, Distal radius callus vicious.


 

Introduction 

La consolidation vicieuse reste de loin la complication la plus fréquente des fractures du radius distal. Les déformations qui s’observent sont dans les trois plans de l’espace (bascule, translation, raccourcissement et rotation axiale). Les conséquences fonctionnelles sont liées au retentissement sur les articulations radiocarpienne et radio-ulnaire distale, ainsi que sur le carpe. La tolérance clinique est variable selon les sujets (absence de parallélisme anatomo-clinique).

Observation 

Patient de 37 ans. Soudeur de profession. Présente des séquelles d’un ancien traumatisme du poignet droit datant de 3 ans, traité dans un autre centre orthopédiquement et qui a consisté en une réduction par manœuvres externes suivie d’une immobilisation plâtrée (BABP), à l’origine d’un cal vicieux extra-articulaire de l’extrémité distale du radius.

En consultation, le patient se plaignait de douleurs localisées au niveau de l’articulation du poignet et aussi du côté ulnaire, elles étaient de type mécanique. Ces douleurs augmentent aux mouvements, surtout lors de la pronosupination, dans les mouvements d’inclinaison et lors des efforts de soulèvement. Il y a une diminution significative de la pronosupination. La pronation était de 25°, la supination de 15°. La flexion du poignet était de 50°. L’extension était de 35°. La force de serrage était à 50% comparativement au côté sain. Radiologiquement il y avait la présence d’un cal vicieux extra-articulaire de l’extrémité distale du radius associant une bascule postérieure, un raccourcissement important du radius avec inversion de l’indice RUD = -8 mm (Figure 1).

L’intervention a été réalisée sous anesthésie locorégionale après la mise en place d’un garrot pneumatique. L’incision longitudinale était en regard du bord médial de l’ulna distale. Une fois cette dernière est exposée on récline les tendons des muscles fléchisseur et extenseur ulnaires du carpe. Le premier temps opératoire consistait à repérer la zone d’ostéotomie. Elle a été réalisée à 2 cm de la pointe de la styloïde ulnaire et qui contenait la résection d’un cylindre osseux métaphysaire ulnaire de 1,5 cm.

En deuxième étape a consisté en la prise de l’extrémité distale de l’ulna par une pince à champs, permettant l’exposition des surfaces articulaires qui ont été avivées à la curette.

L’extrémité distale de l’ulna était fixée temporairement au radius par une broche transversale de Kirchner. La valeur de l’index radio-ulnaire était alors contrôlée sous amplificateur de brillance. Le positionnement de l’extrémité distale de l’ulna a restitué un index nul afin de préserver l’équilibre de l’articulation radio-carpienne. En fin d’intervention la stabilisation était maintenue par l’association de deux vis pour une meilleure compression et une bonne prise. Pour pérenniser la pseudarthrose intentionnelle la partie distale du muscle carré pronateur a été interposée entre les fragments ulnaires (Figure 2 et 3). Dans la période postopératoire le poignet était immobilisé dans une attelle plâtrée pour une durée moyenne de 4 semaines. Après cette période d’immobilisation, l’auto rééducation avait été encouragée en plus des séances de kinésithérapie en milieu hospitalier.

L’évaluation de notre cas a été réalisée avec un recul de 18 mois. Elle était basée sur des critères cliniques et radiologiques avec notification d’éventuelles complications.

De point de vue clinique, la douleur a quasiment disparu avec persistance de quelques douleurs occasionnelles aux mouvements contrariés en supination. La pronation était de 80°. La supination est passée à 70° (Figure 4). La flexion était à 60°. L’extension était de 65°. La force de serrage a été satisfaisante à 80% comparativement au côté opposé. Le patient a réintégré son poste de travail. antérieur.

Radiologiquement, la consolidation de l’arthrodèse RUD a été obtenue dans un délai de 12 semaines (Figure 5).

Nous déplorons chez notre patient une instabilité clinique du moignon proximal de l’ulna, elle était indolore ainsi que quelques ossifications secondaires au niveau du foyer de pseudarthrose intentionnelle sans conséquences.


 

Discussion 

Les lésions dégénératives post-traumatiques de l’articulation RUD surtout celles consécutives à des fractures de l’extrémité distale du radius sont de plus en plus fréquentes (2). Elles sont responsables d’une symptomatologie douloureuse du poignet. Elles limitent la fonction de l’axe antébrachial avec l’atteinte de la pronosupination et ainsi que la force de préhension.

L’intervention de Sauvé-Kapandji (SK) permet de conserver la tête de l’ulna qui stabilise le poignet contrairement à la technique de Darrach-Moore (3) qui la sacrifie, sachant que cette dernière fait gagner beaucoup de pronosupination et peu ou pas de flexion-extension.

De manière générale, dans la littérature abondante, les auteurs qui ont opté pour la technique de SK ont rapporté des résultats satisfaisants en termes d’indolence, de force de serrage, de la récupération de la mobilité notamment la pronosupination (4,5).

L’indolence obtenue a permis l’amélioration de la flexion-extension du poignet ainsi que la force de serrage. Les bons résultats sur la pronosupination sont expliqués en plus de la création d’une pseudarthrose intentionnelle où se réalise désormais la rotation du radius, mais également par le fait que la conservation de la tête ulnaire permet de maintenir en place le complexe fibrocartilagineux du ligament triangulaire (6). Ceci favoriserait une meilleure transmission physiologique des forces du bras à l’avant-bras. La rééducation est un temps capital, elle va porter sur la récupération d’amplitudes articulaires fonctionnelles (particulièrement de pronation et supination), sur l’assouplissement des plans cutanés au niveau des cicatrices pour lutter contre la fibrose de la consolidation, et la lutte contre l’amyotrophie de l’avant-bras, notamment par la stabilisation active du poignet par un travail isométrique progressif.

Conclusion

La technique de Sauvé-Kapandji par son efficacité a permis à notre jeune patient de le soulager de sa douleur, de renforcer la mobilité de son poignet et de récupérer une bonne force de préhension, ce qui lui a permis de retrouver son travail et son milieu social dans de meilleures conditions.

Figure 1 : Radiographie du poignet (Face et profil) montrant un cal vicieux de l’extrémité distale du radius.

 

Figure 2 : Technique opératoire : les gestes réalisés en schéma.

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Figure 3 : Contrôle radiologique post-opératoire.

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Figure 4 : Aspects cliniques à 6 mois de recul.

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Figure 5 : Aspects radiologiques à 6 mois de recul.

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Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Iconographie : Collections personnelles des auteurs.

 

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Le cancer du poumon. Épidémiologie et facteurs de risque.

Les cancers broncho-pulmonaires sont des cancers fréquents et de mauvais pronostic. C’est la première cause de décès par cancer en Algérie et dans le monde. Derrière ce pronostic défavorable se cachent de nombreuses disparités selon l’âge, le sexe, et l’exposition aux facteurs de risque.

 

C. Mazouzi (1), E. Kerboua (2), R. Aftis (1), N. Ferrah (1), S. Khaled (1), M. Hamdi-Cherif (3) K. Bouzid (2)

(1) Service d’Oncologie Médicale CHU Khelil Amrane de Bejaïa

(2) Centre Pierre et Marie Curie, Alger

(3) Service d’Épidémiologie CHU Saâdna Abdenour Sétif

 Date de soumission : 11 Octobre 2020

Résumé : Les cancers broncho-pulmonaires sont des cancers fréquents et de mauvais pronostic. C’est la première cause de décès par cancer en Algérie et dans le monde. Derrière ce pronostic défavorable se cachent de nombreuses disparités selon l’âge, le sexe, et l’exposition aux facteurs de risque. Il se situe au 4ème rang des cancers incidents des pays en voie de développement dont l’Algérie, tous sexes confondus. Il se place au 2e rang des cancers chez l’homme et au 3e rang chez la femme. Quel que soit l’âge observé, l’incidence de ce cancer est plus élevée chez l’homme que chez la femme ; toutefois l’écart se resserre au détriment de ces dernières. Les résultats de la recherche scientifique s’accordent pour mettre en relation les tendances des taux d’incidence et de mortalité avec la consommation de tabac, y compris le tabagisme passif. Par ailleurs, d’autres facteurs de risque sont évoqués comme l’exposition à l’amiante en milieu professionnel ou au radon pour la population générale, ou encore la prédisposition génétique. Cependant, le poids de ces facteurs étiologiques et/ou de prédisposition n’est en aucun cas comparable à celui du tabac dans la genèse du cancer du poumon et dans la mortalité qui en résulte. Nous proposons une revue de littérature dans notre article sur l’épidémiologie descriptive et analytique du cancer du poumon .

Mots clés : Cancer du poumon, incidence, mortalité, facteurs de risques.

 

Abstract: Broncho pulmonary cancers are frequent cancers with a poor prognosis. It is the first cause of death from cancer in Algeria and in the world, behind this unfavourable prognosis hides many disparities according to age, sex, and exposure to risk factors, ranks 4th among cancers incidents and developing countries including Algeria, all sexes combined. It ranks second among cancers in men and third among women. Regardless of age, the incidence of this cancer is higher in men than in women; however, use is decreasing to the detriment of the latter. Scientific research results agree to relate trends in incidence rates and mortality to tobacco consumption, including passive smoking. In addition, other risk factors are mentioned such as exposure to asbestos in the workplace or to radon for the general population, or even genetic predisposition. However, the weight of these etiological and/or predisposing factors is in no way comparable to that of tobacco in the genesis of lung cancer and in the resulting mortality. We provide a review of the literature in our article on the descriptive and analytical epidemiology of lung cancer.

Key words: Lung cancer, incidence, mortality, risk factors.

 

Introduction

Avant les années 1920, les cas de cancer du poumon étaient rares. Au cours des deux décennies suivantes, on a observé une incidence croissante, qu’on a cependant attribuée à un diagnostic amélioré et à certains facteurs connexes. L’incidence et la mortalité se sont accrues rapidement. On a observé un facteur d’âge, car les personnes âgées de 60 ans étaient 100 fois plus susceptibles de recevoir un diagnostic de cancer du poumon que celles âgées de 40 ans, et un facteur de sexe, car les hommes étaient 7 fois plus susceptibles que les femmes de recevoir ce diagnostic. Dans les années 1960, l’incidence chez les hommes a atteint un sommet, puis a commencé à diminuer, tandis que chez les femmes, ce taux a continué de s’accroître. En 1983, le taux hommes/femmes avait diminué à 2,8 [1].

Dans les années 1950, on a commencé à consigner systématiquement des historiques sur l’usage du tabac chez les patients souffrant de maladies multiples. On a alors reconnu que les non-fumeurs ne contractaient pas le cancer du poumon. On a réalisé que le lien entre l’usage du tabac et le cancer ne pouvait être démontré que par des études prospectives à grande échelle qui permettraient de dresser des historiques sur l’usage du tabac chez des personnes en apparence saines, dont on assurait le suivi sur plusieurs années. Ces études avaient pour faiblesse le manque de fiabilité des autoévaluations des mœurs tabagiques. La première étude à établir un lien de cause à effet entre le cancer et l’usage du tabac a donc été réalisée auprès de médecins, que l’on jugeait plus fiables que la population générale à cet égard. 40.000 médecins britanniques, recrutés pour l’étude par Richard Doll et Austin Bradford Hill dans les années 1950, ont été surveillés pendant les 25 années suivantes [2]. Puisque ces médecins faisaient l’objet d’un suivi serré, leur historique d’usage du tabac était plus fiable que certaines autres études, et les effets des changements de mœurs tabagiques ont donc pu être étudiés.

L’incidence mondiale du cancer du poumon

Le cancer du poumon est le type de cancer le plus répandu à travers le monde depuis 1985 [1]. En 2002, on a comptabilisé 1,35 millions de nouveaux cas, soit 12,4% des nouveaux cas de cancer. C’était également la principale cause de décès par cancer avec 1,18 millions de décès, soit 17,6% des décès par cancer dans le monde. Le cancer du poumon est le premier cancer chez l’homme en termes d’incidence et de mortalité, chez la femme son incidence arrive en 3ème place après le cancer du sein et le cancer colorectal, il arrive en 2ème place après le cancer du sein en termes de mortalité [3].

En 2012, le nombre de nouveaux cas a été estimé à 1,82 millions dont 1,24 millions d’hommes et 0,58 millions de femmes, la mortalité était de 1,59 millions de personnes. Le cancer du poumon représente 13% de l’ensemble de cas de cancer qui ont été diagnostiqués en 2012, et représente un pourcentage de 19,4% de mortalité liée au cancer.

En 2018, les nouveaux cas dans le monde ont été estimés à 46.363 (31.231 hommes et 15.132 femmes), l’évolution du taux d’incidence entre 1990 et 2018 est de -0,3% par an en moyenne chez l’homme (2010-2018) et de +5,3% par an en moyenne chez la femme.

Partout dans le monde, c’est de loin, le cancer le plus fréquent chez les hommes avec les taux les plus importants observés en Amérique du Nord et en Europe (en Europe de l’Est en particulier). Des taux modérément haut sont également observés en Australie/Nouvelle-Zélande et dans l’est asiatique (Chine et Japon). Les taux les plus élevés sont retrouvés en Amérique du Nord et en Europe. La Chine enregistre également une incidence relativement élevée [2,3,4].

Figure 1 : Incidence du cancer du poumon dans le monde 2018 (Globocan)

  • Le cancer du poumon chez la femme

Le cancer du poumon se situe au 4ème rang des cancers incidents, tous sexes confondus. Il se place au 2ème rang des cancers chez l’homme et au 3ème rang chez la femme. Quel que soit l’âge observé, l’incidence de ce cancer est plus élevée chez l’homme que chez la femme, toutefois l’écart se resserre au détriment de ces dernières. L’évolution des cas de ce cancer dans la population féminine pose question. En effet, alors que l’incidence du cancer du poumon est globalement stable, voire diminue, chez l’homme (Figure 2), et que la mortalité est en baisse, ce n’est pas le cas chez la femme. Au contraire : les taux d’incidence comme de mortalité féminines sont en forte progression depuis 1990. (Figure 3)[5].

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Figure 2 : Courbe d’incidence du cancer du poumon chez l’homme (Europe 2015)

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Figure 3 : Courbe d’incidence du cancer du poumon chez la femme (Europe 2015). (Source : Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France – Volume 1 – tumeurs solides)

 

Aux États-Unis et en Europe, la mortalité liée au cancer du poumon diminue chez l’homme depuis près de dix ans alors qu’elle est en constante augmentation chez la femme.

Entre 1990 et 2006, le taux de mortalité due au cancer du poumon chez les hommes a diminué de 25% alors que dans le même temps la mortalité par cancer du poumon chez les femmes a augmenté de près de 7%. Parallèlement, la mortalité globale liée aux cancers a diminué de près de 12% dans la population féminine.

Ces changements du taux de mortalité sont principalement liés aux caractéristiques épidémiologiques et en premier lieu à la consommation de tabac. Il existe une très bonne corrélation entre la diminution du tabagisme chez l’homme, la baisse de l’incidence puis de la mortalité par cancer du poumon et également une corrélation entre l’augmentation de la consommation de tabac chez la femme et l’accroissement du nombre de cancers du poumon et de décès. L’amélioration des traitements du cancer du poumon a permis de prolonger sensiblement la survie sans progression (PFS) ainsi que la survie globale (OS) à 12 ou 24 mois, mais avec un impact très modeste sur la survie à long terme. En effet, les statistiques américaines montrent que la survie à cinq ans des cancers du poumon est passée de 13% en 1975 à 16% en 2000 [6].

 

  • Distribution selon l’âge 

Dans les pays occidentaux, où la prévalence de cancer broncho-pulmonaire est importante, l’âge est un déterminant majeur du risque de développement de ce type de cancer. Son incidence est ainsi multipliée par 90 chez l’homme et par 30 chez la femme lorsque l’on compare les âges de 35 et de 75 ans. Le vieillissement de la population n’explique pas à lui seul l’accroissement de l’incidence des cancers pulmonaires en Europe, puisqu’on observe également une augmentation du nombre de décès prématurés, survenant avant l’âge de 65 ans. L’âge de survenue des cancers bronchiques est variable en Europe d’un pays à l’autre, résultant principalement des habitudes tabagiques des populations (Tableau I). L’analyse des incidences dans les tranches d’âge inférieures à 45 ans, entre 45 et 65 ans et au-delà de 70 ans, montre que dans les 20 prochaines années, la Grèce, l’Espagne, la France et la Belgique présenteront l’incidence la plus élevée de cancer bronchique en Europe. À l’inverse, comme cela est déjà le cas aux États-Unis, l’incidence devrait décroître chez l’homme dans les pays du Nord de l’Europe, et en particulier au Royaume-Uni, mais continuer à augmenter chez la femme [7].

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Tableau I : Distribution du cancer du poumon selon l’âge en Europe 2015 [8]. (Source : INCA 2017).

 

 

  • La distribution géographique 

Près de 60% des cas d’incidents de cancer broncho-pulmonaire surviennent dans les pays industrialisés. Il occupe ainsi la première place en termes de prévalence et de mortalité chez l’homme en Europe, Amérique du Nord, les Caraïbes, l’Amérique du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Asie du Sud-Est. Dans le monde, l’incidence la plus élevée se rencontre parmi la population masculine noire de Louisiane (110/100.000 habitants). Elle est de 62/100.000 chez les Américains de race blanche et en moyenne de 52/100.000 en Europe. À l’inverse, cette incidence reste faible en Inde rurale (1,5/100.000 habitants), en Afrique de l’Est et de l’Ouest (5/100.000 habitants) [9]. Chez l’homme, l’incidence la plus élevée est retrouvée en Belgique (75,2/100.000 habitants). Ces variations régionales sont essentiellement sensibles chez l’homme, suggérant le rôle associé de facteurs de risque d’origine professionnelle et industrielle, alors que les variations relevées chez la femme sont parallèles à la taille des agglomérations, en lien probable avec le tabagisme [10].

 

En Algérie

30.000 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués chaque année, avec une augmentation de 50% du nombre de personnes atteintes entre 1986 et 2000 (ANDS, 2003). Soit 3.399 nouveaux cas de cancers ont été enregistrés durant l’année 2003 dans la région Centre (sauf la région de Bejaïa et de Blida), avec un sex-ratio égal à 0,92 (Hammouda et al, 2003) [11]. Ces derniers chiffres sont malheureusement augmentés chaque année avec une prise en charge de moins en moins importante.

Le cancer du poumon occupe la première place chez l’homme, il représente 15% des cancers masculins, suivi du cancer colorectal et de la vessie. Tandis que chez la femme le cancer du sein se place au premier rang, suivi du cancer colorectal, du col utérin et de la thyroïde (Hammouda et al, 2003) [11]. Les données statistiques fournies par le registre du cancer concernant la région de Sétif, estiment que le cancer broncho-pulmonaire représente 18% des cancers. Il vient en première position avec un taux d’incidence standardisé (par rapport à la population mondiale) de 15,5/100.000 habitants (Hamdi-Cherif et al, 1991). Des données plus récentes (2015) fournies dans le registre du cancer de la Wilaya d’Oran, indiquent que l’incidence standardisée d’atteinte d’un cancer est de 105.4/100.000 chez les personnes de sexe masculin et de 111.5/100.000 chez les personnes de sexe féminin. [12]

Une classification rigoureuse des cancers les plus fréquemment recensés dans la population de l’Ouest algérien, a permis de classer le cancer du poumon en 2ème position, avec un pourcentage d’atteinte de 10,9% chez les deux sexes. Le cancer du poumon occupe la première position chez les personnes de sexe masculin avec 23,4%, suivi du cancer de la vessie et du cancer colorectal. Tandis, qu’il occupe le 11ème rang chez les personnes de sexe féminin avec un pourcentage de 1,1%, et se trouve largement devancé par le cancer du sein. Ce dernier est classé au 1er rang avec un pourcentage de 55,5% (Fouatih et al, 2015) [13];

En 2018, le cancer du poumon est placé en 2ème position après le cancer du sein, selon les estimation Globocan, avec 3.835 nouveaux cas tous sexes confondus, une prévalence de 3.645 cas traités pendant la même année, et une mortalité estimée à 3.826 décès, le plaçant au 1er rang en termes de mortalité (Tableau 2). Il est plus fréquent chez l’homme avec une incidence de 17,7/100.000 habitants et 2,9/100.000 habitants chez la femme (Figure 4,5) [14].

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Tableau 2 : Incidence, prévalence, mortalité du cancer du poumon Algérie 2018 (Source : Estimation Globocan 2018)

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Figure 4 : Incidence des cancers par sexe – estimations Globocan 2018 Algérie (Hamdi-Cherif, Registre du cancer Sétif 2018)

  • Distribution du cancer du poumon selon le type histologique et le pronostique

Les cancers du poumon sont classés en deux grandes catégories: le cancer du poumon non à petites cellules (NSCLC) qui représente 85% de tous les cancers du poumon et le cancer du poumon à petites cellules (SCLC) qui représente 15% (Herbst, Heymach, et Lippman 2008) [15]. Le NSCLC apparait souvent dans les tissus pulmonaires périphériques (Mac Redmond et al. 2006) [16] ; 25% des cas de NSCLC affectent les non-fumeurs (Sun, Schiller, et Gazdar 2007) [17]. Le NSCLC est caractérisé par un temps de doublement plus long (Aberle et al. 2014)[18], est divisé en 3 sous types pathologiques adénocarcinome, carcinome épidermoïde et carcinome à grandes cellules

  • L’adénocarcinome est le type le plus répandu de NSCLC, il représente 38,5% de tous les cas des cancers du poumon (Howlader et al, 2010; (Herbst, Heymach, et Lippman 2008) [15]. Il se présente sous forme un nodule périphérique (Kodama et al. 1984) [19], il est lié au tabac mais est également très fréquent chez les non-fumeurs et notamment chez la femme (Saito et al. 2017) [20].
  • L’épidermoïde qui représente 20% de tous les cancers du poumon (Herbst, Heymach, et Lippman 2008) [15], est fortement lié au tabagisme, le carcinome épidermoïde survient habituellement dans les vois respiratoires de façon centralisé (Tomashefski et al. 1990 ) [21], et il est caractérisé par une différenciation squameuse (Kumar V et al, 2013)[22].
  • Le carcinome à grandes cellules qui représente 2,9% de tous les cancers du poumon (Herbst, Heymach, et Lippman 2008) [15], est étroitement lié au tabagisme. Il se produit sous forme d’une grande masse périphérique, et est caractérisé par une croissance rapide et des métastases précoces (Ginsberg, Grewal, et Heelan 2007) [23].

Le cancer du poumon à petites cellules est la forme la plus agressive du cancer du poumon représente 14% de tous les cancers de poumon (American Cancer Society, 2014), il est associé à l’exposition au tabac (Herbst, Heymach, et Lippman 2008) [15]. Apparait fréquemment sou forme d’une masse centrale, et environ 25% sont présents en périphérie (Colby T et al, 1995) [24].

Facteurs de risque

  • Des agents reconnus cancérogènes pour le poumon

La responsabilité du tabac dans la survenue de cette maladie est un fait clairement établi. Ainsi, on estime que 80% à 90% des cancers du poumon sont directement liés au tabagisme [25]. C’est la présence de substances cancérigènes dans la fumée de tabac qui explique ce phénomène. Ce facteur de risque majeur présente certaines variations en fonction du mode de consommation du tabac et de caractéristiques individuelles :

  • La quantité de cigarettes fumées chaque jour. Plus elle est importante et plus le risque augmente.
  • La durée du tabagisme. Plus une personne fume depuis longtemps et plus elle est exposée à un risque de cancer du poumon.
  • L’âge du début du tabagisme. Bien que cela ne soit pas formellement démontré, plus la consommation de tabac est précoce et plus le risque serait élevé
  • La façon d’inhaler la fumée. Plus l’inhalation est fréquente et profonde, et plus le risque augmente.
  • L’usage d’un filtre. Il pourrait diminuer légèrement les risques.

La fumée de tabac comporte plus de 2.500 substances dont près de 60 ont été identifiées comme cancérogènes probables ou possibles. La question de l’association entre cancer bronchique et exposition passive à la fumée de tabac a été soulevée au début des années 1980 par deux publications mettant en évidence un excès de risque chez les épouses de sujets fumeurs. Depuis, plus de 50 études épidémiologiques ont été consacrées à l’analyse des effets de l’exposition à la fumée de tabac environnementale, que cela soit au domicile (exposition par le conjoint fumeur) ou sur les lieux de travail. Ces travaux notent de manière quasi constante une élévation significative du risque de mortalité par cancer bronchique dans les deux situations d’exposition [26].

L’amiante est sans conteste la plus fréquente des expositions professionnelles associées au cancer bronchique. Toutes les sortes de fibres d’amiante sont aujourd’hui reconnues comme facteur de risque du cancer bronchique. Les secteurs les plus à risque sont l’industrie textile (OR de 2 à 10), le secteur de l’isolation thermique (OR de 3 à 6), la fabrication d’amiante ciment (OR de 1,5 à 5,5), et de matériaux de friction (OR de 1,5 à 3,5)[27].

La silice

Le risque relatif de cancer du poumon associé à l’exposition professionnelle à la silice cristalline est généralement compris entre 1,2 et 1,4. Ce risque relatif, en présence de silicose, étant plus généralement compris entre 2 et 2,5, et d’environ 1,6 après ajustement sur le tabagisme [28].

Il ressort de l’analyse des cohortes les plus récentes concernant les sujets exposés au cadmium en milieu de travail, que le risque de cancer du poumon est observé dans les populations ayant eu les expositions les plus anciennes, et des niveaux d’exposition cumulée vraisemblablement les plus élevés, avec éventuellement association à d’autres agents cancérogènes, parfois incomplètement évalués. Le risque de cancer du poumon associé aux expositions environnementales au cadmium a été moins documenté [29].

L’existence d’un risque de cancer du poumon radio-induit est désormais bien établie, et plusieurs études fournissent des estimations de la relation dose-effet, en particulier pour ce qui est de l’exposition externe ou de l’inhalation de radon. Des incertitudes demeurent pour ce qui concerne l’estimation des doses et des risques associés aux expositions internes.

Parmi les autres facteurs épidémiologiques, le rôle de la substitution hormonale est régulièrement évalué dans les analyses populationnelles. Alors que plusieurs études de cohortes avec 10.000 à 20.000 participantes se sont révélées négatives, une légère augmentation du risque de cancer du poumon non à petites cellules (NSCLC) a été observée dans l’étude VITAL [30], vaste étude épidémiologique sur près de 168.000 individus aux États-Unis. Dans cette étude, le risque relatif de développer un cancer du poumon était augmenté d’un facteur de 1,48 uniquement pour les substitutions hormonales combinant œstrogènes et progestatifs mais n’a pas été observé lors de substitution par œstrogènes seuls (RR : 1,04). Par ailleurs, l’étude suisse de Bouchardy et coll., a montré que des patientes sous antiœstrogènes pour un cancer du sein, avaient une diminution de la mortalité lors de la survenue d’un cancer pulmonaire, confortant ainsi l’hypothèse que la substitution hormonale modifie le pronostic du cancer pulmonaire [31].

 

  • Des facteurs de risque encore débattus

Les données dans l’ensemble sont peu convaincantes dans l’industrie de production pour une association entre cancer du poumon et exposition aux fibres minérales artificielles (essentiellement laine de verre, laine de roche, laine de laitier). Il est actuellement trop tôt pour évaluer le risque de cancer du poumon lié aux fibres céramiques réfractaires.

Concernant les fumées de diesel, l’EPA (Environmental Protection Agency) énonce sa conclusion comme suit : « En conclusion, les études épidémiologiques sur le risque de cancer du poumon associé à l’exposition aux fumées diesel montrent des évidences cohérentes avec un lien causal. L’association observée est peu vraisemblablement le résultat de la chance ou de biais. Beaucoup d’études n’avaient pas d’informations sur le tabac, mais il est peu probable que le tabac soit à l’origine de ces résultats en particulier parce que les populations comparées dans ces études ont des caractéristiques socio-économiques proches. La force de l’association (entre 1,2 et 2,6) est relativement modeste par rapport aux standards épidémiologiques, et une relation dose-effet a été observée dans plusieurs études. Enfin, le fait que les fumées diesel augmentent le risque de cancer du poumon chez l’homme, est très plausible sur le plan biologique » [32].

Beaucoup de sociétés savantes considèrent que cette conclusion est cohérente avec les données de la littérature.

L’association entre pesticides et risque de cancer du poumon est une question difficile à documenter compte tenu des nombreux produits utilisés et de leur évolution en fonction de la période d’utilisation et des types de cultures [33].

Il existe d’autres substances cancérigènes d’origine professionnelle que l’amiante, favorisant le cancer du poumon, elles sont inscrites sur les tableaux des maladies professionnelles : les rayonnements ionisants, l’acide chromique et les chromates, les goudrons de houille, les huiles de houilles et les suies de combustion du charbon, l’inhalation de poussières ou de vapeurs arsenicales, l’inhalation de poussières ou de vapeurs renfermant des arsénopyrites aurifères, l’inhalation de poussières d’amiante, les opérations de grillage de mattes à nickel, le travail dans les mines de fer, l’inhalation de poussières ou fumées renfermant du cadmium, l’inhalation de poussières de cobalt associées au carbure de tungstène, le bis (chlorométhyl) éther. D’autres substances peuvent provoquer un cancer pulmonaire comme le béryllium [27].

  • La pollution atmosphérique ?

L’expertise collective de l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale Française) et de l’AFSSET (Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail), rendue publique en octobre 2008, a démontré que la pollution atmosphérique, d’origine automobile et industrielle, est un facteur, certes mineur comparé au tabac, mais qui pourrait favoriser le cancer pulmonaire. Cette pollution est due à des gaz, comme le dioxyde de soufre (SO2), le dioxyde d’azote (NO2), l’ozone (O3) et les fumées de diesel (Trédaniel et al., 2009). Il s’agit néanmoins de données préliminaires qui doivent être vérifiées [33].

  • Les antécédents personnels et familiaux

Les antécédents personnels d’affections respiratoires sont également un facteur de risque de cancer du poumon, en particulier les personnes atteintes de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), de silicose, de bérylliose et de tuberculose. De même, les personnes qui ont déjà été atteintes d’un cancer pulmonaire ont davantage de risque de développer un deuxième cancer pulmonaire que la population générale. Par ailleurs, un cas de cancer pulmonaire familial augmente également le risque de survenue de ce cancer (Li et al. 2008) [34]. L’existence de facteurs génétiques protecteurs est fortement probable et pourrait expliquer qu’un grand nombre de fumeurs (plus de 80%) ne développent pas de cancers pulmonaires car ils ont la capacité de mieux métaboliser les constituants cancérogènes contenus dans la fumée de cigarette. Au contraire, il existe également des facteurs de susceptibilité génétique favorisant ce cancer. Certains polymorphismes de gènes sont connus pour être associés à un risque accru de cancer du poumon. C’est le cas des gènes codant pour les sous-unités α3, α5 et β4 des récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine, pour lesquels certains polymorphismes nucléotidiques sont fortement liés à la dépendance tabagique et au cancer pulmonaire (Amos et al. 2008) [35] ; et pour le gène TERT qui code pour la télomérase reverse transcriptase (McKay et al., 2008). Cependant les mécanismes par lesquels ces polymorphismes sont associés aux cancers ne sont pas connus. De plus, Bell et al., ont décrit la présence d’une mutation germinale p.T790M du gène EGFR dans une famille présentant de multiples cas d’adénocarcinome de type bronchiolo-alvéolaire (Bell et al., 2005). Cette mutation était déjà connue comme mutation somatique, c’est-à-dire uniquement présente dans les cellules tumorales. La présence de cette mutation est associée à une résistance au traitement par anti-EGFR. Plus récemment, une mutation germinale sur l’exon 21 du gène EGFR (p.V843I) a également été décrite (Ikeda et al., 2008) [35,36].

  • Conclusion

Le cancer du poumon demeure un enjeu de santé publique majeur, avec une prévention primaire possible (tabagisme) et une prévention secondaire souhaitable. Le carcinome pulmonaire non à petites cellules est une maladie hétérogène dont les femmes constituent un sous-groupe distinct, en augmentation. Malgré les avancées thérapeutiques le pronostic reste mauvais, la bonne connaissance des facteurs de risque du cancer du poumon est un moyen efficace sur l’incidence du cancer broncho-pulmonaire, selon de nombreuses études actualisées, le tabac constitue le facteur de risque primordial dans la cancérigène de ce type de cancer, il est important de souligner les données épidémiologiques récentes en termes de mortalité et de prévalence dans notre pays pour orienter une optique préventive dans les planifications des stratégies de lutte contre le cancer du poumon.

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 

 

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Prévention et dépistage du cancer du poumon

 Le tabagisme est connu depuis les années 1950 comme étant à l’origine de l’augmentation exponentielle des cas de cancer bronchique. Le sevrage tabagique et l’éviction du tabac constituent la prévention primaire du cancer du poumon..

 

Z.B. Benlahrech1, A. Kerboua2, K. Bouzid2

(1) EPH Laghouat et Université Amar Telidji Laghouat

(2) Centre Pierre et Marie Curie, Alger

 

Date de soumission : 21 Octobre 2020

 

Résumé : Le tabagisme est connu depuis les années 1950 comme étant à l’origine de l’augmentation exponentielle des cas de cancer bronchique. Le sevrage tabagique et l’éviction du tabac constituent la prévention primaire du cancer du poumon. Pour le dépistage, plusieurs études ont été menées en incluant des populations cibles, dont les études NLST et NELSON qui comprenaient un très fort effectif de tabagiques et d’anciens tabagiques, sont en faveur d’un dépistage organisé du cancer du poumon, avec des modalités à niveaux d’irradiation très bas.

Mots clés : cancer du poumon, prévention primaire, dépistage, tabac, étude NLST, étude NELSON.

Abstract: Lung cancer represents a public health problem since it constitutes the leading cause of cancer death in both men and women in Europe. Smoking has been known since the 50s to be the most important cause of lung cancer and smoking cessation, constitute the primary prevention of lung cancer. For screening, several studies have been carried out including the NLST and NELSON studies (which included a very high number of smokers and former smokers) are in favour of organized screening for lung cancer, with very low irradiation.

Key words: lung cancer, primary prevention, screening, tobacco, smoking, NLST study, NESLSON study.


 

  • Introduction 

Le cancer bronchopulmonaire représente un problème de santé publique puisqu’il constitue la première cause de mortalité par cancer en Europe chez l’homme comme chez la femme.

La survie des patients atteints de ce cancer après le diagnostic posé est estimée à 5 ans. Le meilleur taux de survie est enregistré aux États-Unis avec 15%, la moyenne de survie est de 10% en Europe et de 8,9% dans les pays en voie de développement [1].

  • Causes des cancers broncho-pulmonaires
  • Tabagisme

Le tabagisme est connu depuis les années 1950 comme étant à l’origine de l’augmentation exponentielle des cas de cancer bronchique. Le risque attribuable au tabagisme est ainsi estimé à 80-90% des cas incidents, affectant toutes les formes histologiques. Plus de 2.000 carcinogènes sont identifiés dans le tabac, dont les hydrocarbones polycycliques (Benzopyrène) et les nitrosamines [2].

Le risque lié au tabagisme dépend :

  • De la durée de la consommation, le facteur le plus important : le risque varie comme la puissance 4 de la durée (× 16) ; alors qu’il double si la quantité double.
  • De la quantité quotidienne consommée, par exemple un demi-paquet par jour pendant 40 ans est beaucoup plus « risqué » en termes de cancer pulmonaire qu’un paquet par jour pendant 20 ans.
  • Du type de tabac utilisés
  • De l’âge de début de la consommation [2].
  • Le tabagisme passif : Il correspond à l’exposition d’un non-fumeur à la fumée de cigarette. Il augmente de 30% le risque de cancer du poumon. On estime à quelques milliers (3 à 5.000), le nombre de morts par an liées au tabagisme passif, principalement par affections cardio-vasculaires [3].
  • Autres causes

Elles sont secondaires mais donnent également le cancer du poumon.

a. Les expositions professionnelles : l’amiante, le nickel, le chrome, l’arsenic, les chlorométhyléthers, le gaz moutarde, les hydrocarbures provenant du charbon et du pétrole, les radiations (les radiations externes, les radiations des matériaux radioactifs)

b. Les facteurs non professionnels

c. La pollution atmosphérique

d. Antécédents familiaux de cancer bronchique

  • Prévention primaire

Le tabac est le premier facteur de risque de cancer, responsable de plus de 30% des décès par cancer, soit 44.000 décès chaque année toute origine de cancer confondue. La consommation de tabac est associée à une moins bonne réponse aux traitements du cancer.

Ainsi, une démarche de sensibilisation et d’accompagnement à l’arrêt du tabac est nécessaire, faisant partie intégrante du plan cancer algérien 2014-2019, a notamment comme objectif de renforcer le plan national de lutte contre le tabac (4).

La stratégie MPOWER de l’OMS repose sur les six politiques les plus efficaces pour faire reculer l’épidémie de tabagisme : monitoring (surveiller la consommation de tabac et les politiques de prévention) ; protecting (protéger la population contre la fumée du tabac) ; offering (offrir une aide à ceux qui veulent arrêter de fumer) ; warning (mettre en garde contre les méfaits du tabac) ; enforcing (interdire la publicité en faveur du tabac, la promotion et le parrainage) ; raising (augmenter les taxes sur le tabac) [5].

Aussi, la lutte contre le tabagisme est donc un élément à part entière de ce plan stratégique. Cet axe favorise la mise en œuvre de la convention cadre pour la lutte antitabac de l’OMS (CCLAT) et en priorité les mesures prioritaires de la stratégie MPOWER. Cet axe se décline en 4 objectifs et chaque objectif se décline en actions et en mesures [5].

  • Objectif 1 – Renforcer la législation et la réglementation antitabac en conformité avec les dispositions de la CCLAT
  • Objectif 2 – Créer un environnement favorable pour réduire le tabagisme
  • Objectif 3 – Offrir une aide au sevrage tabagique
  • Objectif 4 – Mettre en place un système complet et permanent de surveillance du tabagisme [5]
  • Le dépistage
  • Radiographie pulmonaire et examen cytologique des expectorations

Jusqu’à la publication des résultats de l’étude randomisée PLCO qui portait sur plus de 150.000 participants, et qui a démontré de façon définitive que la radiographie pulmonaire n’est d’aucune utilité pour le dépistage, de nombreuses études ouvertes dont quatre études randomisées, (Mémorial Sloan-Kettering Lung Project, le John Hopkins Lung Project, le Mayo Lung Project) et une étude tchécoslovaque n’ont pas pu démontrer de réduction de la mortalité spécifique. Toutefois, les effectifs de ces études n’étaient pas très élevés de sorte que leur manque de puissance a longtemps été mis en avant [6].

  • Pour les marqueurs sanguins et plasmatiques

Aucun marqueur n’a démontré pour l’instant une sensibilité et spécificité importante. Toutefois, divers biomarqueurs sont à l’étude, soit en tant que tests applicables en première intention à l’ensemble de la population que l’on souhaite dépister, soit proposés après le scanner de dépistage pour séparer les vrais positifs des faux positifs. Les marqueurs les plus prometteurs sont les micro-ARN voire les cellules circulantes. Pour l’instant, ces marqueurs restent donc exclusivement l’objet de projets de recherche [6,7].

  • Scanner thoracique spiralé à faible dose

Les résultats ELCAP qui portait sur 1.000 volontaires fumeurs ou anciens fumeurs asymptomatiques et soumis à un dépistage scanographique par scanner thoracique faiblement dosé ont été rapportés. Parmi ceux-ci, 233 présentaient un ou plusieurs nodules non calcifiés et seulement 27 d’entre eux avaient un cancer. Toutes les études ouvertes comparables menées depuis dans le monde entier, ont montré comme cette étude que le scanner était plus sensible que la radiographie mais malheureusement peu spécifique car décelant beaucoup de faux positifs. Ensuite, les études randomisées se sont suivies dans le monde dont les résultats sont résumés sur le Tableau 1. On voit sur ce tableau : les critères d’inclusion, le rythme des dépistages, la nature du bras témoin et le nombre de sujets inclus différaient, ce qui rend ces essais peu comparables les uns avec les autres.


 

Tableau 1 : Les principaux essais randomisés. Source : Milleron B, et al. Le dépistage du cancer du poumon. Rev Pneumol Clin (2016)

La preuve de l’effet significatif du scanner faiblement dosé sur la mortalité spécifique par cancer bronchopulmonaire a été rapportée en 2011 lors de la publication des résultats du National Lung Screening Trial (NLST). Cet essai prospectif randomisé a comparé le scanner faiblement dosé à la radiographie standard et avait comme objectif principal de démontrer une diminution de 20% de la mortalité spécifique par cancer bronchopulmonaire. Le choix de la radiographie pulmonaire dans le bras témoin était lié au fait qu’au moment où cet essai a été conçu, les résultats de l’étude PLCO n’étaient pas encore connus. Plus de 53.000 participants ont été inclus. Âgés de 55 à 74 ans, ils devaient être fumeurs ou anciens fumeurs, leur tabagisme cumulé devait être au moins de 30 paquets/année et, s’ils étaient anciens fumeurs, ils devaient avoir arrêté depuis moins de 15 ans [8,9].

L’examen de dépistage (radiographie pulmonaire, ou scanner faiblement dosé) a été réalisé à l’inclusion, puis à 1 an et 2 ans (soit trois examens). Les scanners étaient considérés comme positifs lorsqu’ils objectivaient des nodules de plus de 4 mm.

 

Résultat de l’étude NLST

Expliqué dans le Tableau 2 avec comme point essentiel que l’objectif principal de cet essai était atteint puisque la mortalité spécifique était réduite de 20% (p=0,004) ; et que même la mortalité globale était réduite de 6,7% (p=0,02).

 

EPI2

Tableau 2 : Principaux résultats de l’étude NLST dans le bras scanner. Source: Milleron B, et al. Le dépistage du cancer du poumon. Rev Pneumol Clin (2016)

Aujourd’hui l’étude NLST qui est prospective multicentrique à fort effectif a été jugée de bonne qualité par le groupe Cochrane. Elle démontre, avec un niveau de preuve élevé, que le dépistage par scanner thoracique faiblement dosé diminue de façon importante et significative la mortalité spécifique de la maladie et même la mortalité globale, ce qui est rare dans une action de dépistage [10].

L’étude randomisée néerlando-belge NELSON, publiée dans le New England Journal of Medicine en janvier 2020 a rassemblé les données de 13.195 hommes (analyse primaire) et 2.594 femmes (analyses de sous-groupes) âgés de 50 à 74 ans, fumeurs et anciens fumeurs, qui ont fait l’objet d’un dépistage scanner à T0 (baseline), après 1 an ; 3 ans ; 5,5 ans, et un groupe témoin n’a pas été dépisté du tout. Les chercheurs ont obtenu des données sur le diagnostic du cancer, la date et la cause du décès grâce à des liens avec les registres nationaux aux Pays-Bas et en Belgique. Un comité d’examen a confirmé le cancer du poumon comme cause de décès lorsque cela était possible. Un suivi minimum de 10 ans jusqu’au 31 décembre 2015 a été réalisé pour tous les participants [11,12,13].

 

Des taux de décès significativement améliorés dans la population dépistée

Chez les hommes, l’adhésion moyenne au dépistage par scanner était de 90,0%. En moyenne 9,2% des participants sélectionnés ont subi au moins une tomodensitométrie supplémentaire. Le taux global de référence pour les nodules suspects était de 2,1%. À 10 ans de suivi, l’incidence du cancer du poumon était de 5,58 cas pour 1.000 personnes-années dans le groupe de dépistage et de 4,91 cas pour 1.000 personnes-années dans le groupe témoin. D’autre part, la mortalité par cancer du poumon était respectivement de 2,50 décès pour 1.000 personnes-années et de 3,30 décès pour 1.000 personnes-années. Le rapport des taux cumulés de décès par cancer du poumon à 10 ans était de 0,76 dans le groupe de dépistage par rapport au groupe témoin, similaire aux valeurs des années 8 et 9. Chez les femmes, le taux était de 0,67 à 10 ans de suivi, avec des valeurs de 0,41 à 0,52 des années 7 à 9 [11,12].

Dans cet essai impliquant des personnes à haut risque, la mortalité par cancer du poumon était significativement plus faible chez ceux qui ont subi un dépistage CT volumique, que chez ceux qui n’ont subi aucun dépistage. Cette étude semble donc en faveur d’un dépistage organisé du cancer du poumon, à une époque où les modalités ont atteint des niveaux d’irradiation très bas [6,11,12].

Inconvénients du dépistage par scanner low dose

  • Irradiation

La pratique des scanners de dépistage auxquels s’ajoutent les scanners de surveillance des positifs peut faire craindre qu’une irradiation liée aux scanners vienne compenser l’effet bénéfique du dépistage en induisant par elle-même des cancers. Ce risque est réel mais il est faible puisqu’avec 1,5 mSv par examen l’irradiation est comparable à 6 mois d’irradiation naturelle en France. De plus, cette irradiation survient dans une période moins à risque de cancers radio induits [6,9].

  • Surdiagnostic

Un cancer « surdiagnostiqué » est un cancer qui n’aurait jamais été décelé pendant la vie du patient s’il n’avait pas été dépisté et qui n’aurait entraîné ni symptôme ni décès. Il est généralement estimé par l’excès de cancers observé dans le bras expérimental par rapport au bras standard dans un essai randomisé. En fait, cet excès peut également être lié à une avance au diagnostic ou à la détection de cancers à évolution lente. Dans l’étude NLST, ce risque de surdiagnostic est estimé à 18,5%, et il est encore plus élevé pour les cancers bronchiolo-alvéolaires. Il faut noter toutefois que le recul de 6 ans dont disposaient les auteurs au moment de la publication reste modeste et ne présage pas d’une évolution indolente du cancer [6,8,9].

 

  • Altération de la qualité de vie et anxiété induite par le dépistage

Un travail a été mené sur qualité de vie et l’anxiété dans l’étude NLST. Il n’a pas été observé de variations significatives des scores de qualité de vie et d’anxiété sauf chez les vrais positifs. La diminution de l’anxiété passe par une bonne information initiale qui consiste à informer le patient de la possibilité fréquente que soit décelée une anomalie autre qu’un cancer [8].

  • Conclusion

On oppose souvent le dépistage à la prévention : il serait plus utile, pense-t-on souvent, de lutter contre le tabac que de dépister le cancer bronchopulmonaire. On oublie alors que les deux actions sont complémentaires car, même si une campagne de sevrage tabagique était totalement efficace, elle ne réduirait l’incidence du cancer bronchopulmonaire que 20 ou 25 ans plus tard.

Les études NLST et NELSON sont en faveur d’un dépistage organisé du cancer du poumon, avec des modalités a niveaux d’irradiation très bas.

 

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 


 

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Manifestations radio-cliniques et diagnostic du cancer bronchique

Les premières étapes de la prise en charge d’un cancer bronchique sont fondamentales pour le choix du traitement et donc le pronostic du patient.

 

S. Souilah, Service de Pneumologie CHU Lamine Debaghine, Bab El Oued

 

Date de soumission : 11 Octobre 2020.

 

Résumé : Les premières étapes de la prise en charge d’un cancer bronchique sont fondamentales pour le choix du traitement et donc le pronostic du patient. Elles comportent le diagnostic, qui doit être établi avec certitude et précision, le bilan d’extension de la maladie, qui doit être exhaustif, et le bilan fonctionnel pré-thérapeutique. Sur le plan épidémiologique, on note un changement dans les habitudes tabagiques, influençant à la fois l’incidence et le type histologique de cancer observé. Les adénocarcinomes deviennent prévalents aux dépens des carcinomes épidermoïdes. Quelle que soit la symptomatologie clinique, la suspicion de cancer bronchique repose le plus souvent sur la reconnaissance d’un syndrome de masse parenchymateux sur la radiographie thoracique, dont le complément naturel sera la réalisation d’une exploration tomodensitométrique (TDM). Durant les dernières années, la prise en charge diagnostique et pré-thérapeutique du cancer bronchique a évolué avec l’émergence de nouvelles techniques d’exploration endobronchique, de biologie moléculaire permettant une meilleure caractérisation de la tumeur, ainsi que l’utilisation en routine de la tomographie par émission de positons couplée à la TDM (TEP- TDM), permettant un bilan d’extension plus exhaustif. Des recommandations ont été établies concernant le bilan fonctionnel cardiorespiratoire pré-opératoire et une nouvelle édition de la classification TNM est utilisée depuis 2015 (8ème édition). Ces évolutions tendent à mieux caractériser la tumeur et son extension, et à mieux appréhender la tolérance thérapeutique du patient afin de lui proposer le traitement le plus efficace et le mieux adapté.

Mots clés : Cancer bronchique, Diagnostic, bilan d’extension, bilan fonctionnel respiratoire.

 

Abstract: The first steps in the management of lung cancer are fundamental for the choice of treatment and therefore the patient’s prognosis. They include the diagnosis, which must be established with certainty and precision, the assessment of the spread of the disease, which must be exhaustive, and the functional pre-therapeutic assessment. Epidemiologically, there is a change in smoking habits, influencing both the incidence and the histological type of cancer observed. Adenocarcinomas become prevalent at the expense of squamous cell carcinomas. Whatever the clinical symptomatology, the suspicion of bronchial cancer is most often based on the recognition of a parenchymal mass syndrome on the chest x-ray, the natural complement of which will be the performance of a tomodensitometric (CT) scan. In recent years, the diagnostic and pre-therapeutic management of bronchial cancer has evolved with the emergence of new techniques for endobronchial exploration, molecular biology allowing better characterization of the tumour, as well as the routine use of positron emission tomography coupled with CT (PET-CT) allowing a more exhaustive extension assessment. Recommendations have been established concerning the preoperative cardiorespiratory functional assessment and a new edition of the TNM classification has been used since 2015 (8th edition). These changes tend to better characterize the tumour and its extension, and to better understand the patient’s therapeutic tolerance in order to offer him the most effective and best suited treatment.

Keywords: Lung cancer, diagnostic, assessment of extension, functional respiratory check-up.


 

1.    Introduction

Le cancer bronchique est la cause la plus fréquente de décès par cancer à l’échelle mondiale (Fig. 1) [1]. En Algérie, il reste un problème majeur de santé publique avec plus de 400 nouveaux cas chaque année rien qu’à Alger [2].

La plupart des patients atteints de cancer bronchique sont diagnostiqués tardivement [3]. Ce qui fait qu’une partie de la lutte contre ce cancer passe par un diagnostic le plus précoce possible, imposant de connaître et reconnaître les différentes modalités de présentation de la maladie, et une conduite à tenir diagnostique standardisée et performante afin de réduire le délai de prise en charge [4].

Un diagnostic, établi avec certitude et précision, un bilan d’extension exhaustif de la maladie, et un bilan fonctionnel pré-thérapeutique doivent permettre de proposer au patient le traitement le mieux adapté et le plus conforme aux référentiels des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP).

Figure 1 : incidence et mortalité des cancers de l’homme [1].

 

2.    Présentation clinique

Interrogatoire 

Quand suspecter le diagnostic de cancer bronchique ?

Plus de 75% des cancers bronchiques sont diagnostiqués à un stade avancé ou métastatique du fait, d’une part, de l’absence de nocicepteurs dans les bronches ou le poumon et, d’autre part, de l’absence de spécificité des symptômes révélateurs de cancers bronchiques. Par ailleurs, tout signe fonctionnel ou clinique persistant plus de 15 jours chez un fumeur ou ex-fumeur, sans explication patente, doit faire suspecter un cancer bronchique.

Néanmoins, l’existence d’une proportion non négligeable de non-fumeurs parmi les patients atteints de cancer bronchique aujourd’hui doit également pousser à suspecter le diagnostic dans cette population également, sur la base des signes suivants.

 

Facteurs de risque

Tabagisme

Le facteur de risque principal reste le tabagisme (actif et passif). Il est actuellement responsable d’environ 85% des cancers bronchiques, particulièrement le carcinome épidermoïde et le carcinome à petites cellules. On précisera l’âge de début, la durée, la date de sevrage éventuel. L’intoxication tabagique est mesurée en nombre de paquets années (PA) : un paquet de 20 cigarettes (20 g de tabac) par jour pendant un an correspond à 1 PA.

Consommation de cannabis

Il est indispensable d’inclure à présent la recherche de la consommation de cannabis en même temps que celle du tabac dans l’interrogatoire des patients. « La consultation pour suspicion de cancer du poumon est l’occasion d’évaluer la dépendance aux deux habitudes toxiques et d’encourager le sevrage ». Le cannabis peut être fumé sous forme de “joint” ou inhalé massivement sous forme de “bang”. La quantification se fait en “joint-année” calqué sur le PA : un joint par jour pendant un an correspond à un joint-année.

 

Cancérigènes d’origine professionnelle

Il ne faut pas se contenter de la dernière profession exercée et il faudra faire préciser l’ensemble du parcours professionnel (Curriculum laboris) et faire décrire les conditions de travail de métiers peu connus qui pourraient être liés à une exposition particulière potentiellement responsable de cancer bronchique (l’amiante, l’arsenic et ses dérivés, le béryllium, le bis-chlorométhyl-éther et le chlorométhyl-méthyl-éther, certains dérivés du cadmium, les dérivés du chrome hexavalent, des hydrocarbures aromatiques polycycliques dérivés du charbon (goudrons de houille, brais et huiles de houille, suies, produits générés au cours de la gazéification du charbon, de la production de coke, dans les fonderies de fonte et d’acier), certains dérivés du nickel, des poussières ou gaz radioactifs (plutonium 239, radon 222 et ses produits de filiation, ce dernier étant rencontré dans des mines de fer), et la silice cristalline.

Une exposition à ces aérocontaminants doit faire envisager le recours aux services de pathologies professionnelles afin d’initier d’éventuelles mesures de reconnaissance.

 

Signes généraux

Par définition, ces symptômes ne sont pas spécifiques et sont fréquents au diagnostic de tout cancer. Une altération de l’état général isolée (asthénie, anorexie, amaigrissement), doit faire évoquer un cancer. Ces symptômes sont des facteurs pronostiques de la maladie et doivent être recherchés et quantifiés.

Asthénie

L’asthénie correspond à une « fatigue », qu’elle soit physique et/ou psychique. Elle peut être difficile à faire préciser chez les patients dyspnéiques qui ont tendance à confondre les deux symptômes. C’est un paramètre important du performans status (PS) qui évalue l’état général.

Tableau 1 : l’indice de performance de performance de l’OMS

PS = 0

Pas d’asthénie, activité identique à celle précédant la maladie

PS = 1

Asthénie modérée, n’entrainant pas d’alitement, capable de travailler

PS = 2

Asthénie importante, néanmoins capable de prendre soin de soi, alitement < 50% du temps

PS = 3

Asthénie intense, capable seulement de quelques soins, alitement > 50%

PS = 4

Grabataire, alitement permanent

Anorexie

L’anorexie doit être quantifiée et datée afin de séparer les anorexies aiguës (pneumonies) des anorexies chroniques (cancer bronchopulmonaire).

Variations pondérales

Les variations pondérales devront être quantifiées en pesant et mesurant le patient afin de calculer l’indice de masse corporelle ou IMC (dont la norme varie entre 18,5 à 25 chez l’adulte). La cinétique de perte de poids doit être prise en compte (−5 kg sur 12 mois à différencier de −5 kg sur deux mois), tout comme le poids de base (−5 kg chez un patient de 100 kg et −5 kg chez un patient de 50 kg).

Syndrome d’altération de l’état général

Le syndrome d’altération de l’état général associe, dans des proportions variables, asthénie, anorexie et amaigrissement.

Fièvre

La température corporelle normale ne doit pas excéder 37,5° C le matin et 37,8° C l’après-midi. Si la température est prise en axillaire, il faut ajouter +0,9° C au chiffre du thermomètre, si la température est buccale ou rectale, elle est directement interprétable.

Une fièvre, ou une fébricule, peuvent également être présentes au moment du diagnostic, principalement rapportée à une infection bronchopulmonaire ou un syndrome paranéoplasique.

Signes thoraciques

Respiratoires

Les symptômes respiratoires sont souvent présents au diagnostic mais peu spécifiques, et ils inquiètent rarement le patient, d’autant qu’ils sont souvent à tort rapportés au tabagisme.

Tout signe respiratoire non expliqué en particulier chez un fumeur ou un ex-fumeur doit justifier la pratique d’une radiographie thoracique.

Ainsi, la dyspnée est rarement révélatrice, retrouvée essentiellement en cas d’obstruction bronchique proximale, ou elle peut s’accompagner d’un wheezing.

La toux est souvent révélatrice. Une toux d’apparition ou d’aggravation récente, inexpliquée, rebelle au traitement doit alarmer et faire évoquer le diagnostic de cancer bronchique. Pourtant, elle est souvent négligée par les fumeurs dont la toux est habituelle.

Devant toute hémoptysie, même minime, le cancer bronchique doit être évoqué en premier, surtout s’il s’agit d’un patient fumeur. Le plus souvent, les hémoptysies sont répétées, mêlées à une expectoration mucopurulente

Enfin, dans environ un quart des cas, un tableau d’infection respiratoire basse (pneumopathie ou bronchite) est retrouvé. Il s’agit d’infections régressant mal sous antibiotiques, récidivantes (souvent dans le même territoire). Toute pneumopathie chez un patient tabagique doit interroger sur un éventuel facteur favorisant, en particulier la présence d’un cancer bronchique.

Par envahissement locorégional

Des symptômes en rapport avec l’envahissement thoracique locorégional (au médiastin ou à la paroi thoracique) de la tumeur peuvent être observés au diagnostic de cancer bronchique.

Douleurs thoraciques

Les poumons n’ayant pas d’innervation sensitive, les douleurs thoraciques sont liées à des atteintes de la paroi (muscles, os ou articulations), de la plèvre, du cœur et des gros vaisseaux (péricarde, myocarde, aorte), de l’œsophage.

Leur intensité est évaluée à l’aide d’une échelle numérique ou visuelle analogique. Il faut préciser si elles sont responsables de réveils nocturnes ou nécessitent la prise d’antalgiques et leur type (palier 1, 2 ou 3 de l’OMS).

Comme le risque de maladie thromboembolique est plus fréquent en cas de cancer bronchique, devant une douleur thoracique brutale, la recherche d’embolie pulmonaire est systématique.

Par ailleurs, tous les organes du médiastin peuvent être envahis par la tumeur elle-même ou des adénopathies médiastinales.

Ainsi, le cancer bronchique peut être révélé par une dysphonie (en cas d’atteinte du nerf récurrent), une dysphagie (par compression de l’œsophage), un hoquet (par atteinte du diaphragme ou du nerf phrénique), un syndrome cave supérieur (œdème du visage, du cou voire des membres supérieurs, circulation veineuse collatérale, dyspnée, toux), ou une symptomatologie cardiaque ou péricardique (tamponnade, arythmie).

Un cas particulier est le syndrome de Pancoast-Tobias, dû au développement d’une tumeur à l’apex du poumon, envahissant la paroi thoracique, le plexus brachial et le ganglion sympathique stellaire. La tumeur apicale s’accompagne alors d’une lyse costale, d’une névralgie cervico-brachiale C8-D1 et d’un syndrome de Claude-Bernard-Horner (myosis, ptosis, enophtalmie).

 

Signes extra thoraciques

Métastases

Des métastases sont présentes au diagnostic d’environ 50% des cancers bronchiques. Les sites métastatiques les plus fréquents sont le poumon, la plèvre, les surrénales, le foie, les os et le système nerveux central.

Un grand nombre de symptômes peuvent accompagner ces métastases (douleurs osseuses, signes d’hypertension intracrânienne, céphalée, crise convulsive, troubles moteurs, etc.). Lorsque les symptômes d’une métastase amènent le diagnostic de cancer bronchique, on parle de métastase prévalente.

 

Syndromes paranéoplasiques

Il s’agit d’un ensemble de symptômes secondaires à l’existence du cancer, indépendants des mécanismes de compression tumorale, dus à la sécrétion par les cellules tumorales d’anticorps, d’hormones ou de peptides agissant à distance de la tumeur.

Ils sont plus fréquents en cas de cancer à petites cellules (10 à 20% des cas). Il peut s’agir de manifestations hormonales (syndrome de Cushing, hypercalcémie, syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique), neurologiques (syndrome de Lambert-Eaton, neuropathies), ostéo-articulaires (ostéopathie hypertrophiante pneumique de Pierre-Marie et Foix, hippocratisme digital isolé), cutanéo-musculaires (érythème, dermatomyosite) ou biologiques (syndrome néphrotique, hyperleucocytose, thrombopénie, coagulopathies).

Examen physique

Appréciation de l’état général (PS) et recherche de signes cliniques en faveur d’une extension loco-régionale, d’adénopathies sus-claviculaires et périphériques, de métastases à distance.

 

Inspection

Un syndrome cave supérieur

Le syndrome cave supérieur associe une circulation veineuse collatérale, un œdème en « pèlerine » (bilatéral), un œdème du cou et de la face, des paupières gonflées au réveil et un aspect cyanosé des lèvres, en général associé à une turgescence jugulaire (Fig. 2. A).

Hippocratisme digital

L’hippocratisme digital est l’élargissement des extrémités des doigts (et des orteils) avec bombements des ongles « en verre de montre », donnant aux doigts un aspect en « baguettes de tambour » (Fig .2. B).

Il peut être isolé ou faire partie de l’ostéopathie hypertrophiante pneumique (de Pierre-Marie), s’accompagnant alors d’arthralgies, de douleurs au niveau de la diaphyse des os longs avec appositions périostées radiologiques (syndrome paranéoplasique du cancer bronchique).

 CLI2  CLI3

: Circulation veineuse collatérale thoracique et turgescence jugulaire externe bilatérale

                     B : Hippocratisme digital

Figure 2 : syndrome cave supérieur et hippocratisme digital [5].

Palpation

La palpation permet enfin de rechercher des points douloureux, d’explorer les aires ganglionnaires, de rechercher une tuméfaction mammaire, sous-cutanée ou osseuse.

Certains tableaux cliniques nécessitent une prise en charge en urgence ou semi-urgence (syndrome cave supérieur, douleurs importantes ou hémoptysie selon son abondance, maladie thromboembolique, pleurésie abondante, stridor, hypertension intracrânienne).

 

3.    Présentation radiologique

Quelle que soit la symptomatologie clinique, la suspicion de cancer bronchopulmonaire repose le plus souvent sur la reconnaissance d’un syndrome de masse parenchymateux sur la radiographie thoracique, dont le complément naturel sera la réalisation d’une tomodensitométrie thoracique. La difficulté diagnostique essentielle concerne le problème du nodule pulmonaire solitaire. La tomodensitométrie peut apporter des éléments complémentaires et participer au diagnostic histologique en permettant le guidage d’une éventuelle ponction biopsie [6].

 

Radiographie thoracique

Les signes radiologiques dépendent du siège central ou périphérique de la tumeur.

Tumeurs centrales

La tumeur centrale se développe en endobronchique et/ou en transbronchique. Lorsque la croissance s’effectue essentiellement en endobronchique, la conséquence directe est la sténose avec troubles ventilatoires d’aval (Fig. 3. A). Leur expression radiologique est variable : piégeage, collapsus aéré ou non, pneumopathie obstructive.

Dans le cas d’un développement transbronchique de la tumeur, la lésion apparaît comme une masse hilaire isolée ou associée à un trouble de ventilation. S’il existe un collapsus non aéré d’aval, la tumeur peut être noyée dans l’opacité et non reconnue. Ces masses tumorales proximales peuvent être associées à des adénopathies de la région hilaire. Dans ce cas, il est difficile de différencier tumeur et adénopathies, et l’on parle de complexe gangliotumoral.

Il faut savoir qu’une radiographie thoracique normale n’élimine pas la possibilité de cancer bronchique.

Tumeurs périphériques

La plupart de ces tumeurs périphériques se traduisent par l’existence d’une masse arrondie à contours réguliers (Fig. 3. B), lobulés ou irréguliers, de plage homogène ou non avec parfois une excavation centrale.

La radiographie thoracique ne permet de voir que les lésions évidentes, les pleurésies, ou les lyses costales et doit toujours être complétée en cas d’anomalie par un scanner thoracique.

 CLI4  CLI5

A Diminution de transparence de l’hémi- champ pulmonaire gauche paratélectasie lobaire supérieure secondaire à un syndrome de masse de larégionla région hilaire

B Opacité nodulaire lobaire supérieure droite.

Figure 3 : radiographie thoracique de face[7].

Tomodensitométrie

Un scanner thoracique avec injection doit être réalisé devant toute suspicion de cancer bronchique, sauf contre-indication.

Une première hélice sans injection sur les surrénales est recommandée afin de caractériser plus facilement un éventuel nodule surrénalien. Idéalement, l’hélice injectée couvre également l’abdomen (foie et surrénales), et les aires sus-claviculaires (potentiels ganglions classant le malade N3). L’injection doit permettre d’opacifier de façon satisfaisante les vaisseaux médiastinaux, afin d’analyser de façon précise leurs rapports avec la tumeur lorsque celle-ci est développée au contact du médiastin, et de mieux visualiser les hiles et les éventuelles adénopathies.

Elle permet également de différencier la tumeur d’un éventuel collapsus associé et de visualiser des zones de nécrose tumorale (Fig. 4). En cas d’épanchement pleural, une pré-imprégnation peut être intéressante pour détecter des signes d’atteinte spécifique.

Il s’agit d’injecter une partie du produit de contraste (généralement un tiers de la quantité totale) au patient, et d’attendre 2 à 3 minutes avant d’injecter la deuxième partie et de lancer l’hélice. Cette pré-imprégnation est intéressante pour l’étude de la pathologie pleurale en général, et notamment pour le bilan d’épanchements pleuraux récidivants.

La TDM thoracique apportera des précisions sur la lésion primitive, sa topographie, sa localisation hilaire centrale ou périphérique, son caractère systématisé, rétractile ou non rétractile, ses rapports avec les structures avoisinantes de la paroi thoracique, de la plèvre ou du médiastin (Fig. 4) [8].

La TDM thoracique devra idéalement être faite avant les examens à visée diagnostique dont il améliore la précision diagnostique [8,9].

 

 CLI6

Sténose de la bronche lobaire supérieure gauche (flèche) avec atélectasie d’aval et mauvaise différenciation entre tumeur et trouble ventilatoire.

 CLI7

Syndrome tumoral à développement endoluminal au niveau du tronc bronchique intermédiaire (flèche).

 CLI8

Syndrome tumoral apical droit à contours lobulés et irréguliers spiculaires associés à des prolongements linéaires vers la plèvre.

 CLI9

Coupe axiale en fenêtre médiastinale après injection de produit de contraste iodé et pré imprégnation pleurale. L’injection de produit de contraste permet de différencier la tumeur (double flèche jaune) du collapsus (flèche rouge)et de l’épanchement pleural (astérisque) associés. Elle permet également de visualiser l’épaississement nodulaire de la plèvre (têtes de flèches), très suspect d’atteinte pleurale métastatique (M1a)

Figure 4 : Coupe TDM avec injection de produit de contraste [7].

TEP- TDM

La TEP- TDM s’avère également une méthode très intéressante pour le diagnostic positif de malignité d’un syndrome de masse bronchopulmonaire. En effet, les tumeurs malignes bronchopulmonaires présentent une augmentation du métabolisme du glucose liée, d’une part à l’augmentation du nombre des protéines de transport du glucose, et d’autre part, à une élévation du taux intracellulaire d’enzymes (hexokinase et phosphofructokinase) qui vont amorcer la glycolyse [10]. Mais si la TEP-TDM est intéressante pour préciser le caractère malin ou bénin d’une lésion parenchymateuse pulmonaire, elle est surtout utile dans la conduite à tenir devant la découverte d’un nodule pulmonaire du fait d’une valeur prédictive négative élevée [11,12].

Elle contribue à différencier les nodules bénins des nodules malins avec des performances supérieures aux techniques d’imagerie conventionnelle [13, 14]. Elle permet dès lors de diminuer la fréquence des actes techniques invasifs, et de la thoracotomie lors de la prise en charge d’un nodule pulmonaire isolé.

4.    Examens à visée diagnostique

Le diagnostic du cancer bronchique est histologique et le choix de la technique de prélèvement pour réaliser cet examen dépend de la localisation de la maladie (déterminée par l’examen clinique et l’imagerie), de l’état général du patient et de ses comorbidités.

L’examen anatomopathologique peut être fait sur des prélèvements tissulaires (biopsies), ou à défaut, cytologiques (lavage, brossage, ponction aspiration) de la tumeur [15]. L’analyse des adénopathies ou d’un site métastatique accessible peut également être réalisée.

La bronchoscopie souple

C’est la technique de référence pour confirmer le diagnostic lorsque la tumeur siège au niveau de l’arbre bronchique principal.

En cas de tumeurs centrales endo-bronchiques, les prélèvements biopsiques devront intéresser la tumeur elle-même, la base d’implantation, et en pleine tumeur, les éperons voisins et la carène si nécessaire. L’étude cytologique du produit d’aspiration réalisée dans de bonnes conditions, peut aider au diagnostic. Il est recommandé de réaliser 5 biopsies pour le diagnostic et 5 biopsies supplémentaires pour phénotypage et génotypage [16], accompagnées d’un brossage, d’un lavage et d’une aspiration de manière à obtenir une rentabilité estimée à près de 80%. La fixation des prélèvements histologiques doit utiliser le formol.

Dans le cas d’une tumeur centrale sous-muqueuse ou péri-bronchique, la cytoponction trans-bronchique permet de réaliser de manière peu invasive un diagnostic et/ou un staging, avec un rendement diagnostique moyen de 70% [17]. La rentabilité diagnostique de la cytoponction trans-bronchique augmente jusqu’à 98% selon les études, quand elle est réalisée en écho-endoscopie.

Les développements récents, liés à l’apport de l’échographie endoscopique et au guidage par navigation électromagnétique ont permis l’exploration diagnostique des lésions périphériques, ainsi que l’évaluation du médiastin, limitant les procédures invasives, telles que la médiastinoscopie et la vidéothoracoscopie [18].

Ces progrès positionnent l’expert de l’endoscopie sur un pied d’égalité avec le radiologue pour l’évaluation de la lésion pulmonaire périphérique ou du chirurgien pour l’exploration médiastinale.

 

La ponction-biopsie par voie transpariétale

En cas de négativité de la bronchoscopie souple et de lésion accessible, une ponction-biopsie transpariétale réalisée sous anesthésie locale peut être proposée, guidée par scanner ou exceptionnellement par échographie en cas d’envahissement pariétal. Cet examen présente une sensibilité de 90% et une spécificité de 97%. Il est recommandé de réaliser 1 à 2 carottes, en gauge 18 et en coaxial.

Techniques chirurgicales

La vidéothoracoscopie et la thoracotomie doivent être limitées au cas où les techniques moins invasives n’ont pu être réalisées ou n’ont pas permis de confirmer le diagnostic. Chez un patient opérable, la thoracotomie peut permettre un geste à la fois diagnostique et thérapeutique si l’examen anatomopathologique extemporané conclut à la malignité.

Autres prélèvements

Les lésions suspectes, pleurale, ganglionnaire ou à distance, permettront un prélèvement qui aidera à poser le diagnostic et à préciser l’extension locorégionale ou métastatique.

 

5.    Annonce du diagnostic

Toute démarche clinique ayant abouti à un diagnostic de certitude de cancer bronchique doit obligatoirement être suivie par une annonce du diagnostic de la maladie au patient et à sa famille.

L’annonce diagnostique devra se faire dans des conditions optimales, avec un temps de consultation dédiée et des ressources adéquates (psycho-oncologue, infirmière, etc.). Le lien avec la médecine de ville sera renforcé. L’annonce portera sur le diagnostic mais aussi le plan personnalisé de soins et les mesures associées (déclaration de maladie professionnelle, préservation de la fertilité si applicable, etc.)

 

6.    Bilan pré-thérapeutique

La chirurgie constitue la thérapeutique la plus efficace du cancer bronchique non à petites cellules. Il est donc nécessaire de réaliser une sélection rigoureuse des patients candidats à la chirurgie, et cette sélection ne peut se faire qu’en réalisant un bilan d’extension locorégional et général aussi précis que possible.

Le bilan pré-thérapeutique doit être réalisé dans des délais les plus courts possibles et dépend évidemment de l’accessibilité aux examens et de l’état physiologique du patient [19].

Bilan d’extension

La prise en charge thérapeutique du cancer bronchique dépend du stade de la maladie, et de l’état physiologique et fonctionnel du patient. Le bilan d’extension est donc une étape primordiale, car il permet de déterminer le stade de la maladie par l’établissement de sa classification TNM.

De l’exhaustivité de ce bilan va dépendre la justesse de la décision, il doit être réalisé le plus rapidement possible. En cas de non disponibilité de la TEP-TDM les anciennes recommandations restent valables.

Les patients sont alors répartis en deux groupes au pronostic distinct : ceux dont la maladie est localisée (stade I, II ou III), qui peuvent bénéficier d’un traitement locorégional, et ceux découverts d’emblée au stade métastatique (stade IV), dont la survie globale est beaucoup plus sombre.

Au moment de la présentation du dossier à la RCP pour une décision thérapeutique, l’ancienneté de la date de réalisation du bilan pré-thérapeutique ne doit pas excéder 6 semaines.

Ce bilan d’extension est réalisé aujourd’hui selon la nouvelle classification de l’IASLC (8eédition) [20].

 

Tableau 2 : Classification TNM (8e édition)[20].

Stade

TNM

Description

T = tumeur primaire (taille tumorale de la plus grande dimension) ; N = ganglion régional ; M = métastase à distance.

Carcinome occulte

TX, N0, M0           

TX = Tumeur primaire non connue ou tumeur prouvée par la présence de cellules malignes dans les sécrétions broncho-pulmonaires mais non visible aux examens radiologiques et endoscopiques               

N0 = Aucune métastase ganglionnaire régionale.                      

M0 = Aucune métastase à distance.

0

Tis, N0, M0           

Tis= carcinome in situ : SCIS= carcinome épidermoïde in situ ; AIS= adénocarcinome in situ (Adénocarcinome lipidique pur ≤3 cm dans la plus grande dimension) N0.M0

IA1

T1a(mi), N0, M0  

T1a, N0, M0

T1 = Tumeur ≤3 cm, entourée par du poumon ou de la plèvre viscérale, sans évidence d’invasion plus proximale que les bronches lobaires à la bronchoscopie (c’est-à-dire pas dans les bronches souches).

T1a(mi) = Adénocarcinome minimalement-invasif : adénocarcinome (≤3 cm dans la plus grande dimension) principalement lipidique et une invasion ≤5 mm.N0.M0

T1a = Tumeur ≤1 cm. N0. M0

IA2

T1b, N0, M0

T1b = Tumeur> 1 cm mais ≤2 cm N0. M0

IA3

T1c, N0, M0

T1c = Tumeur> 2 cm mais ≤3 cm N0. M0

IB

T2a, N0, M0

T2 = Tumeur de plus de 3 cm, mais de moins de 5 cm OU avec un quelconque des éléments suivants

·   Envahissement d’une bronche souche quelle que soit sa distance par rapport à la carène mais sans envahissement de la carène,

·   Envahissement de la plèvre viscérale,

·   Existence d’une atélectasie ou pneumonie obstructive

T2a = Tumeur> 3 cm mais ≤4 cm.N0.M0

IIB

T1a, N1, M0         

T1a. N1 = Métastases ganglionnaires péri-bronchiques homolatérales et/ou hilaires homolatérales incluant une extension directe. M0

T1b, N1, M0

T1b.N1.M0

T1c, N1, M0

T1c. N1.M0

T2a, N1, M0

T2a. N1. M0

T2b, N1, M0

T2b = Tumeur> 4 cm mais ≤5 cm. N1. M0

T3, N0, M0           

T3 = tumeur> 5 cm mais ≤ 7 cm ou envahissant directement l’un des éléments suivants : plèvre pariétale, paroi thoracique (y compris les tumeurs du sommet), nerf phrénique, péricarde pariétal ; ou des nodules tumoraux séparés dans le même lobe que le primaire

N0. M0

IIIA

T1a, N2, M0         

T1a. N2= Métastases dans les ganglions médiastinaux homolatéraux et/ou dans les ganglions sous-carénaires. M0

T1b, N2, M0

T1b. N2.                M0

T1c, N2, M0

T1c. N2. M0

T2a, N2, M0

T2a. N2. M0

T2b, N2, M0

T2b. N2. M0

T3, N1, M0

T3. N1. M0

T4, N0, M0           

T4 = tumeur> 7 cm ou tumeur de toute taille envahissant un ou plusieurs des éléments suivants : diaphragme, médiastin, cœur, gros vaisseaux, trachée, carène, nerf récurrent, œsophage, corps vertébral ; ou associée à des nodules tumoraux séparés dans un lobe ipsilatéral différent de celui du lobe de la tumeur primaire. N0. M0

T4, N1, M0

T4. N1. M0

IIIB

T1a, N3, M0         

T1a. N3 = Métastases ganglionnaires médiastinales controlatérales ou hilaires controlatérales ou scaléniques, sus-claviculaires homo-ou controlatérales. M0

T1b, N3, M0

T1b. N3. M0

T1c, N3, M0

T1c. N3. M0

T2a, N3, M0

T2a. N3.M0

T2b, N3, M0

T2b. N3. M0

T3, N2, M0

T3. N2. M0

T4, N2, M0

T4. N2. M0

IIIC

T3, N3, M0

T3. N3. M0

T4, N3, M0

T4. N3. M0

IV

IVA

Tout T, Tout N, M1a

Tout T, Tout N, M1b

Tout T, Tout N

M1a = Nodule (s) tumoral (aux) séparés dans un lobe controlatéral, ou nodules pleuraux ou pleurésie maligne ou péricardite maligne

M1b = Une seule métastase extra-thoracique dans un seul organe

IVB

Tout T, Tout N, M1c

 

M1c = Plusieurs métastases extra-thoraciques dans un seul ou plusieurs organes

A.   Tumeur potentiellement accessible à un traitement locorégional

La classification TNM comprend une évaluation du statut tumoral (T), ganglionnaire (N) et métastatique (M)

Évaluation du statut tumoral (T)

  • TDM thoracique avec injection de produit de contraste
  • Bronchoscopie souple avec biopsies des éperons adjacents
  • IRM thoracique si tumeur de l’apex, suspicion d’atteinte vertébrale, médullaire, vasculaire (artère sous-clavière)
  • Échographie cardiaque endo-œsophagienne si doute sur une atteinte atriale

 

Évaluation du statut ganglionnaire (N)

  • TEP-TDM ou TDM thoracique si TEP non disponible
  • Confirmation histo-cytologique en cas d’hypermétabolisme ganglionnaire médiastinal à la TEP-TDM ou de ganglions médiastinaux> 15 mm à la TDM
  • Examen de référence : médiastinoscopie cervicale
  • Alternative : technique mini-invasive (ponction-biopsie transbronchique avec ou sans échoguidage, transoesophagienne échoguidée ou transthoracique) – médiastinoscopie indiquée si examen non contributif.

Évaluation du statut métastatique (M)

  • Examen clinique minutieux
  • Imagerie cérébrale systématique (TDM avec injection de produit de contraste si pas de contre-indication ou IRM)
  • TEP-TDM si non disponible (TDM abdominale ou échographie abdominale + scintigraphie osseuse)
  • Les zones fixantes à la scintigraphie doivent être explorées par des examens radiologiques appropriés.
  • En cas d’épanchement pleural, la ponction pleurale pour examen cytologique est recommandée : si cet examen est non contributif, une biopsie pleurale doit être faite (à l’aiguille et si négative thoracoscopie)
  • La recherche de la preuve histologique d’une lésion métastatique n’est justifiée que si celle-ci est unique et si cela peut modifier la stratégie thérapeutique.
  • Confirmation anatomopathologique de toute métastase susceptible de modifier le traitement

 

B.    Tumeur non accessible à un traitement locorégional

  • TEP-TDM non indiquée
  • En présence de signes d’appel, des examens complémentaires sont discutés selon la localisation suspectée et l’incidence thérapeutique attendue.

Bilan fonctionnel

Le bilan fonctionnel avant résection pulmonaire pour CBNPC a pour but de détecter les patients à risque de complications cardio-respiratoires per-opératoires. Il doit estimer le risque opératoire de la résection pulmonaire envisagée, identifier des actions ciblées pouvant diminuer ce risque ou en l’absence de telles actions, orienter vers des techniques chirurgicales moins invasives, voire vers des thérapies palliatives.

Évaluation clinique

Doit se faire chez un patient au mieux de sa forme, après arrêt du tabagisme et traitement des pathologies associées. Elle se focalisera sur les sphères respiratoire et cardio-vasculaire.

Bilan respiratoire préopératoire

Pour l’évaluation de la fonction respiratoire, la mesure du VEMS est indiquée en première intention. Selon les résultats du VEMS une démarche pouvant être divisée en trois étapes est recommandée (Fig 5).

CLI10

DLCO/ POP : valeur postopératoire prédite de la diffusion pulmonaire du monoxyde de carbone ; VEMS/POP : valeur postopératoire prédite du volume maximum expiré en 1 seconde ; VO2 max : consommation maximale d’oxygène (ml/kg/min) ; VT : valeur théorique.

Figure 5 : Algorithme de l’American Collège of Chest Physicians) [21].

Évaluation du risque cardio-vasculaire

Pour une pneumonectomie, les maladies cardio-vasculaires et l’âge sont les principaux facteurs de risque pour une complication cardio-pulmonaire [22]. L’évaluation du risque cardiologique est donc indispensable et bien codifiée [23]. Le bilan cardiologique minimum devrait comprendre une anamnèse des facteurs de risque et un ECG. Le bilan doit également rechercher d’autres comorbidités telles qu’anévrismes aortiques, sténoses carotidiennes, cirrhose hépatique, anémie préopératoire.

7.    Conclusion

Le cancer bronchique est un cancer fréquent et de mauvais pronostic dont le diagnostic à un stade précoce, associé à une résection chirurgicale carcinologique complète, offre les meilleures chances de guérison. Un bilan d’extension et fonctionnel de qualité sont donc essentiels pour une sélection optimale des patients opérables. Le scanner est l’examen de première intention permettant d’identifier les stades métastatiques évidents ou les envahissements ganglionnaires massifs. Dans les autres cas, le TEP-scanner a un rôle essentiel pour le bilan d’extension ganglionnaire et métastatique, cerveau exclus. La stadification repose actuellement sur la 8ème édition de la classification TNM qui met l’accent sur l’importance de la taille de la tumeur, ainsi que sur le caractère particulier des tumeurs oligo-métastatiques de meilleur pronostic. Le rôle du TEP-TDM est fondamental dès lors que la tumeur n’apparait pas d’emblée métastatique sur le scanner. Toute adénopathie ou masse périphérique hypermétabolique doit être prélevée pour analyse histologique si leur confirmation tumorale modifie la prise en charge thérapeutique.

 

Liens d’intérêts : L’auteure déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec cet article.

Références

  • Freddie Bray, et al Global Cancer Statistics 2018: GLOBOCAN Estimates of Incidence and Mortality Worldwide for 36 Cancers in 185 Countries .Ca Cancer J Clin 2018;68:394 424
  • Registre des cancers d’Alger 2015INSP
  • Dela Cruz CS, Tanoue LT, Matthay RA. Lung cancer: epidemiology, etiology, and prevention. Clin Chest Med 2011 ;32 : 605–44.
  • Cancer du poumon, Bilan initial. Collection Recommandations et référentiels, ouvrage collectif édité par l’INCa, Boulogne- Billancourt, juin 2011.
  • Jouneau, M. Kerjouan, R. Corre, P. Delaval, B. Desrues. Sémiologie des maladies respiratoires EMC – Pneumologie 1Volume 12 > n◦2 > avril 2015
  • Tomiyama N, Mihara N, Maeda M, et al. CT-Guided biopsy of small pulmonary nodules: value of respiratory gating. Radiology 2000;217: 907- 910.
  • Jeanbourquin D, Bensalah J, Duong K, Foerenbach H, Arnaud FX, Padovani B, et al. Chapitre 6. Pathologie tumorale du parenchyme pulmonaire. 2013.
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